Recomposition des territoires politiques et gouvernance urbaine

DE LA CONCEPTUALISATION A LA METHODOLOGIE

La conception de la dรฉmocratie a beaucoup changรฉ au cours du XXe siรจcle. Longtemps perรงue comme un mode de gouvernement relativement rare et inรฉgalement viable selon les ร‰tats, elle est dรฉsormais considรฉrรฉe comme une forme politique universelle accessible . La question de la dรฉmocratie sโ€™est progressivement placรฉe au centre des travaux sur les sociรฉtรฉs politiques du monde africain, quand bien mรชme sur le terrain les perspectives de dรฉmocratisation ne cessaient de sโ€™รฉloigner. Pour Robert Dahl (1982), elle apparaรฎt comme le moins mauvais des rรฉgimes, ou bien davantage que cela, un idรฉal de promotion humaine ร  poursuivre sans trรชve. La dรฉmocratie apparaรฎt de nos jours comme lโ€™unique mode de gouvernement qui nโ€™a pas toujours eu une bonne presse. Dans une logique รฉpistรฉmologique, Platon pense que cโ€™est le rรจgne dโ€™une populace prompte aux dรฉbordements et prรชte ร  sโ€™abandonner aux mains dโ€™un tyran. Et Aristote, reprรฉsenta le bon gouvernement comme un rรฉgime aristocratique sensible aux attentes populaires mais restreint . Avant ce siรจcle, et plus prรฉcisรฉment ร  la fin du XVIIIe siรจcle, lโ€™idรฉe de dรฉmocratie a resurgi en portant toujours le stigmate de ces prรฉventions antiques (Hermet, 1996, p.17).

Une approche thรฉorique et conceptuelle de la dรฉmocratie en Afrique

La vague de dรฉmocratisation (entendue ici comme processus de rupture avec lโ€™autoritarisme et de mise en ล“uvre de rรฉformes politiques allant dans le sens de la construction de la dรฉmocratie ) qui a secouรฉ lโ€™Afrique subsaharienne au dรฉbut des annรฉes 1990 a apportรฉ un changement politique substantiel dans la rรฉgion. Aprรจs les indรฉpendances en 1960, la majoritรฉ des ร‰tats africains รฉtait sous la dominance des militaires. Durant les annรฉes 1970 et 1980 comme lโ€™analyse Van de Walle, seul deux pays รฉtaient dรฉmocratiques (le Botswana et lโ€™Ile Maurice). Mais entre 1989 et 2007, plus de quarante pays africains ont tenu plus de 140 รฉlections lรฉgislatives et 120 prรฉsidentielles. Cette pรฉriode (1989 2007) a aussi permis un nombre significatif dโ€™alternances politiques dans ces pays africains. Cette vague de dรฉmocratisation (Huntington, 1991) a touchรฉ le monde entier, de lโ€™Europe du sud, notamment en Espagne, en Grรจce, en Turquie, se poursuit en Amรฉrique latine dรจs la fin des annรฉes 1970, de sorte quโ€™entre 1979 et 1985, le Pรฉrou, la Bolivie, lโ€™Argentine, le Brรฉsil pour ne citer que ceux-lร , tiennent des รฉlections. En lโ€™Europe de lโ€™Est, avec le cas de la Pologne, la transition met dix ans ร  se concrรฉtiser, mais son aboutissement a coรฏncidรฉ avec la dislocation du bloc communiste et la fin de la guerre froide. Le discours de Franรงois Mitterrand dans les annรฉes 1990 a propulsรฉ les africains ร  aller vers plus de libertรฉ en ce sens : ยซ La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de libertรฉ . Par cette petite phrase, prononcรฉe au sommet franco africain de La Baule, le 20 juin 1990, Franรงois Mitterrand a ouvert une brรจche dans la politique africaine de la France, caractรฉrisรฉe, depuis le gรฉnรฉral de Gaulle, par un soutien dispendieux ร  un dรฉveloppement sans dรฉmocratie garantissant sa prรฉsence politique, militaire et รฉconomique dans ses anciennes colonies. Le Prรฉsident franรงais, alors que la ย ยป troisiรจme vague de dรฉmocratisationย ยป touchait une Afrique en crise, a souscrit, du boutย  des lรจvres , au principe de la conditionnalitรฉ dรฉmocratique qui venait de faire son entrรฉe dans la doxa internationale ยป.

Il paraรฎtrait que le dรฉvoiement du multipartisme et le recours aux armes semblent avoir brisรฉ le rรชve dรฉmocratique en Afrique. Pourtant, le contexte politique et social de certains pays comme le Ghana, le Benin, et le Cap-Vert semble dire le contraire, car la dรฉmocratie a lโ€™air de fonctionner, donc, la tendance ne constitue pas une fatalitรฉ. La dรฉmocratisation en Afrique sโ€™est avรฉrรฉ un processus complexe, ambigu, avanรงant volontiers ยซ ร  pas de camรฉlรฉon ยป selon Richard Banรฉgas. Pourquoi les gรฉographes ont ils intรฉrรชt ร  รฉtudier une telle problรฉmatique ? Fait-elle partie de leurs champs dโ€™รฉtude ?

La dรฉmocratie est-elle un objet de la gรฉographie ?ย 

En 1976, Yves Lacoste fait apparaรฎtre son essai, ยซ la gรฉographie รงa sert, dโ€™abord, ร  faire la guerre ยป, Michel Bussi dรฉmontre, des dรฉcennies plus tard, ยซ quโ€™elle sert maintenant ร  faire la paix ยป (Lacoste, 1976, p. 231). Aujourdโ€™hui le monde est organisรฉ, contrรดlรฉ, et recomposรฉ par des engagements territoriaux discutรฉ individuellement ou souvent par une hiรฉrarchie pyramidale autoritaire. Lโ€™avenir politique du monde nโ€™est pas seulement rรฉgulรฉ par des conflits, mais รฉgalement par des รฉlections. Notre objectif nโ€™est pas ici de montrer les avantages du pouvoir des urnes mais seulement de voir ce passage dโ€™une logique de domination ร  une logique de nรฉgociation (Bussi, 2007, p. 3). Pourtant, les gรฉographes ont du mal ร  dรฉfinir la dรฉmocratie sans faire le lien avec la participation. Ce qui apparaรฎt dans les principaux dictionnaires de gรฉographie, notamment, avec Pierre George, 1970, Roger Brunet, Robert Ferras et Hervรฉ Thรฉry, (1993). Pourtant mรชme dans les manuels de la gรฉographie politique, elle nโ€™est jamais sollicitรฉe comme un concept central par les gรฉographes. Seuls quelques ouvrages de gรฉographie intรจgrent le mot ยซ dรฉmocratie ยป. Ce fut le cas dโ€™Andrรฉ Siegfried, dont les objectifs de ses travaux se croisent avec la gรฉographie des comportements รฉlectoraux, de lโ€™analyse constitutionnelle, et enfin, sโ€™intรฉresse aux logiques participatives. Dans le cadre de la dรฉmocratie participative, comme รฉlectorale, sโ€™inscrivant dans les รฉtudes menรฉes par la science politique, Andrรฉ Siegfried nโ€™aura guรจre de disciples en gรฉographie. La dรฉmocratie a รฉtรฉ รฉgalement abordรฉe par certains chercheurs comme Paul Claval, Claude Raffestin en termes de gรฉographie du pouvoir, comme รฉlรฉment de considรฉrations gรฉopolitiques par Yves Lacoste, enfin comme effet du dรฉpassement des logiques รฉtatiques traditionnelles ร  travers le double horizon mondial et individuel par Jacques Lรฉvy (Bussi, 2007, p. 4). Dans un tel contexte, lโ€™enjeu dรฉmocratique nโ€™est pas centralisรฉ ni explicitรฉ par les gรฉographes, mais le paradoxe cโ€™est quโ€™ils se retrouvent plus dans une trilogie ยซ distance entre gรฉographie, dรฉmocratie et participation ยป, pour apporter une explication spatialisรฉe de la question abordรฉe. Pourtant, la question dรฉmocratique pourrait se situer ร  la frontiรจre de plusieurs disciplines : la gรฉographie, les sciences politiques et la sociologie. Les chercheurs ne font pas de la dรฉmocratie participative un objet central. Pour Michel Bussi, ยซ revendiquer une gรฉographie de la dรฉmocratie revient, en quelque sorte, ร  revendiquer une gรฉographie sociopolitique ยป. Quant ร  Guy Di Mรฉo (1998), ยซ il existe deux acceptions du politique, celle liรฉe ยซ aux organisations spatialisรฉes de lโ€™exercice du pouvoir ยป, et celle liรฉe ยซ aux dรฉsรฉquilibres dans les relations (…) qui accompagnent le quotidien de toute sociรฉtรฉ civile ยป, qui sont donc par nature sociales. Il se rรฉfรจre en cela aux travaux de Paul Claval et surtout de Claude Raffestin, qui distingue le Pouvoir (avec une majuscule) dรฉsignant lโ€™assimilation (lโ€™Etat par exemple) et le pouvoir au sens commun, prรฉsent dans chaque relation et dans chaque action. Sโ€™intรฉresser aux enjeux politiques de la participation, cโ€™est explicitement รฉtudier les interrelations dโ€™ordre socio-spatial entre les deux formes de (P) pouvoirs, quโ€™on pourrait trรจs hรขtivement qualifier de sociales et de politiques ยป. A partir de lร , nous nous demandons si les dรฉmocraties en Afrique sont un mythe ou une rรฉalitรฉ ? Peuvent elles รชtre qualifiรฉes de dรฉmocraties atypiques ? Quelles rรฉflexions portons-nous sur la dรฉmocratie africaine ?

Quelle dรฉmocratie pour lโ€™Afrique ?

Dans son article, pensรฉe politique dans ยซ lโ€™Afrique noire traditionnelle ยป publiรฉ en 1967 dans la revue africaine, Lombard รฉcrit : ยซ ร  la fin du XIXe siรจcle, lโ€™Afrique noire prรฉsentait le plus riche champ dโ€™expรฉriences qui puisse se trouver en matiรจre dโ€™organisation politique. Jamais, sans doute, sur un mรชme continent et ร  une mรชme รฉpoque, nโ€™avait pu coexister une telle diversitรฉ dans les formes de gouvernement des hommes. Si lโ€™รฉvolutionniste dโ€™alors y avait pu mener ses enquรชtes avec des รฉquipes et des moyens considรฉrables, il aurait retrouvรฉ simultanรฉment les diffรฉrents stades de lโ€™organisation sociale, tels quโ€™il pouvait les imaginer au cours du long cheminement de lโ€™humanitรฉ ร  travers des siรจcles. Malheureusement, cโ€™est alors lโ€™ ยซ Afrique des explorations et non des savants, et le terrain รฉtait encore peu propice ร  lโ€™investissement scientifique ยป ยป. Donc, la question de la dรฉmocratie se pose en Afrique avec acuitรฉ et simultanรฉment, avec elle, celle du mieux-รชtre national. Elle serait donc la voie de sortie du double questionnement de lโ€™autoritarisme et de la crise รฉconomique. Une crise รฉconomique que lโ€™on attribue le plus souvent aux programmes dโ€™ajustement structurel imposรฉs par la Banque Mondiale et le Fonds Monรฉtaire International (FMI) (Berdot, 1998 ; Dubresson, 1997). Ces deux questions, politique et รฉconomique se posent aussi en termes de libรฉralisation de lโ€™espace politique et dโ€™ouverture du continent au marchรฉ mondial. Toutefois au regard de lโ€™histoire africaine, la quรชte dรฉmocratique remonte ร  la colonisation. Elle a connu diffรฉrentes solutions, entre autre le messianisme de lโ€™aube coloniale qui constitua un appel tournรฉ vers le passรฉ, bien avant la fin de la seconde guerre mondiale. Avant les annรฉes 1945, nait le nationalisme et la dรฉcolonisation que les intellectuels ont menรฉs pour conquรฉrir les indรฉpendances africaines. Nรฉanmoins, une question reste posรฉe : faut-il รฉvacuer le rappel de la conquรชte coloniale et la lutte de certains pour rester indรฉpendants ? Il est รฉvident que la conquรชte coloniale a pu contribuer ร  abattre les pouvoirs aristocratiques, jetant les bases de nouvelles formes de pouvoir, ร  savoir la participation ร  la vie publique et politique (Sรฉnรฉgal et le Mali par exemple).

Ces processus ont rรฉvรฉlรฉ un fait historique, celui de la dรฉmocratisation qui est certes une rรฉvolution politique en Afrique, puisquโ€™elle a appelรฉ ร  mettre en place un nouveau contrat social (Zartman 1997 : 48) qui rompt doublement avec le projet de sociรฉtรฉ (post) coloniale et sa constitution, taillable aux dimensions des rรฉgimes autoritaires des indรฉpendances (Conac, 1993). Cependant, Biaya soutient que la dรฉmocratie en Afrique constitue la voie du peuple et une rรฉaction contre les prรฉdations du nรฉo-patrimonialisme autoritaire, et les coรปts des rรฉformes nรฉolibรฉrales des programmes dโ€™ajustement structurel. Cette rรฉaction est nรฉe de deux formes de dรฉmocratie : la dรฉmocratie libรฉrale et populaire (un rรฉgime politique dans lequel dรฉmocratie et libรฉralisme se complรจtent dans le but de protรฉger les libertรฉs individuelles privรฉes et la libertรฉ publique de chaque citoyen). Or, ยซ la vie dรฉmocratique en Afrique devrait se caractรฉriser par une rationalitรฉ politique et sociale, disait Karl Popper. Ce qui signifie, un minimum de justice sociale, dont la rรฉalisation est considรฉrรฉe comme devant รชtre la soumission principale de lโ€™ร‰tat, lโ€™existence dโ€™institutions politiques aptes non seulement ร  garantir la libertรฉ et la sรฉcuritรฉ des individus, mais aussi un contrรดle efficace de lโ€™action des gouvernants par les gouvernรฉs, la tolรฉrance (dont ne sont exclus que les intolรฉrants) .

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Table des matiรจres

INTRODUCTION Gร‰Nร‰RALE
Lโ€™originalitรฉ dโ€™une รฉtude de gรฉographieรฉlectorale ร  Bamako
PREMIERE PARTIE : DE LA CONCEPTION A LA METHODOLOGIE
CHAPITRE 1 : La ville africaine, lieu du changement politique
CHAPITRE 2 : Pour une gรฉographie sociale de Bamako
CHAPITRE 3 : La gรฉographie politique au Mali
CHAPITRE 4 : Mรฉthodes et choix de lโ€™รฉchelle
DEUXIEME PARTIE : LA SPATIALISATION DES ELECTIONS A BAMAKO
CHAPITRE 1 : Spatialisation des votes et des partis politiques ร  Bamako
CHAPITRE 2 : Du traitement ร  la carte
CHAPITRE 3 : Composition sociale des bureaux de vote ร  Bamako
CHAPITRE 4 : La campagne prรฉsidentielle, un tournant important du vote ร  Bamako
TROISIEME PARTIE : DE LA CARTE A Lโ€™OPINION DES CITOYENS BAMAKOIS
CHAPITRE 1 : De la vie publique au fonctionnement dรฉmocratique ร  Bamako
CHAPITRE 2 : La circulation de lโ€™information pluraliste ร  Bamako
CHAPITRE 3 : La dรฉmocratie et la culture ร  Bamako
CHAPITRE 4 : ยซ Qui ยป dit ยซ Quoi ยป et ยซ Oรน ยป
QUATRIEME PARTIE : LES ACTEURS DU CHANGEMENT POLITIQUE A BAMAKO
CHAPITRE 1 : Mรฉdias et hommes politiques : regards croisรฉs
CHAPITRE 2 : Les รฉlites รฉlues et non รฉlues dans lโ€™arรจne politique ร  Bamako
CHAPITRE 3 : Syndicalisme et politisation ร  Bamako
CHAPITRE 4 : Mobilisation associative et politique des citoyens bamakois : quelles disparitรฉs socioรฉconomiques ?
CONCLUSION Gร‰Nร‰RALE
Un assemblage des mรฉthodes et outils au service dโ€™une approche critique de la dimension spatiale du comportement รฉlectoral

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