Recyclage des DEEE
Le recyclage est un domaine d’étude qui connait de plus en plus d’émancipation et attire un grand nombre d’industriels et de chercheurs de tous les domaines. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons à mettre en place différentes approches et techniques de caractérisation et de prédiction qui permettraient en perspective de promouvoir le recyclage des matières plastiques et plus précisément les déchets issus des équipements électriques et électroniques connus sous le nom des DEEE.
Les DEEE
D’après l’ADEME, un équipement électrique et électronique (EEE) est un équipement qui fonctionne grâce à un courant électrique ou à un champ électromagnétique, ou un équipement de production, de transfert ou de mesure de ces courants et champs, conçu pour être utilisé à une tension ne dépassant pas 1000 volts en courant alternatif et 1 500 volts en courant continu [2]. On peut en déduire que cette définition regroupe donc un grand nombre d’appareils avec des dimensions et poids très variés : machine à laver, téléphone portable, télévision, perceuse, distributeur automatique, thermomètre électronique, lampe, outil d’analyse, etc. Les DEEE sont composés de verre, de matières plastiques, de métaux et d’autres substances tels que les métaux lourds et les ignifugeants [3–8], qui peuvent constituer une menace pour la santé humaine et l’environnement. En effet, les « DEEE » contiennent des substances dangereuses telles que les PCB (polychlorobiphényle), le cadmium et le mercure [4]. Plus généralement, lorsqu’ils sont déchargés, les polymères peuvent présenter un risque pour l’environnement en raison de leur processus de dégradation très long et la présence de certains additifs comme les retardateurs de flamme (RF). Actuellement, on peut constater une augmentation de la consommation d’équipements électriques et électroniques (EEE), qui est souvent le résultat du progrès technologique et d’un modèle de consommation visant l’acquisition de nouveaux produits et leur remplacement rapide. Ceci, à son tour, conduit à la génération accélérée des déchets d’équipements électriques et électroniques [5]. La production mondiale des DEEE a été estimée à environ 20 à 50 Mt par an, constituant 1 à 3 % des déchets municipaux [9]. Les pays de l’UE ont généré environ 9,6 Mt de DEEE. Le dépôt de DEEE qui en résulte a augmenté d’environ 8,5 Mt en 2005 à 10,5 Mt en 2014 [4].
Aspects réglementaires
Certains pays possèdent des législations en matière de gestion des DEEE. En Europe, par exemple, il existe deux directives: 2002/95/CE et 2002/96 /CE [3, 5, 10–12]. La directive 2002/95/CE (RoHS) entrée en vigueur en 2005, restreint l’utilisation de cadmium, de mercure, de chrome hexavalent, de plomb, le biphényle poly bromé et le diphényle poly bromé Éthers dans les EEE (Union européenne 2003a) tandis que la directive 2002/96/CE couvre 10 catégories d’équipements électriques et électroniques et se concentre sur la gestion des DEEE par voie de réutilisation, de recyclage et d’autres formes de récupération selon la hiérarchie des déchets (Union 2003b) [12].
L’Union européenne a développé la législation RoHS pour la restriction de l’utilisation de certaines substances dangereuses. La directive vise à inciter les producteurs à prendre l’initiative d’améliorer la conception de leurs produits et de les rendre plus faciles à recycler [9], notamment dans le cas des mélanges de polymères très complexes qui sont difficiles à récupérer et à séparer. L’objectif étant de promouvoir les réflexions en matière d’écoconception, de préserver des ressources matérielles et énergétiques tout en préservant les qualités fonctionnelles du produit. Les deux directives ont été conçues pour que les fabricants évaluent l’impact environnemental de leurs produits sur leur cycle de vie et d’assurer leur élimination après leur fin de vie par la responsabilité partagée du producteur [11]. Dix ans après, la première version de la directive européenne DEEE a été révisée et décrétée en 2012/19 / UE. La cible de collecte initialement fixée s’est avérée trop faible, en particulier dans les pays à grande consommation et production de déchets. Avec la version révisée, l’amendement est plus différencié. Par exemple, comme dans de nombreux autres pays européens, la collecte norvégienne des DEEE est presque entièrement guidée par le concept de responsabilité élargie des producteurs ou « Entendent Producer Responsibility (EPR) » qui exige que les producteurs soient responsables de leurs produits en fin de vie [13]. L’EPR est mis en œuvre par un grand nombre de sociétés approuvées par le gouvernement pour la reprise, et traitement des DEEE [6].
Techniques de recyclage
Face au contexte réglementaire environnemental et énergétique restrictif, la production croissante des DEEE au cours des dernières années a poussé les producteurs et concepteurs à mettre l’accent sur les procédés de traitement des DEEE par le biais du recyclage. Cela apporte des avantages économiques mais aussi environnementaux et sociétaux car en l’absence même de la récupération matérielle de ces matériaux, la récupération d’énergie dans le cadre d’un processus d’incinération bien contrôlé permet de récupérer une bonne partie de l’énergie consommée pour la production de ces produits [6].
Le processus de recyclage des DEEE débute généralement par sa collecte et son tri ultérieur en plusieurs composants, tels que les métaux ferreux et non ferreux ainsi que les polymères [5, 14]. Le matériau est alors placé dans des concasseurs compacts. Les résidus des métaux ferreux sont généralement envoyés aux aciéries, le cuivre et l’aluminium aux usines de fonderies, tandis que les polymères sont recyclés dans les usines de recyclage de ces derniers. Les autres composants dangereux et non recyclés sont envoyés à l’élimination par incinération, mis en décharge pour traitement des déchets dangereux [3]. Le recyclage des polymères des DEEE est un processus complexe car les DEEE avec une teneur moyenne en polymère d’environ 30 % en poids, contiennent environ 15 types différents de polymères [8, 15, 16], dont principalement l’acrylonirile-butadiène-styrène (ABS), le polystyrène choc (High Impact PolyStyrene, HIPS), le polypropylène (PP) et le polystyrène (PS) [4, 5, 7, 8]. Il est également fréquent de trouver des retardateurs de flamme bromés (RFBF) comme le bi phényle polybromé (PBB) et les éthers diphényliques polybromés (PBDE). S’ils sont mal éliminés, ces ignifuges peuvent présenter une menace pour la santé humaine et pour l’environnement. Les méthodes de recyclage des matières plastiques les plus courantes sont l’incinération et le recyclage mécanique. La première technique permet la production d’énergie mais a l’inconvénient d’émettre des substances toxiques et nécessite donc un équipement approprié pour leur traitement [16] tandis que le recyclage mécanique permet la séparation des déchets plastiques qui peuvent être réutilisés et réinsérés dans la chaîne de production [17]. Selon Makenji et al [18], le recyclage mécanique des plastiques réduit la consommation d’énergie d’environ 80 % par rapport à la production de polymères vierges.
Un défi majeur pour le recyclage mécanique réside dans la nécessité de bien séparer les déchets plastiques afin d’obtenir un degré élevé de pureté. En général, le recyclage mécanique comprend plusieurs étapes allant de la séparation, le broyage, le lavage, le séchage, l’extrusion à la granulation .
Toutefois, l’un des problèmes de recyclage est lié à l’incompatibilité des différents polymères mis en jeu. En effet, les polymères recyclés seront mélangés avec d’autres polymères et la question est de savoir si le mélange est compatible. Par ailleurs, dans une démarche d’éco conception visant à réutiliser les polymères recyclés avec le moindre coût, d’une part et étant donné, d’autre part, que certaines fractions des polymères ne peuvent pas facilement être dissociées du polymère majoritaire, le recyclage des mélanges des polymères sans tri serait avantageux. Ainsi, une investigation des propriétés des mélanges des polymères est nécessaire pour faciliter le développement de nouveaux polymères tout en s’assurant que leurs performances répondent bien aux exigences des cahiers de charges. La thermodynamique des mélanges des polymères constitue une voie exploratoire pour l’étude de ces propriétés et pourrait dans certains cas constituer un outil d’aide à la décision pour la conception de nouveaux mélanges compatibles.
Thermodynamique des mélanges de polymères
Généralités
Le mélange de deux polymères (Blend) est obtenu par l’association de deux ou plusieurs matériaux de propriétés physiques et chimiques différentes. Très souvent, cette association aboutit à la formation d’une morphologie à phases séparées et d’une incompatibilité marquée, tant à l’état de solution où à l’état solide [19]. Dans sa définition, la compatibilité est une appréciation globale des performances effectives et macroscopiques du mélange. Cette notion est tributaire de plusieurs caractéristiques telles que l’adhésion et la miscibilité entre les phases, la morphologie du mélange, la masse moléculaire des composants et la température. La miscibilité est liée aux forces dispersives de Van der Waals, aux interactions dipôle/dipôle, dipôle/molécules polarisables et aux forces spécifiques telles que les liaisons hydrogènes et les liaisons ioniques [20]. Elle représente le paramètre le plus important pour assurer une bonne compatibilité du mélange et traduit en quelque sorte le potentiel d’affinité et d’interpénétration des chaînes macromoléculaires au niveau microscopique.
Par ailleurs, la thermodynamique des mélanges nous permet de prévoir si un mélange de composition fixée peut ou non être miscible à une température donnée. En effet, selon la température et la composition des mélanges, la miscibilité peut être totale, partielle ou nulle et l’on est généralement amené à construire des diagrammes de phases qui sont basés sur l’étude expérimentale des mélanges. Sur la morphologie, des études [21] ont montré que lorsque les particules de la phase dispersée sont de plus en plus fines, les polymères dans le mélange auront une meilleure compatibilité. Cela s’explique par l’accroissement de la surface de contact entre les deux phases ce qui augmente ainsi les forces d’adhésion et les transferts des propriétés désirées.
Miscibilité des mélanges de polymères- Théorie de Flory-Huggins
Dans le cas de polymères, la miscibilité des différents constituants peut être vérifiée en se basant sur la thermodynamique des mélanges par le calcul de l’enthalpie libre de mélange ΔG donnée par :
ΔG = ΔH – T ΔS (1.1)
Où ΔG représente l’énergie libre du mélange, ΔH l’enthalpie liée aux interactions, ΔS l’entropie du mélange liée aux conformations et au désordre et T la température.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Étude bibliographique
1.1 Recyclage des DEEE
Les DEEE
Aspects réglementaires
Techniques de recyclage
1.2 Thermodynamique des mélanges de polymères
Généralités
Miscibilité des mélanges de polymères- Théorie de Flory-Huggins
Séparation de phase dans les mélanges de polymères
Méthodes courantes d’analyses de la miscibilité des mélanges de polymères
Microstructure et morphologie des mélanges de polymères
1.3 Coalescence des grains de polymères
Coalescence- Généralités
Mécanismes importants de la coalescence
De la coalescence au rotomoulage
Modélisation du phénomène de coalescence (Modèles existants)
Chapitre 2 Matériaux et méthodes
2.1 Préliminaires : Caractérisation des DEEE et principaux résultats
2.2 Matériaux et élaboration des mélanges
Descriptif des Matériaux
Préparation des mélanges
2.3 Caractérisation physico-chimique et thermomécanique
2.3.1 Analyse thermique par DSC
2.3.2 Étude thermomécanique par DMTA
2.3.3 Étude spectroscopique par FTIR
2.3.4 Mesure de tension de surface
2.3.5 Diffraction des rayons X aux grands angles (WAXS)
2.3.6 Observations microscopiques par MEB
2.3.7 Mesures rhéologiques
2.4 Essais de coalescence
Chapitre 3 Étude expérimentale de la miscibilité des polymères
3.1 Cas du couple PVDF/PMMA
3.1.1 Généralités sur le couple PVDF/PMMA
3.1.1 Résultats des analyses thermiques par DSC
3.1.2 Détermination du paramètre d’interaction Flory Huggins
3.1.3 Résultats FTIR et WAXS
3.1.4 Application de la méthode Cole-Cole
3.2 Cas du couple ABS/PC
3.2.1 Résultats des analyses de DSC
3.2.2 Détermination du paramètre Flory-Huggins
3.2.3 Résultats des analyses par DMTA
3.2.4 Résultats FTIR et analyse des interactions moléculaires
3.2.5 Application de la méthode Cole-Cole
3.2.6 Miscibilité des mélanges en solution et effet procédé
3.2.7 Etude morphologique par MEB
Chapitre 4 Étude et modélisation de la coalescence de polymères différents
4.1 Propriétés rhéologiques et interfaciales
Détermination de la viscosité
Détermination du temps de relaxation
Tension de surface
4.2 Résultats expérimentaux de la coalescence et phénomène d’enrobage
4.2.1 Cas du couple PVDF/PMMA
4.2.2 Cas du couple ABS/PC ; Phénomène d’enrobage
4.3 Modélisation de la coalescence des grains différents
4.3.1 Généralisation du modèle de Bellehumeur
4.3.2 Étude probabiliste paramétrique des incertitudes
Chapitre 5 Simulation numérique de la coalescence de polymères différents
5.1 Méthodes pour la simulation de la coalescence
5.2 Simulation numérique de la coalescence de polymères non miscibles sous Fluent
5.2.1 Modélisation numérique- Construction du domaine d’étude
5.2.1 Principe de la méthode VOF
5.2.2 Traitement numérique et interpolation près de l’interface sous Fluent
5.2.2 Application de la méthode VOF pour un mélange non miscible : ABS-PC
5.3 Simulation numérique de la coalescence de polymères miscibles
5.3.1 Principe de la méthode Mixture
5.2.3 Différence entre le modèle Mixture et VOF
5.2.4 Mise en équations
5.2.5 Application de la méthode Mixture pour un mélange miscible
Conclusion générale