Force de pression de radiation
Considérons un atome , à vitesse nulle, comme un système à deux niveaux, |gi et |ei. L’énergie entre ces deux niveaux est ~ωat et la largeur naturelle de la transition atomique est notée Γ. Quand on l’éclaire avec un faisceau laser résonnant avec la transition atomique de fréquence ωL/2π, il absorbe les photons issus du champ laser et les réémet spontanément. Un échange d’impulsion intervient pendant le processus d’absorption d’un photon du faisceau laser par l’atome, de valeur p =~kL = ~ωat dans la direction de propagation du photon. Les photons incidents ont tous la même direction alors que la nature isotrope de l’émission spontanée n’impose aucune direction priviligiée d’émission. En moyennant sur un grand nombre de cyclesabsorption-émission spontanée, l’atome subit donc une force dans la direction de propagation du faisceau. La force exercée par un seul faisceau est maximale pour un désaccord de Γ/2 et vaut ~kLΓ/2. Dans le cas du 87Rb , l’accélération correspondante équivaut à environ 104 fois l’accélération de la pesanteur. L’effet Doppler est ainsi exploité pour créer une force de friction sur les atomes [Chu 86a].
Le refroidissement Sisyphe
Le refroidissement sub-Doppler trouve son origine dans des mécanismes mettant en jeu la structure hyperfine de l’atome et les gradients de polarisation des faisceaux de mélasse optique. Ils ont été modélisés suite aux mesures de l’équipe de W. Phillips et H. J. Metcalf [Lett 88] par J. Dalibard et S. Chu [Dalibard 89,Ungar 89]. Le principe de ce refroidissement repose sur la variation sinusoïdale du taux de transition d’un atome dans l’un des niveaux hyperfins de l’état fondamental. Cette variation peut avoir pour origine le gradient de polarisation suscité par les paires de faisceaux contra-propageants de la mélasse optiqe en configuration σ+ − σ−. Une explication quantitative et détaillée se trouve dans la référence [Metcalf 99]. Expérimentalement, nous pouvons obtenir par ce mécanisme Sisyphe un nuage de 87Rb de quelques 108 atomes à une température de 10 µK. Il faut pour cela pendant quelques ms passer d’un désaccord de −3Γ à environ −25Γ sur les faisceaux de mélasse et diminuer l’intensité des faisceaux repompeur. Des températures plus basses, de l’ordre de quelques µK, sont accessibles mais demandent d’avoir un nuage atomique très dilué. Dans le cadre de notre expérience nous cherchons à la fois à diminuer la température de l’échantillon mais aussi à obtenir un grand nombre d’atomes (typiquement quelques 109 atomes). Avant même de refroidir un ensemble d’atomes, il faut pouvoir les collecter : c’est le rôle du piège magnéto-optique combinant force de friction (voir 1.2.1) et force de rappel (via un gradient de champ magnétique).
Piège magnéto-optique
Le principe du piège magnéto-optique (PMO) fut proposé dans les années 1980 par Jean Dalibard et mis en oeuvre expérimentalement pour la première fois par le groupe de David Pritchard [Chu 98, Raab 87]. La figure 1.3 expose comment une force de rappel est créée en ajoutant un gradient de champ magnétique et en choisissant des polarisations adéquates pour les faisceaux. Une description détaillée se trouve dans [Metcalf 99]. Nous considérons ici le principe du piège magnéto-optique à une dimension pour un atome à deux niveaux. Nous nous plaçons dans le cas d’une transition d’un état fondamental |gi de moment cinétique nul (J = 0) vers un état excité |ei de moment cinétique J = 1. Le champ magnétique inhomogène lève la dégénerescence du niveau J = 1. Les faisceaux sont polarisés circulairement de façon à susciter des transitions vers l’un des sous-niveaux mJ . Par exemple, l’atome se déplacant vers la droite sur la figure 1.3 va préférentiellement absorber un photon du faisceau polarisé σ+ pour effectuer une transition |J = 0i → |J = 1, mJ = 1i. L’atome subit alors une force de pression de radiation dirigée vers l’origine des positions. Par symétrie, l’effet est similaire pour les atomes allant vers la gauche et le faisceau polarisé σ−. Les faisceaux sont décalés vers le rouge de la transition atomique pour exploiter l’effet Doppler et soumettre les atomes à une force de friction décrite dans le paragraphe précédent. Ce raisonnement peut s’étendre à deux et trois dimensions et sera exploité dans notre dispositif expérimental. Les premiers atomes utilisés dans le cadre de PMO étaient des alcalins comme le Sodium, le Césium ou le Rubidium. Ils possédent une structure électronique plus complexe que l’exemple de la figure 1.3 mais le raisonnement se transpose à ces atomes. Le piège magnéto-optique reste le moyen le plus efficace de produire des atomes froids, c’est-à-dire d’atteindre des températures de l’ordre de la centaine de µK . Cela n’est pas suffisant pour atteindre le seuil de condensation. Des techniques de refroidissement dite de sub-recul (en dessous de la température de recul transmis d’un photon par un atome) ont été développées dans ce sens mais sans jamais atteindre le seuil de condensation [Bardou 01]. Il faut mettre en place une dernière étape de refroidissement pour atteindre la dégénérescence quantique : le refroidissement par évaporation. C’est actuellement l’unique méthode permettant d’atteindre des températures aussi basses (de l’ordre de la centaine de nK dans notre cas).
Historique du système à vide et évolution
Pendant la thèse, nous avons apporté des améliorations au système à vide initialement assemblé. Les principales modifications apparaissent sur la figure 2.2. En effet, au moment d’étudier les performances du PMO 2D et de le caractériser, nous avons mesuré la pression partielle de 85Rb dans la chambre de collection (mesure par absorption d’un faisceau à résonance atomique traversant la chambre). En comparant notre pression partielle de 85Rb avec d’autres dispositifs semblables, nous avons noté une différence de deux ordres de grandeur entre notre dispositif et les autres PMO 2D existants. Cette faible pression partielle nous amenait à travailler à plus fort courant dans le filament (5 Ampères), courant pour lequel la durée de vie du filament se réduit à une année tout au plus. En disposant une pompe ionique connectée à la chambre de collection, nous avons pu diminuer d’un facteur 10 la pression totale dans la chambre de collection et travailler à plus faible courant dans le filament (3.5 Ampères) pour des performances de chargement équivalentes à l’ancienne configuration. Nous avons également installé une voie de pompage primaire uniquement dédié à la chambre de science (figure 2.2). Au moment de l’assemblage du système initial en septembre 2005, nous avons étuvé cette partie jusqu’à 150˚C en ayant un pompage primaire depuis une voie donnant dans la chambre de collection. Mais le temps de vie dans le piège dipolaire optique n’était pas assez important pour continuer à étudier le chargement et l’évaporation du 87Rb dans le piège. L’ajout de cette voie de pompage primaire directe sur la chambre de science nous a rendu possible un vide amorçé plus efficacement. Un étuvage plus poussé entre 200 et 250˚C fut mis en place en Mars 2008 pour la chambre de science pour pomper les éventuelles traces de gaz résiduel adsorbé sur les parois de l’enceinte (typiquement H2O). La pression finale est estimée à quelques 10−9 mbar via le courant de fuite de la pompe ionique 50 l/s. Cela nous suffit pour mettre en place la dernière étape de refroidissement menant à la condensation de Bose-Einstein.
Diode en cavité étendue traitée anti-reflet
Les sources laser communément utilisées pour un PMO de Rubidium sont des diodes en cavité étendue (figure 2.5), c’est ce type de sources laser que nous avons réalisé. Le principe est le suivant : on ajoute un réseau de diffraction par réflexion devant la diode pour étendre la cavité, ce qui affine spectralement la lumière produite jusqu’à des largeurs inférieure à la largeur naturelle de la transition utilisée dans le cas du rubidium (dans notre cas, elle vaut 6 MHz). Le projet expérimental permettra à terme d’obtenir des mélanges 87Rb-40K et le fait que les transitions utilisées pour les PMOs de chaque espèce soient proches (780 nm pour le Rubidium, 767 nm pour le Potassium) ont conduit l’équipe à concevoir des sources accordables sur cette gamme de longueur d’onde. Une présentation et une étude plus détaillée de ces sources se trouvent dans la thèse de Gaël Varoquaux [Varoquaux 08] et dans la référence [Nyman 06a]. Pour pouvoir étendre la gamme de longueur d’onde accessible vers de plus courtes longueurs d’onde, un traitement anti-reflet est ajouté sur la face de sortie de la diode. Les diodes sont des modèles Eagleyard, Ridge-Waveguide Laser (SOT03 package), spécifié pour une émission laser à 790nm (référence EYPRWE-0790-0400-0750-SOT03-0000). Le choix du réseau de diffraction est alors crucial pour éviter des intensités lumineuses trop importantes, qui pourraient dégrader le milieu semiconducteur. Le réseau de diffraction par réflexion est un réseau de 1200 lignes/mm,optimisé pour la lumière UV (Edmund Optics T43-772). Il diffracte environ 10% de la lumière incidente dans le premier ordre diffracté, le reste étant envoyé en sortie de la cavité dans l’ordre non-diffracté. Ces sources laser proposent une alternative technologique intéressante en terme de compacité, de facilité d’utilisation et d’accordabilité car les solutions déjà existantes pour amener la longueur d’onde d’émission laser vers 760 nm sont de refroidir jusqu’à -20 degrés celsius une diode en cavité étendue traditionnelle ou d’utiliser un laser Ti :Saphire
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Table des matières
1 Notions sur les gaz ultrafroids
1.1 La condensation de Bose-Einstein
1.1.1 Un effet statistique
Distribution de Bose-Einstein
Température critique
Fonction d’onde macroscopique
1.1.2 Gaz de Bose : effet des interactions
Equation de Gross-Pitaevskii
Approximation de Thomas-Fermi
1.2 Refroidissement d’atomes
1.2.1 Refroidissement par dissipation
Introduction
Force de pression de radiation
Mélasse optique
Le refroidissement Sisyphe
Piège magnéto-optique
1.2.2 Refroidissement évaporatif dans un piège conservatif
Introduction
Les différents types de collisions
Loi d’échelle
Temps d’évaporation
Mise en pratique de l’évaporation
2 Dispositif expérimental : pièges magnéto-optiques 2D et 3D
2.1 Système à vide
2.1.1 Contraintes
2.1.2 Description
2.1.3 Historique du système à vide et évolution
2.1.4 L’atome de 87Rb
2.2 Le banc de refroidissement laser
2.2.1 Description générale
2.2.2 Les sources laser
Diode en cavité étendue traitée anti-reflet
Asservissement de fréquence des sources laser
Amplificateur de puissance
2.3 Piègeage dissipatif : les PMO 2D et 3D
2.3.1 Le PMO 2D
Principe
Revue des dispositifs existants
Description
2.3.2 Le PMO 3D
Montage optique
Champ magnétique
2.3.3 Transfert d’atomes froids entre PMO 2D et PMO 3D
Le faisceau pousseur
Les faisceaux latéraux
Le champ magnétique
2.4 Système d’imagerie par absorption
2.4.1 Principe
2.4.2 Système optique
3 Le piège dipolaire optique à 1565 nm
3.1 Le potentiel dipolaire
3.1.1 Un piège dipolaire : pourquoi ?
3.1.2 La force dipolaire
3.1.3 Rapide revue du piégeage dipolaire
3.1.4 Paramètres d’un piège optique
3.2 Piège optique dipolaire à 1565 nm
3.2.1 Première version du piège optique
Ordres de grandeur
La source laser
Un piège croisé
Un volume ajustable
Conception optique
Analyse du front d’onde
Bruit d’intensité
Contrôle d’intensité
3.2.2 Seconde version du piège optique
Motivation
Modulateur acousto-optique
Bilan de la seconde version
3.3 Conclusion
4 Tomographie in situ dans un piège dipolaire optique
4.1 Description théorique de l’effet Stark
4.1.1 Hamiltonien du problème
4.1.2 Couplage hyperfin Hhfs
4.1.3 Interaction Stark
4.1.4 Polarisabilités scalaire et tensorielle
4.2 Cas du 87Rb à 1565 nm
4.2.1 Polarisabilités
4.2.2 Etat fondamental 5S1/2
4.2.3 Etat excité 5P3/2
4.2.4 Effet du FORT
4.3 Tomographie basée sur les déplacements lumineux
4.3.1 Principe
4.3.2 Résultats
Procédure d’alignement du FORT
Calibration du faisceau
Cartographie du potentiel optique
Suivi de la distribution atomique en énergie potentielle
4.3.3 Discussion et Perspectives
5 Condensation de Bose-Einstein dans un FORT à 1565 nm
5.1 Chargement des pièges conservatifs pour atomes neutres
5.1.1 Le transfert entre piège dissipatif et piège conservatif
Densité dans l’espace des phases initiale
Ordres de grandeur
5.1.2 Piège magnétique
Principe
Différents types de pièges magnétiques
Quadrupolaire
Ioffe-Pritchard, Base-ball, QUIC et TOP
Chargement d’un piège magnétique
5.1.3 Piège optique
Les premiers pièges dipolaires optiques : 1985 – 2000
Vers la dégénérescence quantique tout-optique
5.2 Chargement dans un piège dipolaire optique à 1565 nm
5.2.1 Introduction
5.2.2 Le chopper
Principe
Expérience
5.2.3 Refroidissement et chargement simultanés
Introduction
Principe
Séquence expérimentale
Refroidissement adapté au FORT
Dark MOT induit dans le FORT
Résumé
5.3 Evaporation dans un piège dipolaire optique
5.3.1 Principe
5.3.2 Lois d’échelle pour un piège optique
5.3.3 Résultats
Evaporation
Condensation de Bose-Einstein
A Déplacements lumineux d’autres alcalins en présence du FORT à 1565 nm
B Effet du laser
C Dessins techniques
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