Recommandations de sécurité d’emploi des fluoropyrimidines de 2018

Les fluoropyrimidines sont des antinéoplasiques utilisés dans les cancers digestifs, gynécologiques et ORL. Ces molécules sont la pierre angulaire du traitement des néoplasies digestives. Comme tout anticancéreux, ces médicaments sont à marge thérapeutique étroite, et des effets indésirables surviennent fréquemment. Ces toxicités sont liées à la lyse des cellules médiés par ces molécules. Les fluoropyrimidines sont métabolisés par une série de réactions enzymatiques conduisant à des catabolites dénués d’effet thérapeutiques. La 1ère enzyme de ce catabolisme est la dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) (1), cette enzyme est l’enzyme limitante du catabolisme de ces anticancéreux. Des mutations vont altérer le fonctionnement de cette enzyme et provoquer une accumulation de 5 Fluorouracile. Cette accumulation va induire des effets indésirables sévères voire potentiellement létales en fonction de la profondeur du déficit et de la posologie administrée. En raison de ces décès imputables au fluorouracile et à ce déficit enzymatique, il a été dans un premier temps, recommander de doser l’uracilémie, qui est corrélé au fonctionnement de la DPD . Les pratiques des prescripteurs vis à-vis de l’uracilémie, étant hétérogènes, la réalisation d’une uracilémie chez tout patient devant commencer un traitement par fluoropyrimidines devient obligatoire en 2019 . Cette obligation de dépistage a pour objectif d’éviter une partie des toxicités sévères imputables aux fluoropyrimidines .

Le 5-Fluorouracile

Historique

L’uracile est une base azotée de type pyrimidique (structure hexagonale comprenant 4 atomes de carbone et deux atomes d’azote) spécifique de l’ARN. Elle joue un rôle important au niveau des tissus à croissance rapide : d’une part, elle est le précurseur de la thymine, base nécessaire à la synthèse d’ADN qui préside à la division cellulaire ; d’autre part, elle entre dans la composition des ARN qui permettent la synthèse des protéines et des enzymes cellulaires.

La découverte du potentiel antimétabolique d’un dérivé de l’uracile repose sur une succession d’observations. En 1954, Rutman et al font le constat que les cellules d’hépatocarcinome chez le rat consomment davantage d’uracile que les cellules saines (1). Quelques années plus tard, se basant sur les recherches de Liébec et Peters (2) qui qui ont montré que la substitution d’un atome d’hydrogène par un atome de fluor sur la molécule d’acide acétique conduit à la synthèse d’un raticide, Charles Heidelberger incorpore un atome de fluor sur une base pyrimidique et démontre que cette modification bloque le métabolisme cellulaire (3). A ce stade, deux composés auraient pu être porteurs d’une activité antinéoplasique : le 5 Fluorouracile et le 6-Fluorouracile (3). Le 5-Fluorouracile (5FU) sera le composé retenu pour deux raisons. La 1ère raison concerne le 6-Fluorouracile, qui est un composé instable et inactif biologiquement (4). La 2nde raison est d’ordre biochimique, la thymine étant un nucléotide synthétisé par méthylation en position 5 de l’uracile, il a été prédit qu’un dérivé modifié de l’uracile en position 5 inhiberait la synthèse de thymine .

Pharmacodynamie

Le 5FU agit principalement pendant la phase S du cycle cellulaire. Cette action pharmacologique nécessite au préalable un métabolisme intracellulaire dans lequel trois voies anaboliques d’importance inégale sont impliquées (5).

La 1ère voie fait appel aux thymidine phosphorylase et thymidine kinase pour convertir le 5FU en fluorodesoxyurdine-monophosphate (FdUMP). Celui-ci se lie à la thymidylate synthétase, enzyme qui catalyse la méthylation de l’uracile en thymine en présence du cofacteur 6-Methylènetétrahydrofolate, qui agira en guise de donneur de méthyle. La formation d’un complexe ternaire entre l’enzyme, le FdUMP et le cofacteur  bloque l’étape de méthylation, provoquant ainsi une inhibition de la synthèse d’ADN et donc de la prolifération cellulaire.

Le FUDP peut également être converti en Fluorodesoxyuridine-diphosphate (FdUDP), qui sera phosphorylé en Fluorodesoxyuridine-triphosphate (FdUTP) qui pourra alors être incorporé dans l’ADN donnant naissance à un ADN frauduleux. Cette incorporation va générer des mésappariements car le FdUTP s’apparie préférentiellement avec les résidus Guanine qu’avec les résidus Adénine (11). Elle va également provoquer un arrêt de la synthèse d’ADN par inhibition de la thymidilate synthétase et une fragmentation de l’ADN frauduleux.

Pharmacocinétique

Absorption

Le 5FU est résorbé par voie digestive mais son absorption est soumise à de fortes variations inter et intra-individuelles, résultant d’une biodisponibilité per os variant alors de 0 à 80% (12). Les mécanismes pouvant expliquer ces variations ne sont pas élucidés. Le pH au niveau du tractus digestif supérieur pourrait augmenter l’absorption (5). La présence de la dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), principale enzyme impliquée dans le catabolisme des pyrimidines, dans la muqueuse gastrique et intestinale, ainsi qu’au niveau du foie (13), pourrait exercer un fort effet de premier passage hépatique. Devant une biodisponibilité per os imprévisible, cette voie d’administration n’est pas envisageable pour cette molécule. Le 5FU est également utilisé par voie cutanée. Son absorption sur peau saine est négligeable, de l’ordre de moins de 6% (14) mais elle est 15 à 75 fois plus importante lors d’une application sur peau lésée .

Distribution

Le 5FU est faiblement lié aux protéines plasmatiques (<15%) (16). Son volume de distribution est compris entre 0,1 et 0,4 L/kg, avec un Vd moyen de 15 L (17). La pénétration intracellulaire du 5FU est assuré par les transporteurs de type SLC (Solute carrier) SLC29A2 et SLC22A7 assurant une diffusion facilitée de l’uracile et du 5FU au sein de la cellule (18,19). Le 5FU et ses métabolites sont des substrats des transporteurs de type ABC (ATP binding cassette), protéine d’efflux permettant l’élimination de ces molécules hors des cellules (17). Une surexpression de ces transporteurs pourrait être un mécanisme de résistance des cellules tumorales à cet antinéoplasique.

Métabolisation et élimination 

L’élimination du 5FU sous forme inchangée par voie urinaire est anecdotique et représente moins de 10% de la dose administrée (5). Comme nous l’avons vu précédemment, le 5FU est une prodrogue et doit être anabolisé pour exercer son action anticancéreuse. Le 5FU possède également un métabolisme catabolique, dont le siège principal est le foie et l’enzyme limitante, la DPD. Essentiellement présente au niveau hépatique, elle est également retrouvée au niveau pulmonaire, pancréatiques et dans les leucocytes. Elle métabolise la quasi-totalité de la dose administrée par une succession de réactions (20). La 1ère étape est une réduction du 5FU en 5,6-dihydro-5-fluorouracile (FUH2) (5). Le FUH2 va alors subir l’action de la dihydropyrimidinase, enzyme provoquant l’hydrolyse du cycle pyrimidine et libérant l’acide α-fluoro-β-uréido-propionique (FUPA). Le FUPA va alors être dégradé en β-fluoroalanine (FBAL) par la β-uréidopropionase. Le FBAL a alors 2 devenirs, il peut être dégradé en urée et en dioxyde de carbone par la N carbamoyl-β-alanine aminohydrolase, ou bien être conjugué par la N-acyl CoA transferase catabolisant une réaction de conjugaison entre le FBAL et l’acide cholique (21). Tous ces métabolites sont produits dans le foie par un métabolisme intense, comme en témoigne la demi-vie du 5FU qui est de l’ordre de 10 minutes (16). Chacun de ces métabolites est dénué d’activité thérapeutique.

Non linéarité de la pharmacocinétique du 5FU

La DPD peut être saturée par l’administration d’un bolus de 5FU, pratique que l’on rencontre essentiellement dans les protocoles d’oncologie digestives. Cette saturation se traduit par une augmentation des concentrations plasmatiques et de la demi-vie .

Indications

Par voie IV, le 5FU est indiqué essentiellement dans les adénocarcinomes digestifs évolués, dans les cancers colorectaux après résection en situation adjuvante, dans les carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures et de l’oesophage, mais il peut être également prescrit dans les adénocarcinomes mammaires après traitement locorégional ou lors des rechutes, ainsi que dans les adénocarcinomes ovariens. (9). Il peut être utilisé au cours de chimiothérapies néoadjuvantes, adjuvantes ou palliatives, sous forme de monothérapie ou de polychimiothérapies.

Sous forme topique, le 5FU est employé dans le traitement des condylomes génitaux, de la kératose préépithéliomateuses, dans les formes inopérables de la maladie de Bowen et de l’érythroplasie de Queyrat (23) et de la kératose actinique (24). En ophtalmologie, le 5FU est utilisé dans les néoplasies squameuses de la surface oculaire (25) ou bien après les trabéculectomies, les chirurgies de la cataracte ou encore après le traitement chirurgical des glaucomes, sous forme topique ou injection intraoculaire. Le 5FU, dans ces indications, module la cicatrisation de la plaie ou des plaies post-opératoires et peut améliorer le pronostic de ces interventions (26). Néanmoins, il ne semble pas exister de consensus permettant d’orienter les ophtalmologistes vers le 5FU plutôt que la Mitomycine C, antibiotique à activité anti-cancéreuse présentant également une activité anti-fibrotique en ophtalmologie .

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
1. Introduction
2. Le 5-Fluorouracile
2.1. Historique
2.2. Pharmacodynamie
2.3. Pharmacocinétique
2.3.1. Absorption
2.3.2. Distribution
2.3.3. Métabolisation et élimination
2.4. Non linéarité de la pharmacocinétique du 5FU
2.5. Indications
2.6. Effets indésirables
2.6.1. Toxicité hématologique
2.6.2. Toxicité digestive
2.6.3. Toxicité cutanée
2.6.4. Toxicité cardiaque et neurologique
2.7. Principaux protocoles dans lesquels le 5FU est employé
2.7.1. Protocole LV5FU2 standard
2.7.2. Protocole LV5FU2 simplifié
2.7.3. Protocole FOLFOX
2.7.4. Protocole FOLFIRI
2.7.5. Protocole FOLFIRINOX
2.7.6. Protocole FOLFOXIRI
2.7.7. Protocole Mitomycine-C + 5FU
2.7.8. Protocole FLOT : Docetaxel + oxaliplatine + Folinate + 5FU
3. La capécitabine
3.1. Historique
3.2. Pharmacocinétique
3.2.1. Absorption et anabolisme
3.2.2. Distribution
3.2.3. Métabolisme et élimination
3.3. Indications
3.4. Effets indésirables
3.4.1. Toxicité cutanée
3.4.2. Toxicité digestive
3.4.3. Toxicité cardiovasculaire
3.4.4. Toxicité neurologique
3.4.5. Toxicité hématologique
3.5. Protocoles employant la capécitabine
3.5.1. Capécitabine en monothérapie
3.5.2. Protocole XELOX
3.5.3. Protocole XELIRI
3.5.4. CAPTEM
3.5.5. Protocole CAP50
4. La dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD)
4.1. Description de l’enzyme
4.2. Législation et recommandations autour de la DPD
4.3. Dépistage d’un déficit en DPD
4.4. Adaptation posologique en fonction des différents phénotypes
CONCLUSION

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *