Les microparticules sont des petites vésiculations de membranes cellulaires, circulant dans le sang périphérique, et jouant un rôle actif dans différents domaines comme la thrombose, l’inflammation ou le tonus vasculaire.
Ces microparticules proviennent principalement des plaquettes, mais également des lymphocytes, monocytes et cellules endothéliales(1–3). Elles sont retrouvées de manière physiologique dans le sang périphérique, mais sont surreprésentées dans différentes pathologies thrombotiques dans lesquelles elles jouent un rôle actif notamment par leur activité procoagulante. Elles pourraient à ce titre représenter un marqueur d’avenir dans la prévention de la thrombose dans différentes pathologies thrombotiques comme l’accident vasculaire cérébral (AVC) ou l’infarctus du myocarde (IDM) .
Les syndromes myéloprolifératifs (SMP) sont des hémopathies myéloïdes malignes caractérisées par une prolifération clonale médullaire des cellules souches hématopoïétiques, jusqu’à maturation (par opposition au blocage au stade blastique des leucémies aiguës), conduisant à une augmentation des cellules matures myéloïdes médullaires et sanguines. Dans les SMP classiques, on peut distinguer deux groupes de pathologies. Le premier groupe est composé d’une unique maladie, la LMC, caractérisée par le chromosome Philadelphie, conséquence de la translocation t(9 ;22) (q34 ;11) , et sa conséquence moléculaire, le gène de fusion BCR-ABL (Break point cluster region – Abelson). Celle-ci induit une activité médullaire proliférative continue et dérégulée. Un second groupe est constitué de SMP « BCR-ABL négatifs » non LMC (Figure 1). Il comprend la polyglobulie de Vaquez (PV), la thrombocytémie essentielle (TE) et la myélofibrose primitive (MFP). La chronicité d’une prolifération clonale entraîne de nombreuses complications: fibrose médullaire et hématopoïèse extramédullaire (splénique principalement induisant en général une splénomégalie), thromboses veineuses et artérielles, hémorragies et transformation possible en leucémie aiguë myéloïde (acutisation). La classification des SMP revue en 2016 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est une actualisation de la classification OMS 2008 plutôt qu’une nouvelle classification. Son but est d’intégrer les informations récentes concernant la clinique, le pronostic, la morphologie, l’immunophénotypage et la génétique qui sont apparues depuis 2008.
La découverte en 2005 de la mutation JAK2V617F par quatre équipes indépendantes a été une étape majeure dans la compréhension de la physiopathologie et le diagnostic des SMP, puisqu’elle est retrouvée dans environ 96% des PV, 55% des TE et 65% des MFP(5).
Le gène Janus Kinase 2 (JAK2) code pour une protéine à activité protéine kinase naturellement associée au récepteur de l’érythropoïétine (EPO), de la thrombopoïétine (TPO), du granulocyte-colony stimulating factor (G-CSF) et de l’interleukine 3 (IL3). Il s’agit donc d’un intermédiaire sur la voie de signalisation des facteurs de croissance hématopoïétiques. Le gène Janus Kinase 2 (JAK2) se situe sur le bras court du chromosome 9 (9p). La mutation ponctuelle acquise située dans l’exon 14 du gène JAK2 aboutit à la substitution d’une guanine par une thymine en position 1849. Au niveau protéique, cela se traduit par la substitution d’une valine en phénylalanine au niveau du codon 617.Cette mutation activatrice stimule des voies de signalisation médiées par certaines cytokines médullaires, dont l’EPO, le G-CSF et la TPO. En fonction du récepteur auquel il est lié, JAK2 peut activer plusieurs signaux différents, agissant sur des fonctions essentielles comme la prolifération, la différenciation ou la survie cellulaire.
Dans les conditions physiologiques normales, l’EPO, la TPO ou le G-CSF se fixent à leur récepteur sur la membrane cellulaire, mobilisant la protéine tyrosine kinase cytoplasmique JAK2 qui se fixe à la partie sous membranaire du récepteur: elle se transphosphoryle, activant la dimérisation du facteur de transcription STAT5 (signal transducer and activator of transduction). Ce dernier peut alors se transloquer au noyau, pour activer la transcription de gènes régulateurs de la prolifération et de la différenciation des progéniteurs érythroïdes et/ou mégacaryocytaires. La phosphorylation de la protéine JAK2 active également les voies MAP kinase et PIK3K/AKT qui sont impliquées dans la prolifération, la différenciation et la survie cellulaire.
La mutation V617F provoque une activation constitutive de JAK2, stimulant constamment la dimérisation de STAT5 même en l’absence de fixation d’EPO et TPO sur leurs récepteurs. Cela conduit à une stimulation permanente de la prolifération érythrocytaire et/ou mégacaryocytaire.
La mutation V617F de JAK2 n’étant pas retrouvée chez tous les patients atteints de SMP, d’autres mutations ont été recherchées chez ces patients. C’est ainsi qu’en 2006 est découverte la mutation du récepteur de la thrombopoïétine MPLW515L chez certains patients ayant une TE ou une myélofibrose primitive(7) et en 2007 la mutation de l’exon 12 de la protéine JAK2 chez les patients avec une polyglobulie de Vaquez.
Devant le grand nombre de patients présentant un SMP (surtout TE et MFP) mais sans mutation génétique retrouvée parmi les précédentes, les explorations du génome ont continué et ont abouti à la découverte, en 2013, de la mutation de l’exon 9 du gène codant pour la calréticuline (CALR). Cette dernière mutation participe au diagnostic supplémentaire de 20 à 25% des TE et des MFP(8).
La PV est une hémopathie associant le plus souvent une prolifération des trois lignées médullaires, une splénomégalie et des complications thrombo-hémorragiques. Les circonstances diagnostiques sont le plus souvent fortuites, suite à une exploration d’anomalie de l’hémogramme avec une hémoglobine augmentée et/ou un hématocrite élevé. Les signes cliniques le plus souvent retrouvés sont: érythrose d’apparition progressive prédominante au niveau des mains et du visage, érythromélalgie et prurit aquagénique par atteinte de la microcirculation. D’autres symptômes sont liés à l’hyperviscosité: céphalées, vertiges, troubles visuels, paresthésies, accident thrombotique veineux ou artériel. Une splénomégalie est retrouvée dans 50 à 75% des cas
Son diagnostic a été amélioré par la découverte de la mutation JAK2 V617F, présente dans plus de 95% des PV. La présence de cette mutation est d’ailleurs intégrée aux critères diagnostiques majeurs de l’OMS 2016.
Le diagnostic peut être posé en présence de 3 critères diagnostiques majeurs, ou des 2 premiers critères majeurs et du critère mineur en l’absence de la mutation JAK2.
A noter que la BOM n’est pas obligatoire si l’hémoglobine (Hb) est > 18,5/g/dL chez l’homme et >16,5 g/dL chez la femme, en présence de la mutation JAK2 et du critère mineur.
La TE est un SMP caractérisé par une thrombocytose chronique avec une hyperplasie mégacaryocytaire. Dans une majorité des cas (environ 2/3 des cas), cette pathologie est asymptomatique, et donc de découverte fortuite suite à la réalisation d’un hémogramme, et retrouvant une thrombocytose chronique supérieure à 450 G/L. Pour les cas restants, le diagnostic est recherché après un évènement clinique évocateur, comme un accident thrombotique ou hémorragique principalement lors de grandes thrombocytoses supérieures à 1500 G/L. Les thromboses sont principalement artérielles (accident vasculaire cérébral, infarctus cardiaque ou rénal…) mais peuvent être veineuses (thromboses veineuses profondes des membres inférieurs). Des microthrombi peuvent également provoquer des troubles de la microcirculation révélés par des céphalées, des paresthésies ou des érythromélalgies. A noter l’existence fréquente d’une splénomégalie dans un tiers des cas.
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Table des matières
I) Introduction
II) Généralités
A) Les syndromes myéloprolifératifs (SMP)
1) Anomalies génétiques des SMP
2) Diagnostic des SMP non LMC
B) Coagulation et thrombose
1) Hémostase
2) Thrombose dans les SMP
C) Les microparticules (MP)
1) Formation des MP
2) Caractérisation des MP
3) Rôle des MP
4) MP et pathologies
III) Matériel et méthode
A) Le test de génération de thrombine (TGT ou thrombinographie)
B) Dosage STA®-Procoag-PPL, Stago®
C) Dosage ZYMUPHENTM MP-Activity
D) Dosage ZYMUPHEN MP-TF
E) Pré-analytique
F) Témoins
G) Patients
H) Statistiques
IV) Résultats
V) Discussion
A) Comparaison de notre cohorte de patients à une population « normale »
B) Impact des mutations sur les dosages biologiques réalisés
C) Impact des mutations sur le risque de thrombose
D) Recherche de paramètres biologiques permettant de prédire le risque thrombotique
E) Recherche d’un score global permettant de prédire la thrombose
VI) Conclusion
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