Le recyclage des déchets composites est un sujet d’actualité de plus en plus important, notamment pour la pérennité de la filière industrielle des composites. Plusieurs entreprises de différents domaines cherchent constamment de nouvelles solutions de recyclage, susceptibles d’économiser le coût de leur recyclage, pour leurs produits en fin de vie mais aussi pour leurs chutes de production. Elles sont ainsi susceptibles d’économiser le coût de leur destruction ou de leur enfouissement. Parmi ces industries, on trouve l’aéronautique, l’automobile, la construction et le nautisme qui utilisent souvent les matériaux composites. En effet, ces matériaux présentent des bonnes performances qui leur permettent d’occuper une part importante du marché mondial de production des matériaux. Leur taux de production est de l’ordre de 18 mégatonnes en 2019 [1]. A l’échelle mondiale, les grands producteurs de composites sont la Chine (28 %), l’Amérique du Nord (26 %) et l’Europe (21 %) [1].
Cette importante production génère un grand flux de déchets qui reflète les difficultés du recyclage de ces matériaux. Les composites polyester renforcés de fibres de verre sont les composites les plus produits au niveau mondial en 2019 [1]. Ce sont donc les composites qui présentent le taux de déchets le plus élevé mais ils soulèvent plusieurs problèmes lors de leur recyclage comme la dégradation des fibres. Toutes les solutions actuelles : mécaniques, thermiques et chimiques présentent plusieurs inconvénients dont les plus importants sont le coût du procédé (au regard du coût des matières premières) et la dégradation des propriétés des renforts. Le challenge est ainsi de chercher des solutions de recyclage pour ce type de matériaux permettant leur traitement et valorisation en fin de vie ainsi que celui de leurs rebuts de production, d’une manière économique et fiable, en conservant le plus possible de leurs propriétés physiques.
Cette thèse s’inscrit dans le cadre du programme CIPITAP [3] qui est un projet de l’Icam dont un des buts est de recycler les déchets composites. Il est en partie financé par les fonds européens FEDER (Fonds européens de développement régional) via la région Pays de la Loire Nos travaux ont pour objectif de proposer et étudier une nouvelle méthode thermomécanique de recyclage des pièces en composites polyesters renforcés de fibres de verre de grandes dimensions, comme les coques des bateaux et les pales d’éoliennes. Cette alternative est le laminage par une calandre chauffée. C’est la première fois que ce procédé va être appliqué aux composites polyesters renforcés de fibres de verre afin de les mettre en forme à chaud. Ces matériaux sont endommagés par les techniques de recyclage actuellement disponibles, comme le broyage, si une revalorisation sous forme de matériaux est recherchée. Il est donc nécessaire de développer un procédé peu onéreux respectant le plus possible les propriétés du composite. Le laminage est un procédé candidat en raison de son faible coût économique comparativement à d’autres procédés (solvolyse, pyrolyse, broyage).
Ayant remarqué que le module élastique de ces résines polyesters chute fortement (divisé par 10) lorsque la température dépasse 100°C qui représente leur température de transition vitreuse, Tg, et que leur déformation à la rupture augmente fortement également, il est proposé d’étudier leur déformation au moyen d’une calandre dans cette plage de température. Ainsi, une application du laminage en utilisant une calandre chauffée aux composites polyester/fibres de verre aux alentours de leur Tg, pourrait consister à les redresser ou à les dégauchir. Une étude de possibilité d’amincissement des pièces en composite polyester en fibres de verre, dans nos conditions, est également réalisée afin de déterminer si le laminage à chaud permet la réduction de celle-ci.
Généralités sur les composites
Définitions
Un composite est défini comme l’assemblage de deux ou plusieurs matériaux non miscibles dont les propriétés se complètent, en constituant un nouveau matériau. Ce matériau possède plusieurs caractéristiques dont la plus intéressante est le gain de masse apporté, au regard des excellentes caractéristiques mécaniques [4]. De même, ce type de matériau est caractérisé par sa grande résistance à la fatigue et son faible taux de vieillissement sous l’action de l’humidité, de la chaleur et de la corrosion.
Le matériau composite est composé principalement d’une matrice et d’un renfort. La cohésion entre eux est assurée par l’interface qui assure la compatibilité renfort/matrice et la transmission des contraintes de l’un à l’autre sans déplacement relatif. Des charges et des additifs peuvent être ajoutés au composite sous forme d’éléments fragmentaires, de poudres ou de liquide, pour modifier ou améliorer ses propriétés comme la tenue aux chocs, la résistance aux UV, …
Matrice
Le rôle de la matrice est de lier les différents composants du renfort et de lui transmettre les contraintes. Elle assure également son maintien sous une forme compacte, en le protégeant de l’environnement. Il existe deux grandes catégories de matrices qui sont les résines thermodurcissables (TD) et les résines thermoplastiques (TP) [5]. La principale différence entre elles est que, lors de la mise en forme, la transformation est réversible pour la structure des TP formée par des chaînes de polymères indépendantes, c’est-à-dire non connectées par des liaisons chimiques covalentes, alors que la structure tridimensionnelle des TD est obtenue par la formation de liaisons covalentes, la transformation est alors irréversible et la matrice n’est plus alors constituée que d’une seule molécule.
➢ Les résines thermodurcissables
Actuellement, il existe plusieurs types de résines thermodurcissables utilisées dans le monde dont les plus employées, en particulier dans la mise en œuvre dans les industries [6], sont les résines polyesters insaturées et les résines époxydes.
✓ Résines polyesters insaturées
− Structure
La résine polyester insaturée est obtenue par mise en solution dans un solvant réactif, souvent du styrène, de molécules de polyester insaturé. Ces dernières sont obtenues par la polycondensation de l’acide maléique (acide carboxylique insaturé), d’un acide phtalique et d’un polyalcool (éthanediol-1,2). Le taux d’acide maléique permet de contrôler la densité de réticulation de la résine. Lors de la mise en œuvre sont rajoutés un peroxyde (initiateur de la réaction radicalaire en chaîne entre le styrène et l’acide maléique provoquant la réticulation des chaînes de polyester) et un catalyseur comme les ions de cobalt. Le taux de styrène a une influence sur la viscosité initiale de la résine et sur ses propriétés finales, par exemple sa fragilité et sa résistance aux produits chimiques [9]. Il existe de nombreuses formules de résine polyester insaturée différentes par les diols, les acides et les concentrations relatives. Toutefois, une première classification se fait sur la nature de l’acide phtalique, les résines orthophtaliques et les résines isophtaliques. Les résines polyester orthophtaliques sont les formules les plus courantes de résines polyesters insaturées. Elles sont synthétisées à partir d’anhydrides orthophtaliques (saturés) et maléiques (insaturés). Cette synthèse permet de contrôler le degré de réticulation de résine Les résines polyester orthophtaliques sont peu onéreuses. Cependant, leurs résistances thermiques et chimiques sont limitées. En effet, elles sont caractérisées par une prise importante en eau. Ce qui rend les composites renforcés de fibres plus réactifs à l’humidité, en affectant leur durabilité. Elles possèdent aussi un retrait important qui rend le tirage de pièces en moule difficile. Les résines isophtaliques sont synthétisées à partir d’acide isophtalique. Elles sont plus chères et plus visqueuses que les résines orthophtaliques, elles possèdent une meilleure résistance chimique et à l’hydrolyse.
− Propriétés
Les résines polyesters insaturées présentent une bonne rigidité résultant d’un module d’élasticité assez élevé et une bonne tenue chimique [2]. Elles assurent une bonne mouillabilité des fibres. Elles sont faciles à mettre en œuvre et leur polymérisation se fait à la température ambiante. De plus, leur coût de production est faible par rapport à d’autres matériaux comme les résines époxy. Mais, leur tenue en température, inférieure à 120 °C en service continu, est médiocre [6]. Elles sont sensibles à la fissuration et peuvent se dégrader sous l’effet des rayons ultraviolets. Ces résines sont aussi considérées comme inflammables, à cause de la présence du styrène. Les résines polyester insaturées sont fréquemment utilisées pour la fabrication des bateaux, cuves, éoliennes, …
✓ Les résines époxydes
Ce sont les résines les plus utilisées après les résines polyesters insaturées. Toutefois, elles ne représentent que 5% du marché des composites, à cause de leur prix élevé [5] (de l’ordre de 5 fois le prix des résines polyesters). Les résines époxydes offrent des bonnes propriétés mécaniques (en traction, flexion, compression, choc, fluage, etc.) qui sont supérieures à celles des polyesters. De plus, elles ont une excellente résistance chimique et une bonne tenue à des températures un peu plus élevées (jusqu’à 160°C) [5]. Malgré leur bonne mouillabilité des renforts, les résines époxydes sont sensibles à la fissuration. Elles possèdent un temps de polymérisation assez long.
➢ Les résines thermoplastiques
Les résines thermoplastiques sont des matériaux polymères constitués de macromolécules linéaires qui peuvent se mettre en forme à l’état visqueux à une température supérieure à leur température de transition vitreuse ou de fusion (Tf). Il existe plusieurs résines thermoplastiques comme : le polychlorure de vinyle (PVC), le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP), etc. Sous l’effet de chaleur, elles peuvent être ramollies d’une manière réversible de sorte qu’elles peuvent être extrudées ou coulées dans un moule et qu’elles durcissent à nouveau lors de leur refroidissement.
Renfort
Les renforts permettent d’améliorer certaines propriétés physiques comme la résistance à l’abrasion, la contrainte à la rupture… Pour cela, il faut qu’ils possèdent des caractéristiques mécaniques élevées et une masse volumique faible. Ils doivent également être compatibles avec les résines. Pour caractériser le composite, la connaissance de la forme, de l’origine, de la disposition, de la taille et de la distribution de son renfort, est nécessaire. En effet, il existe plusieurs origines de renfort, tout dépendant de leurs utilisations.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Contexte de la thèse : étude bibliographique
I.1- Introduction
I.2- Généralités sur les composites
I.2.1- Définitions
I.2.1.1- Matrice
I.2.1.2- Renfort
I.2.2- Techniques de mise en œuvre
I.3- Contexte de l’étude
I.3.1- Impératif du recyclage de composite
I.3.2- Cadre général réglementaire concernant le recyclage
I.3.3- Méthodes de réutilisation et de recyclage des composites
I.3.3.1- Le recyclage mécanique
I.3.3.2- Recyclage thermique
I.3.3.3- Recyclage thermochimique
I.4- Objectifs de la thèse
I.4.1- Laminage
I.4.1.1- Définition
I.4.1.2- Propriétés du laminage à chaud
I.4.1.3- Défauts de laminage
I.4.2- Calandrage des élastomères et caractéristiques de la calandre
I.4.2.1- Calandrage des élastomères [22]
I.4.2.2- Caractéristiques de calandre [26]
I.5- Caractérisation thermochimique et thermomécanique
I.5.1- Caractérisation thermochimique
I.5.2- Caractérisation thermomécanique
I.5.2.1- Comportement dynamique en fonction de la température
I.5.2.2- Etude d’endommagement et de vieillissement de polymères
Généralités sur l’endommagement
Etude du comportement cyclique
I.6- Caractérisation tribologique de composite : étude bibliographique
I.6.1- Généralités de la tribologie de composite
I.6.2- Paramètres influençant la tribologie
Influence de la composition du composite
Température
Force normale
Vitesse de glissement
Rugosité
I.7- Modélisation thermomécanique du laminage : méthodes de résolution
I.7.1- Modélisation mécanique
Méthode de l’énergie de déformation [19]
Méthode des lignes d’écoulement [19]
Méthode des bornes supérieures (MBS)
Méthode des tranches
Méthode des éléments finis (FEM)
Conclusion
I.7.2- Modélisation thermique
I.8- Considérations opérationnelles
I.9- Conclusion
Chapitre II : Caractérisation thermomécanique du comportement des composites polyester/fibres de verre
II.1- Introduction
II.2- Procédés et matériaux utilisés
II.2.1 – Procédé d’élaboration du composite étudié
II.2.2 – Composition du composite étudié
II.3- Caractérisation thermochimique de composites
II.3.1 – Essais et protocoles utilisés pour le DSC
II.3.2 – Résultats
II.4- Caractérisation thermo-mécanique du composite LU1
II.4.1 – Etude mécanique statique de la résine polyester et du composite LU1
II.4.1.1 – Essais de traction statique de la résine polyester
II.4.1.2 – Essais de traction statique du composite LU1
II.4.1.3 – Essai de flexion statique du composite LU1
II.4.2 – Etude Dynamique de du composite LU1
II.4.2.1 – Dispositif et essais expérimentaux
II.4.2.2 – Résultats et discussions
Conclusion
II.5- Etude d’endommagement et de vieillissement de composite
II.5.1- Etude d’endommagement
II.5.2- Caractérisation d’endommagement et du vieillissement et ses protocoles
II.5.2.1- Vieillissement thermo-mécanique de résine : traction cyclique à haute température
II.5.2.2- Vieillissement thermo-mécanique du composite : traction cyclique à haute température
II.5.2.3- Vieillissement thermochimique : hydrolyse à différentes températures
II.6- Conclusion
Chapitre III : Caractérisation tribologique de composites de résine polyester insaturée renforcé de fibres de verre
III. 1 – Introduction
III. 2 – Matériaux et procédé expérimental
III. 2 .1 – Dispositif expérimental
III. 2 .2 – Résultats des essais de frottement du composite LU1 et de sa matrice
III.2. 2. 1 – Mesures de coefficient de frottement et interprétations
III.2. 2. 2 – Influence de la température
III.2. 2. 3 – Influence de l’épaisseur
III.2. 2. 4 – Influence de la rugosité
III.2. 2. 5 – Influence de la vitesse de glissement
III.2. 2. 6 – Influence de la force normale
III.2. 2. 7 – Comparaison des essais en traction avec ceux en compression
III. 3 – Conclusion
Chapitre IV : Modélisation thermo-mécanique du laminage : méthodes et modèles de calcul
Conclusion générale