Recherche dans les moyens d’enseignement officiel des mathématiques

 ERMEL et l’importance de la suite numérique orale

Pour cette partie, je me suis inspirée des travaux du groupe ERMEL (Institut national de recherche pédagogique, équipes de didactiques des mathématiques) dans son ouvrage Apprentissages numériques et résolutions de problèmes (2005). Dans ce chapitre, il sera présenté les points importants de cette recherche par rapport à la numération. Dans cette nouvelle édition des travaux du groupe ERMEL, il n’y a pas de changements fondamentaux par rapport aux éditions précédentes. Les auteurs restent sur leur ligne pédagogique et nous informent que « ces orientations ne sont pas remises en question actuellement par les travaux en psychologie ou en didactique » (Ermel, 2005, p. 5). L’hypothèse de ce groupe d’étude est que « dans la genèse du concept du nombre, le nombre pour compter joue le premier rôle et le plus important » (Ermel, 2005, p. 8).

Ces auteurs ajoutent également qu’il serait important que les élèves de l’école maternelle puissent manipuler les nombres afin d’y mettre du sens et les utilisent dans la résolution de problème. (Ermel, 2005). Il nous rappelle aussi de ne pas oublier que le nouveau se construit sur l’ancien, en l’améliorant ou en l’évinçant (Ermel, 2005). « Les connaissances ne s’entassent pas, ne s’accumulent pas, elles ne se construisent pas à partir de rien ; leur élaboration est soumise à des ruptures et à des restructurations. On apprend à partir de, mais aussi contre ce que l’on sait déjà » (Ermel, 2005, p. 43). Ce groupe d’auteurs relève que de nombreux travaux en numération ainsi que les pratiques sur le terrain sont encore très influencés par les concepts piagétiens, et que l’aspect cardinal du nombre est beaucoup plus étudié que l’aspect ordinal. Pour ERMEL, ceci est un problème, il ne faudrait pas mettre de côté les pratiques de comptage qui sont souvent efficaces dans le calcul mental par exemple (2005). Il pense donc que le comptage et la correspondance terme à terme aideront les enfants à acquérir la conservation des quantités.

« L’enfant doit-il construire l’idée du nombre avant de pouvoir utiliser des nombres ? Ou bien, ne faut-il pas déjà avoir « vécu » avec les nombres, s’en être servi, avoir perçu quelque chose de leur organisation pour pouvoir être en mesure de penser « le nombre » ? L’histoire nous amènerait à pencher pour la deuxième hypothèse : il a fallu à l’homme, au mathématicien, une longue pratique des nombres avant de pouvoir en proposer la définition actuelle » (Ermel, 2005, p. 23). L’hypothèse du groupe ERMEL est donc que l’enfant doit d’abord utiliser les nombres et que dans un deuxième temps, il va en fabriquer le concept (2005). Les jeux où l’on nomme les nombres et les comptines numériques sont une première approche du nombre qui sera utile lors d’activités numériques futures. En maternelle (1ère et 2ème Harmos), l’élève utilisera le nombre surtout pour retenir des quantités et pour anticiper des résultats; il pourra ainsi mettre du sens dans l’utilisation des nombres (Ermel, 2005). Lors de situations problèmes avec deux collections d’objets, l’élève pourra utiliser différentes formes de comptage : le recomptage (recompter tous les objets un à un), le sur comptage (partir de la première collection sans recompter et ajouter en comptant la deuxième collection « 5-6-7-8 »), le décomptage (compter en reculant depuis un nombre donné). ERMEL préconise donc de s’appuyer plutôt sur le comptage en maternelle et de partir sur le calcul dès le CP (3ème Harmos). Pour passer du comptage au calcul, 7 l’enfant devra abandonner une technique qui fonctionne pour une autre technique qui sera plus efficace (2005).

Brissiaud et le comptage-dénombrement

Après avoir présenté les concepts du groupe ERMEL, ce chapitre présente ceux de Brissiaud, dont les idées de départ sont en opposition explicite avec celle du groupe ERMEL. Pourquoi ne pas enseigner le comptage chez les élèves de 3-4 ans ? Pour cette partie théorique, je me suis basée sur les écrits de Brissiaud dans son ouvrage Comment les enfants apprennent à calculer (2003). Il y explique très clairement sa réticence à débuter l’enseignement de la numération par le comptage pour des élèves de 3-4 ans. Pour lui, le comptage ne va pas favoriser la compréhension de la signification cardinale des mots nombres pour les élèves. Les mots nombres étant trop proches de la signification des numéros, l’enfant ne va pas pouvoir comprendre que le dernier nombre prononcé représente une quantité et pas le dernier objet. L’enfant va effectivement dire «un » en pointant le premier objet, « deux » en pointant le second, puis « trois » en pointant le troisième, etc., chaque « mot nombre » se rapporte donc à l’objet pointé. Il y a le « un », le « deux », le « trois », etc., le dernier « mot nombre » réfère donc au dernier objet pointé et non à la quantité d’objets pointée. Il doit alors changer la signification du dernier « mot nombre » ; s’il compte par exemple 7 objets, il doit passer de « le sept » à « les sept ».

Brissiaud appelle ce comptage, « comptage-numérotage » (2003, p. 13). Pour étayer ces dires, il s’appuie sur une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance dans laquelle Thierry Rocher compare les performances en calcul d’enfants de CM2 (7ème Harmos) scolarisés en 1987, 1999 et 2007. Il constate que les résultats se sont fortement dégradés entre 1987 et 1999 et sont restés assez stables entre 1999 et 2007. Or, en 1987, les enfants qui calculaient encore bien étaient les derniers élèves à ne pas avoir appris à compter en maternelle, car à l’époque, l’éducation scolaire était fortement inspirée des travaux de Piaget (Brissiaud, 2013). Dès 1986, les élèves ont commencé à apprendre à compter en maternelle (1ère et 2ème Harmos), car les pédagogues se sont inspirés des travaux d’une psychologue américaine, Rochel Gelman, qui ont été repris par le groupe ERMEL cité ci-dessus (Brissiaud, 2013). Comme la baisse se situe dans tous les milieux sociaux, Rocher invoque un effet lié aux apprentissages scolaires. De plus, cette baisse ne se retrouve dans aucune autre branche scolaire. Il est donc assez clair pour lui qu’il s’agit d’un problème lié à l’enseignement des mathématiques (Brissiaud, 2013). Brissiaud cite aussi les travaux de Wynn et Bloom qui ont démontré que les élèves comprennent les nombres comme des quantités en l’absence de comptage. Si l’on dit une phrase comme « les trois lapins de ma soeur », les enfants vont comprendre qu’il s’agit d’une quantité sans compter les trois lapins. Par contre, ils n’auront peutêtre pas encore compris de quelle quantité il s’agit (2003).

Apprendre à calculer avant d’apprendre à compter Brissiaud précise toutefois qu’après quatre ans et pour travailler avec des quantités plus importantes l’apprentissage de la comptine numérique s’impose. On l’apprendra toutefois grâce à des comptines mettant en lien les doigts et les nombres correspondants (Brissaud, 2003). Pour ne pas retomber dans le comptage-numérotage, l’enseignant va compter les objets de manière un peu différente. L’enseignant dit « un » lorsqu’il déplace le premier objet, il dit « deux » au moment où le deuxième objet a rejoint le premier, donc, lorsque la collection est créée et ainsi de suite. Grâce à cette façon de compter, le deux représente un et encore un (Brissiaud, 2013). « La principale caractéristique de ce processus d’apprentissage est qu’à aucun moment l’enfant ne procède à un comptage-numérotage. Il apprend à compter plus tard, mais son premier comptage lui permet de représenter la quantité par le dernier mot nombre prononcé : c’est un dénombrement. Alors que, pour un enfant qui apprend à compter par comptage-numérotage, un mot nombre prononcé de manière isolée, *sept* par exemple, n’est d’abord qu’un des numéros qu’il utilise pour compter » (Brissaud, 2003, p. 126).

Afin que les chiffres ne se cristallisent pas dans la tête de nos élèves comme de simples numéros, l’enseignant devra présenter et favoriser la lecture et l’écriture des chiffres en tant que « représentations de quantités » (Brissaud, 2003, p. 140). Brissiaud cite Vygotski qui explique bien le lien entre les mots et la pensée : « La relation de la pensée au mot n’est pas une chose statique, mais un processus, un mouvement perpétuel allant et venant de la pensée au mot et du mot à la pensée. Dans ce processus, la relation de la pensée au mot subit des transformations qui, elles-mêmes, peuvent être considérées comme un développement au sens fonctionnel du terme. Les mots ne se contentent pas d’exprimer la pensée; ils lui donnent naissance » (Brissaud, 2003, p. 143). Brissiaud nous rend également attentifs au fait que le surcomptage ne permet pas à l’enfant d’avoir une bonne compréhension des quantités. Pour lui, surcompter, c’est comme additionner des lettres (A+C=D), c’est avoir une procédure systématique qui nous permet d’obtenir un résultat; mais elle ne nous donne pas de relations entre les quantités (Brissaud, 2003).

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 – Problématique
1.1. Définitions et importance de l’objet de recherche
1.1.1. Pourquoi travailler sur ce sujet
1.1.2. Hypothèse de travail
1.1.3. Objectifs
1.2. État de la question
1.2.1. Question de départ
1.2.2. ERMEL et l’importance de la suite numérique orale
1.2.3. Brissiaud et le comptage-dénombrement
1.2.4. Analyse des divergences entre le groupe ERMEL et Brissiaud
1.2.5. Accords entre Brissiaud et ERMEL
1.3. Questions et objectifs de recherche
Chapitre 2 – Méthodologie
2.1. Fondements méthodologiques, démarche
2.2. Nature du corpus: Méthodes de collectes des données et résultats
2.2.1. Recherche dans les moyens d’enseignement officiel des mathématiques e l’origine et des fondements qui ont permis leur élaboration
2.2.2. Questionnaire-entretien
2.2.3. Exercices de numération dans les classes de 1ère à 4ème Harmos
Chapitre 3 – Analyse et résultats
3.1. Analyse des moyens d’enseignements officiels de la partie francophone du canton de Berne quel courant méthodologique retrouve-t-on ?
3.2. Analyses des entretiens des enseignantes (annexe 5 et 6)
3.3. Analyse des exercices de numération dans les classes de 1ère et 2ème Harmos (annexes 1, 2 et 6)
3.4. Analyse des calculs chronométrés dans les classes de 3ème et 4ème Harmos (annexes 3 et 4)
3.4.1. Classe de 3ème Harmos
3.4.2. Classe de 4ème Harmos
3.5. Synthèse des analyses précitées
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Exercices de numération pour les 1ère Harmos
Annexe 2 : Exercices de numération pour les 2ème Harmos
Annexe 3 : Exercices de numération pour les 3ème Harmos
Annexe 4 : Exercices de numération pour les 4ème Harmos
Annexe 5 : questionnaire pour les enseignants
Annexe 6 : Analyse du questionnaire pour les enseignants (degrés 1-4 Harmos)
Annexe 7 : Analyse des exercices de numération dans les classes de 1ère et 2ème Harmos en détail
Annexe 8 : Analyse des calculs chronométrés dans les classes d’introduction (3ème Harmos sur 2 ans) en détail

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