Les Postes de Santé (PS)
Selon l’article 39 du Code de la santé, un Poste de Santé est « une unité sanitaire située dans une localité et ayant à sa tête un infirmier diplômé dont le devoir consiste à dispenser des soins de santé primaires et à promouvoir la santé de la collectivité conformément aux objectifs de la santé pour tous ». Ces PS ont très souvent été financés par des dons de pays partenaires de l’Union des Comores, des ONG internationales accréditées aux Comores et des fonds de la diaspora comorienne en France. Ainsi le fond « Don de riz » du gouvernement japonais a permis la construction du PS de Djoezi à Mohéli (Photographie 7). Les PS ont une large couverture sur les communes de chaque île. Chaque PS couvre moins de 10 000 habitants sur la majorité des communes de Mohéli et la Grande Comore (Figure 20). À Anjouan, un PS couvre plus 10 000 habitants sur la majorité des communes et certains d’entre eux dépassent 20 000 habitants par PS (Sima, Bambao et Mtruni) (Figure 20). Il y a ainsi une meilleure couverture des PS à la Grande Comore et Mohéli qu’Anjouan. Cette meilleure couverture à la Grande Comore s’explique par un fort investissement de sa diaspora dans la construction des PS. Certaines communes n’ont aucune localité où existe un PS. Bien que les villages soient proches les uns des autres, la population se déplace moins vers les PS des villages voisins. Plusieurs PS ne fonctionnent pas par manque d’équipement ou de personnel de soins primaires. Ils sont parfois fermés pendant plusieurs mois avant de rouvrir à nouveau.
Une offre de soins privés concentrée dans les centres urbains
Selon l’article 187 du Code de la santé, toute personne de nationalité comorienne, titulaire de diplôme de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et/ou de biologiste médical peut exercer sa profession dans le secteur privé à condition d’être inscrite à l’ordre des médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et biologistes médicaux. Ce droit peut aussi être accordé aux étrangers souhaitant exercer en Union des Comores après une demande adressée au Ministre de la Santé. Les statistiques sur les médecins et les pharmaciens privés sont très mal renseignées. Dans l’annuaire des statistiques sanitaires de 2016 ne figure aucune statistique concernant les médecins et les pharmaciens privés exerçants en Union des Comores. Entre 2001-2012, les cliniques et les cabinets privés représentaient 51% (44/86) des structures sanitaires de la Grande Comore et 35% (15/43) à Anjouan. Aucune clinique ou cabinet privé n’a été identifié à Mohéli dans la même période. Les cliniques ou les cabinets privés de la Grande Comore sont tous localisés dans le district du Centre (Moroni). À Anjouan, plus de 73% (11/15) des cliniques ou des cabinets privés sont localisés à Mutsamudu et au moins un cabinet privé dans les districts d’Ouani, Tsembehou, Domoni et Mrémani. Les médecins privés ne desservent pas les villages ruraux sur l’ensemble des îles ce qui oblige la population à se déplacer pour se rendre dans leur cabinet. En 2015, on dénombre 0,34 pharmacien pour 10 000 habitants dans l’Union des Comores. Ce ratio est en augmentation de 19% par rapport à 2012 (0,23). Les données de 2015 n’indiquent pas le nombre de pharmaciens privés. L’enquête sur le profil pharmaceutique de l’Union des Comores de 2011 montre que sur les 23 pharmacies autorisées à exercer, plus de 83% des pharmaciens proviennent du secteur privé et exercent dans les milieux urbains (75%). Ceci montre un désert en termes de pharmaciens dans les villages ruraux. Afin d’y pallier, le Code de la santé autorise, par l’article 246, l’ouverture de pharmacies villageoises détenues par des structures communautaires après accord du Ministère de la Santé.
Un recours aux soins inégal
À quelle hauteur les structures de formations sanitaires sont fréquentées par la population comorienne ? Cette question suscite notre réflexion pour mieux comprendre les inégalités d’accès aux soins offerts par les différentes structures de santé et les inégalités spatiales inter et intra-îles. En 2016, 249 558 habitants ont fréquenté les structures de soins publics soit 31 % de la population comorienne. La population de Mohéli fréquente davantage les structures de soins de publics (58 %) qu’en Anjouan (30 %) et à la Grande Comore (28 %). Le CHR de Fomboni a reçu plus de 33 % de la population de Mohéli (Tableau 5). Le CHR de Fomboni, au-delà qu’il soit la structure de soins de référence de l’île, sa proximité aux localités favorise la fréquentation (se situe à moins de 30 km). Les habitants de l’île d’Anjouan consultent davantage les CSD (11,81 %) que le CHR de Hombo (3,41 %) (Tableau 5). Le CHR de Hombo se trouve à plus de 30 km des districts de ; Mremani, Domoni et Sima, où plusieurs localités sont peuplées de plus de 3 000 habitants (Figure 20). Cet éloignement limite l’accessibilité au CHR de Homobo pour une grande partie de la population de l’île. À la Grande Comore, la population fréquente au même niveau les CSD que les CHN El-Maarouf (6 %) (Tableau). Il n’y a pas de grande différence sur le taux de fréquentation des structures de soins publics à la Grande Comore. Nous pouvons remarquer que la fréquentation de la population au Centre de santé Caritas (CTS) est aussi importante à Mohéli (7,86 %) et à la Grande Comore (4,23 %). Les coûts de consultation faible et la présence de médecin étrangère au Caritas pouvaient être des facteurs attractifs de la population.
Une lutte contre le paludisme mise à mal par le financement
Lors de la 66ème conférence mondiale de la santé en mai 2015, l’OMS avec l’avis des États membres, a adopté une stratégie mondiale de lutte contre le paludisme pour la période 2016- 2030. À compter de 2015, les objectifs de cette stratégie sont de :
– réduire le nombre de décès de plus de 90% d’ici 2030 ;
– réduire l’incidence du paludisme de plus de 90% d’ici 2030 ;
– éliminer le paludisme au minimum dans 35 pays dans le monde d’ici 2030 ;
– éviter la réintroduction du paludisme dans les pays impaludés.
Pour parvenir à ces objectifs, l’OMS exhorte les Programmes Nationaux de Lutte contre le Paludisme (PNLP) d’adapter leurs stratégies nationales à la stratégie mondiale, selont trois grands axes :
– Assurer un accès universel à la prévention, au diagnostic et au traitement du paludisme : cela doit être l’objectif primordial de toute stratégie des PNLP dans le monde. Pour cela, ils doivent s’assurer de la couverture de la population par toutes les actions de prévention (lutte anti-vectorielle), le diagnostic et le traitement (accès aux médicaments) ;
– Accélérer les efforts en vue de l’élimination et de l’obtention du statut d’indemne de paludisme : cela doit être le statut que chaque pays doit chercher à obtenir. Des efforts doivent être faits sur la surveillance des zones géographiques à faible transmission. Des cibles de surveillance doivent être définies selon chaque stratégie ;
– Transformer la surveillance du paludisme en une intervention de base : cela doit être la finalité de chaque PNLP. Chaque pays doit être en mesure de maintenir la surveillance du paludisme dans son système de surveillance sanitaire. Le financement de la mise en œuvre de cette stratégie et des stratégies nationales est un défi majeur pour l’élimination du paludisme. Selon le rapport mondial sur le paludisme de 2017, 2,7 milliards de dollars ont été investis pour la lutte contre le paludisme en 2016. L’Afrique a bénéficié de 74% de ces fonds contre 7% pour l’Asie du Sud-est, 6% pour la Méditerranée orientale, 6% pour les pays d’Amérique et 4% pour les pays du Pacifique. Les États-Unis restent le premier financeur de la lutte contre le paludisme à hauteur de 38% des fonds de 2016. Les États des pays endémiques n’ont financé que 31% des fonds de 2016. La gestion des fonds de lutte contre le paludisme est assurée par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial) qui a géré 57% des fonds de 2016. Selon le rapport de 2017 (WHO, 2017), pour atteindre les objectifs de la stratégie mondiale, les financements devaient s’élever à hauteur de 6,5 milliards de dollars d’ici 2020. Or depuis 2010, le montant du financement de la lutte contre le paludisme est stable. Alors que les besoins augmentent, les financements ont diminué de 64% entre 2010 et 2016 pour les pays de l’Afrique de l’Ouest et de 40% pour les pays avec une faible transmission en Afrique de l’Est et du Sud. Les conséquences ont été que ces pays en voie d’élimination du paludisme ont vu la situation épidémiologique s’empirer
La lutte contre le paludisme : un engagement du gouvernement comorien
«L’Union des Comores : un pays sans paludisme» La mise en place des stratégies et des politiques de lutte contre le paludisme aux Comores date de 1987 où la République fédérale Islamique des Comores avait adopté le programme de lutte antipaludique(Ouledi, 1995). En 1992, le pays avait signé et adopté une politique nationale en matière de lutte contre le paludisme et la filariose de Brancfort. Depuis, il s’est toujours associé aux États Nations pour la lutte contre le paludisme comme son engagement dans l’initiative « Roll back malaria » en 1999. La lutte contre le paludisme s’inscrit dans les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) que l’Union des Comores a adopté en 2000. La cible 6.C vise à arrêter ou à renverser la tendance de l’incidence du paludisme d’ici 2015 avec, comme indicateurs cibles à atteindre : un taux d’incidence liée au paludisme de 16,5 %, un taux de couverture de 100 % en moustiquaires imprégnées et 100% de traitements antipaludéens chez les enfants de moins de 5 ans. En 2004, les Comores ont bénéficié des Fonds Mondiaux de la lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose pour mettre en place une stratégie de lutte contre le paludisme. De ce fait, un Plan Stratégique de Lutte Contre le Paludisme a été adopté pour la période 2007-201410, pour actualiser celui de 2002-2006, avec comme objectif de réduire le taux de portage de parasites à moins de 5 % de la population. Ce plan a été actualisé en 2011 pour la période 2012-2016 avec comme vision de faire de « l’Union des Comores : un pays sans paludisme » et comme objectif d’atteindre un taux de 1 % de porteurs de parasites du paludisme d’ici 2016. Au-delà de ses plans stratégiques spécifiques, la lutte contre le paludisme figure dans les cibles de la politique nationale de santé (PNS) de 2006-2015 qui est de réduire de 50 % le taux de morbidité et de mortalité lié aux maladies transmissibles d’ici 201511. Cette politique a été revue en 2014 pour la période 2015-2024. Le Plan National de Développement Sanitaire pour la période 2016-2020 envisage une réduction de l’incidence du paludisme à moins de 1 ‰ habitant d’ici 2020. Le cadre politique de la lutte contre le paludisme en Union des Comores est très bien outillé. La mise en œuvre de ces politiques et stratégies de lutte contre le paludisme est sous la responsabilité du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP).
Intensification des actions de lutte et de prévention contre le paludisme
Plusieurs actions de lutte ont été menées depuis 1954 sur les îles de l’Archipel des Comores (Photographie 14). La pulvérisation intradomicilaire d’insecticide à base de Dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) a été la première expérience d’action de lutte antivectorielle réalisée aux Comores entre 1954 et 1957. Le DDT-fénitrothion a été également expérimenté en 1972 à Anjouan, Mohéli et Mayotte. La PID a pour but de réduire la densité des vecteurs du paludisme dans les ménages et ainsi éviter le contact entre le vecteur et les personnes. Le produit est aspergé sur les surfaces solides (murs, plafonds et fenêtres) du ménage où les vecteurs peuvent se poser avant d’entrer en contact avec son hôte. Depuis ces expérimentations des années 1950 et 1970, la pulvérisation est restée une action phare de la lutte contre le paludisme jusqu’à aujourd’hui. Ces dernières années, le PNLP a intensifié ces campagnes d’aspersion intradomicliaire (2010, 2012, 2013, 2014 et 2015). Il y a eu en moyenne une campagne par année. L’insecticide utilisé par le PNLP pour les dernières campagnes est Lambda-cyhalothrine, un produit recommandé par l’OMS. C’est un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes qui agit par contact et ingestion dans l’estomac du vecteur. La dose recommandée par l’OMS est de 0.02-0.0315 (g PA/m2 ). De ce fait, l’équipe de lutte antivectorielle du PNLP dilue 1 sachet de 20 mg dans 8 litre d’eau. Il utilise des pulvérisateurs à pression de type Hudson X-pert pour l’aspersion des surfaces (Photographie 15). Le Lambda-cyhalothrine a une durée d’action de 3 à 6 mois.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : LE PALUDISME, UNE MALADIE ENDEMIQUE EN VOIE D’ELIMINATION EN UNION DES COMORES
1.1 DE L’ARCHIPEL DES COMORES A L’UNION DES COMORES
1.1.1 Trois îles volcaniques à contraintes orographiques différentes
1.1.2 Un climat tropical humide favorable à la transmission des maladies vectorielles
1.1.3 Une colonisation précoce et une population toujours en forte croissance
1.2 OFFRE, ACCES ET RECOURS AUX SOINS DANS L’UNION DES COMORES : DES INEGALITES ENCORE FORTES
1.2.1 Une organisation administrative complexe
1.2.1.1 Administration nationale
1.2.1.2 Administration régionale
1.2.2 Une offre de soins variée et un accès souvent difficile
1.2.2.1 Organisation de l’offre de soins
1.2.2.2 Une offre de soins publics importante mais inégale
1.2.2.3 Une offre de soins privés concentrée dans les centres urbains
1.2.3 Un recours aux soins inégal
1.2.4 Situation sanitaire
1.2.4.1 Maladies transmissibles et non transmissibles
1.3 L’ELIMINATION DU PALUDISME, UN DEFI DE SANTE AUX COMORES ET DANS LE MONDE
1.3.1 État du paludisme dans le monde
1.3.2 Historique du paludisme aux Comores
1.3.3 La lutte contre le paludisme : un engagement du gouvernement comorien
CHAPITRE 2 : ÉPIDEMIOLOGIE SPATIALE DU PALUDISME EN UNION DES COMORES
2.1 INTRODUCTION
2.2 METHODOLOGIES
2.2.1 Mise en place d’une base de données épidémiologique et démographique
2.2.2 Échelles d’étude et sources des données
2.2.3 Cartographies et analyses statistiques
2.2.3.1 Cartographies de la prévalence, de l’incidence du paludisme et des actions de lutte
2.2.3.2 Analyses statistiques
2.3 RESULTATS
2.3.1 Prévalence du paludisme en milieu hospitalier
2.3.2 Evolution du diagnostic, du traitement des cas simples et de la prévention du paludisme chez les femmes enceintes
2.3.3 Incidence du paludisme à l’échelle des districts sanitaires
2.3.4 Actions de contrôle et d’élimination du paludisme
2.4 DISCUSSION
CHAPITRE 3 : ANALYSE SPATIALE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX FAVORISANT LA TRANSMISSION DU PALUDISME
3.1 ANALYSE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX FAVORABLES A LA TRANSMISSION DU PALUDISME AUX COMORES A L’ECHELLE DES DISTRICTS SANITAIRES DE 2010 A 2014
3.1.1 Introduction
3.1.2 Méthodologies
3.1.2.1 Données environnementales support à l’analyse du contexte environnementale
3.1.2.2 Analyses spatiales et statistiques
3.1.3 Résultats
3.1.3.1 Occupation du sol
3.1.3.2 Corrélation et régression linéaire
3.1.4 Discussion
3.2 PALUDISME ET ENVIRONNEMENT : RECHERCHE D’INDICATEURS PAYSAGERS SPECIFIQUES DE SA REPARTITION DANS LES VILLAGES DE GRANDE COMORE
3.3 DISCUSSION
CHAPITRE 4 : ANALYSE DES FACTEURS DE VULNERABILITE DES POPULATIONS FACE AU PALUDISME
4.1 INTRODUCTION
4.2 METHODOLOGIES
4.2.1 Organisation et éthique
4.2.1.1 Choix méthodologiques et échantillonnage
4.2.1.2 Réalisation des questionnaires
4.2.1.3 Déroulement de l’enquête
4.2.2 Analyses statitisques
4.3 RESULTATS
4.3.1 L’accès à l’eau des ménages
4.3.2 L’accès aux soins des ménages
4.3.3 L’utilisation des moustiquaires
4.3.4 Paludisme et vulnérabilité des populations au regard de l’accès à l’eau, de l’accès aux soins et de l’utilisation des moustiquaires à la Grande Comore
4.3.4.1 Incidence du paludisme dans les villes et les villages enquêtés à la Grande Comore
4.3.4.2 Corrélation entre facteurs socio-économiques et incidence du paludisme
4.4 DISCUSSION
DISCUSSION ET CONCLUSION GENERALES
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