La pré-éclampsie est une complication de la grossesse survenant principalement au troisième trimestre et spécifique de la gestation humaine [33].
La première description du syndrome remonte à un siècle avant JésusChrist, avec les observations de convulsions survenant pendant la grossesse et se résolvant après la délivrance faites par Celsius. Il est dénommé éclampsie, par référence au mot grec qui désigne la foudre et reflète l’émergence apparemment soudaine de l’affection. Ce n’est qu’au milieu du XIX° siècle que la recherche de la présence d’une protéinurie a été faite, par analogie à la jeune femme éclamptique bouffie d’œdème et souffrant du mal de Bright (glomérulonéphrite aiguë). Puis au début du XX° siècle, avec la mesure de la pression artérielle en routine, la précession de l’hypertension artérielle sur les convulsions a été identifiée chez les femmes éclamptiques [73].
La pré-éclampsie est un syndrome vasculo-rénal de la grossesse pouvant entrainer des complications graves, mortelles en l’absence de prise en charge adéquate. Malgré les diverses connaissances accumulées sur la maladie au cours de ces dernières décennies, elle constitue encore une des principales causes de morbidité et de mortalité materno-fœtale surtout en Afrique sub-saharienne [81].C’est une affection qui constitue un véritable problème de santé publique. Dans les pays développés, elle demeure une source de mortalité maternelle. En effet d’après les données du National Hight Blood Pressure Education Program (NHBPEP), la pré éclampsie serait la seconde cause de décès maternel aux Etats-Unis avec prés de 15% [68].De même qu’en France, elle constitue la deuxième cause de décès maternel le plus souvent conséquence d’une sous évaluation de la gravité. C’est dire l’intérêt d’une prise en charge adéquate des formes sévères et des complications graves en milieu de réanimation. L’objectif de notre étude était d’évaluer la prise en charge des formes sévères de pré-éclampsies reçues en réanimation au CHU Aristide Le Dantec de Dakar.
GENERALITES
Définition
La définition des désordres hypertensifs survenant au cours de la grossesse amène à distinguer plusieurs types d’atteintes [68,69] : l’hypertension artérielle gravidique, la pré-éclampsie, la pré-éclampsie sévère, la pré-éclampsie précoce et la pré-éclampsie de surimpression.
– L’hypertension artérielle gravidique (HTAG) se définit comme une hypertension (PAS ≥ 140 mm Hg et /ou PAD ≥ 90 mm Hg) isolée, sans protéinurie, apparue à partir de la 20ème semaine d’aménorrhée (SA), en l’absence d’antécédent et disparaissant avant la fin de la 6ème semaine du post-partum.
– La pré-éclampsie est définie par la Society for the study of Hypertension during Pregnancy comme une hypertension (pression artérielle diastolique une fois supérieure à 110 mm Hg ou deux fois supérieure à 90 mm Hg à plus de quatre heures d’intervalle) gravidique (après la vingtième semaine d’aménorrhée) associée à une protéinurie supérieure à 300 mg/24h par dosage ou à deux croix aux bandelettes (Albustix). Dans certains cas, la protéinurie peut manquer initialement ; il est cependant licite de suspecter une pré- éclampsie devant une HTA de novo associée à l’un ou l’autre des signes suivants :
• œdèmes d’apparition brutale ou rapidement aggravés ;
• uricémie > 350 µmol.L⁻¹;
• augmentation des ASAT au-delà des normes du laboratoire ;
• plaquettes < 150000.mm⁻³ ;
• retard de croissance in utéro (RCIU).
– La pré-éclampsie sévère se définit par une pré-éclampsie avec au moins l’un des critères suivants :
• HTA sévère (PAS ≥ 160 mm Hg et/ ou PAD ≥ 110 mm Hg) ;
• Atteinte rénale avec : oligurie (< 500 ml/24H) ou créatininémie > 135 µmol.L ֿ◌¹ ou protéinurie > 5 g /j ;
• Œdème aigu du poumon ou barre épigastrique persistante ou Hellp syndrome ;
• Eclampsie ou troubles neurologiques rebelles (troubles visuels, ROT polycinétiques, céphalées) ;
• Thrombopénie < 100000.mm⁻³ ;
• Hématome rétro placentaire ou retentissement fœtal.
– La pré-éclampsie est dite précoce lorsqu’elle survient avant 32 SA.
– Elle est dite de « surimpression » quand elle apparaît chez une femme présentant une hypertension artérielle chronique avant la grossesse.
Classification
Plusieurs classifications existent, nous en citerons deux :
– La classification de l’« American college of Obstetricians and Gynecologysts»(ACOG) [33]. Elle est la plus utilisée, et comprend quatre groupes :
• La pré-éclampsie (anciennement appelée toxémie gravidique pure ou dysgravidie) : caractérise la maladie survenant chez la primipare, sans antécédents vasculo rénaux, au 3ème trimestre de la grossesse, et qui régressera complètement après l’accouchement.
• L’hypertension chronique : HTA présente bien avant la grossesse
• L’hypertension chronique compliquée de pré-éclampsie surajoutée
• L’ hypertension artérielle transitoire.
– La classification de la société internationale pour l’étude de l’hypertension au cours de la grossesse (ISSHP) [19] est une classification clinique qui prend en compte :
• L’existence de l’ HTA avant ou pendant la grossesse ;
• L’apparition ou non de la protéinurie.
Avant la grossesse :
– PA normale
– HTA chronique (HTAC)
Pendant la grossesse :
– PA normale
• Protéinurie < 0,3 g/l : grossesse normale
• Protéinurie > 0,3 g /l : néphropathie gravidique pure
– HTA
• Protéinurie < 0,3 g/l : HTAG
• Protéinurie > 0,3 g/l : Pré-éclampsie
– HTAC
• Protéinurie < 0,3 g/l : HTAC
• Protéinurie > 0,3 g/l : HTAC + pré-éclampsie surajoutée.
EPIDEMIOLOGIE
Les données permettant de préciser l’incidence et les facteurs de risque de la pré-éclampsie sont relativement difficiles à analyser, en raison de l’hétérogénéité des données de la littérature. Son incidence globale varie de 0,4 à 2,8% dans les pays développés [57]. Elle est beaucoup plus fréquente en Afrique où elle atteint 10 à 13% [15]. Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés :
Facteurs de risque familiaux
Depuis de nombreuses années, on sait que le risque de pré-éclampsie est augmenté en cas d’antécédents familiaux de cette pathologie. Ainsi, le risque de pré-éclampsie est multiplié d’un facteur de 2 à 5 [17,87]. Chez les primigestes, le risque de développer une pré-éclampsie sévère est multiplié par 4 en cas d’antécédent familial [17], de même que chez les femmes issues de mère ayant développé une pré-éclampsie [68].
Facteurs immunologiques
L’hypothèse d’une mal adaptation immunologique comme l’étiologie de la pré-éclampsie est étayée par un certain nombre d’arguments concernant la primiparité, le changement de partenaire, l’effet protecteur de l’exposition au sperme et l’augmentation du risque de pré-éclampsie en cas d’insémination avec donneur. En effet la prééclampsie est beaucoup plus fréquente chez la primipare que chez la multipare. Ceci est dû à la première exposition de la mère aux villosités trophoblastiques comportant des antigènes fœtaux (paternels). Il est également démontré que le changement de partenaire entraine un retour du risque de la maladie comme à la première grossesse donc la pré éclampsie serait plutôt une maladie de la primipaternité. La faible période d’exposition au sperme paternel est aussi incriminée dans la genèse de cette affection de même que l’utilisation de préservatifs pendant la période préconceptionnelle.
Facteur éthnique
Une étude multivariée a trouvé que les primipares noires avaient un risque plus élevé de pré-éclampsie que les primipares blanches alors que l’inverse était retrouvé chez les multipares [42].
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Table des matières
INTRODUCTION
1.GENERALITES
1-1.DEFINITION
1-2. CLASSIFICATION
2. EPIDEMIOLOGIE
2-1.Facteurs de risque familiaux
2-2. Facteurs immunologiques
2-3. Facteur éthnique
2-4. Facteurs physiologiques
2-4-1. Age maternel
2-4-2. Terme et poids de naissance de la femme
2-5. Facteurs liés à la grossesse
2-5-1. Grossesse multiple
2-5-2. Malformations fœtales
2-5-3. Infection urinaire
2-6. Facteurs maternels
2-6-1. HTA chronique et maladie rénale
2-6-2. Obésité, insulinorésistance et diabète
2-6-3. Thrombophilie
2-7. Facteurs environnementaux
2-7-1.Tabac
2-7-2. Altitude
2-7-3. Style de vie : activité physique, stress
3. PHYSIOPATHOLOGIE
4- DIAGNOSTIC D’UNE PRE-ECLAMPSIE SEVERE
4-1. Clinique
4-2. Paraclinique
4-3. Diagnostic des complications
4-3-1. Eclampsie
4-3-2. Hématome rétro placentaire (HRP)
4-3-3. Hellp Syndrome
4-3-4. Coagulation intra vasculaire disséminée (CIVD)
4-3-5. Insuffisance rénale aiguë (IRA)
4-3-6. Oedème aigu du poumon (OAP)
4-3-7. Accidents vasculaires cérébraux (AVC)
4-4. Diagnostic différentiel des complications
4-4-1. Diagnostic différentiel d’une éclampsie
4-4-2. Diagnostic différentiel du Hellp Syndrome
5.TRAITEMENT
5-1. Objectif du traitement
5-2. Moyens
5-2-1 Traitement médical
5-2-2.Traitement obstétrical
5-3. Conduite du traitement
6.ANESTHESIE ET PREECLAMPSIE
6-1. Evaluation pré-anesthésique
6-2. Choix de la technique anesthésique
7.PRONOSTIC MATERNEL ET FŒTAL
7-1. Pronostic maternel
7-2. Pronostic fœtal
CONCLUSION