Reconnaissance des expressions faciales chez les enfants TSA de bas niveau de fonctionnement

Savoir reconnaître les émotions est une compétence essentielle car elle facilite l’adaptation sociale et le développement des compétences académiques (Izard et al., 2001). Cette capacité repose notamment sur l’identification des expressions faciales de l’autre. Elle se développe jusqu’à l’adolescence en suivant une trajectoire développementale dépendante de l’émotion. L’ordre d’apparition ne trouve pas de consensus dans la littérature. Cependant, il est souvent décrit selon cette chronologie : la joie, mature vers 5 ans, puis la tristesse et la colère, suivies de la surprise et du dégoût, et enfin de la peur (Herba et Phillips, 2004; Vicari, Snitzer Reilly, Pasqualetti, Vizzotto, et Caltagirone, 2000). Les enfants porteurs de Troubles du Spectre Autistique (TSA) présenteraient un déficit généralisé de la reconnaissance des expressions faciales, qui pourrait être plus marqué pour la colère, la peur et la surprise (Lozier, Vanmeter, et Marsh, 2014; Uljarevic et Hamilton, 2013). Les enfants avec TSA présenteraient également une lenteur de traitement des visages et des temps de réponse allongés lors de tâches de reconnaissance d’expressions faciales (Dawson, Webb, et McPartland, 2005; Luckhardt, Kröger, Cholemkery, Bender, et Freitag, 2017) qui apparaissent corrélés avec leurs difficultés d’adaptation sociale (Høyland, Nærland, Engstrøm, Lydersen, et Andreassen, 2017). Leur capacité de compréhension des expressions faciales doit donc pouvoir faire l’objet d’une évaluation précoce pour une prise en charge adaptée. La majorité des tests utilisés en recherche et en clinique ne tiennent pas compte des spécificités des enfants TSA de bas niveau de fonctionnement, c’est-à-dire avec une déficience intellectuelle associée et une communication verbale réduite. Ils ne sont pas adaptés à leurs capacités, et utilisent en majorité des tâches d’étiquetage verbal (cf. annexe A pour une revue des tests existants). Cette population est donc écartée de la majorité des études actuelles alors que la prévalence de la déficience intellectuelle dans l’autisme est d’environ 50% (Delobel et al., 2013). Cette recherche a pour premier objectif d’étudier la réponse d’enfants neurotypiques (NT) à des tests non-verbaux de reconnaissance d’expressions faciales et de la mettre en perspective avec les résultats des études proposant des tâches verbales. Le deuxième objectif est de confirmer et de qualifier l’existence d’un déficit de reconnaissance et de compréhension des expressions faciales chez des enfants TSA de bas niveau de fonctionnement. Pour cela, les performances d’enfants TSA d’âge développemental entre 2 et 5 ans ont été comparées à celles d’enfants NT, à l’aide de tâches non verbales. Nous attendons 1/ que les performances des enfants NT soient dépendantes de l’âge, du sexe, de la tâche et du nombre d’émotions, 2/ qu’au sein de chaque groupe, la joie soit mieux reconnue, puis la tristesse, la colère et enfin la surprise, 3/ qu’à âge développemental équivalent, les enfants TSA soient moins performants que les enfants NT en termes de précision et de temps de réponse.

MATÉRIEL ET MÉTHODE (Aurélie Giot-Levifve) 

Sujets
Critères d’inclusion : Le groupe expérimental est composé d’enfants présentant un diagnostic de TSA selon les critères du DSMV (American Psychiatric Association, 2013). Ils ont un âge développemental non verbal compris entre 2 et 6 ans, évalué grâce au subtest « cognition verbale/préverbale » de la PEP-3 (Schopler et al., 2010) datant de moins de 2 ans . Le groupe contrôle se compose d’enfants NT scolarisés en école maternelle de 2 à 6 ans.

Critères d’exclusion : Les enfants des deux groupes issus de cultures étrangères et n’ayant jamais été en collectivité ont été exclus de l’étude, afin d’éviter l’effet d’avantage de l’endogroupe. En effet, la précision de reconnaissance des expressions faciales est meilleure lorsque le sujet qui les exprime et celui qui les traite sont issus du même groupe national, ethnique ou régional ou ont été exposés l’un à l’autre (Elfenbein et Ambady, 2002). Des tests préliminaires ont permis de s’assurer que les participants possédaient bien les capacités de traitement et de compréhension d’images nécessaires à la passation du protocole. Cette vérification a été menée au travers de trois épreuves de tri d’images d’objets usuels en appariement et en catégorisation. Le critère d’arrêt a été fixé à cinq erreurs afin d’écarter un effet du hasard. Afin d’exclure de possibles troubles neurovisuels, une tâche d’appariement d’images issues du test de reconnaissance visuelle de formes de la BAtterie d’évaluation du Jeune Enfant (BAJE) (Chokron, 2015) a été administrée à tous les participants.

Pour le groupe contrôle, un questionnaire parental confidentiel a permis d’écarter les enfants présentant un développement atypique ou faisant l’objet d’un suivi médical ou paramédical. Également, pour écarter toute déficience intellectuelle, n’ont été retenus que les enfants NT avec des performances supérieures ou égales à -1 écart type au subtest des cubes de la WPPSI (Wechsler, 2014). Nous avons utilisé ce subtest car il est considéré comme un test d’intelligence générale avec une bonne corrélation aux scores généraux des échelles de Weschsler (Rozencwajg et Corroyer, 2001). Pour ce groupe, l’âge développemental est donc l’âge chronologique .

Douze enfants avec TSA ont été inclus dans l’étude. Les enfants ont été recrutés à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière ou auprès de cabinets d’orthophonistes libérales en région parisienne. Deux enfants avec TSA ayant échoué aux tests préliminaires de catégorisation de photographies et d’images d’objets usuels ont été écartés de l’étude. Le protocole complet a donc été proposé à 10 enfants TSA (trois filles, sept garçons) présentant un âge développemental se situant entre 2 et 5 ans (tableau 1). Huit d’entre eux étaient non verbaux, c’est-à-dire avec des capacités langagières insuffisantes pour communiquer. Le groupe contrôle se composait initialement de 64 enfants NT scolarisés dans une école maternelle publique de la région parisienne, située dans un quartier de centre-ville incluant zones résidentielles et habitat social. 22 enfants présentant un ou plusieurs critères d’exclusion ont été écartés de l’étude. Le protocole a donc été proposé à 42 enfants NT (21 filles, 21 garçons) âgés entre 2 et 6 ans et répartis en trois groupes d’âge en fonction de leur scolarisation en petite, moyenne et grande-section de maternelle .

Matériel

Le matériel utilisé a été créé pour l’étude. L’évaluation préliminaire du niveau de symbolisation des enfants a nécessité la réalisation de photographies et de dessins de trois catégories d’objets usuels : cuiller, peigne et brosse à dents. Les photographies de six objets différents et cinq dessins par catégorie ont été utilisés. Les objets sont de couleurs différentes et sont représentés sur les photographies et les dessins sur fond blanc. Pour les tâches de reconnaissance d’expressions faciales, les photographies de 26 personnes d’âges variés (6 hommes, 8 femmes, 4 garçons et 8 filles) exprimant une émotion ont été utilisées. L’utilisation de photographies, plutôt que celle de supports dynamiques, a été justifiée par Ekman (2009). Selon lui, c’est la morphologie à un instant précis de l’expression faciale qui détermine l’émotion et non pas la durée de cette expression. Les modèles portent tous le même vêtement, sont éclairés avec le même dispositif et se situent tous à la même distance de l’objectif. Toutes les photographies ont le même cadrage. Les clichés ont été capturés grâce à un appareil Canon EOS 50D et un objectif EF-S1 17-55mm f/2.8 IS USM. Les émotions photographiées sont la joie, la tristesse, la colère et la surprise. La consigne donnée aux modèles a été d’exprimer chacune des quatre émotions. Les clichés retenus ont été validés par un jury de 38 adultes qui a reconnu à plus de 75% l’émotion considérée. Au total, 85 clichés ont été utilisés. Nous avons également dessiné des scènes évoquant la joie, la tristesse, la surprise avec valence positive et la surprise avec valence négative. Les huit contextes imagés retenus ont été validés par un jury de 36 adultes qui a reconnu à plus de 75% l’émotion évoquée. Le set de test comprend 24 photographies et 15 dessins d’objets, 234 photographies de visages au format 9 cm x 13 cm et 8 contextes imagés au format 13 x 13 cm. Le protocole a nécessité l’utilisation de 4 boîtes munies d’une fente pour insérer les images et les photographies lors des tâches de tri. Le matériel est présenté en annexe B.

Procédure
Le test s’adressant à des sujets avec peu ou pas de communication verbale, il est fondé sur un protocole entièrement non verbal. Aucune consigne orale n’est donnée, mais chaque tâche est précédée d’une étape de démonstration où le sujet est aidé d’un geste ou guidé physiquement par l’expérimentateur dans le tri à réaliser. Les dessins ou photographies servant de modèles pour le tri sont posés sur des boîtes. Les images à trier sont alors données une à une à l’enfant qui doit les insérer dans la bonne boîte. Ainsi, seul le modèle reste à la vue de l’enfant, les photographies déjà insérées dans les boîtes étant cachées. Les tâches ainsi que les photographies et dessins qui les composent sont présentés dans le même ordre quel que soit le participant. Chaque tâche est composée de différentes étapes, ou « blocs », où le participant doit trier de deux à quatre expressions faciales. Chaque bloc est chronométré, depuis l’instant où l’enfant se saisit de la première image jusqu’à celui où il dépose la dernière dans une boîte. Les erreurs de tri sont notées et comptabilisées pour chaque bloc ainsi que les temps de réponse. Les sujets contrôles ont été testés à l’école dans une salle calme, sur les horaires de classe. Les sujets du groupe expérimental ont été testés soit dans une salle de consultation, soit dans une salle de l’hôpital de jour. L’ensemble des sujets a été testé par l’une des deux expérimentatrices étudiantes en dernière année d’orthophonie, après que la procédure de test a été définie et harmonisée. La durée du test est de 40 minutes. Il a été passé en une séance pour la majorité des sujets NT. Une partie des enfants TSA, présentant des troubles du comportement ou des capacités d’attention très réduites, ont nécessité une passation du test fractionnée en plusieurs séances.

Choix des émotions :
Étant donné l’âge des participants, nous avons retenu quatre émotions dans ce protocole : la joie, la tristesse, la colère et la surprise. Les expressions faciales du dégoût et de la peur étant reconnues plus tard dans le développement des enfants (Herba et Phillips, 2004; Vicari et al., 2000), elles ne sont pas testées dans ce protocole. Les blocs de chaque tâche suivent une progression correspondant au développement théorique de la reconnaissance des expressions faciales. Pour la tâche d’association à un contexte, il a été décidé de ne proposer que des paires d’émotions présentant une valence opposée, positive ou négative, afin d’éviter des ambiguïtés. Ainsi, la scène imagée représentant la surprise opposée à la tristesse comporte une valence positive (surprise anniversaire), tandis que celle de la surprise opposée à la joie comporte une valence négative (diable en boîte). Les émotions proposées dans chaque tâche sont présentées en annexe C.

Tâches à réaliser :
Le protocole est constitué de trois parties :
Tâche d’appariement : Les participants doivent apparier des photographies identiques, c’està-dire présentant le même modèle et la même expression faciale. Aucune compréhension des expressions faciales n’est nécessaire pour cette tâche. Tâche de catégorisation : Les participants doivent associer les photographies selon l’expression faciale. Les modèles sont déposés sur les boîtes, et les photographies à trier représentent des personnages différents des modèles, mais exprimant les mêmes émotions. Cette tâche permet de mettre en évidence une capacité de reconnaissance plus avancée des expressions faciales.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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