Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Les douleurs psychogènes
Ces douleurs, dont la réalité est discutée, pourraient résulter de l’abaissement du seuil nociceptif lié à des désordres thymiques. Elles se retrouvent chez des malades souffrant de céphalées de tension, de fibromyalgies, de douleurs myofasciales, de dysménorrhées.
Elles sont caractérisées par :
– Une hypersensibilisation douloureuse à la pression et à la température.
– Des anomalies de l’IRM fonctionnelle et de la tomographie par émission de positrons.
– Les dosages neurochimiques de substances opioïdes ou anti-opioïdes dans le sang et le LCR, comme les élévations des taux de substance P dans le LCR et les modifications du métabolisme sérotoninergique observées notamment dans certaines fibromyalgies.
Le stress et les oestrogènes (dont les fluctuations au cours du cycle se répercutent directement) jouent également un rôle sur le seuil douloureux.
De plus, il a été montré qu’un traumatisme vécu dans l’enfance (enfant battu, …) pouvait être relié à certaines douleurs rebelles (lombalgies chroniques…) perçues à l’âge adulte.
Ces données s’opposent à la classique opposition soma / psyché et permettent d’établir des liens entre les approches cliniques, psychodynamiques, neurophysiologiques et biologiques. (9)
Les douleurs psychiques ou souffrances morales
Très fréquentes, elle se distinguent des douleurs physiques et psychogènes, même si ces dernières évoquent souvent une “déchirure” psychologique (9).
Physiopathologie de la douleur
Douleurs par excès de nociception
La transmission douloureuse est un phénomène complexe impliquant des mécanismes électrophysiologiques et neurochimiques où 4 étapes se succèdent :
1. Genèse du signal nociceptif.
2. Transmission en tant qu’influx douloureux par les neurones nocicepteurs.
3. Relais et modulation de l’influx douloureux dans la corne postérieure de la moelle épinière (convergence, amplification, blocage des influx).
4. Intégration dans le cerveau qui le transforme en message conscient : sensation précise et retentissement émotionnel et affectif (10).
À chaque étape, il existe des mécanismes d’amplification de l’influx (sensibilisation), et des mécanismes de frein physiologique. Il en ressort un message modulé qui arrive au cerveau, où il est intégré comme douleur.
Genèse du signal nociceptif
Un message nociceptif est généré lors de la stimulation des terminaisons libres peu myélinisées ou amyéliniques très nombreuses, arborisées dans les tissus cutanés et musculaires et les parois viscérales. Les messages sont ensuite transmis par les fibres réunies au sein des nerfs vers la moelle épinière où s’effectue le premier relais.
Le signal nociceptif peut être obtenu de façon :
– Directe : par stimulation directe des terminaisons libres.
– Indirecte : correspond aux phénomènes d’hyperalgésie primaire et secondaire.
o L’hyperalgésie primaire : suite au trauma, il y a libération de médiateurs algogènes responsables d’une inflammation qui modifie la perméabilité aux ions des canaux membranaires des récepteurs nociceptifs, entraînant la diminution de leur seuil de déclenchement, une latence diminuée, une allodynie.
o L’hyperalgésie secondaire : en réaction, les fibres sensitives douloureuses libèrent en périphérie des neuropeptides algogènes : la substance P et le CGRP responsables d’une “inflammation neurogène”.
Ces 2 phénomènes entraînent des modifications de perméabilité membranaire des neurones de la corne postérieure de la moelle qui deviennent hyperactivables.
Ceci explique que des flux de faible intensité puissent être intégrés comme douleur et que des mémorisations douloureuses puissent perdurer après l’arrêt des décharges nociceptives.
Ainsi toute douleur aiguë laisse durant quelques jours une marque neurochimique, médullaire et centrale.
Ces phénomènes s’accompagnent souvent :
– De contractures musculaires algiques liées à une activité prolongée du muscle qui se fatigue et accumule des substances algogènes (acidose métabolique, bradykinine, …)
– D’une activité sympathique responsable de de dermalgies réflexes, fréquemment retrouvées au “pincé-roulé” de la peau (lors d’algies vertébrales ou abdominales).
Transmission de l’influx douloureux par les nocicepteurs et phénomène de double douleur
Il existe 3 types de fibres périphériques, elles-mêmes classées en 2 catégories :
– Les fibres Aβ : forte myélinisation, leur vitesse de conduction est rapide, leur permet-tant de transmettre des informations tactiles et proprioceptives ; elles sont déclenchées par des stimuli mécaniques de faible intensité (frottement de la peau)
– Les fibres Aδ et C : peu ou pas myélinisées, elles conduisent moins rapidement l’information et véhiculent des informations nociceptives et thermiques.
o Les fibres Aδ, capables de discriminer la topographie et la qualité, constituent la voie de la douleur rapide, localisée et précise, à type de piqûre.
o Les fibres C, dont la vitesse de conduction est 10 fois inférieure, constituent la voie de la douleur lente, prolongée et diffuse, à type de brûlure.
Cette différence de rapidité de perception de la douleur permet d’expliquer la « double douleur » ressentie lors de l’application d’un stimulus nociceptif bref.
Les fibres C, qui constituent le groupe le plus important de fibres nerveuses, sont composées de nocicepteurs polymodaux, capables de détecter des stimuli nociceptifs (thermiques, mécani-ques, et chimiques) et non nociceptifs. Elles sont donc davantage perçues comme un organe sensoriel à part entière que de simples nocicepteurs et sont de faible spécificité.
Intégration médullaire de la douleur
Une fois arrivées au niveau de la corne dorsale, les fibres nociceptives convergent sur les neurones spinothalamiques de la corne postérieure. Elles transportent des influx d’origines topographiques diverses et de qualités différentes (nociceptif ou non).
Dans la corne postérieure, les fibres Aδ et C activées libèrent dans l’espace synaptique :
– Des neuropeptides : la substance P et le CGRP, jouant un rôle activateur important dans la transmission douloureuse médullaire.
– Des acides aminés excitateurs : l’acide glutamique et l’aspartate, qui se fixent sur les récepteurs membranaires postsynaptiques :
o Avec un canal ionique : AMPA – kaïnate (sodium), NMDA (calcium).
o Ou sur des récepteurs métabotropiques liés aux protéines G.
– D’autres peptides : somatostatine, cholécystokinine, neurokinines A et B, VIP.
Des contrôles interviennent sur la sécrétion de glutamate et de substance P :
– Les opiacés ont un effet antinociceptif en diminuant leur libération : μ >> δ > κ
– Les monoamines (sérotonine, noradrénaline) inhibent la transmission nociceptive dans la corne postérieure.
Le phénomène du “gate control” correspond à un contrôlé inhibiteur découvert en 1965 par Wall et Melzack. Il montre que l’activation des fibres sensitives cutanées de gros calibre (Aβ) peut inhiber la transmission des fibres nociceptives de petit calibre de la corne postérieure (Aδ et C). Le GABA et la glycine jouent un rôle dans cette modulation segmentaire.
Le contrôle de la porte sert de support au rôle antalgique des stimulations cutanées utilisées lors des massages (frottement sur une piqûre, une région douloureuse…), de la neurostimulation, de l’acupuncture, voire, pour une part, de certains traitements physiques (manipulations…).
Intégration cérébrale de la douleur et contrôles supraspinaux
On distingue 2 types de contrôles supraspinaux :
– Contrôle inhibiteur diffus induit par une stimulation nociceptive : lorsqu’une douleur aiguë est appliquée en même temps qu’une douleur chronique, seule la stimulation la plus forte est perçue ; les autres stimulations ne sont plus détectables.
– Contrôles segmentaires : l’activation des afférences cutanées de grand diamètre via des stimulations répétitives non nociceptives (frottement énergique et répété) peut déprimer les réponses de neurones spiraux aux stimulus nociceptifs (piqûre, coups, …).
A ces contrôles s’ajoutent la sommation spatiale et temporelle des informations :
– Sommation spatiale : dans les conditions physiologiques normales, un stimulus nociceptif active un groupe de neurones donné ainsi qu’une frange de neurones adjacents
– Sommation temporelle : lorsqu’un stimulus nociceptif bref (électrique, piqûre, …) est répété rapidement, la réponse neuronale augmente d’un stimulus au suivant et se poursuit après l’arrêt de la stimulation (phénomène de wind-up).
Douleurs neurologiques (DN), par lésion du SNP (désafférentation) ou central
La définition la plus communément acceptée de la DN est une douleur causée par une lésion ou une maladie du système somatosensoriel (périphérique et/ou centrale). Elle peut :
– Se déclarer de façon spontanée, indépendamment de tout stimulus.
– Être associée à des douleurs provoquées par un stimulus (mécanique, thermique) ou à des symptômes non douloureux (fourmillements, démangeaisons, hypoesthésie).
– Être évoquée, sous forme d’allodynie ou d’hyperalgésie.
Le développement de DN est dû à de nombreux mécanismes physio-pathologiques complexes touchant les voies de transmission de la douleur et qui ne sont pas liés à la pathologie. En outre, des mécanismes différents peuvent provoquer des symptômes identiques.
Le nombre important de neurotransmetteurs et de substances impliqués dans le développement des douleurs neuropathiques pourrait expliquer leur forte comorbidité avec d’autres types de douleurs chroniques, les troubles du sommeil ou encore la dépression ou l’anxiété.
Les douleurs neuropathiques ont un moins bon pronostic et sont plus réfractaires aux traitements antalgiques conventionnels que les douleurs nociceptives.
D’un point de vue physiopathologique, la douleur neuropathique peut être due à la génération de potentiels d’action ectopiques par les fibres nociceptives, principalement C et Aδ.
Ces activités sont générées par les fibres nociceptives afférentes lésées et par leurs voisines. Ces altérations sont retrouvées plus fréquemment dans les DN périphériques que centrales.
Des travaux réalisés dans les modèles lésionnels avaient impliqué la surexpression de canaux sodiques voltage-dépendants (Nav), de canaux potassiques, et de canaux calciques voltage-dépendants VDCC (Voltage Dependant Calcium Channels) dans le développement des DN. Ainsi, les DN seraient au moins en partie dues à des « canalopathies » acquises ou héréditaires.
De plus, des lésions nerveuses provoquent la surexpression de protéines récepteurs diverses tels que le TRPV1 (Transientreceptor Potential Vanilloid de Type 1) à la capsaïcine au niveau des fibres C nociceptives. D’autres canaux tels que TRPA1 et TRPM8 semblent jouer un rôle. (11)
L’allodynie et l’hyperalgésie secondaires aux lésions nerveuses sont en outre facilitées par des phénomènes de sensibilisation centrale, impliquant la sécrétion dans la corne dorsale :
– D’acides aminés excitateurs (glutamate …) : activent les récepteurs neurokinine 1 (NK1)
– De neuropeptides (substance P) : entraînent la phosphorylation des récepteurs AMPA et NMDA au niveau post-synaptique.
Ces changements induisent une hyperexcitabilité neuronale permettant aux fibres Aβ et Aδ d’activer des neurones nociceptifs, expliquant la douleur ressentie pour des stimuli tactiles.
Des mécanismes identiques ont lieu au niveau supra-spinal expliquant en grande partie les douleurs neuropathiques d’origine centrale. (11)
Lors d’une lésion du SNC, la glie se transforme et se prolifère, entraînant la libération de cyto-kines pro-inflammatoires (interleukines), d’où le déclenchement et le maintien des DN. (10)
En outre, la perte du contrôle inhibiteur normalement exercé par les neurones opioïdergiques et monoaminergiques centraux (sérotonine, noradrénaline) ainsi que par les interneurones GABAergiques contribue à la sensibilisation centrale. (11)
« Diagnostic » et suivi d’une douleur neuropathique
Une DN ne constitue pas un diagnostic en soi. C’est une description clinique qui nécessite de trouver une lésion correspondante ou une maladie à son origine. On parle de lésion lorsqu’un examen (imagerie, biopsie, …) révèle une anomalie, et on parle de maladie lorsque la cause sous-jacente de la lésion est connue (diabète, …). Elles associent une histoire de pathologie neurologique, de plaintes sensitives et des anomalies de l’examen neurologique. (1)
Les douleurs neuropathiques sont généralement sous-diagnostiquées. Bien qu’elles soient vite mises en évidence chez les sujets diabétiques, cancéreux, et dans les atteintes radiculaires, elles sont moins facilement identifiées pour les douleurs neuropathiques post-opératoires.
De plus, ces douleurs chroniques représentent une source importante d’altération de la qualité de vie et sont une source de comorbidité psychiatrique et de suicide justifiant leur identification et une prise en charge adaptée précoces.
Il faut donc savoir y penser devant toute douleur chronique rebelle, d’autant qu’elles requièrent des stratégies thérapeutiques spécifiques, différentes de celles des douleurs nociceptives. (19)
Leur dépistage a été simplifié par la publication d’une échelle diagnostique française d’utilisation très simple, en 10 questions : le questionnaire DN4 (DN en 4 points, voir annexes). Un score supérieur ou égal à 4/10 permet de poser le « diagnostic » de douleur neuropathique avec une sensibilité de 83% et une spécificité de 90%. (2)
L’évaluation d’une douleur neuropathique a pour principaux objectifs de mesurer sa sévérité et son retentissement. Elle doit permettre de suivre son évolution, de débuter un traitement symptomatique et d’en évaluer les résultats à court et à long terme.
Les échelles unidimensionnelles de douleur, validées et faciles d’emploi, peuvent être utilisées pour évaluer les différents aspects de la DN et sont recommandées en pratique clinique. Il faut toujours utiliser la même échelle au cours du suivi, afin de noter l’évolution sous traitement.
Certains autoquestionnaires comme le Neuropathic Pain Scale et le Neuropathic Pain Symptom Inventory (NPSI) ont été spécifiquement validés dans la douleur neuropathique (voir annexes). (20) (21)
Le recours à des questionnaires spécifiques présente plusieurs avantages pour le spécialiste :
– Une évaluation spécifique de l’intensité et de la place qu’occupent les symptômes.
– Un suivi optimal du patient et de l’efficacité du traitement sur ses symptômes.
– Un choix plus adapté du traitement en fonction des symptômes du patient.
Parmi ces questionnaires, en plus de la caractérisation des symptômes et de la douleur, on retrouve des échelles de qualité de vie et de retentissement émotionnel :
– Echelle SF-36 ou sa forme abrégée SF-12 (Short Form health survey).
– Questionnaires EuroQol (il en existe plusieurs, explorant différentes dimensions).
– Questionnaire concis sur les douleurs (porte sur le retentissement quotidien de la DN).
– Echelle NeuPiQol (Neuropathic Pain Impact on Quality of Life). (22) (23).
Dans les DN périphériques focales :
• La Capsaïcine 8% (patchs) :
La capsaïcine, qui fait partie de la famille des vanilloïdes, est extraite du piment et provoque des sensations de brûlure et d’irritation suivant son ingestion ou son application topique. Elle entraîne la dégénérescence exclusive des fibres C sans léser les grosses fibres Aα et Aβ.
La capsaïcine est un agoniste direct des récepteurs TRPV1, récepteurs ionotropiques qui s’activent en réponse à des stimuli thermiques supérieurs à 44°C.
Mécanisme d’action de la capsaïcine dans les DN (Figure 8) (31)
La posologie est de 1 à 4 patchs tous les 3 mois, à raison de 30 minutes sur les pieds et 60 minutes sur toute autre zone du corps.
Leur application provoque des douleurs à type de brûlures pendant environ 15 minutes, consécutives à la libération de substance P au niveau des terminaisons nociceptives activées par la capsaïcine. Elles sont alors désensibilisées, ce qui provoque un effet analgésique à partir de 24 à 48 heures suivant l’application du patch et pour une durée d’environ 3 mois, correspondant au temps de la synthèse de nouveaux neuromédiateurs de la douleur.
La capsaïcine a montré une efficacité dans le traitement de névralgies post-zostériennes ainsi que dans le traitement de polyneuropathies associées au VIH.
Elle dispose d’une AMM dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques chez l’adulte en monothérapie ou associées à d’autres thérapeutiques.
Les patchs de capsaïcine ne sont pas pris en charge, en raison d’un SMR insuffisant au vu des autres thérapies. (11)
• Toxine botulique A :
Le mécanisme d’action de la toxine botulique dans le traitement des DN n’est pas totalement élucidé, mais il passerait par la désactivation de Nav induisant une diminution de l’influx nerveux, ainsi que par l’inhibition de la sécrétion de substance P et de glutamate au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière. Ceci aurait donc pour conséquence une inhibition de la libération des médiateurs pro-inflammatoires et des neurotransmetteurs des nerfs périphériques.
Mécanisme d’action de la toxine botulique de type A dans les DN (Figure 9) (32)
Elle serait efficace sur les douleurs post-zostériennes, la névralgie du trijumeau, et les douleurs neuropathiques périphériques. (33)
À la différence des antiépileptiques ou antidépresseurs, la toxine botulique de type A exerce une action uniquement locale et pourrait représenter un traitement adjuvant prometteur dans les neuropathies d’origine périphérique.
La première étude randomisée contre placebo de la toxine botulique A dans le traitement des douleurs neuropathiques a été publiée en 2016. Son administration a montré une efficacité modérée dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques localisées.
Les patients répondeurs au cours d’une première injection le sont d’autant plus lors de la seconde injection, ce qui semble prometteur pour en faire un traitement au long cours.
Le traitement a été bien toléré, l’effet indésirable le plus fréquemment rapporté étant une vive douleur lors de l’injection de la toxine botulique ou du placebo. Elles sont ainsi difficiles à mettre en place, l’injection devant avoir lieu à l’hôpital. (34)
Dans les DN d’origine centrale et les autres DN périphériques :
• La prégabaline :
Faisant partie des gabapentinoïdes, son mécanisme d’action est similaire à celui de la gabapentine, faisant qu’elles partagent de nombreux points communs. Elle est efficace dans la douleur continue de type brûlures et la douleur paroxystique. (2)
La HAS a émis un avis favorable pour son utilisation en 1ère intention dans le traitement des DN dans leur ensemble, plus particulièrement dans le traitement des douleurs post-zostériennes.
Elle est recommandée à des doses d’entretien entre 300 et 600 mg par jour en 2 ou 3 prises, la dose devant être augmentée progressivement pour limiter les effets indésirables.
Elle dispose d’un assez bon profil d’acceptabilité, les effets indésirables les plus fréquents étant une somnolence, une prise de poids, des maux de tête, une asthénie, une sécheresse buccale. Mécanisme d’action des gabapentinoïdes dans les DN (Figure 10) (29)
Des études montrant une augmentation du taux de suicide chez les patients sous anti-épileptique (à pondérer en raison du terrain favorable à la dépression), il faut redoubler de vigilance et être d’autant plus à l’affût de tout signe précurseur chez ces patients. (35)
• Le tramadol :
Le tramadol exerce une action double puisqu’il s’agit à la fois d’un agoniste des récepteurs opioïdes de type μ et d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Il a donc une action pharmacologique proche de celle d’un antidépresseur.
Mécanisme d’action du tramadol dans les DN (Figure 11) (36)
Dans cette indication, il est généralement administré à des doses comprises entre 200 et 400 mg par jour, réparties en deux ou trois prises.
Bien qu’il ne dispose d’aucune AMM pour le traitement des DN, une efficacité modérée a été établie dans le traitement des douleurs liées aux polyneuropathies d’origine diabétique.
Son utilisation est peu recommandée en raison d’une faible acceptabilité du traitement et de ses nombreux effets indésirables : vertiges, nausées, constipation, augmentation du nombre de crises chez les patients épileptiques. En outre, le risque de syndrome sérotoninergique rend difficile son association avec d’autres médicaments ciblant cette voie de signalisation.
Recommandations de prise en charge des DN par traitement médicamenteux
Dans le cadre de la prise en charge de la douleur, on note l’existence d’organismes scientifiques indépendants produisant des documents faisant office de recommandations sur lesquelles pourront s’appuyer les professionnels de santé. Nous développerons ici les recommandations françaises et américaines, puis les recommandations européennes.
Aux niveaux américain et national
Si l’IASP a pour siège Seattle aux Etats-Unis, la SFETD est décrite comme son chapitre français, ce qui explique que les recommandations entre ces pays soient les mêmes (en tenant cependant compte du fait que les médicaments sur le marché ne sont pas forcément les mêmes).
Les recommandations dans la prise en charge des douleurs neuropathiques font l’objet de révisions régulières par un groupe spécialisé de l’IASP, le NeuPSIG (Neuropathic Pain Specialist Interest Group).
Ces recommandations, qui s’appliquent à toutes les DN sauf à la névralgie du trijumeau, sont hiérarchisées selon la méthode GRADE (Grading of Recommendations Assessment Development and Evaluation) qui permet de classer les recommandations selon le niveau de preuve de leur efficacité et d’établir ainsi des lignes de traitement.
Ces recommandations sont reprises au niveau français et font fréquemment l’objet de présentations lors des congrès de la SFETD, le dernier ayant eu lieu à Lille. (11)
NB : seuls les traitements sur le marché depuis 2000 ont bénéficié d’une méthodologie robuste basée sur un haut niveau de preuve scientifique. D’autres produits commercialisés auparavant sont utilisés selon une efficacité basée sur l’expérience des prescripteurs, ce qui ne constitue pas une preuve scientifique et leur interdit d’être recommandés dans les textes officiels.
En avril 2020, un groupe de neurologues et de médecins spécialisés dans le traitement de la douleur ont publié un article donnant les dernières recommandations dans le traitement des douleurs neuropathiques.
Cet article, rédigé sous l’égide de l’IASP et de la SFETD, a consisté en une méta-analyse des articles de traitements pharmacologiques et non pharmacologiques depuis 2013, tout en s’appuyant sur les précédentes revues systématiques compilant les résultats d’articles publiés sur les douleurs neuropathiques depuis 1966 (hors névralgie du trijumeau).
Un nouvel algorithme décisionnel médical, psychologique et chirurgical a ainsi pu voir le jour. Il diffère des précédentes itérations en incluant, en plus de traitements pharmacologiques, des méthodes non médicamenteuses. (38)
|
Table des matières
Liste des figures et schémas
I. Douleurs neuropathiques
1) Définition de la douleur
2) Les différents types de douleurs
a) La douleur aiguë
b) La douleur procédurale
c) La douleur chronique
1. La douleur par excès de nociception (ou inflammatoire)
2. La douleur dysfonctionnelle
3. La douleur neuropathique
4. Les syndromes douloureux régionaux complexes (SDRC)
5. Les douleurs psychogènes
6. Les douleurs psychiques ou souffrances morales
3) Physiopathologie de la douleur
a) Douleurs par excès de nociception
1. Genèse du signal nociceptif.
2. Transmission de l’influx douloureux par les nocicepteurs et phénomène de double douleur
3. Intégration médullaire de la douleur
4. Intégration cérébrale de la douleur et contrôles supraspinaux
b) Douleurs neurologiques (DN), par lésion du SNP (désafférentation) ou central
4) Etiologies des douleurs neuropathiques
5) « Diagnostic » et suivi d’une douleur neuropathique
II. Prise en charge des douleurs neuropathiques
1) Méthodes médicamenteuses
a) Molécules utilisées en 1ère intention
1. Dans les DN périphériques focales :
2. Dans les DN d’origine centrale et les autres DN périphériques :
b) Molécules utilisées en 2ème intention
1. Dans les DN périphériques focales :
2. Dans les DN d’origine centrale et les autres DN périphériques :
c) Molécules utilisées en 3ème intention
d) Recommandations de prise en charge des DN par traitement médicamenteux
1. Aux niveaux américain et national
2. Au niveau européen
2) Méthodes non médicamenteuses
a) La kinésithérapie
b) La neurostimulation
c) L’ostéopathie et la chiropraxie
d) Les méthodes « naturelles »
1. Mesures hygiéno-diététiques à adopter :
2. Les compléments alimentaires
3. La phytothérapie
e) Les autres procédés
1. La thermocoagulation (ou électrocoagulation) :
2. Le Gamma-knife :
f) Les pratiques psycho-corporelles
1. La miroir-thérapie :
2. L’hypnose :
3. La méditation :
g) Les médecines « énergétiques »
1. L’acupuncture :
2. L’auriculothérapie :
3) Traitements non recommandés
4) Prise en charge chez l’enfant
III. Le Lyrica® : place dans la DN et rôle du pharmacien
1) Pharmacologie de la molécule
2) Mésusage, dépendance et toxicomanie
a) Mésusage et effets recherchés
b) Toxicomanie en Europe
1. Toxicomanie des gabapentinoïdes au Royaume-Uni :
2. Etude médico-légale toxicologique en Finlande en 2010-2011 :
3. En France :
3) Cas pratique : entretien avec des patients souffrant de DN
a) Méthode et questionnaire
b) Résultats et discussion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet