Recherche de nouvelles mutations génétiques à effet majeur dans la maladie de Crohn

La Maladie de Crohn

Les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) sont des maladies chroniques caractérisées par la présence de lésions inflammatoires pouvant toucher tout ou une partie de l’appareil digestif. La MC et la rectocolite hémorragique (RCH) sont les deux principales formes de MICI. La MC résulterait de l’interaction de facteurs environnementaux, y compris le microbiote intestinal, avec le système immunitaire de l’hôte, chez des individus prédisposés génétiquement QIN [2012].

Epidémiologie 

La première description de la MC date de 1932 par Burrill Bernard Crohn, Leon Ginzburg et Gordon Oppenheimer CROHN et collab. [1932]. Initialement, la MC était considérée comme une maladie rare en Europe et en Amérique du Nord avec une incidence moyenne inférieure à 1/100 000 au début du XXe siècle MOLODECKY et collab. [2012]. Aujourd’hui la MC toucherait environ 850 000 personnes en Europe et 150 000 en France.

Cependant, depuis les années 1980, cette distinction géographique tend à s’atténuer NG et collab. [2018]. La figure 1.2 montre l’évolution de l’incidence de la MC entre 1990 et 2016. L’incidence, dans les pays occidentaux, pour les patients adultes, semble s’être stabilisée alors qu’elle augmente dans le sud de l’Australie, la Nouvelle Zélande et tous les pays vers l’Est, de la Pologne au Japon GEARRY et collab. [2006]; WILSON et collab. [2010] .

La plupart des études publiées concerne la population caucasienne. Plusieurs études comparant l’incidence en fonction de l’origine ethnique montrent qu’elle est plus élevée dans les populations dites « blanches ». Cependant l’incidence dans les populations d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie, initialement plus faible, augmente HOU et collab. [2009] :
– pour les populations d’Amérique du Sud (Puerto Rico), l’incidence annuelle entre 1996 et 2000 augmente de 0,49/100 000 à 1,96/100 000 APPLEYARD et RIOS BEDOYA [2004].
– pour les populations d’Asie (Corée du Sud), l’incidence annuelle augmente entre 1986 et 2005 de 0,22/100 000 à 3.62/100 000 YANG et collab. [2008]. La variation de l’incidence dans ces pays pourrait être expliquée, en partie, par la présence de facteurs de risques différents et/ou un accès aux soins plus difficile par rapport aux pays occidentaux KAPLAN [2015]; KAPLAN et NG [2017]. Il est important de noter que les nouveaux pays industrialisés ont connu une plus grande urbanisation, avec un déplacement des populations des zones rurales vers les villes. Par exemple, en Chine, il a été montré que la variation de l’incidence de la maladie peut être corrélée avec la densité de population NG et collab. [2016]. Ainsi, l’émergence de la MC a suivi l’industrialisation et l’occidentalisation de la société KAPLAN et NG [2017].

Depuis le début des études d’épidémiologie des MICI, il a été observé que le risque de développer ces maladies, pour les populations juives ashkénazes est de 2 à 4 fois plus élevé que pour les populations non juives (YAN et collab. [2008]). Ceci peut être expliqué par l’observation d’une fréquence plus élevée des mutations du gène NOD2 (facteur de risque génétique majeur qui sera étudié plus loin) chez ces populations juives ashkénazes (AFZALI et CROSS [2016]; BONEN et CHO [2003]; KARBAN et collab. [2007]). Il est aussi intéressant de noter que les populations juives américaines et européennes présentent des taux d’incidence plus élevés que ceux des Juifs ashkénazes résidant en Israël ANANTHAKRISHNAN [2015].

Nous avons vu plus haut, qu’actuellement l’incidence de la MC semble stabilisée dans les population occidentales, mais ces résultats proviennent d’études effectuées sur une population adulte. Or chez les enfants et les adolescents, l’incidence de la MC augmente, comme observé en Suède (HILDEBRAND et collab. [2003]; MALMBORG et collab. [2013]) et en France (AUVIN et collab. [2005]; GHIONE et collab. [2018]). De nombreux facteurs ont été proposés pour expliquer cette augmentation de l’incidence chez les enfants et les adolescents comme par exemple les facteurs environnementaux, les habitudes alimentaires ou encore l’hygiène. Cependant, toutes les études d’association de la MC avec ces différents facteurs ne sont actuellement principalement effectuées que chez les sujets adultes. Une étude s’est penchée sur le facteur « origine ethnique » des populations, entre autre pédiatriques, issues de l’immigration à Ontario au Canada BENCHIMOL et collab. [2009]. Cette étude montre que l’incidence des MICI à Ontario dans la population pédiatrique a augmenté principalement après 2001. Or la proportion d’immigrants originaires d’Asie du Sud à plus que doublée entre 1981 et 2000 à Ontario. Les auteurs supposent donc que cette augmentation de l’incidence, chez les enfants de migrants, pourrait s’expliquer par l’exposition à un changement environnemental et non pas par l’origine ethnique des migrants. D’autres études ont aussi montré que des populations émigrants de régions à faible prévalence (Asie) vers une région à forte prévalence (Angleterre), voient augmenter leur risque de développer une MC BERNSTEIN et SHANAHAN [2008].

L’influence des facteurs génétiques de risque de maladie de Crohn a été fortement suggérée par des études rapportant que chez les jumeaux le risque de développer une MC est 95 à 388 fois plus élevé chez les jumeaux monozygotes et 42 à 72 fois chez les jumeaux dizygotes, par rapport au risque dans la population générale SANTOS et collab. [2018]. Ceci a été confirmé par une étude de population danoise MOLLER et collab. [2015]. De plus, plusieurs études, dont une étude sur la cohorte pédiatrique scandinave (PERMINOW et collab. [2009]; SHAH et collab. [2018]), montrent que le risque de développer une MC est augmenté lorsque un apparenté au premier degré est atteint. Cette même étude montre le rôle du sexe : avant la puberté les garçons diagnostiqués sont plus nombreux alors qu’à 15 ans une bascule se produit et les filles diagostiquées deviennent plus nombreuses. Une étude Française en population générale, basée sur les données du registre EPIMAD (BEQUET et collab. [2017]) suggère que les MICI diagnostiquées chez l’enfant de moins de 6 ans (very-early-onset) seraient probablement d’origine génétique, voire monogénique (BIANCO et collab. [2011]) et leur incidence resterait stable, alors que les MICI diagnostiquées chez l’enfant de 6 à 16 ans (Later-onset) seraient multifactorielles avec une forte susceptibilité génétique (Vasseur F. communication personnelle) associée à des déterminants d’origine environnementale. On peut donc considérer que la MC d’origine multifactorielle chez l’enfant au dessus de 6 ans, présente une susceptibilité génétique plus élevée que chez les formes d’apparition adulte. Mais cette susceptibilité génétique n’a pas varié au cours des dernières générations (Equilibre de Hardy Weinberg) et la génétique n’explique donc pas l’augmentation de l’incidence de MC chez l’enfant.

Malgré la stagnation du taux d’incidence de la MC dans les pays occidentaux, comme vu plus haut, la prévalence de celle-ci continue d’augmenter considérablement dans le monde entier MOLODECKY et collab. [2012]. Etant donné que la MC est une maladie chronique avec une mortalité relativement faible et qu’elle est diagnostiquée principalement chez les jeunes, la prévalence augmente avec le temps.

Physiopathologie 

La MC est une maladie inflammatoire chronique touchant tout ou une partie du tube digestif (de la bouche à l’anus). L’âge moyen au diagnostic est de 26 ans, et 8 à 10% sont des cas pédiatriques (âge < 17 ans) DURICOVA et collab. [2017]. Les symptômes les plus courants sont : des douleurs abdominales, des diarrhées durant plus de 3 semaines, une altération de l’état général avec une perte de poids et une asthénie importante. Ces symptômes varient en fonction de la localisation de la maladie, de la sévérité de l’inflammation, de la forme de la maladie et de l’âge du patient. En effet, chez l’enfant on observe une cassure de la courbe poids/taille et un retard saturo-pondéral important. Il est donc important, une fois le diagnostic de MC posé, de bien décrire le phénotype de la maladie, selon des critères consensuels définis par la classification de Montréal (Figure 1.3). BAUMGART et SANDBORN [2012] .

La maladie varie et évolue dans le temps sous forme de poussées. Les formes les plus fréquentes au moment du diagnostic, chez l’adulte, sont celles touchant l’iléon. Une étude (THIA et collab. [2010]) en population générale montre que l’on retrouve, au diagnostic, 45 % de localisation L1 (iléale), 32 % de localisation L2 (colonique), 19 % de localisation L3 (iléo-colonique). Parallèlement aux localisations L1, L2 et L3, des atteintes dites « hautes » (L4) sont rencontrées chez 4 % des patients. Concernant la forme de la maladie au diagnostic, la majorité des patients (81 %) présente une forme inflammatoire seule (B1), 5 % présentent une forme sténosante (B2) et 14 % une forme pénétrante (B3). 20 ans après le diagnostic, pour 51 % des patients la maladie a progressé et montre un phénotype aggravé : extension de la maladie, apparition de formes sténosantes et/ou pénétrantes. Il est important de noter que souvent, l’aggravation de la forme de la maladie se produit dans les 5 premières années (CHARPENTIER et collab. [2014]).

Une revue récente des publications Européennes (DURICOVA et collab. [2017]) a rapporté que pour les enfants atteints de MC, au diagnostic, les formes les plus fréquentes sont iléo-coloniques, et que plus d’un tiers des enfants présentant une forme inflammatoire au diagnostic développent des complications intestinales après 5 ans. De plus, le risque de développer un cancer ainsi que le risque de décès semblent augmentés chez les enfants atteints de MC. En conc

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Table des matières

1 Introduction générale
1.1 La Maladie de Crohn
1.2 Système immunitaire intestinal, Inflammation et Maladie de Crohn
1.3 Rôle de NOD2
1.4 Justification et objectif de la thèse
1.5 Références
2 Sujets, matériels et méthodes
2.1 Sujets
2.2 Whole Exome Sequencing et analyses bio-informatiques
2.3 Séquençage Sanger : Confirmation des variants NOD2
2.4 Prédictions structurelles : NOD2
2.5 Prédictions et annotations in silico
2.6 Références
3 Résultats
3.1 Caractérisation d’une nouvelle variation du gène NOD2
3.2 Autres variations génétiques retrouvées dans la famille F49M
3.3 Références
4 Discussion et perspectives
4.1 Caractérisation d’une nouvelle variation du gène NOD2
4.2 Autres mutations génétiques retrouvées dans la famille F49M
4.3 Conclusion générale
4.4 Références
A Annexes

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