Redéfinir le rapport normal au corps par l’étude de la psychopathologie

Clinique de l’anorexie mentale et éléments définitionnels 

Sémiologie 

Interrogée par des chercheurs, une jeune femme anorexique se présentait ainsi :

« J’ai été dépressive toute ma vie. Je n’ai aucune estime de moi-même. Je me déteste. Je ne pense pas être suffisamment valable. Je ne pense pas pouvoir égaler les accomplissements de mon frère. Je ne dis à personne comment je me sens. Je me punis beaucoup. Je n’ai pas le sentiment d’avoir la moindre qualité positive même si les gens me disent que j’en ai beaucoup. Je me parle beaucoup, c’est comme un rituel, par exemple à chaque fois que je mange ou fais quelque chose de travers, je me dis que je me hais de manière répétée. Je me soumets à rude épreuve en dormant et mangeant très peu. Je dois constamment travailler et m’activer. Quand je suis à l’école ou à l’extérieur et en public, j’agis complètement différemment et personne ne soupçonne que je suis dépressive. Mes parents viennent à peine de se rendre compte que personne ne sait rien de moi. Je ne sais pas. Je pense que je ne suis bonne à rien. C’est tout. »

Avant d’en venir à l’exploration conceptuelle de ce témoignage et de ses différents aspects, précisons les signes cliniques du diagnostic d’anorexie mentale. Ce diagnostic se fait d’après la « triade anorexie, amaigrissement et aménorrhée »

Ainsi que nous l’écrivons dans notre article, « L’anorexie mentale : une fatigue de ne pas être soi ? », « l’anorexie – du grec anorexia, dérivé, avec le préfixe an privatif, de orexis (« désir, appétit »), et signifiant littéralement « absence d’appétit » – constitue un syndrome diagnostique indépendant à titre d’anorexie mentale, et n’est pas une simple perte d’appétit rattachée à une maladie organique ou à un syndrome psychopathologique (par exemple l’hystérie ou la dépression) » :

« […] [Suite] à l’intégration des pratiques de jeûne dans la sphère de compétence médicale, l’anorexie passe, dans le dernier tiers du XIXe siècle, du statut de symptôme de diverses maladies, notamment organiques, à celui d’entité diagnostique ou symptomatique. »

Ainsi, il ne s’agit pas d’absence d’appétit, mais, pourrait-on dire, du contraire : les jeunes filles anorexiques choisissent de lutter contre une faim qu’elles vivent de manière honteuse, comme s’il s’agissait d’une voracité ou d’un désir sensuel coupable. Il y a donc un positionnement de nature morale net : le sujet ne doit pas se laisser aller à ses besoins et désirs – ces deux plans étant d’ailleurs peu distingués, comme si le désir empiétait constamment sur le besoin. Aussi la fréquentation d’une anorexique étonne-t-elle d’abord par l’omniprésence du thème de la nourriture, le caractère obnubilant de celle-ci – Hilde Bruch parle d’un « énorme intérêt pour la nourriture » –, dont nous verrons qu’il est au moins autant la conséquence du jeûne prolongé qu’un trait qui préexiste à ce-dernier. Dans la phase d’amaigrissement qui marque le début d’une anorexie mentale, cependant, la faim s’atténue sous l’effet des restrictions répétées :

« Même s’il y a allégation d’inappétence ou de gastralgie, la persistance de la sensation de faim est habituelle, au moins au début. Cette sensation de faim est parfois recherchée en tant que telle, comme une tension qui donne des sentiments d’élation et de contact plus grand avec le corps ainsi maîtrisé, assujetti à la volonté. […] Au cours de l’évolution, la sensation de faim tend à se restreindre, comme dans toute insuffisance régulière des apports. »

Le sujet anorexique pratique la restriction alimentaire autant par désir de perdre du poids que par angoisse phobique d’en prendre , l’estime de soi étant étroitement associée à l’apparence physique . L’anorexie mentale débute fréquemment par l’un ou l’autre de ces deux scénarios :

– Un régime alimentaire initial qui dégénère en trouble du comportement alimentaire (TCA) ;
– Une perte de poids initiale et involontaire qui se poursuit en TCA.

Il est courant que l’anorexie mentale apparaisse chez des jeunes filles ayant préalablement connu des insatisfactions répétées avec leur poids ainsi qu’avec des régimes alimentaires de courte durée. L’anorexie mentale rompt alors avec une frustration et une insatisfaction prolongées dans l’expérience du corps, et s’installe sur fond d’une tendance « naturelle » à le considérer comme gros et imparfait. À mesure que progresse le trouble et la perte de poids, cette dernière se « technicise » et l’alimentation devient minutieusement réglementée, avec l’éviction progressive de certains aliments (trop riches, gras, sucrés, etc.) tenus pour définitivement interdits, et la ritualisation d’une prise alimentaire extrêmement normée quantitativement et qualitativement. Parallèlement, se développent des pensées obsessionnelles et délirantes associées à la nourriture et la prise de poids : peur que l’eau ou le dentifrice fassent grossir, ou encore l’application d’un baume hydratant pour les lèvres, etc. :  « Je ne lécherai même pas un timbre-poste, on ne sait jamais avec les calories. »

Les repas « en société », avec des amis ou dans un contexte familial, deviennent très problématiques et le sujet anorexique prend l’habitude de la mythomanie et de la dissimulation quant à ses pratiques alimentaires, qu’il sait opposées à la « norme » mais qu’il ne caractérise pas comme « pathologiques ». Le déni de la maladie est constitutif du diagnostic dans une grande majorité de cas, du moins dans les premières phases du développement du TCA .

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Table des matières

Introduction : la nature du rapport entre normal et pathologique
Chapitre 1 : état des lieux des connaissances & méthode
I – Eléments définitionnels de l’anorexie mentale
a) Sémiologie
b) La personnalité (pré)anorexique
c) Conséquences physiologiques de l’amaigrissement et comorbidités
psychiatriques
d) Epidémiologie
II – Présentation succincte des différents modèles étiologiques
a) Le modèle psychanalytique
b) Le modèle féministe
c) Le modèle médical
Chapitre 2 : le modèle hégélien de l’anorexie mentale. Désir d’expression de la subjectivité ou fatigue d’être soi ?
I – Un corps sur mesure ? Conscience de soi corporelle et modèle hégélien
de l’anorexie mentale
a) Les différentes dimensions de la conscience de soi corporelle
b) Le conflit tridimensionnel et la solution anorexique
II – La fatigue de devenir soi-même : anorexie et dépression
a) L’individu souverain et le complexe de toute-puissance narcissique
b) Fatigue d’être soi et angoisse de l’accomplissement individuel prédisposent
au développement du comportement anorexique
Chapitre 3 : la stratégie anorexique. Se soustraire à l’expression de soi et à la demande de reconnaissance
I – Se soustraire à l’expression de soi
a) La stratégie accélératrice du comportement addictif
b) Devenir un genre de personne plutôt que soi-même ; de l’impuissance à la
toute-puissance
c) L’euphorie de ne pas être soi : de la dépersonnalisation négative à la
dépersonnalisation positive
d) La vie d’une autre
e) La maigreur exprimant le genre de soi au lieu des mots exprimant le soi
II – Se soustraire à la demande de reconnaissance et dépasser la séduction
a) Anorexie mentale et représentations sociales associées à la maigreur
b) Neutraliser la part aléatoire du jugement social
c) Systématiser le jugement social
Chapitre 4 : l’échec de la stratégie anorexique. L’anorexie mentale est une production aliénée de soi-même
I – Le faux travail anorexique
a) Le travail du corps ou le corps comme capital
b) Le risque d’échec constitutif du vrai travail
II – Le sujet anorexique est un travailleur sans objets
a) La maigreur ne devient jamais objet
b) La maigreur ne devient jamais une seconde nature
c) Un constat d’échec
Chapitre 5 : vers la rémission. Le rapport « normal » au corps
I – La résurgence du biologique comme facteur d’une prise de conscience
a) Narration subjective omnipotente et effraction biologique
b) Automutilation et auto-empathie
II – La thérapie est un apprentissage : esquisse d’un rapport « normal » au corps
a) Normalité sociale externe et norme corporelle immanente
b) Apprendre à tolérer et à élaborer les émotions
c) Pâtir les émotions, renoncer à la toute-puissance subjective
d) La guérison n’est pas un retour à l’état antérieur
Conclusion : l’anorexie mentale est-elle une variation quantitative du
rapport normal au corps et à soi ?
1. Le sujet anorexique est-il malade ? Le basculement de la santé à la maladie
et sa prise de conscience comme catalyseur de la rémission
2. De l’anomalie à l’état pathologique. L’état pathologique est-il une variation
quantitative, qualitative ou un état sui generis par rapport à l’état normal ?
Bibliographie
Annexe

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