Reconnaissance de comportements complexes par traitement en ligne de flux d’événements

Dans de nombreux domaines, notamment l’aérospatial, le médical, la finance ou le nucléaire, des quantités très importantes de données sont produites par des systèmes pouvant être réels ou simulés. Pour la manipulation de ces masses énormes de données, des outils d’aide à l’analyse sont nécessaires. Par exemple, l’industrie aérospatiale a recours de façon systématique à la simulation afin de pouvoir étudier l’ensemble des caractéristiques de systèmes de grande envergure ; et il est nécessaire de pouvoir exploiter les données produites.

Par ailleurs, au vu de l’automatisation croissante des tâches, les systèmes mis en cause sont de plus en plus critiques et de plus en plus complexes. Ils mettent en interaction hommes, machines et environnements, rendant ainsi les risques humains et matériels de très grande envergure. Ceci rend nécessaire l’emploi de méthodes formelles pour s’assurer de la correction des outils d’aide à l’analyse utilisés .

C’est dans ce contexte que s’inscrit la problématique de la reconnaissance formelle de comportements dans le cadre de problèmes complexes, domaine du Complex Event Processing (CEP). Il s’agit de développer des outils fiables d’aide à l’analyse de flux d’évènements permettant de reconnaître des activités pouvant être aussi bien normales qu’anormales dans des flux complexes d’évènements. .

Parmi les formalisations de description et de reconnaissance de comportements, on peut citer les suivantes :
— L’Event Calculus (EC), dont les travaux récents sont menés principalement par A. Artikis, est fondé sur la programmation logique. Des séries de prédicats, qui peuvent être dérivés par apprentissage [ASPP12], définissent les comportements à reconnaître. Initialement, leur reconnaissance ne pouvait se faire en ligne, mais une solution est proposée dans [ASP12]. De plus, un raisonnement probabiliste peut être introduit dans l’EC [SPVA11].
— Les chroniques de Dousson et al. [DLM07] sont des ensembles de formules décrivant des associations d’évènements observables et sont représentées par des graphes de contraintes.
— Les chroniques de [Ber09, CCK11] développées à l’Onera sont un langage temporel bien distinct des chroniques de Dousson et permettant la description formelle de comportements puis leur reconnaissance en ligne, et ce avec historisation des évènements (c’est-à-dire avec la possibilité de remonter précisément à la source des reconnaissances). Elles sont définies par induction à partir d’opérateurs exprimant la séquence, la conjonction, la disjonction et l’absence. Un modèle de reconnaissance est proposé en réseaux de Petri colorés, où un réseau calculant les ensembles de reconnaissances peut être construit pour chaque chronique que l’on souhaite reconnaître.

Les applications de ces travaux sont très variées et touchent notamment à la médecine (monitoring cardiaque par exemple), la gestion d’alarmes, la sécurité informatique, l’évaluation de la satisfaction de passagers dans des transports publics, la surveillance vidéo, etc.

Cette thèse consiste à formaliser et étendre un langage de description de comportements, le langage des chroniques de [CCK11], tout en développant des modèles d’implémentation du processus de reconnaissance pour ensuite traiter des applications variées.

La démarche consiste dans un premier temps à formaliser et étendre le langage des chroniques défini dans [CCK11] afin de répondre à un besoin d’expressivité plus important. On commence par définir inductivement la syntaxe du langage, puis, afin de lui donner un sens, on explicite la notion de reconnaissance de chronique par une fonction. Cette dernière est définie par induction pour chaque chronique : à un flux d’évènements, elle associe l’ensemble des reconnaissances de la chronique dans ce flux. Dans [CCK11], le formalisme de représentation des reconnaissances de chroniques est ensembliste (chaque reconnaissance est représentée par un ensemble d’évènements), mais cela ne permet pas de distinguer certaines reconnaissances car il n’est pas possible de savoir à partir de ces ensembles à quelle partie de la reconnaissance de la chronique correspond chaque évènement de l’ensemble de reconnaissance. Pour cela, on modifie ce formalisme en remplaçant la représentation ensembliste par une représentation arborescente des reconnaissances qui permet de conserver plus d’informations et de distinguer toutes les reconnaissances possibles.

On s’attache dans cette section à mettre en avant les principaux enjeux permettant de distinguer les différentes approches formelles de l’IFP.

Expressivité Il est nécessaire que le langage utilisé pour la description des comportements à reconnaître soit suffisamment expressif pour exprimer toutes les nuances désirées selon l’application envisagée. Cependant, il est clair qu’une grande expressivité ira inévitablement de pair avec une plus grande complexité du processus de reconnaissance. Il s’agit donc de trouver l’équilibre adéquat. La section 3.8 de [CM12] présente les principaux opérateurs et constructions que l’on rencontre dans la littérature. On retrouve notamment la conjonction, la disjonction, la séquence, la négation ou l’absence, l’itération, l’expression de contraintes temporelles, la manipulation de paramètres.. . La notion de négation ou d’absence est particulièrement épineuse : il est nécessaire de délimiter l’intervalle de temps précis sur lequel porte une négation ou une absence pour pouvoir déterminer si une telle construction est reconnue. Par ailleurs, la question d’avoir une syntaxe ouverte ou fermée se pose. Il s’agit d’autoriser, ou non, la possibilité d’écrire des formules n’ayant pas de sens.

Praticité d’écriture & lisibilité Dans le contexte du dialogue avec des experts pour la réalisation d’une application, la praticité d’écriture du langage est importante. On s’intéresse à la concision et à la lisibilité du langage qui faciliteront la discussion avec les spécialistes du domaine et leur utilisation du système de reconnaissance. Il s’agit là encore de trouver un équilibre entre lisibilité et expressivité : une lisibilité excessive peut conduire à une simplification extrême du langage et donc à une expressivité réduite.

Efficacité L’efficacité du processus de reconnaissance est cruciale. En effet, l’analyse des données se veut souvent être réalisée en ligne. Ceci implique la nécessité d’un temps de calcul réduit permettant de traiter les évènements du flux suffisamment rapidement par rapport à leur fréquence d’arrivée. Naturellement, la rapidité du processus est directement liée à la promptitude de la réponse au problème étudié qui peut être capitale par exemple s’il s’agit de produire une alarme lorsqu’une situation critique se produit.

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Table des matières

Introduction
1 Systèmes de traitement formel d’évènements complexes
1.1 Principaux enjeux
1.2 Event Calculus
1.3 Le langage ETALIS
1.4 Le langage des chroniques de Dousson et al
1.5 Le langage des chroniques Onera
1.5.1 Une première implémentation : CRS/Onera
1.5.2 Définition d’une sémantique du langage des chroniques
1.5.3 Détail de la sémantique ensembliste du langage des chroniques de CRS/Onera
1.6 D’autres modes de représentation et de reconnaissance de comportements
2 Construction d’un cadre théorique pour la reconnaissance de comportements : le langage des chroniques
2.1 Définitions générales préalables
2.1.1 Évènements et leurs attributs
2.1.2 Opérations sur les attributs
2.2 Définition d’une syntaxe étendue du langage des chroniques : ajout de contraintes sur des attributs d’évènement et de constructions temporelles
2.3 Définition de la sémantique du langage à travers la notion de reconnaissance de chronique
2.3.1 Passage à une représentation arborescente des reconnaissances
2.3.2 Formalisation de la notion de reconnaissance de chronique
2.4 Propriétés du langage des chroniques
2.4.1 Définition d’une relation d’équivalence sur les chroniques
2.4.2 Relations entre ensembles de reconnaissances
2.4.3 Associativité, commutativité, distributivité
2.5 Gestion du temps continu à l’aide d’une fonction Look-ahead
2.6 Tableau récapitulatif informel des propriétés du langage des chroniques
2.7 Conclusion
Conclusion

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