Le Maroc au carrefour des nouvelles configurations migratoires et initiateur de la gouvernance des migrations dans la région
Le cas du Maroc est pertinent à prendre en exemple car le pays se trouve à la jonction des mouvances des dynamiques migratoires. Comme il est initiateur d’une gouvernance novatrice en matière de migration dans la région, à travers l’élaboration d’une nouvelle politique migratoire, ce qui le met en positon de négociation stratégique entre enjeux européen et africain.
Dans ce sens, il est intéressant d’étudier les perspectives de cette politique car elle permet d’éclairer les enjeux politiques, économiques, sociaux et diplomatiques qui déterminent la nouvelle politique migratoire marocaine.
Cette approche permet par ailleurs de cerner une question contemporaine globale à travers un angle plus précis.
Le positionnement du Maroc est d’autant plus complexe étant donné que d’un côté, il s’agit de composer avec les politiques européennes d’immigration strictes, de l’autre de se réorienter et de se repositionner en tant qu’acteur économique et diplomatique régional vis-à-vis des États de l’Union Africaine.
Par ailleurs, au delà de la volonté du Maroc de se positionner stratégiquement régionalement, la (ré)orientation vers le contient est en soi une redéfinition de l’orientation du pays en interne à plusieurs niveaux, identitaire, structurel et politique que nous développeront.
En terme de gouvernance et de dynamiques migratoires, le cas du Maroc regroupe ainsi un ensemble d’éléments déterminants, d’enjeux et d’acteurs q’il est essentiel de déconstruire pour cerner la globalité de la question et comprendre les tenants et les aboutissants de la politiques migratoire engagée par le Maroc en apportant des éléments de réponse aux problématiques suivantes.
Quelle articulation entre le développement de la politique migratoire du Maroc et son intégration à l’Unions Africaine? Dans quelle mesure une politique migratoire est un outil diplomatique dans le positionnement géostratégique du Maroc sur les fronts européen d’un côté et africain de l’autre?
Pour réponde à ces problématiques, nous procéderons à travers un développement en deux parties distinctes. La première est une présentation des réalités géostratégiques et géopolitiques régionales dans lesquelles s’inscrivent les prises de décisions stratégiques et diplomatiques du Maroc (1). Tenant compte de cette réalité, il s’agira également de déduire les déterminants et les enjeux de ce positionnement (2).
Nous nous rattacherons, dans la seconde partie à déterminer dans quelle mesure la nouvelle politique migratoire marocaine serait un instrument diplomatique, économique et politique d’intégration africaine du Maroc. Pour cela, nous présenterons les moyens institutionnels que le Maroc met en place pour mettre en oeuvre sa politique migratoire (1), et aussi la stratégie diplomatique pour laquelle cette politique opère (2). Nous conclurons avec une mise en perspective de la nouvelle politique migratoire dans le contexte institutionnel et social marocain et aussi dans le contexte régional et international.
Nous constaterons que si cette politique est née pour servir un ensemble de déterminants stratégiques d’ordres économique, politique et diplomatique, elle en est aujourd’hui dépendante. Cependant, les perspectives qui se présentent à nous et qu’évoquent les analystes montrent qu’une politique migratoire doit être « complète » pour répondre efficacement aux nouvelles réalités. Et donc, cet interdépendance de la politique migratoire marocaine avec ses exigences doit être dépassée pour répondre non seulement à ses besoins immédiats, mais aussi aux impératifs des nouvelles réalités contemporaines.
Réalités géostratégiques et géopolitiques régionales et positionnement du Maroc
Les mouvements migratoires sont intrinsèquement liés aux contextes géopolitiques et géostratégiques des espaces dans lesquels ils opèrent. De ce fait, il est essentiel, pour comprendre les dynamiques des circulations et flux de migration dans la zone méditerranéenne, d’en cerner les réalités stratégiques et géopolitiques.
Externalisation européenne du contrôle des migrations
Guerres, conflits et persécutions ont forcé, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de plus de plus de personnes à chercher refuge et sécurité ailleurs que dans leurs propres pays. Alors que les flux de migration vers des régions relativement riches et stables sont en constant accroissement, les pays de destination eux, s’efforcent de plus en plus de contenir et même d’endiguer les mouvements de migrations avant même que celles-ci n’atteignent leurs frontières.
Ainsi, paradoxalement, ce sont les pays qui ont élaboré des normes et procédures généralement sensibles aux droits des réfugiés et des déplacés, qui ont mis en place des dispositifs d’encadrement et de gestion des demandes d’asile et qui ont intégré les notions de protection des personnes vulnérables au sein de leurs juridictions, qui mettent aujourd’hui en place des obstacles empêchant les migrants, y compris les demandeurs d’asile, d’entrer sur le territoire se détachant ainsi de ces obligations de protection. Par conséquent, ceux qui auraient pu se prévaloir des procédures d’asile, du soutien social ou des conditions d’accueil décentes sont souvent relégués dans les pays de première arrivée ou de transit qui ont comparativement moins de capacités pour assurer la protection des droits de l’homme conformément aux normes internationales.
En réponse à l’augmentation significative du nombre de migrants arrivant à leurs frontières, les pays de réception augmentent de faon considérable les mesures de dissuasion dans l’espoir d’empêcher les nouveaux arrivants d’entrer.
Cette partie entend tout abord décrire comment l’entrée en vigueur du système Schengen a d’emblée posé la question du contrôle des frontières extérieures et résulte de l’émergence de nouvelles dynamiques migratoires.
Dans un deuxième temps, il s’agira de developper l’effet et les conséquences de l’externalisation des contrôles de migration par l’EU sur les pays concernés, et en particulier le Maroc, mais aussi sur les populations migrantes. Finalement, à travers l’examen des dispositions et du cadre légal gérant les accords européens, nous verrons dans quelle mesure l’externalisation de la gestion des migrations est utilisée comme instrument de contrôle et de gouvernance délocalisés et de déresponsabilisation des Etats membre de l’UE.
L’entrée en vigueur des accords de Schengen: levier de la reconfiguration des obligations des États membres de l’UE et des trajectoires migratoires
« Comme toute politique publique, la politique migratoire trouve sa genèse dans l’historique des décennies qui précèdent ». En effet, l’approche dans laquelle s’inscrit la tendance de la gestion des migrations aujourd’hui est en partie due au passé de la gouvernance de la question. Dans les années 1998-1999, la politique intérieure des deux présidences (Autriche et les PaysBas) de l’UE sont particulièrement marquées par la montée de l’extrême droite dans le jeu électoral. En 1998, un document sous le nom de « Document de stratégie sur la politique de l’UE en matière de migrations et d’asile » est diffusé aux institutions de l’Union. Sur base de ce document est ainsi créé un « Groupe de haut-niveau asile-migration » dont l’objectif est de définir, en partenariat avec le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), des projets d’action visant à désigner les pays et régions environnantes dont le contexte géostratégique est pertinent pour délocaliser la gestion des migrations.
En 1999, cinq pays sont déterminés comme « prioritaires »: l’Albanie, l’Afghanistan, le Sri Lanka, la Somalie et le Maroc . 9 Depuis l’entrée en vigueur du système Schengen en 1995, et l’harmonisation des conditions d’entrée et des visas, la configuration des flux migratoires s’est vue évoluer de part les formes et les routes migratoires, particulièrement dans la région de l’Afrique méditerranéenne. L’établissement d’un régime d’entrée européen commun a d’emblée posé la question du contrôle des frontières extérieures, impliquant l’émergence de nouvelles dynamiques migratoires.
Et pour cause. Car si les dispositions du code des frontières Schengen organisent à l’échelle européenne les conditions de franchissement des frontières extérieures, elles renvoient aux États le soin de respecter les obligations internationales en matière de réception, de protection et d’intégration. Le code des frontières Schengen étant un règlement, les dispositions sont directement applicables par les États membres. En conséquence, une fois qu’une personne franchit la frontière intérieure ou extérieure d’un État membre, celui-ci a les mains liées par ses obligations internationales et communautaires en matière de protection et d’encadrement des personnes. D’où l’intérêt pour les États européens, dans une perspective de limitation des arrivées, de construire une frontière migratoire au delà des limites territoriales de leurs souverainetés et de leurs juridictions et poursuivant ainsi un objectif simple: opérer des contrôles au plus loin du territoires des États membres, afin d’en atténuer les responsabilités et les conséquences sur leur territoire. Le dernier accord européen sur les migrant du 30 juin 2018 consolide d’autant plus cette volonté d’externalisation à travers la prise de trois décisions majeures. Premièrement, il consolide le partage de la responsabilité des arrivants sur l’ensemble du territoires européen pour les arrivants en Italie.
Deuxièmement, il propose « la possibilité de créer des plateformes de débarquement dans les pays tiers, sous l’autorité du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) ». Finalement, il s’agit également de « la possibilité de créer des centres (d’accueil) dans les Etats européens, mais seulement sur une base volontaire, avec une gestion collective européenne » .
Depuis la généralisation du régime des visas dans l’espace Schengen, puis des restrictions auxquelles sont confrontés la plupart des Africains qui désirent migrer dans un pays-membre, les migrants ont dû s’adapter en prospectant de nouvelles destinations, renforçant ainsi les migrations Sud-Sud autant que cherchant de nouvelles portes d’entrée au Nord et produisant de nouvelles stratégies de contournement. Ainsi, des pays d’émigration comme ceux du Maghreb deviennent aussi des pays d’installations, temporaires ou longues. Les catégories de migrants elles- mêmes se brouillent, complexifiant le phénomène ».
D’un autre côté, ce système de « gouvernance de la migration », en plus de ne pas apporter de réponses en termes de besoins de protection, de besoins économiques, politiques et sociaux des migrants, il est inefficace en terme de dissuasion. En effet, statistiquement, les politiques systématiques de répression des migrations ne diminuent pas le nombre de candidats ni le nombre de migrants en mouvement mais change les trajectoires migratoires de contournement rendant la migration plus périlleuse, de sorte que les morts et les blessés se comptent par dizaines de milliers.
Le Maroc, au vu de sa situation géographique, se retrouve au carrefour des nouvelles trajectoires migratoires, des nouvelles configuration des flux et de l’augmentation significative de celles-ci. Avec cette augmentation de la pression migratoire aux portes de l’UE, on constate aussi des phénomènes nouveaux de violence aux frontières. Le dernier cas de transgression forcée des frontières revient à l’épisode de Ceuta et Melilla où 600 migrants ont pénétré le territoire espagnol dans la violence.
Externalisation de la gouvernance migratoire: instrument de contrôle délocalisé et de déresponsabilisation des Etats
Le concept d’’externalisation des contrôles de migration décrit les actions extraterritoriales des États visant à empêcher les migrants, y compris les demandeurs d’asile, d’entrer dans les territoires des pays ou régions de destination ou de les rendre juridiquement irrecevables si les conditions administratives d’entrée sont irrecevables . L’externalisation peut passer par politiques directes d’interdiction et de prévention, ainsi que des actions plus indirectes, telles que le soutien ou l’assistance à la sécurité ou aux pratiques de gestion des migrations dans et par des pays tiers.
Comme la question migratoire est devenue une question de plus en plus politisée en Europe car elle représente un enjeu électoral, l’externalisation est souvent présentée comme un impératif de sécurité interne et une action humanitaire salvatrice, plutôt que comme une simple stratégie de contrôle et de maîtrise des migrations. Il est donc devenu plus courant de faire référence aux politiques de migration en tant que formes de contrôle de la migration, ce qui peut supposer un risque de sécurité inhérent à celle-ci. Pour prévenir l’immigration « illégale » (ou irrégulière) ou protéger les migrants contre les dangers du voyage, les actions extraterritoriales de gestion des flux migratoires sont également de plus en plus liées à l’efficacité des politiques migratoires nationales ou régionales. Au fil du temps, le phénomène s’est élargi pour inclure généralement l’enrôlement systématique de pays tiers dans la prévention de l’entrée des migrants, y compris des demandeurs d’asile, dans les pays de destination.
Les instruments d’externalisation du contrôle des migrations
C’est ainsi que l’externalisation du contrôle des migrations est devenu abondamment utilisé comme instrument de contrôle à distance des flux migratoires, de répartition et de limitation des charges de ces flux au sein de l’Union européenne. Cependant, ce concept soulève des contestations quant à
de la dimension extérieure des politiques migratoires de l’UE. Le terme d’externalisation en lui-même est issu d’un « coup de force sémantique d’un certain nombre de militants intéressés à dénoncer les ‘faux semblants’ des politiques européennes ».
L’externalisation des instruments de contrôle migratoire est quant à elle un moyen d’augmenter les marges de manoeuvre en agissant au plus près des pays de départ ou de transit et au plus loin du territoire de destination.
Puisque les États sont liés par leurs engagements conventionnels lors de leurs activités extraterritorialisées de contrôle migratoire, la marge de manoeuvre en ce qui concerne le contrôle des flux réside plus dans les instruments développés dans le cadre de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. Celle-ci est fondée non pas sur le contrôle de territoire des États membres, mais sur le contrôle en amont de l’individu (cherchant à entrer ou étant déjà présents su sein de l’espace commun) et ce en opérant en amont de la responsabilité des États membres. La politique de lutte contre l’immigration irrégulière est inscrite à l’article 79 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) qui stipule: « L’Union développe une politique commune de l’immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu’une prévention de l’immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci ». Plusieurs instruments de contrôle extraterritorial sont adoptés sans pour autant engager la responsabilité des États membres. Parmi les outils mis en place, on peut mentionner la création de l’agence Frontex pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieurs des Etats membres de l’UE, l’initiation de la politique communautaire des visas, l’interception extraterritoriales eux frontières maritimes de l’UE, la délocalisation des contrôles migratoires en dehors de l’UE ou encore (et le plus pertinent dans le cadre de cette recherche) la prise en charge des politiques de développement au sein des pays de transit.
Le cadre légal de l’externalisation du contrôle migratoire: dispositions et limites
L’idée de « traiter » les flux de migrations entrantes au plus loin de l’Europe n’est pas nouvelle. En 2003, concernant les demandeurs d’asile, le cabinet du Premier ministre britannique Tony Blair et Home Oce ont diffusé un document politique intitulé « Une nouvelle vision pour les réfugiés », proposant que l’Union européenne établisse des zones de protection régionales à proximité des pays producteurs de réfugiés à la fois pour contenir les réfugiés dans les pays de la première arrivée et pour servir de lieux d’expulsion des demandeurs d’asile arrivés en Europe. Cette vision a persisté au fil des ans et résonne dans les nouveaux programmes, accords et dispositions juridiques. On peut mentionner le Programme de la Haye, établi pour la période 2004-2009, qui cadre les politiques sécuritaires de la Commission européenne dans les relations avec les pays limitrophes de l’UE.
Ce Programme, s’inscrit donc dans la continuité des politiques initiées par l’Europe à la fin des années 1990 et rendues célèbres par les propositions du Premier ministre britannique Tony Blair au début de l’année 2003. Il institutionnalise les politiques dites « d’externalisation de l’asile», en reformule les propositions et fixe les axes directeurs d’une diplomatie sécuritaire.
Autre exemple de la reproduction de cet l’approche d’externalisation dans la gouvernance des migrations: le plan d’action UE-Turquie de 2016 qui lui, vise 22 à endiguer le flux irréguliers de migrants et de demandeurs d’asile dans l’Union européenne
Ainsi, en parallèle au renforcement de la frontière extérieure via une fermeture de l’accès au territoire, l’externalisation du contrôle des migrations et la délégation de la gestion des flux à des Etats tiers moyennant des dispositifs degouvernance de contrôle des flux (à travers des rétributions financières et des aides au développent) est conçu pour réduire les problèmes liés à la question migratoire.
C’est dans le cadre des processus de négociations des dispositions d’application de ces accords avec les pays concerné que s’engage alors le bras de fer entre ‘pays de départ’ et ‘pays d’accueil’, tout deux peu désireux de sacrifier une part de leur souveraineté dans ce domaine emblématique du contrôle des frontières.
Le Cas du Maroc et de la Turquie sont révélateurs des tenants et de aboutissants de ces accords. Seulement, est ce que la responsabilité des Etats s’arrête aux limites territoriales de leur juridiction, ou est-ce qu’elle doit s’étendre jusqu’au suivi de l’application des dispositifs d’accueil, d’intégration de bonne gouvernance dans les pays d’origine et de transit bénéficiaire des aides au développement et à lutte contre l’immigration irrégulière?
Lègue de l’expérience marocaine en terme de gestion migratoire
Depuis les années 1960, le Maroc est devenu l’un des principaux pays d’origine des travailleurs migrants en Europe. Les restrictions croissantes à l’immigration en Europe ont peu freiné la migration et ont conduit au caractère de plus en plus irrégulier des migrations et à l’exploration de nouvelles destinations au-delà des frontières traditionnelles de la France et du Benelux. Depuis 1990, les émigrants marocains peu qualifiés se dirigent de plus en plus vers l’Italie et l’Espagne, tandis que les plus qualifiés émigrent de plus en plus aux États-Unis et au Canada. Plus de trois millions de personnes d’origine marocaine (sur une population totale de plus de 31 millions d’habitants) seraient actuellement à l’étranger. En 2006, le Maroc recevait environ 5,6 milliards de dollars d’envois de fonds (transferts de fonds de migrants à l’étranger), ce qui en faisait le plus grand émetteur de fonds en Afrique.
Depuis 1995, le Maroc est également devenu un pays de transit pour les migrants et les réfugiés d’Afrique subsaharienne. Bien que nombre d’entre eux tentent de se rendre en Europe, ceux qui échouent ou ne s’aventurent pas en
Europe préfèrent rester au Maroc comme deuxième option plutôt que de retourner dans leur pays d’origine plus instable, moins sûr et beaucoup plus pauvre. Leur présence confronte la société marocaine à un ensemble entièrement nouveau de questions sociales et juridiques typiques des pays d’immigration, des questions qui ne résonnent pas encore l’image de soi du Maroc en tant que pays d’émigration. Une demande persistante de maind’œuvre migrante dans L’Europe, avec les facteurs démographiques et les aspirations croissantes dues à une meilleure éducation et à une exposition médiatique intensive, suggèrent que la propension à migrer au-delà des frontières formellement fermées devrait rester élevée dans un avenir proche.
Cependant, à plus long terme, le Maroc devient une destination pour les migrants d’Afrique subsaharienne, un processus de transition à tous les niveaux est impulsé.
Au Maroc, la réalité locale des circulations migratoires a été depuis 2013 centrale dans la configuration des institutions et dans la conception de la stratégie de gouvernance migratoire.
Depuis les premiers flux d’émigration après l’indépendance, le Maroc s’est doté d’un ensemble d’institutions en tout genre : Bureau de déplacement, fondation, institut, conseil consultatif, ministère ayant comme mission principale ou secondaire de réfléchir et/ou d’agir sur la question migratoire. La gestion des migrations, centrale dans l’inflexion diplomatique et le positionnement régionale et international du pays, la recherche académique a également été mobilisée dans le processus. Afin de mieux cerner les tenants et les aboutissants des nouvelles dispositions et initiatives en terme de migrations prises par les autorités marocaines. Le Maroc investit parallèlement dans la production de données, d’analyses et de productions scientifiques faisant des questions migratoires un enjeu de savoir.
De fait, la question de l’approche étatique et des politique publiques mises en place dans le sens de la gestion des migrations occupe une large place dans les débat entre « experts » sur la gouvernance mais aussi dans le débat public.
Le Maroc se positionne de fait, au cours des dernières années, comme un acteur central dans l’agenda politique mondial de la gestion des migrations. Il a notamment été à l’initiative, en 2006, de la Conférence ministérielle euroafricaine sur la migration et le développement organisée à Rabat, qui a donné lieu à des engagements et à plusieurs autres rencontres, s’inscrivant dans ce que l’on a nommé le «Processus de Rabat » . Cette initiative est d’ailleurs présentée 27 comme « un premier signe marocain de la nécessité d’une gouvernance régionale et internationale ainsi que d’une approche globale ». Notons que le Processus de Rabat est « un processus régional UE – Afrique de l’Ouest (tout comme le Processus de Prague UE – Europe de l’Est et le Processus de Khartoum UE – Afrique de l’Est) qui découle de l’approche globale des migrations promue par l’UE et qui ambitionne d’établir un dialogue politique régulier en matière de migration. C’est ainsi que la conférence de Rabat a été suivie de plusieurs conférences ministérielles euro-africaines tenues à Paris en 2008, à Dakar en 2011, à Rome en 2014 et à la Valette en 2015 ».
Impact de la gouvernance européenne des migrations et positionnement du Maroc en réaction à celle-ci
Comme déjà développé en première partie, la stratégie migratoire européenne consiste, dans le contexte économique, politique et sécuritaire actuel, à délocaliser la gestion des migrations tout en renforçant la sécurité aux frontières. Le procédé d’externalisation de la gouvernance migratoire passe généralement par l’attribution d’aides destinées à faciliter la lutte contre l’immigration clandestine aux frontières avec les pays voisins de l’Europe.
Quels sont les accords signés entre l’Europe et le Maroc? Et comment le Maroc se positionne-t-il en réaction face aux demandes européennes? « Protéger les pays de l’UE de l’envahissement migratoire en renvoyant et en concentrant les exilés qui s’en approchent dans des camps créés, directement ou indirectement, par elle ou l’un de ses États membres, dans les pays voisins, juste derrière cette frontière européenne commune en cours de constitution », telle est la formulation adoptée en 2003 pour étayer les objectifs de la politique européenne de voisinage. La mise en œuvre actuelle de cette politique conduit à renforcer le blocage policier et militaire des frontières en contractant des accords avec les pays limitrophes. Le Maroc est concerné par les dispositions de ces accords d’externalisation de part sa positon géographique et rôle de pays de transit. Le gouvernement marocain a d’abord résisté à cette injonction européenne puis s’est progressivement adapté en négociant sa participation.
Il s’agit, dans le cadre du « Plan indicatif national pour le Maroc », de faire accepter l’application des accords bilatéraux de réadmission, à signer de nouveaux accords de ce type et à imposer des visas aux ressortissants du Sénégal, du Mali, de RDC, de Côte d’ivoire, de Guinée (Conakry) et du Niger. Le Maroc avait rejeté le plan sécuritaire dans un premier ce qui résulte à une crise diplomatique avec l’Espagne et finit par signer un accord avec une subvention de 115 millions d’euros, considérable par rapport à ce qui était précédemment proposé (3 millions d’euros). Cette inflexion de la positon marocaine a également amené à l’impulsion de la politique européenne de voisinage (PEV) en 2004 et à l’adoption du statut « associé avancé » en 2008. 33 C’est dans le prolongement de cette affiliation que le Maroc entame, dès 2003, un remodelage de son cadre législatif régulant les dispositions relatives aux migrations sur son sol. Le Maroc impulse un processus d’adaptation aux politiques européennes avec l’adoption le 26 juin 2003 par le Parlement marocain, de la loi n° 02-03 sur l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, puis, avec l’élaboration d’un nouveau projet de loi 95-14 qui suit les nouveaux impératifs.
Aujourd’hui, un courant significatif dans la politique migratoire européenne semble s’amorcer avec les accords européens du 30 juin 2018. Le Maroc régit non sans opposition à appliquer les dispositions relatives à la création de plateformes de débarquement dans les pays tiers dont il fait partie. Dans ce jeu d’équilibre et de consensus sur le rôle que doit jouer le Maroc, on peut se demander si le Maroc s’empare de l’exigence sécuritaire européenne pour négocier rétributions, accords et partenariats. Cela soulève, en parallèle, la question de si l’Europe cherche exclusivement à faire jouer au Maroc de gardefrontière exclusivement sécuritaire?
|
Table des matières
Introduction
Partie I. Réalités géostratégiques et géopolitiques régionales et positionnement du Maroc
Chapitre 1. Externalisation européenne du contrôle des migrations
Chapitre 2. Déterminants de la politique migratoire du Maroc et rééquilibrage régional
Partie II. Politique migratoire marocaine : instrument d’intégration régionale
Chapitre 1. État des lieux de l’ingénierie institutionnelle marocaine en termes de migration
Chapitre 2. Quelle stratégie diplomatique est service de la nouvelle politique migratoire? Quelles perspectives pour cette politiques migratoire?
Conclusion
Bibliographie
Table des Annexes
Table des Matières
Résumé
Télécharger le rapport complet