L’analyse des assemblages de Chironomidae dans les reconstitutions des paléotempératures
La famille des Chironomidae comprend une richesse taxonomique élevée qui se compose de près de 15 000 espèces (Brooks et al. 2007).En milieu d’eau douce, 211 genres et 1092 espèces ont été recensés à ce jour à l’échelle du Néarctique (Ferrington 2008). Leur cycle biologique court (~15 jours) débute par le développement d’une larve comprenant 4 stades aquatiques. Le cycle se poursuit par un stade nymphal (pupe) puis un stade adulte aérien sexué sous forme de moucheron (Fig. 0.2) (Walker 1987; Brooks et al. 2007). Les larves peuvent se développer sur différents substrats (sédiments, bois morts, etc.) et milieux aquatiques humides ou semi-terrestres (lacs, tourbière, marais, etc.) selon un gradient bathymétrique (Larocque et Rolland 2006). Leur temps de génération court et la capacité de dissémination des adultes volant font des Chironomidae des insectes répondant rapidement aux changements environnementaux (Walker et Mathewes 1989). Durant le développement larvaire en milieu lacustre, chaque stade laisse derrière lui une capsule céphalique (CC) composée de chitine. Il s’agit d’une substance résistante à la dégradation, permettant à l’exosquelette de la larve d’être préservé dans les sédiments (Walker, 1987). En région boréale, les CC peuvent être abondantes dans les sédiments lacustres ; en effet, il est possible d’en trouver plusieurs centaines dans seulement quelques grammes de sédiment (Brooks et Birks 2000). Dans la présente étude, les capsules céphaliques ont été analysées selon une résolution temporelle variant, selon le site, entre 5 et 220 ans. Leur extraction a été réalisée à l’aide d’une méthode proche de celle décrite par Hoffmann (1986). L’identification taxonomique (sous microscope optique à 400-1000× de grossissement) a été menée à l’aide des clés taxonomiques de Oliver et Roussel (1983), Wiederholm (1983), Larocque et Rolland (2006) et Brooks et al. (2007), jusqu’au niveau de la famille, de la tribu, du genre et du morphotype d’espèce, quand leur état de conservation le permettait. Une centaine de capsules céphaliques a été comptée par échantillons. Au total, 180 échantillons (Lac Aurélie) et 116 échantillons (Lac Lili) ont été analysés. Le comptage des assemblages du Lac Aurélie a été réalisé par Isabelle Larocque-Tobler (Institut L.A.K.E.S, Lyss, Suisse). Les assemblages de Chironomidae fossiles représentent un outil paléoenvironnemental robuste et fiable pour caractériser et reconstituer diverses variables limnologiques telles que le statut trophique et la chlorophylle-a (Langdon et al. 2006), l’influence du niveau d’eau sur la composition des assemblages (Greffard et al. 2012), la taille du lac et l’acidité (Mousavi 2002), le niveau d’oxygène (Heinis et Davids 1993) et tout particulièrement les températures de l’eau et de l’air (Walker et al. 1997). Ainsi, les Chironomidae ont la capacité de permettre des reconstitutions quantitatives et spatialisées des changements de la température estivale survenues pendant l’Holocène (Brooks 2006; Larocque-Tobler et al. 2015) à l’aide d’une fonction de transfert (Birks 1998). De ce fait, plusieurs bases de données établies dans différentes régions au Canada (Larocque et al. 2006; Axford et al. 2009; Upiter et al. 2014; Saulnier-Talbot et al. 2015), en Europe (Brooks et Birks 2001; Heiri et al. 2007; Lotter et al. 2012; Larocque-Tobler et al. 2012), en Fennoscandinavie (Olander et al. 1999; Korhola et al. 2002; Seppä et al. 2002) et aux États Unis (Porinchu et al. 2002) ont démontré que la température de l’air et/ou de l’eau est un facteur majeur qui régi la distribution des Chironomidae.
L’analyse pollinique dans les reconstitutions des paléotempératures
Les grains de pollen (angiospermes et gymnospermes) et les spores (fougères et lycopodes) sont abondamment présents dans les dépôts lacustres et tourbeux. Ils y sont conservés pendant plusieurs milliers d’années (Bennett et Willis 2002). Leur identification repose sur des critères morphologiques variés tels que la taille et la forme du grain de pollen, la sculpture et la structure de l’exine (réticulation par exemple), et la présence et la disposition des apertures (pores et sillons) (Fig. 0.2). Il est donc possible d’identifier les plantes productrices au niveau de la famille, du genre et, quelque fois de l’espèce (Richard 1970; McAndrews et al. 1973). Pour un site d’étude donné, l’analyse des grains de pollen délivre un diagramme pollinique illustrant des spectres polliniques qui couvrent une période donnée telle que la période Holocène (Lavoie 2001). Ainsi, les courbes polliniques retracent l’histoire des variations d’abondance des taxons polliniques et par suite, l’histoire postglaciaire des populations des espèces végétales pouvant se décliner en trois phases successives de végétation : la phase non arboréenne, la phase d’afforestation et la phase forestière (Richard 1993). De surcroit, la description des assemblages polliniques de la végétation fait cas de quelques taxons indicateurs de la région boréale en question. Picea (épinette), Abies (sapin), Pinus (pin), Populus (peuplier), Betula (bouleau), Thuja (cèdre), par exemple, montrent des représentations polliniques différentes enregistrées par le milieu de dépôt. Toutefois, ces représentations polliniques ne reflètent pas directement leur abondance dans les peuplements développés autour du milieu de dépôt en question. En effet, l’accumulation du pollen dans les sédiments est impactée par de nombreux biais 11 taphonomiques incluant la production différentielle et la capacité de dispersion des taxons (Bradshaw et Webb III 1985). La production pollinique dépend entre autres de l’âge de l’individu, de son rythme de floraison et des conditions climatiques (Lavoie 2001). Par ailleurs, il est nécessaire de connaître les différentes sources polliniques enregistrées par le dépôt qui varient selon la taille du bassin de réception. Un petit bassin est riche en pollens provenant de taxons locaux (déposés près de la plante productrice ou provenant d’une source située à quelques mètres du point d’échantillonnage) et extra-locaux (<500 m). Un grand bassin (>300 m de diamètre) quant à lui est capable de récolter des pollens d’origine régionale (source située à plus de 500 m jusqu’à l’ordre du kilomètre) (Prentice 1985; Sugita 2007). Par ailleurs, l’analyse des assemblages polliniques est d’autant plus complexe en raison des différences dans la production, le transport et la séquestration des grains de pollen dans les sédiments.
Approche croisée pollen/Chironomidae pour renforcer la robustesse des reconstitutions paléoclimatiques
En raison d’un réseau d’interactions complexes dans un écosystème forestier boréal, mais également pour des raisons de taphonomie différentielle entre organismes, il est indispensable d’étudier plusieurs bio-indicateurs afin d’obtenir la vision la plus large et complète possible des changements climatiques (Birks et Birks 2006). Les comparaisons disponibles entre les modèles de différents indicateurs climatiques sont un point focal de la recherche paléoclimatique (Renssen et al. 2001). Comme nous l’avons précisé précédemment, les différents indicateurs retenus peuvent être influencés par d’autres facteurs que la seule température (Mann 2002). Ainsi, le niveau d’eau et les macrophytes ont eu même aussi une influence sur les assemblages de Chironomidae en milieu lacustre (Brodersen et al. 2001). C’est également le cas pour les régimes de feu sur la végétation productrice de pollen (Remy et al. 2017b). La procédure de l’approche croisée permet de mettre en évidence les forces et faiblesses de chaque indicateur. En les comparant, les points forts peuvent être exploités et les faiblesses identifiées (Mann 2002; Birks et Birks 2006). Dans le présent travail de thèse, l’approche croisée Chironomidae/pollen devrait ainsi nous permettre de mieux vérifier la concordance des reconstitutions des paléotempératures obtenues à partir de chacun des deux bio-indicateurs et surtout de mieux caractériser les différentes oscillations du climat qui ont ponctué notre zone d’étude au cours de l’Holocène.
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Table des matières
AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION GÉNÉRALE
0.1 Les indicateurs thermiques paléoécologiqumidae dans les reconstitutions des paléotempératures
0.1.2 L’analyse pollinique dans les reconstitutions des paléotempératures
0.1.3 Approche croisée pollen/Chironomidae pour renforcer la robustesse des reconstitutions paléoclimatiques
0.2 Objectifs de la thèse
0.3 Région d’étude : la pessière à mousses de l’Ouest de la Jamésie
CHAPITRE I MAJOR POSTGLACIAL SUMMER TEMPERATURE CHANGES IN THE CENTRAL CONIFEROUS BOREAL FOREST OF QUEBEC (CANADA) INFERRED USING CHIRONOMID ASSEMBLAGES
1.1 Abstract
1.2 Résumé
1.3 Introduction
1.4 Methods
1.4.1 Study area and site
1.4.2 Coring, LOI analysis, and chronology
1.4.3 Chironomid analysis
1.4.4 Statistical analysis, palaeoecological diagrams, and constrained zonation
1.4.5 Transfer functions
1.5 Results
1.5.1 Organic matter content
1.5.2 Chironomid analysis
1.5.3 Chironomid-inferred temperature reconstructions
1.6 Discussion
1.6.1 Ecological interpretation
1.6.2 Reliability of the chironomid inferred temperature reconstructions
1.6.3 8.2 cal a BP cold event and Holocene Thermal Maximum (HTM)
1.6.4 Medieval Climate Anomaly (MCA)
1.6.5 Little Ice Age (LIA)
1.7 Acknowledgments
1.8 References
CHAPITRE II A CHIRONOMID-INFERRED HOLOCENE TEMPERATURE RECORD FROM A SHALLOW CANADIAN BOREAL LAKE: POTENTIALS AND PITFALLS
2.1 Abstract
2.2 Résumé
2.3 Introduction
2.4 Materials and methods
2.4.1 Coring, stratigraphy, chronology
2.4.2 Chironomid analyses
2.4.3 Temperature reconstruction
2.5 Results
2.5.1 Chronology and sedimentation rates
2.5.2 Chironomid stratigraphy
2.5.3 Temperature reconstructions
2.6 Discussion
2.6.1 Chironomid assemblages
2.6.2 Comparison with other regional climate records
2.6.3 Quantitative temperature reconstruction in a shallow boreal lake
2.7 Conclusion
2.8 Acknowledgments
2.9 Supplementary material
2.10 References
CHAPITRE III AUGUST TEMPERATURE VARIABILITY OVER THE PAST 8000 YEARS IN THE WESTERN QUÉBEC BOREAL FOREST (CANADA): A COMBINED APPROACH BASED ON CHIRONOMIDS AND POLLEN DATA
3.1 Abstract
3.2 Résumé
3.3 Introduction
3.4 Materials and methods
3.4.1 Study sites
3.4.2 Coring stratigraphy and chronology
3.4.3 Pollen analyses
3.4.4 Pollen chironomid inferred August temperature reconstructions
3.4.5 Combined inferred August temperature reconstruction
3.5 Results and interpretations
3.5.1 Vegetation history
3.5.2 Quantitative August temperature reconstructions
3.6 Discussion
3.6.1 Combined approach
3.6.2 Regional Holocene climate history
3.7 Conclusions
3.8 Acknowledgments
3.9 References
CHAPITRE IV CONCLUSION GÉNÉRALE
4.1 Reconstitutions des paléotempératures holocènes basées sur des assemblages des indicateurs Chironomidae-pollen puis de leur approche croisé
4.2 Climat-végétation-feu, y a- t-il un impact direct des températures estivales sur le régime de feux ?
4.2.1 Les variables climatiques et feu
4.2.2 La végétation (Chapitre 3) ……………………………………………………. 141
4.2.3 Historique des relations climat-végétation-feu
4.3 Perspectives de recherches dans un contexte d’aménagement écosystémique durable ined transfer function (East Canada – Poland) on the chironomid assemblages from the Lac Aurelie: comparison between three transfer functions
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
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