RECONSTITUTION DES MILIEUX DEGRADES

Effectivité de la mise en défens

   Il est judicieux de discuter l’effectivité de la mise en défens avant de voir son efficacité. Ici, la mise en défens se définit comme une stratégie de réhabilitation et de conservation d’espace forestier dégradé fondée sur un consensus local. Elle exclue toute forme d’exploitation et a comme objectif principal la restauration des formations forestières dégradées. Alors qu’estil des deux sites étudiés ? Des traits communs s’affichent entre les deux sites. Il s’agit d’abord de la présence de traces d’exploitation et d’un espace artificialisé (zone de culture). La présence de souches et meules confirment l’exploitation de la ressource. Dans le site de Sambandé, l’exploitation du charbon de bois est autorisée depuis 2007 alors que dans la mise en défens de Sellick c’est la carbonisation clandestine et la commercialisation illégale du bois de chauffe qui sont les plus marquants. C’est une contradiction pose car on ne peut pas mettre en défens et en même temps exploiter. Ensuite à l’existence d’un espace artificialisé dans un processus qui se veut naturel. Certains agriculteurs riverains des sites en profitent pour accroitre leur périmètre. C’est au niveau de la mise en défens de Sambandé que les empiètements sont beaucoup plus forts. En fin, à ces éléments communs s’ajoute l’appropriation que la population par rapport à la mise en défens (voire VII.II.) car c’est ce qui détermine l’effectivité. A Sellick, le degré d’appropriation et d’implication des populations est très faible par contre à Sambandé c’est seulement ces 4 dernières années, qu’une partie de la population s’est commencée à se désintéresser. Pour ces différents facteurs évoqués, il apparait que l’effectivité pose problème car les activités menées sont l’idée de mise en défens. Mais peut-on déterminer l’efficacité d’une technique qui n’est pas effective ? Quel que soit la réponse, elle peut entrainer un biais, ce qui veut dire le résultat doit être relativisé.

Sambandé, entre mise en défens et contradiction

    La question de l’ineffectivité de la mise en défens soulevée au départ rend perplexe sur l’efficacité. L’espace jadis formellement voué à la mise en défens n’est pas totalement respecté. On note une artificialisation par la culture de 18 % du site. L’espace cultivé est passée de 122,88 à 183,46 ha entre 1998 et 2018. Les paysans riverains profitent de leurs positions pour grignoter l’espace mis en défens. Selon les populations interrogées, le manque de terre, la chute du rendement, la pauvreté des sols sont les causes majeures de la progression. Cette anthropisation a des conséquences environnementales fâcheuses, car, au-delà de la réduction du périmètre forestier, les agriculteurs coupent, dessouchent les espèces et réduisent la biodiversité tant végétale qu’animale. Les photos 13 et 14 représentent des champs de Sesamum indicum (appelé béné au niveau local) et de Citrullus lanatus (pastèque) dans la partie défrichée et montrant par ailleurs la quasi rareté d’espèce. La pastèque et le sésame sont principalement les espèces cultivées dans les zones fraîchement défrichées. Aujourd’hui, se pose également un problème de délimitation. Les panneaux de signalisation jadis matérialisant les limites ont été enlevés par des clandestins soit pour servir de ferraille soit pour d’autres utilisations. Matérialiser encore les limites reste un élément important car tout un chacun ne peut se rappeler exactement des limites de 1999. La coupe illicite et la carbonisation clandestine sont y toujours pratiquées malgré la surveillance. Les charbonniers clandestins se sont adaptés face aux efforts de surveillance en utilisant de petites meules (2 à 3 sacs maximum par meule) pour être plus discrets et faciliter la mobilité et l’écoulement de leur production. A cela, s’ajoute la présence de transhumants devenue problématique depuis 2015. Considérée comme source fourragère (herbacée) surtout pendant la saison sèche, la mise en défens subit la pression du cheptel lorsque celle-ci devient rare. Les transhumants font alors recours au fourrage aérien ce qui entraine de l’émondage massif. Cette pratique est loin d’être maitrisée car les éleveurs ne font pas la distinction entre les espèces. Ils coupent tout ce qui peut nourrir leurs bétails entrainant ainsi un affaiblissement éco-physique considérable sur les espèces. Les plus concernées parmi ces dernières sont Balanites aegyptiaca (Soump), Zizyphus mauritiana (Sidem), Tamarindus indica (Dakhar), Adansonia digitata (Guy), Cordyla pinnata (Dimb), Acacia seyal (Founakh), Acacia albida (Kaad) etc. Sur cette liste, la plupart sont des espèces fruitières et par conséquents leur émondage entraine une chute des PFNL. En outre, on note également un retour des populations vers la ressource ce qui augmente de plus en plus les infractions. Ce timide retour est dû à l’échec des activités génératrices de revenus mises en place pour accompagner la mise en défens et pour réduire la dépendance de la population par rapport à l’espace forestier. Des activités comme l’embouche bovine, la récolté de miel, la mise en place de filière paille et gomme seyal n’ont pas connu de succès. Il faut également noter que de 2016 à nos jours, la surveillance de la mise en défens est compromise par l’abandon de certains agents, entrainant ainsi un déficit du personnel de sécurité et par conséquent une faiblesse du système de surveillance. Les jeunes qui devraient prendre le relais sont démotivés par la non-rémunération des agents.

Durabilité de la mise en défens

   La question de la durabilité repose ici sur deux catégories dont une commune à toute mise en défens et une autre spécifique à chacune.
La première catégorie : Elle regroupe les facteurs comme l’adhésion de la population locale, la qualité de la surveillance et l’existence d’un PAG. L’adhésion de la population est un facteur sine qua none pour l’efficacité de toute mise en défens. Elle définit la nature de leur relation avec l’espace protégé. Une mise en défens est à la portée de la communauté locale et il suffit juste de la volonté et de la mobilisation, pour favoriser une régénération parfois incroyable des ressources. Le résultat escompté est donc proportionnel au degré d’implication et d’appropriation de la population locale. La figure cidessous en une parfaite illustration et donne une perception sur la différence de résultat d’une zone à une autre. Le graphique ci-dessous montre que l’implication et l’appropriation de la mise en défens varie d’un terroir à un autre. On constate que dans celui de Sambandé, l’implication et l’appropriation des populations sont très fortes tandis qu’à Sellick c’est plus tôt faible. Il apparait clairement ici que plus la population adhère plus le niveau d’efficacité est satisfaisant et pour le cas contraire c’est un échec total. Pour que toute tentative de reconstitution d’espace forestier par la mise en défens soit durable, il faut qu’il y ait en première ligne la population locale. Au-delà de cet aspect précédemment évoqué, la durabilité repose également sur la régularité de la surveillance. La zone d’étude est caractérisée par une forte richesse en espèces en bois énergie et une population locale pauvre et dépendante de la nature pour sa survie rendant inévitable la surveillance. Les populations interrogées sont unanimes sur le fait s’il n y a pas surveillance, il n’y aura pas de réussite. Dans le terroir de Sambandé, c’est grâce à la surveillance que la situation du site s’est améliorée. Les populations des villages gestionnaires, assistées par les agents des eaux et forêt se sont chargés d’assurer la surveillance. Cette dernière est régie par l’article 659 de leur convention locale. La récurrence des patrouilles a permis de dissuader les clandestins et la reconstitution du couvert végétal. Selon Mamadou Ndiaye président de la CAC, la surveillance est l’un des facteurs principaux qui a entrainé la réhabilitation et la conservation de l’aire mise en défens. Dans le site de Sellick par contre, le manque de surveillance a profité aux clandestins et a entrainé un faible impact de la mise en défens. La comparaison des deux sites décèle l’apport de la surveillance sur le niveau d’efficacité et la durabilité. Ces derniers sont donc proportionnels à la qualité de surveillance  car, plus celle-ci est assidue, plus le résultat est meilleur. L’existence d’un PAG n’est pas aussi de moindre pour assurer la durabilité. Il constitue une base d’information et de gestion dans le temps et dans l’espace sur tout ce qui est en rapport avec le site concerné. Le renforcement des capacités et la mise en place d’activités génératrices de revenus sont aussi sources de durabilité. Le renforcement permet à la population d’avoir les compétences nécessaires en gestion forestière pour assurer la pérennité. La mise en place d’activités génératrices de revenus réduit la dépendance par rapport à l’espace forestier et empêche le retour vers la ressource par les populations. Néanmoins, il est important de souligner ici que chacun de ses éléments développés ci-dessous ne garantissent pas à elle seule la durabilité. C’est plutôt leur combinaison qui permet d’assurer la pérennité spatio-temporelle.
La seconde catégorie : Elle est constituée de la nature du prélèvement de la ressource et se détermine ici après extrapolation en faisant une comparaison entre la quantité exploitable (QE) et la quantité prélevée (Qp). La zone de culture exclue dès le départ de l’inventaire pour des raisons précédemment évoquées n’est pas concernée par l’extrapolation.
QE = somme des individus de la strate 2 et 3.
Qp = somme des souches mortes et vivantes répertoriées
Les surfaces inventoriées pour chaque site sont les suivantes :
Mise en défens de Sambandé = 3500 m² soit 0,35 ha
Mise en défens de Sellick = 1500 m² soit 0,15 ha
En extrapolant, nous avons utilisé la règle de 3 pour calculer QE et Qp par exemple. Le tableau 33 présente une nette différence entre les deux mises en défens. Dans le site de Sambandé, l’extrapolation des données montre que la productivité est supérieure à la quantité exploitée. Sur 897 pieds exploitables à l’hectare, 62 % sont exploitées tandis que 38 % constituent une réserve. Le principe « 50/50 », souvent recommandé en matière d’exploitation forestière n’est pas totalement respecté. Ce principe qui consiste à exploiter dans une parcelle 50 % de la production et laisser les 50 autres semble ne pas être respecté, et par conséquent, ne peut être considérée comme garant pour la pérennité de la mise en défens. Par contre dans la mise en défens de Sellick, on constate qu’à l’hectare, QE-Qp est négatif. Ceci indique que le prélèvement est supérieur à la productivité de la ressource. Une telle situation est incompatible avec la durabilité de l’espace. Il apparait donc que l’exploitation telle que pratiquée dans les sites laisse à penser que ça ne garantit pas la pérennité des sites. Il faut noter que c’est dans la mise en défens de Sellick où l’on retrouve la plus forte exploitation.

CONCLUSION GENERALE

    La Commune de Keur Baka fût l’une des premières collectivités de la Région de Kaolack à mettre en œuvre une politique de reconstitution de ses espaces forestiers. C’est ainsi que 11 mises en défens avaient été créées. L’objectif de cette étude qui est arrivée à terme consistait donc à déterminer le niveau d’efficacité de la mise défens dans la Commune en se basant sur les sites de Sambandé et de Sellick. Le développement de ce travail d’étude et de recherche a confirmé que les sites étudiés étaient en dégradation. Les données cartographiques et d’enquêtes ménages sont concordantes sur la situation de dégradation des ressources forestières avant la mise en défens. Les parties les plus accessibles où s’opèrent les activités humaines sont affectées par l’effet de bordure. La dégradation devenue de plus en plus inquiétante, a éveillé chez les acteurs la nécessité de créer la mise en défens. La démarche adoptée pour la création de ces nouvelles aires protégées se veut participative. Le PAGERNA est le premier projet qui a débuté la technique avant de se retirer en 2004, relayé par le PERACOD. Néanmoins, le faible niveau d’appropriation de la mise en défens par les populations dans certains terroirs montre que l’approche participative prôné par les projets a eu beaucoup de mal à se concrétiser sur le terrain. Ces éléments ont permis de confirmer que la situation était dégradée au point que les acteurs n’étaient pas rassurés sur la bonne finalité de la technique. Les résultats obtenus à travers les outils de recherche, pour l’analyse de la situation actuelle, ne sont pas tous cohérents entre eux. Le résultat des enquêtes ménages varie d’un site à un autre. Pour le site de Sambandé, les enquêtés estiment que l’objectif de restauration est atteint et que la végétation est devenue beaucoup plus dense et plus touffue. Pour le site de Sellick par contre c’est plutôt la rareté des ressources forestières qui est constatée. La cartographie indique la subsistance d’un espace artificialisé (zone de culture) dans un processus naturel de mise en défens. Cette situation impose que la zone de culture soit techniquement exclue de l’aire protégée. L’effectivité spatiale de la mise en défens n’est donc totale. L’approche cartographique a également montré une progression des parties conservées dans les deux sites. Néanmoins, l’évolution surfacique de la partie conservée, constatée du point de vue cartographique n’est pas confirmée floristiquement. Les placettes montrent que dans les deux sites, La diversité floristique n’évolue pas donc dans le même sens que la densité. La diversité dans certains sites d’inventaires localisés dans la partie dégradée est parfois élevée tandis que dans les zones en reconstitution, elle est plus faible, ce qui constitue un paradoxe petit car la partie reconstituée devrait être plus dense et plus riche en espèces. La prédominance de la savane arbustive dans les sites témoigne de l’importance des ligneux bas et par conséquent la dominance des espèces pionnières. Les espèces à reconstitution lente qui font la diversité sont faiblement installées. Les rares individus retrouvés au niveau des strates de plus de 5 m ont été jadis épargnés par l’exploitation pour leurs apports fruitiers et/ou économiques. Il est clair donc que la mise en défens ne permet pas systématiquement une bonne reconstitution des sites dégradés. La seconde hypothèse n’est donc pas confirmée. L’abondance des ligneux bas montre que la mise en défens peut être efficace à long terme pour la reconstitution des formations forestières. En revanche, cette efficacité dépend de plusieurs facteurs plus déterminants tels que l’appropriation et l’implication de la population locale, la surveillance et la nature du prélèvement. Cela indique que la mise en défens à elle seule ne garantit ni l’efficacité ni la durabilité, ce qui confirme la dernière hypothèse soulevée.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. Problématique
I.1. Contexte
I.2. Justification
I.3. Objectifs de recherche
I.4. Hypothèses de recherche
II. Méthodologie
II.1. La recherche documentaire
II.2. La collecte des données de terrain
II.2.1. La phase de pré-enquête
II.2.2. L’enquête proprement dite
II.2.3. L’inventaire floristique
II.3. La cartographie
II.4. Le traitement et l’analyse des données
III. Revue de la littérature
VI. Analyse conceptuelle
PREMIERE PARTIE : MILIEU NATUREL ET SOCIO-ECONOMIQUE DE LA ZONE D’ETUDE
Chapitre I : Milieu naturel de la zone d’étude 
I.I. Localisation de la zone et des sites d’étudiés
I.I.1. L’aire mise en défens de Sambandé
I.I.2. L’aire mise en défens Sellick
I.II. Le relief et les types de sols
I.III. Le climat
I.III.1. La pluviométrie
I.III.2. Les températures
I.III.3. Les vents
I.IV. Ressources en eaux
I.IV.1. Les eaux souterraines
I.IV.2. Les eaux de surface
I.V. Les ressources végétales et fauniques
I.V.1. Les ressources végétales
I.V.2. La faune
Conclusion partielle
Chapitre II : Milieu socio-économique de la zone
II.I. Situation démographique
II.II. Les aspects socio-économiques
II.II.1. L’agriculture
II.II.2. L’activité pastorale
II.II.3. L’exploitation forestière
Conclusion partielle
DEUXIEME PARTIE : ETAT TEMOIN ET STRATEGIES DE MISE EN DEFENS 
Chapitre III : Situation ante-aménagement ou état témoin des sites étudies (1998)
III.I. Situation ante-aménagement des sites vue par les populations
III.II. Situation témoin (1998) des mises en défens du point de vu cartographique
III.II.1. Occupation du sol à Sambandé en 1998
III.II.2. Occupation du sol à Sellick en 1998
Conclusion partielle
Chapitre IV : Processus de mise en place des mises en défens
IV.I. Historique des mises en défens de la Commune
IV.II. Approche de mise en défens
IV.III. Analyse critique de la démarche initiale adoptée
Conclusion partielle
TROISIEME PARTIE : ETAT ACTUEL ET NIVEAU D’EFFICACITE DE LA MISE EN DEFENS
Chapitre V : Etat actuel des mises en défens 
V.I. Etat actuel des sites vus par les populations locales
V.II. Occupation du sol des mises en défens en 2018
V.II.1. Occupation du sol à la mise en défens de Sambandé
V.II.2. Occupation du sol en 2018 à Sellick
V.III. Détection des changements spatio-temporels
V.III.1. Situation entre 1998 et 2018 dans la MED de Sambandé
V.III.2. Situation entre 1998 et 2018 dans la MED Sellick
Conclusion partielle
Chapitre VI : Exploitation des résultats d’inventaire 
VI.I. Résultats des inventaires dans la mise en défens de Sambandé
VI.I.1. Tableau brut
VI.I.1.1. Tableau brut des individus de moins de 2 m
VI.I.1.2. Tableau brut des individus compris entre 2 à 5 m
VI.I.1.3. Tableau brut des individus de plus de 5 m
VI.I.2. Tableau de présence
VI.I.3. Les souches
VI.I.4. régénération
V.II. Présentation des résultats dans la mise en défens de Sellick
V.II.1. Tableau brut des individus rencontrés dans la mise en défens de Sellick
V.II.1.1. Tableau brut de la strate de moins 2 m
V.II.1.2. Tableau brut de strate compris entre 2 à 5 m
V.II.1.3. Tableau brut de la strate de plus de 5 m
V.II.2. Tableau de présence des espèces dans la mise en défens de Sellick
V.II.3. Tableau des souches dans la mise en défens de Sellick
VI.II.4. Régénération dans la mise en défens de Sellick
Conclusion partielle
Chapitre VII : Efficacité et durabilité de la mise en défens 
VII.I. Niveau d’efficacité de la mise en défens
VII.I.1. Effectivité de la mise en défens
VII.I.2. Niveau d’efficacité dans la mise en défens de Sambandé
VII.I.2.1. Sambandé, entre mise en défens et contradiction
VII.I.3. Niveau d’efficacité dans la mise en défens de Sellick
VII.II. Durabilité de la mise en défens
Conclusion partielle
CONCLUSION GENERALE
Références bibliographiques
ANNEXES

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