Naturellement indispensable à la Vie sur Terre, l’effet de serre est devenu une problématique environnementale majeure ces dernières années avec la publication de travaux scientifiques faisant état d’un possible renforcement de cet effet naturel par les activités humaines.
Loin de faire l’unanimité, cette hypothèse, liée à l’émission massive dans l’atmosphère (par l’activité industrielle notamment) de certains gaz actifs dans l’effet de serre, a d’abord soulevé deux controverses légitimes. Premièrement, il s’agissait d’établir l’existence réelle d’un réchauffement climatique à l’échelle planétaire, indice indispensable d’un renforcement éventuel de l’effet de serre. Deuxièmement, il fallait également être en mesure d’imputer au moins une partie de ce réchauffement aux émissions liées à l’activité humaine et non à un cycle naturel lié par exemple à un renforcement de l’activité solaire en sortie du «petit âge glaciaire » observé au Moyen-âge.
A l’issue d’une décennie de travaux scientifiques et de compilation de données existantes, le dernier rapport du Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique [IPCC, 2001] a répondu en grande partie aux deux interrogations soulevées plus haut. Ainsi un faisceau de données établit effectivement l’existence d’un réchauffement de l’ordre d’un demi degré en moyenne depuis un siècle. Ensuite, les études portant sur les propriétés optiques de certains gaz émis par l’activité humaine et l’intensité de ces émissions dans l’atmosphère ont effectivement confirmé la responsabilité majeure de l’Homme dans le réchauffement amorcé.
La réalité d’un effet de serre induit par l’Homme étant démontrée, le pouvoir politique et la communauté scientifique ont logiquement orienté leurs études vers les solutions susceptibles d’enrayer le processus d’un réchauffement dont nous ne subissons encore que les prémices.
L’effet de serre
La principale source d’énergie pour le système « Terre » est le Soleil, qui fournit à notre planète une quantité d’énergie estimée à 342 W.m-² [IPCC, 2001]. Cependant, la Terre n’assimile pas la totalité de cette énergie solaire et en ré-émet une partie en direction de l’espace. L’on appelle alors « effet de serre » le phénomène physique empêchant le retour vers l’espace d’une fraction de cette chaleur solaire ré-émise par la surface de notre planète. Ainsi, certains constituants de l’atmosphère (certains gaz mais également des aérosols troposphériques) renvoient en direction de la Terre cette énergie qui lui échappe et sans laquelle la température à la surface de notre planète serait non pas de 15°C en moyenne comme c’est le cas actuellement mais de –18°C. Cette différence considérable montre combien indispensable à la Vie est l’effet de serre, puisque la Terre lui doit tout simplement la présence d’eau liquide à sa surface.
Néanmoins, puisque certains constituants de notre atmosphère sont responsables de la présence et de la régulation de ce phénomène de réchauffement originellement «salvateur », il est compréhensible que les scientifiques se préoccupent des conséquences possibles des changements dans la composition de l’atmosphère que l’activité industrielle et agricole a entraînés depuis deux siècles. Afin d’améliorer la lisibilité des investigations concernant la nature et la magnitude des modifications subies par le climat terrestre, les scientifiques ont donc introduit la notion de «forçage radiatif ». Ils entendent ainsi quantifier, en W.m-² , l’influence sur l’énergie calorifique reçue par le système Terre de changements induits pour la plupart par l’activité humaine. Ainsi, les modifications de la composition de l’atmosphère, le changement d’albédo induit par l’exploitation des terres émergées et les variations de l’activité solaire trouvent-ils une expression chiffrée (positive dans le cas d’une augmentation de la quantité d’énergie assimilée, néga tive dans le cas d’une diminution) aisément exploitable dans le cadre de la caractérisation d’un réchauffement climatique éventuel.
Historique
Dès 1827, c’est Joseph Fourier qui devina le rôle clef joué par l’atmosphère dans le maintien de la chaleur sur Terre, suggérant même d’éventuelles perturbations du climat dues à l’activité humaine [Fourier, 1827]. Cependant, c’est en 1869 que le physicien irlandais John Tyndall prouva expérimentalement pour la première fois la capacité du CO2, du CH4 et de H2O à piéger les radiations infrarouges terrestres, contrairement aux gaz les plus abondants dans l’atmosphère que sont N2 et O2. En émettant l’hypothèse d’une implication centrale de ces gaz « actifs » dans les variations de température sur Terre (notamment lors des glaciations), il ouvrait la voie au chimiste suédois Svante Arrhénius qui en 1896 s’inquiétait de voir l’humanité «évaporer ses mines de charbon dans l’air » et alla même jusqu’à évaluer par le calcul le prolongement thermique d’un doublement (« probable ») de la concentration en CO2 de l’atmosphère sur la température moyenne de la Terre [Arrhénius, 1896].
Bientôt apparurent les premières évidences d’une augmentation réelle de la concentration en CO2 dans l’atmosphère, notamment lorsqu’en 1960 le géochimiste américain C.D. Keeling commença à fournir les preuves d’une augmentation régulière de la concentration en CO2 sur le site « propre » de Mauna Laua, sur l’archipel d’Hawai [Keeling et al., 1989].
Par ailleurs, la surveillance météorologique initiée depuis la fin du 19e siècle permit peu à peu de mettre en évidence l’existence d’un réchauffement global de 0.6°C (± 0.2°C) en moyenne sur la période étudiée [IPCC, 2001], comme le montre la Figure II.1. La question du réchauffement global de la planète était alors posée clairement à la communauté scientifique, qui découvrit au fil de ses études la complexité des phénomènes mis en jeu et la multiplicité des acteurs de l’effet de serre, parmi lesquels apparut bien sûr le CH4.
Les acteurs de l’effet de serre
Le CH4 ne constitue qu’un gaz parmi tous les gaz actifs dans l’effet de serre, mais ces gaz eux-mêmes ne représentent qu’une partie des éléments intervenant dans la problématique du réchauffement global. En effet, outre la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre, la question du réchauffement englobe également la teneur en aérosols de la troposphère (basses couches de l’atmosphère) ainsi que la modification des propriétés réfle ctives (albédo) des terres utilisées par l’Homme. Enfin, les variations de l’activité solaire ajoutent au réchauffement global un facteur de variabilité naturelle.
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Table des matières
I-INTRODUCTION
CHAPITRE II
ETAT DES CONNAISSANCES
II-1. L’effet de serre
II-1.1. Historique
II-1.2. Les acteurs de l’effet de serre
II-2. Le CH4 dans l’effet de serre
II-2.1. Aspect radiatif
II-2.2. CH4 et chimie atmosphérique
II-3. Le bilan du méthane – Acquis et inconnues
II-4. Un outil d’affinage puissant : l’isotopie
II-4.1. Rappel – Notations
II-4.2. Isotopie du CH4
a) Signatures isotopiques
b) Composition isotopique du CH4 dans l’atmosphère
II-4.3. Utilisation des isotopes de CH4 dans les bilans
a) Bilan actuel du CH4
b) Evolution temporelle du bilan du CH4
II-4.4. Objectif de l’étude
CHAPITRE III
GLACIOLOGIE
III-1. Processus de diffusion et de piégeage des gaz
III-2. Influence des conditions climatiques du site de prélèvement
III-3. Reconstruction d’un signal atmosphérique à partir de l’air
du névé
III-3.1. Problématique
III-3.2. Réponses apportées
a) Modèle de diffusion des gaz dans l’air du névé
I- Principe du modèle de transport
II- Paramétrisation
b) Reconstruction temporelle par la méthode Monte-Carlo
CHAPITRE IV
SYSTEME EXPERIMENTAL
IV-1. Extraction de l’air du névé
IV-2. Mesure du rapport 13CH4/ 12CH4
IV-2.1 Historique et état de l’art
IV-2.2 Dispositif expérimental
a) Pré-concentration des gaz traces
b) Chromatographie en Phase Gazeuse
c) Interface de combustion
d) Spectrométrie de masse
IV-3. Rapport CH3D/CH4
IV-3.1. Etat de l’art
IV-3.2. Le système MIRANDA
a) Principe général
b) Chromatographie
c) Piégeage cryogénique du CH4
d) Elimination du N2 résiduel : les « getters »
e) Spectrométrie de masse
CHAPITRE V
RESULTATS ET INTERPRETATION
V-1. Résultats
V-1.1. 13CH4 dans l’air du névé
a) Calibrations
b) Linéarité et contrôles de validité des mesures
c) Résultats
I- Devon Island, (Arctique canadien)
II- Queen Maud Land (Antarctique)
III-Dome C (Antarctique)
IV-Pôle Sud (Antarctique)
V- Synthèse
V-1.2. 13CH4 piégé dans la glace
a) Choix de la méthode
b) Mode opératoire
c) Tests de la méthode
d) Application
V-1.3. CH3D/CH4 dans l’air du névé
a) Contrôle des blancs
b) Analyse de l’air du névé
c) Calibration des mesures
d) Conclusion
e) Perspectives
V-2. Exploitation des résultats
V-2.1. Généralités
V-2.2. Application
a) Fonctionnement du modèle BOSCAGE-8
I- Conditions initiales
II- Paramètres libres
III-Contraintes
b) Exploitation
I- Paramètres fixés
II- Evolution du taux de consommation de CH4 par les radicaux OH
c) Conclusion
V-2.3. Conclusion de l’interprétation des mesures
CHAPITRE VI
CONCLUSION
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