Recommandations françaises et internationales

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Troubles de l’humeur

Les états de stress, d’anxiété ou encore de dépression sont couramment retrouvés chez les patients fibromyalgiques. Ainsi, 30 à 60 % des patients fibromyalgiques présenteraient des troubles anxio-dépressifs au moment de leur diagnostic, et la plupart des patients décrivent des états de stress quasi-permanents.
Pendant longtemps, la fibromyalgie n’a été considérée que comme une maladie psychiatrique (ou liée à des troubles psychiatriques), et la prise en charge proposée reposait sur des séances de psychothérapie.
L’absence d’altération de l’état général, d’anomalie clinique, radiologique ou biologique objectivable, associée à des douleurs, une fatigue persistante et des troubles du sommeil peut en effet faire évoquer une « dépression masquée », mais l’absence de dévalorisation, d’auto-accusation, l’absence de tout désir ou de motivation, de propensions suicidaires propres au syndrome dépressif et l’absence de points douloureux à la pression prouvent qu’on ne peut résumer la fibromyalgie à un syndrome de dépression majeure.
Les études scientifiques mettant en jeu des tests de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien montrent que la dépression et la fibromyalgie sont deux entités distinctes. En effet, on retrouve une diminution de la concentration des taux de cortisol libre, de l’excrétion urinaire du cortisol et une freination accrue au test à la dexaméthasone chez les patients fibromyalgiques, ces résultats étant opposés chez les patients souffrant de dépression (De Jaeger, 2011).
De plus, le fait que les antidépresseurs soient efficaces dans le traitement de la fibromyalgie ne justifie pas qu’elle soit une dérive de la dépression ; certains antidépresseurs, tels que l’amitriptyline, sont actifs dans la fibromyalgie à des doses infra-thérapeutiques dans l’indication de la dépression ; ils agiraient principalement sur la composante douloureuse (site n°35).
L’hypothèse d’une dépression réactionnelle à la pathologie, aux douleurs inexpliquées, à l’isolement social du patient et à l’errance médicale serait plus acceptable.
On note une prévalence d’états dépressifs plus importante dans les familles de patients fibromyalgiques.
La sur-représentation des états anxio-dépressifs dans la population fibromyalgique peut s’expliquer par une appréhension de l’avenir et des craintes liées aux répercussions de la maladie et du handicap que celle-ci peut entraîner. Certains patients présentent des troubles du contrôle émotionnel, ou catastrophisme, qui se traduisent par un abaissement de l’estime de soi, un pessimisme permanent, une passivité associée à un déni des difficultés.
Des études ont montré que plus de 50 % des patients fibromyalgiques expriment des symptômes semblables à ceux retrouvés dans le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) : anxiété, troubles du sommeil, ruminations mentales. Ce syndrome pourrait 35 survenir chez ces patients à cause d’un terrain prédisposé au stress et aux réactions inadaptées à un environnement stressant, et une insuffisance de leurs capacités adaptatives (Cherin, 2011). La fibromyalgie survient généralement après un traumatisme physique ou psychique, ce qui peut expliquer ce lien entre SSPT et fibromyalgie.
Beaucoup de patients fibromyalgiques décrivent leur personnalité avant que la maladie ne se manifeste comme hyperactive et hyper-investie dans leur travail, facteur pouvant expliquer la frustration de ces patients, ne pouvant plus réaliser autant de choses qu’avant, et qui renforce leur sentiment de mésestime de soi et d’anxio-dépression.
L’anxiété et les troubles dépressifs sont une conséquence directe de la douleur et de la maladie et se traduisent par une appréhension du quotidien, et un renforcement mutuel des troubles de l’humeur et des symptômes directement liés à la fibromyalgie.

Autres symptômes et comorbidités

La symptomatologie de la fibromyalgie est riche. Ainsi, on recense un très grand nombre de symptômes associés à la triade caractéristique, et la fibromyalgie s’accompagne fréquemment d’une ou de plusieurs comorbidités que nous citerons dans cette partie.
• Les troubles cognitifs : fibrobrouillard
Donaldson et collaborateurs décrivent en 1998 le fibrobrouillard, ou « fibro-fog », terme anglo-saxon, comme une triade de troubles cognitifs associant une diminution des capacités de concentration, une diminution de la mémoire à court terme et une incapacité à exécuter plusieurs tâches simultanément (Donaldson et al., 1998).
Le fibrobrouillard est une expérience cognitive subjective rapportée par plus de 75 % des patients fibromyalgiques. Ils classent les difficultés de concentration et les oublis, troubles les plus souvent rapportés, à la cinquième place des symptômes les plus importants.
La sensation de brouillard mental, les troubles de l’attention et de la mémoire, le déclin des fonctions cognitives impactent la vie des patients, selon eux parfois de façon plus importante que les douleurs.
Le seul fait que l’étiologie de la fibromyalgie ne soit pas clairement identifiée, la présence de ce fibrofog chez plus de la moitié des patients fibromyalgiques suggère l’implication d’un dysfonctionnement des processus centraux et renforce l’idée selon laquelle la fibromyalgie pourrait résulter d’un trouble cérébral.
Depuis peu, les troubles cognitifs sont intégrés dans les critères de diagnostic de la fibromyalgie. Ils sont 2,5 fois plus présents chez les patients fibromyalgiques que chez les patients avec d’autres troubles rhumatologiques.
Les manifestations du fibrobrouillard sont nombreuses et variées (Kravitz et Katz, 2014) :
– Impression de brouillard, de « voir la vie à travers la brume » ;
– Difficultés cognitives ;
– Oublis, trous de mémoire ;
– Confusion mentale ou flou mental ;
– Distorsions de la sensibilité ;
– Confusion des mots, réduction de la fluidité du langage ;
– Diminution des capacités à penser, à se concentrer, à suivre des conversations.
Enfin, les patients fibromyalgiques présentant un fibrofog (troubles de mémoire, confusion mentale, troubles de l’élocution), rapportent davantage de douleurs, de raideurs, de fatigue et de troubles du sommeil, en comparaison à des patients présentant des problèmes de mémoire seuls (Katz et al., 2004).
Le fibrobrouillard pourrait représenter un facteur de sévérité de la maladie.
• Le syndrome des jambes sans repos
Le syndrome des jambes sans repos (SJSR), aussi appelé « Maladie de Willis et Ekbom », ou simplement « impatiences », est un trouble sensori-moteur chronique caractérisé par un besoin impérieux de bouger les jambes, associé à des sensations désagréables au niveau des membres inférieurs.
Les symptômes sont induits ou exacerbés par le repos, la position assise ou allongée, sont soulagés par l’activité, et s’aggravent le soir et la nuit. Ils sont fréquemment associés à des troubles du sommeil, notamment des problèmes d’endormissement et de maintien d’un sommeil de qualité. Ce syndrome touche plus rarement les bras.
Les impatiences dans les jambes s’accompagnent fréquemment de sensations de picotements, de tiraillements, de fourmillements, d’impression de décharges électriques, ainsi que de douleurs dans les formes accentuées. 80 % des patients avec ce syndrome présentent des secousses musculaires involontaires (flexion des pieds et des orteils, des genoux voire des hanches) pendant leur sommeil, étant à l’origine de troubles de ce dernier.
Les conséquences de ce syndrome sont multiples : difficultés de concentration, somnolence diurne ou hypersomnolence, troubles de l’humeur.
Le syndrome des jambes sans repos touche 2 à 15 % de la population générale et 20 à 65,7 % de la population fibromyalgique, en majorité des femmes.
Les patients décrivent un sommeil de mauvaise qualité et des réveils non rafraîchis de manière plus importante lorsque les deux syndromes sont associés.
L’étiologie exacte du SJSR n’est pas connue. Cependant, la présence d’une anémie ferriprive et/ou d’une carence dopaminergique semblent jouer un rôle prépondérant dans le déclenchement des symptômes. Les scientifiques distinguent trois formes principales de ce syndrome : idiopathique (sans cause identifiée), familiales (facteur génétique), et enfin, les impatiences secondaires (grossesse, diabète, insuffisance rénale chronique, sclérose en plaques…) (site n°4).
L’association fréquence du SJSR et du syndrome fibromyalgique peut faire penser à une étiologie commune : Stehlik et collaborateurs proposent l’hypothèse d’un même dysfonctionnement au niveau cérébral et en particulier au niveau du système dopaminergique du SNC (Stehlik et al., 2009). Le traitement de première intention, efficace dans ce syndrome, repose sur l’utilisation d’agonistes dopaminergiques et de levodopa. Ces traitements font l’objet de recherches et pourraient s’avérer utiles dans la prise en charge de la fibromyalgie.
Une autre hypothèse propose le rôle d’une sensibilisation centrale, permettant de rassembler sous le terme de « syndromes de sensibilisation centrale » plusieurs syndromes tels que la fibromyalgie, le syndrome des jambes sans repos, le syndrome du côlon irritable, les céphalées de tension, les dysfonctionnements temporo-mandibulaires. Tous ces syndromes ont en commun douleurs, fatigue, troubles du sommeil et troubles émotionnels.
Enfin, une dysrégulation des voies sérotoninergiques pourrait conduire à l’apparition de la fibromyalgie et du syndrome des jambes sans repos (Civelek et al., 2014).
• Le syndrome d’apnée du sommeil
Un autre facteur d’altération de la qualité du sommeil du patient fibromyalgique est la présence chez certains d’entre eux d’un syndrome d’apnée du sommeil.
Il se caractérise par une interruption (apnée) ou une réduction (hypopnée) de la respiration durant le sommeil, résultant d’épisodes répétés de 10 à 30 secondes d’obstruction partielle ou complète des conduits respiratoires de l’arrière gorge. L’oxygénation étant réduite, l’organisme induit des micro-réveils de la personne, qui ne s’en rend pas forcément compte (site n°2).
Ce syndrome est associé à des ronflements et entraîne un sommeil perturbé (impossibilité de rentrer en sommeil paradoxal = sommeil réparateur), interrompu de micro-coupures et donc de mauvaise qualité.
Les conséquences pour le patient sont semblables à celles retrouvées pour le syndrome des jambes sans repos, à savoir des troubles de mémoire et de la concentration, des troubles de l’humeur et une somnolence diurne.
• Les troubles vasomoteurs et dysautonomie
Il n’est pas rare de retrouver chez les patients fibromyalgiques des troubles vasomoteurs tels que le syndrome de Raynaud, le syndrome du canal carpien, le syndrome livedo-réticulaire des membres inférieurs, ou encore une instabilité tensionnelle (hypotension orthostatique notamment).
Le syndrome de Raynaud, décrit chez 18,2 à 53,3 % des patients fibromyalgiques, se caractérise par une vasoconstriction périphérique excessive des microvaisseaux digitaux, en réponse à une exposition au froid ou à un stress émotionnel (Scolnik et al., 2016).
Concernant le syndrome du canal carpien (SCC), les paresthésies sont retrouvées chez 26 à 84 % des patients fibromyalgiques. Si les symptômes décrits et les antécédents d’opérations chirurgicales du canal carpien sont plus importants chez les patients fibromyalgiques, les réels cas de SCC, démontrés par des études électrophysiologiques sont rares. Inversement, de nombreux cas de SCC ne sont pas diagnostiqués dans la population fibromyalgique, faisant passer les paresthésies, les sensations de fourmillements ou de picotements dans les mains pour un symptôme de la fibromyalgie. Silva et collaborateurs mettent en évidence la nécessité de prudence face au diagnostic de SCC chez un patient fibromyalgique et indiquent « d’être judicieux dans l’utilisation de tests neurodiagnostics chers et/ou invasifs » (Sarmer et al., 2001 ; Silva et al., 2016).
Le syndrome livedo-réticulaire, ou simplement livedo, est un signe clinique caractérisé par un érythème violacé dessinant un réseau de mailles plus ou moins marquées sur la peau. Une stase veineuse, secondaire à une désoxygénation du flux sanguin est à l’origine de ce trouble bénin, en dehors de toute maladie sous-jacente.
Ce phénomène peut être causé par une dysautonomie, une hypoxie locale (idiopathique) ou par la prise de veinodilatateurs. Le livedo peut être isolé ou associé à une maladie sous-jacente (maladie hématologique, rhumatologique, néoplasique, endocrinienne ou encore infectieuse) (Coattrenec et al., 2018).
On constate une fréquence importante de patients fibromyalgiques présentant une dysfonction des systèmes baroréflexes, pouvant être à l’origine de la station debout pénible et de la prévalence importante de syncopes dans la population fibromyalgique.
• Les céphalées : migraines et céphalées chroniques
La fréquence de céphalées (céphalées de tension, migraines vraies et autres céphalées), est importante dans la population fibromyalgique. Une étude de 2015, sur 1730 patients, a révélé que 55,8 % des patients fibromyalgiques remplissaient les critères de migraine. La prévalence de la comorbidité fibromyalgie et migraine varie de 18 % à 35,6 % (Yilmaz et al., 2019).
Il ne faut pas exclure les céphalées médicamenteuses, maux de tête chroniques dus à une consommation régulière et abusive de médicaments, en particulier d’antalgiques.
• Les colopathies fonctionnelles : syndrome du côlon irritable
Pouvant être présents avant le déclenchement de la fibromyalgie ou secondaires à celle-ci, les colopathies fonctionnelles sont rapportées par plus de 50% des patients fibromyalgiques (Cherin, 2011).
Le syndrome du côlon irritable se présente principalement par des douleurs abdominales à type de crampes ou de spasmes, majorées par la prise alimentaire, le stress, et l’anxiété, une sensibilité intestinale accrue, un inconfort intestinal associé à des ballonnements, des flatulences, et des troubles du transit, traduisant des troubles de la motricité, et se caractérisant par des diarrhées, constipations ou une alternance des deux. Les symptômes peuvent durer plusieurs heures à plusieurs jours et se manifestent sous forme de crises. Ce syndrome sans gravité entraîne une altération de la vie des patients et peut faire suite à une infection intestinale, des situations de stress chronique ou un évènement de vie imprévu (site n°3).
Ce trouble fonctionnel (sans lésion) n’a pas de cause connue. Il pourrait être dû à une altération de la motilité intestinale, une hypersensibilité viscérale, des modifications de la compliance de la paroi intestinale, ou encore une association de plusieurs de ces facteurs.
On observe une augmentation de la fréquence de ce syndrome dans la population fibromyalgique, et l’utilisation de tramadol et/ou d’antidépresseurs semblerait diminuer le risque de développer ce syndrome, dans le cas où il serait secondaire à la fibromyalgie et non présent avant celle-ci (Yang et al., 2015).
• Troubles génito-urinaires
Des douleurs pelviennes, vaginales, en dehors ou pendant les règles, ainsi que des cystalgies à urines claires (absence d’infection urinaire) ou encore des phénomènes d’incontinence liés à un possible syndrome de la vessie irritable peuvent être décrits par les patients fibromyalgiques.
Des cas d’endométriose ont également été rapportés.
• Les sécheresses
La fibromyalgie peut s’accompagner d’une sécheresse de la peau et des muqueuses, et en particulier des yeux et de la bouche, pouvant faire évoquer un syndrome sec (syndrome de Goujerot-Sjögren).
• Les troubles dentaires
Des problèmes de mastication incluant des douleurs des muscles et des articulations de la mâchoire, une déviation de la mâchoire à l’ouverture ou à la fermeture, avec des sensations de crépitement, de déboitement, de décrochage, une impossibilité d’ouvrir entièrement la bouche, un bruxisme (grincement des dents), une sensibilité dentaire plus ou moins associée à un déchaussement des dents, des douleurs dentaires à la mastication, ou encore des difficultés de déglutition peuvent être autant de symptômes rassemblés sous le terme de « troubles temporomandibulaires » et qui sont rapportés par un grand nombre de patients fibromyalgiques (Ayoumi et al., 2019 ; site n°17).

Les formes atypiques de fibromyalgie

75 à 90 % des patients fibromyalgiques sont des femmes, en moyenne âgées d’une cinquantaine d’années. Pourtant, les cas de fibromyalgie masculine et infantile existent bel et bien.
• Fibromyalgie de l’homme
On estime que moins de 0,5 % de la population masculine française est touchée par la fibromyalgie. Des difficultés d’identification des symptômes, un sous-diagnostic et une négation de la maladie par les hommes et le système de santé seraient à l’origine de cette faible proportion, alors que la prévalence pourrait être la même que dans la population féminine.
Une étude de Muraleetharan et collaborateurs indique que les hommes souffriraient de symptômes plus sévères que les femmes, avec une altération de la santé mentale, induisant une augmentation des limitations physiques et une baisse de la qualité de vie. La faible proportion d’hommes peut s’expliquer par le facteur sociétal « l’homme doit être fort et endurer la douleur » ainsi que la place sociale et professionnelle qu’occupent les hommes avec les responsabilités associées.
Les symptômes fréquemment rapportés par la population masculine sont pour 97,9 % d’entre eux la dépression, puis les douleurs diffuses et les points sensibles pour 77 %, la fatigue et les troubles du sommeil pour 75 %. Ils décrivent, à l’instar de la population féminine, la sensation de fibrobrouillard et 54 % d’entre eux indiquent avoir des relations difficiles avec leur famille et leurs amis. Un grand nombre de patients attend entre un et six mois avant une première consultation avec leur médecin, ce qui entraîne un retard de diagnostic encore plus important que pour les femmes. Cela pourrait s’expliquer d’une part par la peur du regard de la société, et d’autre part par le stress d’avoir une « maladie de femmes » (Muraleetharan et al., 2018).
Buskila et collaborateurs notent une sévérité des symptômes plus importante dans la population masculine, avec cependant moins de points sensibles que les femmes (ce qui s’expliquerait par une sensibilité plus importante des femmes à la douleur). La maladie toucherait une population légèrement plus jeune chez les hommes. Ils décrivent davantage de troubles du sommeil, avec une prévalence de syndromes d’apnée du sommeil plus importante. En revanche, les cas de syndrome du côlon irritable et de fatigue seraient moins fréquents que dans la population féminine (Buskila et al., 2000). Enfin, les études réalisées sur la fibromyalgie impliquent principalement des femmes, ce qui explique le faible nombre de publications concernant les hommes.
• Fibromyalgie de l’enfant
Le syndrome de fibromyalgie juvénile (SFMJ) est un état chronique caractérisé par des douleurs musculo-squelettiques diffuses et de multiples points sensibles douloureux à la palpation. Il s’accompagne fréquemment de fatigue, de troubles du sommeil, de céphalées chroniques, éventuellement d’un syndrome du côlon irritable et de sensations de gonflement des tissus mous. 20 à 35 % de la population pédiatrique, et en particulier adolescente, déclare souffrir de douleurs chroniques. 1 à 6 % serait atteinte de fibromyalgie juvénile, en particulier des patients de sexe féminin. La pathologie touche tous les âges à partir de 2 ans, mais la moyenne d’âge se situe entre 13 et 15 ans.
Les symptômes décrits sont similaires à la forme adulte, avec une hypermobilité articulaire supplémentaire et des comorbidités psychiatriques moins sévères. Les troubles du sommeil sont communs aux deux formes.
Cette pathologie cause dans la population infantile des problèmes d’absentéisme scolaire et a un impact sur le développement fonctionnel et psychosocial des enfants et adolescents. A ce jour, aucun critère de diagnostic n’a été validé par les autorités, bien que Yunus et Masi, en 1985, aient proposé une définition et des critères de diagnostic pour la population pédiatrique (Yunus et Masi, 1985). Le diagnostic se fait donc sur la base des critères utilisés pour la population adulte, avec des ajustements au cas-par-cas. Il s’agit là encore d’un diagnostic d’exclusion, le médecin devant s’assurer d’éliminer toute autre cause médicale pouvant être à l’origine des symptômes observés : carence profonde en vitamine D, polyarthrite juvénile ou autre trouble rhumatismal, dépression infantile, hypothyroïdie, infection virale, voire processus néoplasique.
La prise en charge précoce permet un meilleur pronostic, un gain de qualité de vie pour les patients ainsi qu’une amélioration des capacités fonctionnelles.
Malgré tout, environ 70 % des enfants ayant souffert de syndrome de fibromyalgie juvénile verront leurs symptômes persister à l’âge adulte (de Sanctis et al., 2019).

Etiologies

La physiopathologie de la fibromyalgie reste floue et méconnue. Elle repose principalement sur des hypothèses, faisant parfois débat entre les scientifiques. Cependant, ils s’accordent à dire qu’il n’y aurait pas une unique cause mais une agrégation de facteurs, qui une fois réunis, favoriseraient l’apparition de la maladie. Plus précisément, il existerait un fond multifactoriel, qui, sous l’influence d’un ou plusieurs facteurs favorisants, permettrait le déclenchement de la fibromyalgie et de ses symptômes.
Cette partie a pour but de présenter de manière concise les hypothèses étiologiques les plus répandues.
En premier lieu, précisons ce que la fibromyalgie n’est pas.
Ce n’est pas une maladie inflammatoire : en effet, à la biologie, les VS et CRP, marqueurs principaux de l’inflammation sont normaux, et on ne retrouve pas d’inflammation objective des tissus.
La maladie ne résulte pas d’une anomalie des tissus musculaires ou fibreux. Pourtant cette hypothèse, ayant d’ailleurs donné son nom à la maladie, a longtemps été considérée comme à l’origine des symptômes (et en particulier des douleurs) de la fibromyalgie. Les études menées sur les muscles des patients fibromyalgiques n’ont montré aucune altération des tissus musculaires ou fibreux (collagène, élastine, autres composants du tissu conjonctif) et l’électromyogramme est normal. De plus, les enzymes musculaires sont semblables à celles de la population générale. Les résultats de rares études ayant montré des anomalies n’ont pas été retrouvés dans des études ultérieures.
Pourtant considérée comme un trouble psychosomatique jusque dans les années 70, la fibromyalgie n’est pas une maladie psychiatrique (Menkès et Godeau, 2007). La thèse la plus probable serait la co-existence d’un terrain psychologique fragile (prédisposition à la dépression, l’anxiété, les troubles du comportement) et l’apparition d’un syndrome douloureux chronique. Des études reposant sur l’IRM fonctionnelle prouvent que les zones cérébrales de la douleur activées dans les états dépressifs sont différentes de celles activées lors du syndrome fibromyalgique. Ainsi, la physiopathologie de la fibromyalgie ne peut s’expliquer par un simple trouble psychologique (Marc, 2006).
Excluant ces hypothèses, les scientifiques ont recherché d’autres causes possibles.
• Prédisposition génétique
L’existence de quelques cas familiaux de fibromyalgie suppose l’existence de gènes de prédisposition. De nombreuses études portent sur cette hypothèse. Il est possible qu’un polymorphisme des neurotransmetteurs tels que la sérotonine, les catécholamines, la substance P, les endorphines ou de leurs récepteurs joue un rôle dans la physiopathologie de la maladie (Ablin et al., 2008).
• Troubles de la modulation douloureuse
L’hypothèse génétique fait le lien avec celle d’une sensibilisation centrale et périphérique, résultant d’un dysfonctionnement des systèmes de régulation et de transmission de la douleur, rassemblés par la Société Française de Rhumatologie (SFR) sous le terme de « troubles de perception de la douleur ». Cette hypothèse est la plus communément répandue et admise.
Le désordre central de la modulation de la douleur se traduit par un abaissement du seuil de perception douloureuse, appelé allodynie et une hyperalgésie ou hypersensibilité à la douleur. L’origine supposée de ces douleurs n’est pas uniquement périphérique : l’injection d’anesthésiques locaux au niveau de la moelle inhibe les points douloureux localisés mais le caractère généralisé de la douleur suppose, en plus de mécanismes périphériques altérés, une dysrégulation centrale des systèmes de contrôle de la douleur. Des dosages biologiques réalisés sur des patients fibromyalgiques ont révélé des anomalies de certains neurotransmetteurs au niveau cérébral, spinal et nerveux. Les résultats sont rassemblés dans le tableau ci-dessous.
La substance P est un des acteurs principaux de la transmission douloureuse au niveau des axones périphériques.
Les faibles concentrations de monoamines peuvent expliquer bon nombre de manifestations cliniques retrouvées dans le syndrome fibromyalgique puisqu’elles interviennent dans la régulation de l’humeur, du sommeil, du comportement et de la réponse à des situations stressantes.

Prise en charge à l’officine

La fibromyalgie ne dispose à ce jour d’aucun parcours de soin défini. En France, aucun médicament sur le marché utilisé pour la prise en charge de la maladie ne dispose d’AMM dans cette indication.
La ou les causes de cette pathologie ne sont pas connues. Ainsi, le traitement ne peut être spécifique et se résume à un traitement symptomatique, souvent empirique, désordonné et au cas-par-cas selon chaque patient et le(s) médecin(s) les prenant en charge.

Recommandations françaises et internationales

Il n’existe pas de recommandation universelle sur la prise en charge de la fibromyalgie. Des sociétés savantes ont mis en place des recommandations sur lesquelles les professionnels de santé peuvent s’appuyer afin de garantir la prise en charge la plus complète et la plus efficace possible, toujours en fonction du patient.
Parmi ces sociétés savantes, on retrouve notamment en France, la HAS (Haute Autorité de Santé), en Europe, l’EULAR (European League Against Rheumatism = Ligue européenne contre le rhumatisme), en Allemagne, l’AWMF (Arbeitsgemeinschaft der Wissenschaftlichen Medizinischen Fachgesellschaften = Association des sociétés médicales scientifiques), aux Etats-Unis, l’APS (American Pain Society = Société américaine pour la douleur), au Canada, la CPS (Canadian Pain Society = Société canadienne pour la douleur) ainsi que d’autres sociétés telles que la société brésilienne et la NHS (National Health Service) en Grande-Bretagne.
L’ensemble des organismes recommande une prise en charge pluridisciplinaire et multimodale. Elle devra reposer sur deux piliers majeurs : des thérapeutiques non médicamenteuses et des thérapeutiques médicamenteuses. Cette sous-partie a pour but de présenter les différentes recommandations françaises et internationales ; les modalités de traitement seront détaillées dans la sous-partie suivante.

France et Europe

En France, les recommandations disponibles de la HAS et de l’ANSM reposent essentiellement sur celles de l’EULAR, datant de 2011, puis revues en 2016. Elles peuvent être résumées selon le schéma suivant.

Allemagne

Les recommandations allemandes ont été mises au point par l’AWMF. Elles reposent sur une prise en charge multimodale, c’est-à-dire combinant au moins un module d’activité physique modérée (endurance, renforcement, flexibilité) et au moins un module psychothérapeutique (formation du patient et/ou thérapie cognitivo-comportementale).
Les thérapies complémentaires telles que le tai-chi, le qi-gong ou encore le yoga peuvent être recommandées.
Les traitements médicamenteux n’interviennent qu’en second plan, avec la possibilité d’utiliser temporairement l’amitriptyline à une dose de 10 à 50 mg/jr, la duloxétine à 60 mg/jr peut être utilisée chez les patients présentant une dépression majeure ou un trouble d’anxiété généralisé de manière concomitante. La prégabaline, de même, peut être utilisée à une dose de 150 à 450 mg/jr, chez les patients présentant un trouble d’anxiété généralisée.
L’AWMF ne recommande pas l’utilisation des opioïdes forts, tout comme les AINS (Häuser et al., 2017).

Etats-Unis et Canada

L’American Pain Society (APS) recommande de commencer la prise en charge par une confirmation du diagnostic et une évaluation complète du patient. L’éducation du patient au cours d’entretiens est essentielle pour une prise en charge optimale. L’APS indique qu’il faut utiliser une combinaison de multiples stratégies de traitement, incluant des stratégies pharmacologiques et non pharmacologiques. Les thérapies pharmacologiques seront prescrites selon la symptomatologie : antidépresseur tricyclique (amitriptyline, cyclobenzaprine) pour les troubles du sommeil, antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (fluoxétine) seul ou en association avec un tricyclique pour le traitement des douleurs. Les AINS ne sont pas recommandés en première intention. Le paracétamol peut apporter un soulagement ponctuel des douleurs s’il est utilisé en association avec d’autres molécules. Le tramadol peut être utilisé, seul ou avec le paracétamol. Les opioïdes peuvent être prescrits en dernier recours, une fois que toutes les possibilités de traitement ont été testées. Les corticoïdes ne doivent pas être utilisés.
Le médecin doit informer efficacement le patient sur la maladie et les modalités de traitement, et pourvoir à son éducation quant à la douleur et sa prise en charge. Il pourra proposer des séances de thérapies cognitivo-comportementales (TCC), au sein d’un programme de traitement multimodal, incorporant l’exercice physique, les étirements, les thérapies psychologiques et éventuellement les thérapies complémentaires.
La prise en charge multimodale doit permettre de diminuer les douleurs et d’améliorer les capacités fonctionnelles et la qualité de vie du patient (site n°9).
En l’absence de traitement curatif, la Canada Pain Society (CPS) recommande un traitement ayant pour but de diminuer les symptômes et d’améliorer les capacités fonctionnelles, le tout en définissant clairement des objectifs pour le patient. La prise en charge sera basée sur les symptômes, adaptée au patient et selon le principe de la multimodalité. Le patient doit prendre une part active dans sa prise en charge, qui sera centrée sur des stratégies non pharmacologiques. Les traitements pharmacologiques pourront être utilisés chez certains patients, avec la nécessité de réévaluer régulièrement l’efficacité du traitement et son profil d’effets indésirables (balance bénéfice-risque).

Autres : Brésil, Grande-Bretagne

Les recommandations brésiliennes sont sensiblement les mêmes que les autres recommandations internationales, reposant principalement sur la combinaison de modalités de traitement associant techniques non pharmacologiques et pharmacologiques. Le traitement est mis en place en accord avec l’intensité des douleurs, les capacités fonctionnelles et les caractéristiques du patient. Ils ajoutent l’importance de prendre en considération le contexte bio-psychosocial et culturel de ce dernier (Heymann et al., 2009).
La NHS (Royaume-Uni) indique que le traitement a pour objectif de soulager les symptômes et d’améliorer la qualité de vie. Aucun traitement curatif n’est disponible pour le moment. Elle met l’accent sur le rôle central du médecin généraliste dans la mise en place des traitements et du suivi, mais également sur l’implication de certains spécialistes tels que rhumatologue, neurologue ou encore psychologue. Les traitements doivent être associés, et adaptés au patient. Il est parfois nécessaire de tester plusieurs options thérapeutiques avant de trouver la bonne combinaison, qui apportera une efficacité suffisante, avec le moins d’effets indésirables possibles. Elle souligne l’importance des groupes de soutien et de l’adoption de règles d’hygiène de vie, nécessaires à des modifications des comportements, cruciales pour la réussite de la prise en charge. Les lignes directrices de cette dernière sont basées sur les traitements médicamenteux (antalgiques, antidépresseurs, antiépileptiques) et les autres options non médicamenteuses (exercice physique, TCC, psychothérapie, techniques de relaxation, thérapies alternatives) (site n°38).

Prise en charge multimodale

La prise en charge correcte et efficace d’un patient fibromyalgique repose sur différents éléments. En premier lieu, sur la pose d’un diagnostic solide et d’une évaluation complète du patient. Celle-ci sera physique, mais aussi psychologique et sociale (entourage, capacités de soutien du patient). Le médecin fera une évaluation des principaux symptômes (douleur, fatigue, troubles du sommeil et de l’humeur), en typant leur intensité, leur localisation, les facteurs d’amélioration ou d’aggravation, leur évolution dans le temps, ainsi qu’une évaluation des comorbidités et d’une éventuelle maladie associée (en cas de fibromyalgie concomitante).
Dans un second temps, il lui faudra évaluer la motivation du patient et son envie d’implication dans sa prise en charge : en effet, celle-ci ne sera efficace que si le patient y prend une part active. Cela passe également par la présence d’un entourage familial, amical et personnel solide.
Enfin, le médecin devra s’attacher à prendre en compte les capacités de financement du patient, la plupart des modalités de prise en charge n’étant pas remboursées par la sécurité sociale. Concernant l’aspect professionnel, il n’existe pas d’indemnité invalidité-incapacité. Le patient devra, en accord avec son employeur, mettre en place des horaires et des conditions de travail adaptés à sa situation.
Le médecin pourra, à l’issue de ses évaluations, utiliser le FIQR afin d’évaluer l’impact de la maladie sur la qualité de vie du patient.
Quels que soient les symptômes et leur intensité, toutes les sociétés savantes s’accordent sur le fait que la prise en charge doit être multidisciplinaire, et reposer en premier sur des techniques non médicamenteuses et dans un second temps seulement sur des traitements médicamenteux. Les techniques non médicamenteuses s’axent principalement sur le reconditionnement à l’effort, la pratique ou la poursuite d’activités physiques adaptées et parallèlement, sur des techniques de relaxation. Selon les besoins du patient, le médecin pourra proposer un accompagnement psychologique. Le recours à des techniques de médecines complémentaires, même si leur efficacité reste à prouver, est possible pour les patients qui le souhaitent, et qui le peuvent (besoins, envies et ressources, en particulier financières).
Enfin, le patient devra suivre des règles hygiéno-diététiques adaptées à sa maladie.
Le schéma page suivante, basé sur l’ensemble des recommandations internationales et sur le fascicule sur la fibromyalgie de la Ligue Suisse contre le Rhumatisme, présente les éléments d’une prise en charge multimodale de la fibromyalgie. Les différents items seront approfondis dans les sous-parties suivantes. Les items en rouge désignent les cibles d’action du pharmacien d’officine.

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Table des matières

Introduction
I. La fibromyalgie
a. Définition
b. Historique
c. Epidémiologie
d. Symptômes
i. Douleur
ii. Fatigue
iii. Troubles du sommeil
iv. Troubles de l’humeur
v. Autres symptômes et comorbidités 36
vi. Les formes atypiques de fibromyalgie 42
e. Diagnostic
i. Diagnostic positif
ii. Diagnostics différentiels 50
f. Etiologies
g. Evolution et pronostic
II. Prise en charge à l’officine
a. Recommandations françaises et internationales 61
i. France et Europe
ii. Allemagne
iii. Etats-Unis et Canada
iv. Autres : Brésil, Grande-Bretagne 64
b. Prise en charge multimodale 65
i. Activité physique
ii. Psychothérapies
iii. Thérapeutiques médicamenteuses 81
iv. Règles hygiéno-diététiques 94
a. Alimentation
b. Contrôle du poids
c. Activité physique
d. Sommeil
e. Gestion du stress
v. Techniques de relaxation
vi. Ergothérapie
vii. Médecines complémentaires
a. Généralités
b. Symptômes et prise en charge en médecine complémentaire
c. Prise en charge officinale : communication
i. Communication au comptoir : le patient fibromyalgique
ii. Les outils de communication
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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