Recherche de thérapies innovantes dans un modèle murin de myopathies inflammatoires

IMUNNITÉ ADAPTATIVE ET CELLULES REGULATRICES 

IMMUNITE ADAPTATIVE : LA DISTINCTION SOI ET NON SOI

L’immunité innée fait appel à des cellules capables de répondre rapidement à une infection. Elle reconnaît des éléments communs à plusieurs pathogènes, les PAMPS (« Pathogen Associated Molecular Patterns ») par ses récepteurs PRR (« Pattern Recognition Receptors »). C’est un système de réponse rapide aux agressions et est la première ligne de défense. Il est composé de cellules dendritiques (DC), de cellules Natural Killer (NK), de macrophages, monocytes et de granulocytes (neutrophiles, basophiles, éosinophiles, mastocytes). Ces cellules ne sont pas douées de mémoire immunitaire, et même si leur action est rapide, elle ne sert souvent que de première défense, en attendant l’intervention du système immunitaire adaptatif.

L’immunité adaptative fait appel aux lymphocytes B (B) et lymphocyte T (T). Elle permet la reconnaissance des antigènes par leur récepteur spécifique (respectivement le BCR pour le B et le TCR pour le T). Le BCR reconnaît l’antigène sous sa forme native, alors que le TCR ne le reconnaît que sous forme peptidique (appelée épitope) présenté par des molécules de CMH (Complexe Majeur d’Histocompatibilité), à la surface des cellules présentatrices d’antigènes (CPA).

LA TOLERANCE CENTRALE 

La tolérance centrale permet au TCR et au BCR de distinguer le soi du non-soi. Elle est effectuée dans le thymus pour les T et dans la moelle osseuse pour les B. Nous décrirons ici uniquement la tolérance centrale des T car elle est prépondérante dans les myosites et surtout dans notre modèle animal, contrairement aux lymphocytes B. Le TCR du T doit reconnaître de façon spécifique un épitope présenté par le CMH. La sélection des T se déroule en 2 étapes (Figure 1). Tout d’abord, les T après réarrangement de leur TCR, reconnaissent sur les cellules épithéliales thymiques corticales (cTEC) un peptide avec leur CMH. Seuls les T porteur de TCR ayant une affinité modérée pourront continuer leur différenciation (Cosgrove et al., 1992). Ceux ayant une affinité trop faible mourront faute de signal de survie. On parle alors de la sélection positive. La deuxième étape est la sélection négative pour empêcher la circulation de T ayant une trop forte affinité pour le TCR, avec des risques d’auto immunité. Les TCR ayant une trop forte affinité seront éliminés dans le thymus (Gallegos and Bevan, 2004).

LA TOLERANCE PERIPHERIQUE

Malgré ces mécanismes, ils existent des cellules circulantes auto-réactives (Huizinga et al. 2009). Cependant, dans des conditions physiologiques normales, l’organisme est capable de contrôler ces lymphocytes grâce à plusieurs mécanismes.

L’ignorance

Ils existent des sites dits « immuno-privilégiés ». Certains tissus sont en effet difficiles d’accès pour les cellules du système immunitaire en raison de barrière physique (par exemple barrière hémato-encéphalique) et les antigènes tissulaires ne sont pas présentés par les CPA dans les organes lymphoïdes secondaires drainant le tissu concerné. On parle alors d’ignorance. Cependant, il semble aujourd’hui que des Ag issus de sites immuno-privilégiés puissent être présentés aux T. Mais l’absence de réponse inflammatoire serait due à des cytokines antiinflammatoires comme le TGF-β ou des molécules comme Fas-ligand présentes dans les sites immuno-privilégiés. En effet, dans les sites immuno-privilégiés, il est possible de greffer un tissu allogénique sans provoquer de rejet (Gores et al., 2003). A l’état physiologique, les fibres musculaires n’expriment pas le CMH-I à un niveau détectable (Pavlath, 2002; Singer et al., 1997). De fait, le tissu musculaire pourrait être ignoré. Il faut souligner ici que le tissu musculaire ne peut être considéré comme un site immun privilégié car il n’en possède pas les caractéristiques anatomiques comprenant une exclusion du réseau lymphatique. De plus, l’expression de CMH-I est observée sur le fibres musculaires, au cours des myopathies auto-immunes (Dalakas, 1991) permettant ainsi la présentation des antigènes aux CPA ou aux T. Il a pu être effectivement montré in vitro que l’expression du CMH-I pouvaient être induite sur des fibres musculaires en cultures quand elles sont cultivées en présence de cytokines proinflammatoires telles que l’INF-γ, TNF-α ou IL-1 (Nagaraju et al., 1998); (Marino et al., 2001; Pavlath, 2002). Pour autant, pour que les T spécifiques de l’antigène n’atteignent pas leur cible, il faut que les conditions de leur migration soient réunies. Dans un murin transgénique, Des expériences ont montré qu’il y avait dans les ganglions drainants de tissu cutané où était exprimé de façon spécifique l’antigène OVA (sous la dépendance d’un promoteur cutané), une prolifération de T CD4+ spécifiques de l’antigène OVA (lignée OT-II). Néanmoins, dans ce modèle expérimental, les T CD4+ spécifiques ne sont pas capable de se rendre dans le tissu cutané. En revanche, la migration lymphocytaire T devient possible si une inflammation cutanée est provoquée (Bianchi et al., 2009). Cette expérience rappelle que la réaction immunitaire inflammatoire ne peut avoir lieu qu’après une étape de stimulation impliquant d’une part la reconnaissance de l’antigène et d’autre part, des signaux d’activation (signaux de danger) Ainsi, la reconnaissance spécifique du complexe CMH-I/antigène par le TCR ne suffit pas, il faut un second signal pour induire une réponse immunitaire efficace. En l’absence de ce second signal, il n’y a pas de prolifération lymphocytaire, on parle ici d’anergie.

L’anergie

Le concept d’anergie a bien été illustré par des expériences chez l’animal. Des travaux utilisant l’expression transgénique d’ilots β par la cellule pancréatique ont montré que le transfert de T conventionnels (Tconv) spécifiques d’une protéine virale pouvait induire la destruction de ces ilots si on induisait l’expression de la protéine B7 ou de la protéine virale. Inversement, ce transfert ne crée pas de destruction pancréatique dans la souris simple transgénique B7 ou simple transgénique pour la protéine virale (Harlan et al., 1994). L’activation d’un lymphocyte T sans second signal conduit donc à l’anergie, il ne prolifère pas.

Les signaux de danger comme les PAMPs, que délivrent les agents infectieux, sont reconnus spécifiquement par les PRR. Par exemple, les TLR (pour « Toll Like Receptors »), appartenant à famille des PRR, sont des acteurs centraux de la défense contre les pathogènes. En reconnaissant les PAMPs, ils induisent une réponse immunitaire innée et adaptative contre les pathogènes (van Maren et al., 2008). En particulier, grâce à leur capacité d’augmenter le niveau d’expression de CD80/86, ils permettent l’induction d’une réponse inflammatoire (Garza et al., 2000). Il existe cependant un seuil d’activation qui, s’il n’est pas franchi, induit une anergie lymphocytaire. Cependant, l’anergie est réversible puisqu’elle peut être remplacée in vitro par un état cellulaire activé si de fortes doses d’IL-2 sont ajoutées ainsi que des molécules de costimulation (Schwartz et al. 1990).

La délétion périphérique

Pour compléter les mécanismes d’ignorance et d’anergie, il existe un phénomène dit de « délétion » pour supprimer définitivement les T auto-réactifs. Ce mécanisme implique l’interaction entre les molécules Fas et FasL présentent sur les T et les CPA (Kurts et al., 1998; Suda et al., 1993). L’apoptose est induite après l’activation de Fas à la surface des T via Bim, un facteur pro-apoptotique (Davey et al., 2002).

Les mécanismes passifs de la tolérance musculaire: 

Un nombre restreint de travaux ont été effectué spécifiquement sur la tolérance musculaire. L’équipe de Boyer et coll. a mis au point une souris double transgénique (Calbo et al., 2008) exprimant à la fois l’antigène OVA et ce spécifiquement dans le tissu musculaire (SM-OVA) croisé avec des souris ayant un TCR spécifique pour OVA (OTI/II). Ces souris OT-SM-OVA ne développent pas de réponses auto-immunes musculaires car un mécanisme de tolérance sur les CD4+ spécifiques se met en place secondairement à un mécanisme d’ignorance. En effet, il est possible de détecter en périphérie ces cellules. In vitro, ces cellules prolifèrent si l’on ajoute au milieu de culture OVA. De plus, la surexpression de PD-1 (« Program cell death ») sur les CD8+ inhibe leurs fonctions cytotoxiques.

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Table des matières

TRAVAUX DE THESE
ARTICLE PUBLIE
ARTICLE SOUMIS
TRAVAUX EN COURS
COMMUNICATIONS ORALES
COMMUNICATIONS ECRITES
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
IMUNNITÉ ADAPTATIVE ET CELLULES REGULATRICES
I. IMMUNITE ADAPTATIVE : LA DISTINCTION SOI ET NON SOI
A. La tolérance centrale
B. La tolérance périphérique
1. L’ignorance
2. L’anergie
3. La délétion périphérique
4. Les mécanismes passifs de la tolérance musculaire
C. Tregs: Les mécanismes actifs de la tolérance
1. Historique des Tregs
2. La reconnaissance des Tregs chez l’homme
a. Le CD127
b. Integrines et autres récepteurs aux chimiokines
c. GITR
d. Marqueurs de fonctions suppressives
3. L’ontogénie des Tregs naturels et induits
4. Tregs dans les compartiments cellulaires
a. Tregs sortant du thymus
b. L’entrée dans le ganglion, CCR7 et CD62L
c. L’anergie des Tregs
d. Prolifération des Tregs ganglionnaires à l’homéostasie
e. Tregs naïfs et mémoires
5. Les Tregs induits en périphérie
a. Induction de Tregs FoxP3- avec l’IL-10 et de l’IL-35
b. Tregs induits FoxP3+ et le TGF-β
LES LYMPHOCYTES T REGULATEURS : MECANISMES D’ACTION
A. Les conditions d’action des Tregs et l’ « effet bystander »
B. L’importance des interactions entre Tregs et Tconv
C. La mort cellulaire des Tconv induites par les Tregs
D. Le blocage métabolique des Tconv induits par les Tregs
E. L’inhibition des Tconv par les Tregs conctact-dépendant
F. Production de cytokines inhibitrices pas les Tregs
G. Physiopathologie des Tregs
1. Régulation de l’auto-immunité à l’état basal
2. Rôle des Tregs dans l’allo-immunité et la tolérance foeto-maternelle
3. Régulation des réponses anti-infectieuses
4. Régulation des réponses anti-tumorales
5. Les molécules importantes pour l’homéostasie des Tregs à l’état basal
a. Les cytokines indispensable aux Tregs
i. IL-2
ii. IL-15/IL-7
b. La famille CD28
i. CD28 : une voie de co-stimulation critique dans l’homéostasie des Tregs
ii. CTLA-4 contrôle la fonction des Tregs in vivo
iii. ICOS
iv. La voie PD-1/PDL-1-2
c. Les voies de signalisation des Tregs intracellulaires: PI3K/Akt/mTOR et JAK3/STAT-5
LES MYOPATHIES INFLAMMATOIRES IDIOPATHIQUES
I. CLINIQUE
a. Epidémiologie et facteurs de prédisposition
b. Les manifestations musculaires
c. Expression extra-musculaire squelettique
i. Expression extra-musculaire
ii. Anticorps associés aux myosites
1) La polymyosite et les auto-anticorps
2) La dermatomyosite et les auto-anticorps
3) Anticorps et myopathie nécrosante auto-immune
4) Anticorps et myosite à inclusion
II. PHYSIOPATHOLOGIE DES MYOPATHIES INFLAMMATOIRES
1. Immunité Innée et les cellules présentatrice d’Ag
2. Cellules musculaires comme CPA
3. Profil cytokinique
4. Les mécanismes de dégénérescences musculaires
5. Modèle murin de myopathies inflammatoires
6. Traitement des myopathies inflammatoires
OBJECTIFS DU TRAVAIL DE THESE
RESULTATS
ARTICLE 1
ARTICLE 2
ARSENIC TRIOXYDE DANS LA MAE
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
LE MODELE ANIMAL
L’EFFET DE LA RAPAMYCINE
RAPAMYCINE ET MYOSITE A INCLUSION
L’EFFET DES IMMUNOGLOBULINES INTRAVEINEUX
CONCLUSION
REFERENCES
RESUME

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