Réalisation du complexe Banque d’ADN + thrombine + AT29B et détermination des fenêtres de collectes 

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Topologie des G-quadruplex :

Dans ces exemples de G-quadruplex nous voyons une caractéristique intéressante : la base nucléique la plus commune après la guanine G est la thymine T. On voit bien que beaucoup de structures en G-quadruplex sont formées de plusieurs nucléotides de guanines et de thymine d(TGGG)n.
La thymine ne peut pas s’apparier avec les guanines contrairement à la cytosine (18). De plus, contrairement aux nucléotides d’adénine qui possèdent un noyau purique constitué de deux cycles pyrimidine et imidazole, la thymine ne possède qu’un seul cycle pyrimidique ce qui stabilise ainsi la structure en G-quadruplex. Les structures en G-quadruplex ont une double charge négative par unité de longueur contrairement à la structure en double hélice ce qui implique qu’en ayant un potentiel électrostatique plus élevé par unité de longueur, ceci provoque une forte liaison avec la surface chargée des protéines.
La conformation des aptamères G-quadruplex peut être déterminée par dichroïsme circulaire, mais il n’y a pas de règle précise concernant le mécanisme selon lequel un aptamère riche en séquences de guanines se structurera de façon parallèle (Figure 1-8 -C) ou anti-parallèle (Figure 1-8-A et B). Plusieurs critères sont pris en compte dans l’orientation des brins incluant la nature de l’ion métallique, le nombre et le type de boucles, le nombre de tétrades et le nombre de brin les composants. Lorsque les brins sont orientés de façon parallèle, cela signifie que les 4 brins d’acides nucléiques en G-quadruplex sont orientés dans la même direction. Dans le cas de structures à brins anti-parallèles, les 4 brins d’acides nucléiques composant le G-quadruplex sont orientés dans des directions différentes. Lorsqu’un brin est en anti-parallèle des trois autres, la structure est « hybride » (Figure 1-8-D). On peut aussi observer des réarrangements intermoléculaires et ainsi aboutir à une structure tétramérique (Figure 1-8-F), ou dimérique (Figure 1-8-E).
Les G-quadruplex doivent leur stabilité à l’ensemble de paramètres incluant les liaisons hydrogène, les liaisons de Van der Walls, les interactions de types ioniques, électrostatique et hydrophobe. Cependant, il existe une autre variable qui joue un rôle sur la stabilité des G-quadruplex : ce sont les angles glycosidiques adoptés par les bases, soit en conformation anti ou syn (Figure 1-9 ). Lorsque les brins sont parallèles entre eux, ils sont dans une conformation soit syn soit anti . Lorsque les angles sont différents entre deux brins anti-parallèles, l’un est en syn et l’autre est en anti.
Les techniques de spectroscopies telles que le dichroïsme circulaire en complément des techniques telles que la RMN ou la diffraction aux rayons X permettent d’étudier la formation de ces structures. Des oligonucléotides formant une structure parallèle avec des angles glycosidiques en anti sont caractérisés par un spectre en dichroïsme circulaire (Figure 1-10) présentant une large bande positive à 260 nm et une bande négative d’intensité plus faible à 240 nm ainsi qu’une autre bande d’intensité positive à 210 nm. Dans le cas de structures anti-parallèle, où les guanines alternent avec des angles glycosidiques de conformation syn et anti ont une bande négative à 260 nm et une bande positive à 290 nm. Cependant, comme le soulignent l’équipe de Kypr (19) ainsi que l’équipe de Spada et al. (20), c’est une relation empirique qui bien qu’elle puisse être appliquée à la plupart des G-quadruplex ne peut pas s’appliquer sur des systèmes plus complexes.

Le rôle des ions sur la stabilité des G-quadruplex :

Les ions métalliques jouent un rôle dans la formation des G-quadruplex. La capacité des ions à induire la formation de cette structure varie selon l’ordre suivant : K+>Rb+>Na+>Cs+>Li+.
La présence des ions mono et divalents stabilise la structure des acides nucléiques. Le repliement en solution et les changements de conformations sont très fortement dépendant de la présence de cations bivalents (21) (22) tels que les cations divalents (Mg2+, Mn2+, Ca2+), qui ont une plus forte affinité pour les acides nucléiques que les cations monovalents. La stabilisation des G-quadruplex dépend des rayons atomiques des ions. Si l’ion est trop petit comme l’ion lithium, il ne pourra pas interagir au sein des tétrades pour les stabiliser. Dans le cas des ions sodium, ce dernier entraîne une perte de stabilité par rapport aux ions potassium ou chaque ion K+ interagit avec les deux tétrades de guanines ce qui apporte plus de stabilité. Selon la disposition des cations, ces derniers influencent la topologie adoptée par les G-quadruplex et il arrive que deux G-quadruplex soient différents selon le cation présent en solution. Un certain nombre d’études notamment par dichroïsme circulaire, avec l’aptamère T15 ont été réalisées afin de mettre en évidence l’influence des cations et notamment le fait que les cations K+ stabilisent mieux la structure en G-quadruplex contrairement aux ions Na+ (23).

Etudes des aptamères anti-thrombine :

La thrombine est une sérine protéase multifonctionnelle de la famille des sérines protéases qui joue un rôle clé dans la réaction de l’hémostase. Cette enzyme déclenche la coagulation en hydrolysant le fibrinogène et en activant les plaquettes sanguines (24). Les caractéristiques structurelles dominantes de la thrombine comprennent un site actif profond et deux surfaces chargées positivement, appelées exosites I et II. L’exosite I est le site de liaison au fibrinogène, tandis que l’exosite II est le site de liaison à l’héparine de la thrombine. La surproduction de thrombine peut causer des maladies dangereuses, comme l’apoplexie et les crises cardiaques. Cela justifie la très grande importance d’une méthode de sélection d’inhibiteurs de cette dernière dont les aptamères.

Le T15 :

Un des premiers aptamères à avoir été sélectionné par Bock et al (16), en 1992 à partir d’une banque d’ADN dégénérée sur 60 nucléotides, c’est-à-dire avec une diverstié de 4 60 nucléotides, fut l’aptamère T15 connu sous le nom de TBA : Thrombin binding aptamer avec une constante de dissociation KD de 100 nM. Ils se sont intéressés à un ensemble de séquences de 14 à 17 nucléotides avec huit résidus de guanines qui forment un noyau central composé de deux quartets de guanines. Par la suite, le motif suivant de 15 nucléotides a été conservé : 5’ – GGT-TGG-TGT-GGT-TGG -3’ et de nombreuses études ont été menées car le T15 a une forte activité anticoagulante (25), il inhibe la coagulation du fibrinogène catalysé par la thrombine in vitro et réduit la formation de thrombus artériel. De plus il fut le premier à être utilisé pour le développement de biocapteurs appelés aptasensors (26). Le T15 consiste en deux tétrades de guanines qui sont connectées par deux boucles T-T et une boucle T-G-T selon les analyses aux rayons X de Padmanabhan (27) (Figure 1-11).
Ce sont les boucles T-T qui se lient de façon spécifique sur l’exosite I (28), mais il existe aussi des interactions avec l’exosite II (29). En présence de cations spécifiques tels que K+, la structures est ainsi stabilisée (30), ainsi que lors de la réaction d’interaction avec la thrombine (31). La découverte de cet aptamère a abouti au développement de l’aptamère T15 en phase clinique de niveau I (ARC183) développé par Archemix corp et Nuvelo Inc en tant qu’anticoagulant pour une utilisation potentielle en chirurgie cardiaque. Il a ainsi été démontré qu’il y avait une réponse rapide de l’administration d’ARC183 mais la quantité d’aptamère nécessaire pour atteindre l’effet désiré était trop élevée ce qui n’a pas convaincu les entreprises de poursuivre leur développement (32). Néanmoins, cela a suscité un engouement pour la découverte d’autres aptamères de longueurs plus importantes et plus efficaces.

Le T29 ou HD22 :

Le T29 fut sélectionné en 1997 par l’équipe de Tasset et al (33) à partir de deux banques dégénérées comprenant 30 et 60 nucléotides. C’est un aptamère ayant pour séquence nucléotidique 29 bases dont un motif de 15 nucléotides similaires à l’aptamère T15 et avec huit guanines qui donnent la structure en G -quadruplex. L’aptamère T29 présente une affinité plus élevée pour la thrombine (caractérisée par un KD de 0.5nM). Cet aptamère reconnaît le site de liaison de l’héparine (exosite II). La séquence du T29, où les guanines qui permettent d’aboutir à la structure en G-quartet sont surlignées en gras, est la suivante : 5’-AGTCCGTGGTAGGGCAGGTTGGGGTGACT-3’
D’autres aptamères dérivés du T29 ont également été découverts, tels que TBA 27 ou TBA 31 qui ont une structure similaire à la séquence du T29 (34). Cependant, l’équipe de Gué a testé différents aptamères pour la mise au point d’un biocapteur pour la détection de la thrombine dans le plasma et en étudiant l’interaction aptamères-thrombine par SPR (surface plasmon resonance), ils ont montré que l’aptamère T29 était le seul qui permettait la détection efficace de la thrombine dans des échantillons réels de plasma sanguin (35). C’est pour cette raison que nous avons utilisé cet aptamère dans le cas de notre étude.

MODES DE SELECTION DES APTAMERES

SELEX

Principe général

La méthode SELEX (Systematic Evolution of Ligands by Exponantial Enrichment) est une méthode très utilisée pour la sélection d’oligonucléotides envers une cible avec une forte affinité (Figure 2-1). Elle consiste à utiliser une banque d’oligonucléotides qui peut contenir jusqu’à 60 oligonucléotides aléatoires qui sont liés à de courtes régions constantes (primers), habituellement utilisées pour hybrider les amorces durant la PCR. La région centrale de la banque contient généralement entre 20 et 80 nucléotides dégénérés tandis que les extrémités non dégénérées servent à la fixation de primers de PCR et ont une longueur de 18 à 21 nucléotides. Plusieurs cycles de sélection sont alors réalisés ou dans le cas des molécules d’ADN, on fait interagir la banque avec la cible. Pour la sélection d’aptamères ARN, la banque d’ADN doit d’abord être convertie en banque d’ARN avant de commencer les cycles itératifs de sélection. Lors du premier cycle de sélection, l’ADN ou ARN est incubé avec la cible. Ensuite, les molécules non-liées sont séparées des molécules d’ADN ou d’ARN liées à la cible par des étapes de lavages. De l’efficacité des lavages, découle l’efficacité de sélection et donc les caractéristiques de liaisons des aptamères à la cible. Plusieurs techniques de séparations peuvent être utilisées : la chromatographie d’affinité qui utilise des colonnes de séparation en agarose ou sépharose (36), (37), la séparation magnétique (38). Ces méthodes sont basées sur l’immobilisation de la cible afin de générer des matrices d’affinités, capturer les molécules d’intérêts liées à la cible où les sélectionner selon la taille. D’autres méthodes de séparation sans immobilisation de la cible existent comme la filtration sur membrane de cellulose ( (2)
(39) ) et la centrifugation (40). Ces techniques dépendent de la taille de la cible ainsi que de la liaison avec le complexe. Les oligonucléotides liés à la cible sont ensuite amplifiés par PCR (ADN) ou par PCR en temps réel (qPCR) (ARN). Les oligonucléotides doubles brins résultants sont purifiés en simple brin afin de réaliser un deuxième cycle de sélection (pour l’ADN, pour l’ARN il faut faire une transcription). Au total, plusieurs cycles (environ une vingtaine) sont effectués. Ce nombre varie en fonction de la cible, de la variété de la banque d’ADN initiale, des conditions de sélection et de la méthode de séparation. Par ailleurs, il est fortement recommandé de faire des cycles de sélection négatifs ou des étapes de soustractions afin d’éviter un enrichissement non-spécifique des oligonucléotides. En effet l’affinité de la cible pour la banque d’oligonucléotides peut être influencée par la stringence des conditions de sélection. Au fur et à mesure des cycles itératifs de SELEX, la stringence augmente et la banque d’ADN est ainsi réduite à quelques motifs ou séquences d’ADN avec la meilleure affinité et spécificité pour la cible. Ceci peut être réalisé en réduisant la concentration de la cible dans les cycles successifs de SELEX ou en changeant les conditions de lavages et de liaison de la cible (composition du tampon, volume). De même afin d’éviter des réactions croisées, et pour sélectionner des aptamères spécifiques d’une cible, une étape de pré-incubation appelée contre sélection est effectuée en présence de molécules cibles potentiellement interférentes (41). Le dernier cycle est stoppé juste après l’étape d’amplification par PCR. Les aptamères obtenus sont clonés et ensuite séquencés (42). Malgré que de nombreux aptamères aient pu être découverts par le procédé SELEX, cela reste toujours une méthode longue et compliquée. Les conditions de sélection décrites telles que les conditions de lavages, concentrations ioniques ou de cibles ou ajouts de compétiteurs sont susceptibles d’influencer le résultat final. Par ailleurs, le nombre possible de différentes séquences d’aptamères à cribler (4n où n correspond aux nombres de nucléotides dans la séquence) est impossible à analyser complètement. A cela s’ajoute les biais d’amplification introduits lors de la PCR ce qui augmente l’amplification d’ADN non spécifique et a comme conséquence l’apparition de séquences abondantes mais qui n’ont pas pour autant la meilleure affinité. Mais ces mutations engendrent de la diversité dans les aptamères sélectionnés et constituent l’évolution darwinienne de la population de séquences. Elles peuvent permettre de créer de meilleurs aptamères qui n’étaient pas présent dans la banque d’origine. Depuis son développement en 1990, le SELEX-conventionnel a subi de nombreuses modifications afin d’améliorer son efficacité.

Modification de la technologie SELEX

Afin d’améliorer soit la diversité des cibles ou le rendement du procédé SELEX, de nombreuses modifications y ont été apportées. Darmostuk et son équipe ont décrit toutes les améliorations de la méthode SELEX ayant été développées depuis la première utilisation de cette méthode (43).
Il y a peu de méthodes automatisées de SELEX à cause de la grande complexité à mettre en place un procédé d’automatisation qui intègre les différentes méthodes. Des variantes ont été développées. Parmi ces méthodes, la méthode Cell-SELEX qui permet à des cellules vivantes d’être utilisées comme cibles. Elle présente un intérêt dans des applications in vivo car bien que des aptamères aient été développés par la méthode conventionnelle SELEX contre des cibles telles que des peptides ou des protéines purifiées, ces derniers ne sont pas toujours efficaces pour des applications in-vivo.

Cell-SELEX

Cette méthode ne nécessite pas de connaissance de la cible pour la sélection des aptamères contrairement à la méthode SELEX (Figure 2-2). Des cellules entières, à la fois eucaryotes et procaryotes peuvent être utilisées pour générer des aptamères hautement spécifiques en utilisant cette technique. Ces aptamères peuvent être utilisés pour le diagnostic de cellules spécifiques ou dans le domaine thérapeutique pour la destruction ciblée de cellules. Comme dans la méthode SELEX classique, une banque d’oligonucléotides est incubée avec les cibles, qui sont des cellules entières. Les oligonucléotides non liés sont éliminés par lavage et les aptamères liés sont séparés de la cible et amplifiés par PCR.
La sélection n’est possible que si les aptamères qui se lient sur la surface des cellules des autres cibles sont retirés par l’intermédiaire d’une sélection négative au cours des cycles de sélection. Par conséquent, la méthode Cell-SELEX est souvent constituée d’une sélection positive contre les cellules cibles et d’une sélection négative contre les autres cellules. Elle peut exiger jusqu’à 35 cycles de sélection mais le plus souvent 8-10 cycles sont appliqués afin d’obtenir des aptamères avec une haute affinité. Certains aptamères utilisés contre divers cancers ont été générés par cette méthode (44) (45) (46) (47) (48) (49). Par exemple, les cellules cancéreuses et les cellules saines obtenues à partir du même tissu du même patient seraient un couple idéal de cellules.
Un des avantages majeurs de la méthode Cell-SELEX est que l’on n’a pas besoin de connaître l’identité de la cible des aptamères ou son état de modification. Toutefois, cette nature inconnue de la cible constitue également un obstacle pour l’utilisation thérapeutique de ces aptamères. L’identification de la cible et la vérification ultérieure de la spécificité prend beaucoup de temps et peut retarder de manière significative l’utilisation dans des applications de ces aptamères dérivés de ces cellules dans des applications diagnostiques et thérapeutiques (50) (51) (49).

SELEX négatif

Utilisée pour la première fois par Ellington et Szostak en 1992 (3), cette méthode a été utilisée lors du troisième cycle de sélection dans le but d’éliminer les molécules d’ADN se liant sur la surface d’agarose où sont immobilisées les protéines. Ainsi les auteurs ont obtenu des séquences avec une affinité 10 fois plus élevées lors du 4ème cycle de sélection.

Contre SELEX

Cette méthode a été introduite dans le but d’augmenter l’efficacité de la sélection des aptamères. On introduit des analogues structurels étroitement liés à la cible dans le processus de sélection afin d’éliminer les aptamères non-spécifiques et d’augmenter la spécificité des aptamères sélectionnés. Ce processus est analogue à celui du SELEX négatif sauf que l’on échange la cible par des dérivés analogues. Utilisée par Jenison et son équipe (52) lors de l’identification des aptamères d’ARN pour la théophylline. Les auteurs ont utilisé la caféine qui diffère de la théophylline uniquement par un groupe CH3 à la place de l’atome H sur le N-7, ce qui leur a permis de sélectionner spécifiquement des aptamères anti théophylline.

SELEX soustractif

Le SELEX soustractif a, là aussi, comme but d’améliorer la sélectivité des aptamères sélectionnés comme dans le cas du contre SELEX, mais la différence entre ces deux méthodes se situe dans le procédé. Le SELEX soustractif élimine les molécules d’ADN qui se lient sur une autre surface que la cible d’intérêt avant que celle-ci ne soit mise en interaction. C’est l’équipe de Wang (53) qui a mis au point ce procédé en sélectionnant des aptamères qui distinguaient spécifiquement des cellules normales de cellules PC12 différenciées. Au cours de cette procédure, la banque d’oligonucléotides est incubée avec des cellules PC12 normales avant chaque cycle de sélection, où des cellules PC12 différenciées sont utilisées comme cible. Un protocole SELEX standard est appliqué, suivi d’une évaluation d’affinité des aptamères obtenus. La méthode aboutit à des aptamères sélectionnés avec une haute résolution pour des cibles similaires.

Photo SELEX

Le photo SELEX est une méthode de sélection d’aptamères basée sur la capacité des acides nucléiques photosensibles de réaliser une liaison covalente avec d’autres molécules sous une certaine longueur d’onde. Du fait que cette méthode utilise l’irradiation par un rayonnement UV induisant la formation d’une liaison covalente entre la cible et les acides nucléiques, la sélectivité des aptamères est ainsi améliorée. Mais le nombre de faux positif obtenu par cette méthode est également plus élevé de sorte que les conditions doivent être optimisées pour s’assurer de la validité de détection. Le processus est le suivant : on incorpore un atome d’iode ou de brome en position 5’ du cycle aromatique des pyrimidines dans la banque d’ADN puis le pool est incubé avec la cible. Le mélange est ensuite irradié aux rayons UV ce qui induit la formation d’une liaison covalente par réticulation entre les acides nucléiques modifiés et la cible. Le mélange est ensuite séparé sur gel SDS PAGE. Cette méthode a été utilisée pour la première fois par Jansen en 1995 (54) qui a obtenu des aptamères pour la protéine Rev (régulateur de l’expression protéique de la vision) du virus VIH-1 en utilisant la 5-iodouridine (5-IU).

Toggle SELEX

Cette méthode utilise plusieurs cibles incubées avec une banque d’ADN en même temps dans le procédé de sélection d’aptamères. Le but est d’obtenir des aptamères avec une réactivité croisée. Lors du premier cycle de sélection, une banque d’ADN est incubée avec un mélange de cibles. Les oligonucléotides enrichis sont utilisés dans les cycles de sélection suivants où ils sont incubés avec des cibles séparément. Tout d’abord, les oligonucléotides sont incubés avec une cible, puis on élue les séquences liées. Au prochain cycle, ces séquences sont incubées avec la deuxième cible. Les séquences liées sont à nouveau isolées et utilisées dans les cycles de sélection suivants. Après treize cycles de sélection, les aptamères sont clonés et séquencés.
Cette méthode peut être utilisée pour sélectionner des aptamères avec une spécificité large et une fonctionnalité pour des applications in vivo améliorée (55).

Design d’oligonucléotides

– Longueur de la banque
Un aspect important de la méthode SELEX tient compte de la variété de la banque d’ADN ; c’est-à-dire la taille de la région dégénérée, le type de dégénérescence ainsi que les éventuelles modifications chimiques réalisées durant la phase de synthèse de la banque.
Une banque d’ADN dégénérée sur 20 ou 60 nucléotides présentera une plus ou moins grande complexité et donc la possibilité de créer des nouvelles liaisons spécifiques avec la cible (56) (57). Par ailleurs des banques d’ADN chimiquement modifiées avec des groupes fonctionnels pourront augmenter la stabilité de conformation ou la résistance aux nucléases et donneront également une complexité importante.
Inversement, une courte banque est plus simple d’utilisation ce qui est préférable pour sélectionner de courts aptamères. C’est aussi moins coûteux à synthétiser.
– Diversité de la banque
La probabilité de trouver un aptamère d’intérêt sera d’autant plus grande que la banque aura une grande diversité, c’est-à-dire que les banques d’ADN auront le plus grand nombre de composés différents.
Si l’on considère une banque d’ADN dégénérée sur 50 nucléotides, la diversité sera de 1030 molécules. Ainsi pour disposer de chacune des 1030 molécules, il faudrait 1030 ∗ (6.022∗1033023) d’échantillon soit 5.103 tonnes !
Par ailleurs durant les étapes d’amplifications par PCR, les polymérases bactériennes utilisées sont connues pour engendrer des mutations (environ une mutation tous les 2*104 nucléotides incorporés). Des efforts ont été faits afin de réduire ce taux de mutation en modifiant les polymérases de manière à les rendre plus fidèles. Tout au long du processus SELEX, un candidat sur 100 sera modifié à chaque cycle d’amplification pour une banque avec une région aléatoire de 100 nucléotides, conduisant donc à l’apparition de 1013 candidats pour la totalité de la banque. Certains chercheurs ont même réalisé des amplifications dans des conditions de diminution de fidélité de la polymérase (41) (56) (58) (59) (60).
– Modification de l’unité sucre
Les aptamères sont capables de se structurer en trois dimensions afin de se lier à leurs cibles. Cependant, les nucléases compromettent l’utilisation des aptamères dans des applications in-vitro ou in-vivo. Par ailleurs, le comportement des aptamères dans les milieux biologiques ne sont pas encore bien appréhendés et l’on peut supposer que ces derniers du fait de leur forte affinité pourraient se fixer à n’importe quelles cibles. Par exemple, la présence de nucléases dans le sérum conduit à la digestion rapide des oligonucléotides naturels. Afin de rendre les acides nucléiques plus résistants aux nucléases ou développer des groupements fonctionnels sur les acides nucléiques afin d’améliorer leur affinité de liaison à des cibles, plusieurs modifications ont été proposées. Le but étant de les rendre plus résistants et assurer leur biostabilité.
Les premières modifications concernent l’amélioration de la résistance aux nucléases notamment en faisant des substitutions en position 2’ du (déoxy)-ribose (61). Les autres substitutions concernent les 2’-amino pyrimidines (62), 2’-fluoro pyrimidines (63) et les 2’- méthoxy nucléotides (Figure 2-3). La première utilisation des 2’-NH2-pyrimidines a été reportée par Jayasena en 1994. Cependant les dérivés 2’ -NH2 ne sont plus utilisés car de nombreux problèmes ont été rencontrés durant la phase de synthèse (64). En effet, le groupement 2’-NH2 peut déstabiliser les hélices par rapport aux groupements 2’-OH ou 2’-H en augmentant l’entropie de la liaison (64).
Les dérivés 2’-fluoro-pyrimidine ont été utilisés pour la banque d’ARN transcrite par l’ARN polymérase T7Y639F utilisée pour des aptamères tels que la Tenascin C (65) , mais également pour l’antigène membranaire spécifique de la prostate (PSMA) (66). Svobodova et son équipe ont généré depuis des aptamères ARN contre l’antigène spécifique de la prostate avec une constante d’affinité de 630nM. Ce dernier a été testé pour une application soit dans le domaine du diagnostic ou de la thérapeutique et donne des résultats plus prometteurs. (67) Les dérivés 2’-fluoro-pyrimidine et 2’-aminopyrimidine sont utilisés pour la production d’aptamères dans le but d’augmenter la résistance aux nucléases. La stabilité des dérivés 2’-fluoro-siRNAs a été estimé supérieure à 1 jour (68). La même polymérase a été utilisée pour générer des aptamères 2’-O-méthyl qui s’avèrent être moins toxiques que les autres banques proposées (69). Les dérivés 2’-methoxy et 2’-fluoro sont devenus les plus utilisés pour la sélection in-vitro d’aptamères. La combinaison des deux motifs a mené au développement du seul aptamère approuvé par la FDA : le pegaptanib (Macugen®, développé par les laboratoires Pfizer) (7) (70).

L’électrophorèse capillaire et le SELEX (CE-SELEX) :

Depuis plusieurs années, de nombreuses stratégies de méthodes de sélection par la voie SELEX ont été décrites, notamment la cytométrie de flux (88), la centrifugation ou la filtration sur nitrocellulose (40). D’autres méthodes impliquant l’électrophorèse capillaire ont été décrites par Mendonsa en 2004 (89) ou l’électrophorèse sur gel (EMSA-SELEX) (90). L’électrophorèse capillaire permet de réduire considérablement le nombre de cycles (91) (92). Elle a été publiée pour la première fois en 2004 par Mendosa et son équipe (89). Ils ont pu réduire le nombre de cycles SELEX à 4 tout en maintenant l’affinité de la cible pour l’aptamère. Elle joue un rôle important dans la détermination des paramètres cinétiques et permet notamment la mesure des constantes d’affinités des aptamères générés. C’est l’une des variantes de la méthode SELEX, la plus utilisée. C’est une méthode de séparation efficace employée couramment pour les analyses d’ADN en raison du temps d’analyse rapide et du faible volume d’échantillon utilisé. Plusieurs modes d’électrophorèse capillaire ont été développées en fonction de l’application visée : la NECEEM (nonequilibrium capillary electrophoresis of equilibrium mixtures), la SweepCE (sweeping capillary electrophoresis) et l’ECEEM (equilibrium capillary electrophoresis of equilibrium mixtures). L’ensemble de ces méthodes a été regroupé sous le nom de KCE (kinetic capillary electrophoresis). Le principe du CE-SELEX est illustré dans la figure suivante (Figure 2-7) : Premièrement, un mélange d’une cible avec une banque d’ADN contenant généralement entre 1013 et 1014 molécules est préparé puis quelques nanolitres de ce mélange sont injectés en électrophorèse capillaire. La migration et la séparation des espèces se fait par application d’un champ électrique, et les molécules d’ADN non liées à la cible vont avoir la même mobilité électrophorétique. Elles vont donc migrer à la même vitesse tandis que les molécules d’ADN liées à la cible vont avoir un rapport charge sur taille qui va changer en raison de la liaison avec la cible ce qui va augmenter la taille et modifier la charge du complexe et donc aboutir à une mobilité électrophorétique différente. Ainsi, les deux fractions peuvent être séparées et les molécules d’ADN liées à la cible peuvent être collectées en se basant sur les temps de migration. Bien que l’on augmente par CE la sélectivité des molécules d’ADN collectées, il est nécessaire ensuite d’effectuer une étape d’amplification par PCR afin d’amplifier la quantité de molécules collectées et ensuite de régénérer l’ADN simple brin par une étape de purification, afin qu’un nouveau cycle de sélection soit effectué.
D’autres applications issues de la KCE ont pu être créées, dont l’analyse quantitative de l’affinité de protéines, ADN ou ARN, la mesure de la température à l’intérieur du capillaire, et la sélection de ligands à partir d’une banque aléatoire.

Principe général de l’électrophorèse capillaire :

L’électrophorèse capillaire est une technique analytique permettant la séparation d’espèces chargées sous l’effet d’un champ électrique dans un capillaire de faible diamètre (10 à 100μm)
La séparation des composés par électrophorèse capillaire résulte de deux mécanismes de transport, l’électromigration et l’électroosmose.
L’électromigration résulte du déplacement d’une espèce chargée lorsqu’elle est soumise à un champ électrique. La vitesse linéaire acquise (ou vitesse électrophorétique) est alors fonction du champ électrique et de la mobilité électrophorétique de l’ion selon la relation suivante :
vep=μep*E où vep = vitesse électrophorétique (cm.s-1)
μep = mobilité électrophorétique (cm2.V−1.s−1)
E = champ électrique appliqué (V.cm−1)
L’électromigration s’effectue dans le sens du champ électrique (mobilité électrophorétique positive) pour les cations et dans le sens opposé pour les anions (mobilité électrophorétique négative). Une molécule neutre n’est pas soumise au phénomène d’électromigration, elle se déplace donc à la vitesse du flux électroosmotique (Figure 2-9).
La mobilité électrophorétique, μep, et donc la vitesse électrophorétique, vep, dépendent du milieu, pH et composition du tampon (force ionique, viscosité, etc) et de la température.
L’électroosmose est responsable du flux électroosmotique. La paroi interne des capillaires de silice fondue est rincée avec de la soude ce qui permet l’hydrolyse des ponts siloxanes en groupements silanols. En fonction du pH de l’électrolyte, ces derniers seront plus ou moins déprotonés (pKa=5.5). Les contres ions positifs de l’électrolyte vont neutraliser la paroi. Ces cations nombreux, attirés par le pôle négatif, entraînent avec eux le liquide : le flux électroosmotique. La vitesse électroosmotique s’exprime selon la relation suivante :
veof=μeof*E où veof = vitesse électroosmotique (cm.s-1)
μeof = mobilité électrophorétique (cm.s-1)
E = champ électrique appliqué (V.cm−1)
Lorsque le capillaire est rempli d’un électrolyte tampon, les cations du tampon sont attirés vers les charges négatives de la surface du capillaire, formant ainsi une double couche électrique, caractérisée par un potentiel de surface ou potentiel zéta (ζ).
Le flux électroosmotique est fonction des propriétés du tampon (nature, force ionique, pH et viscosité).
En raison des dimensions mêmes du capillaire et des faibles volumes injectés (quelques nanolitres), il n’est pas possible d’employer les méthodes classiquement utilisées en chromatographie pour l’injection des échantillons. Deux modes d’introduction de l’échantillon dans le capillaire existent : l’injection hydrodynamique et l’injection électrocinétique.
Le mode d’injection hydrodynamique consiste, par exemple, à créer pendant une durée de quelques secondes, une surpression au niveau du flacon de l’échantillon, qui le propulse alors à l’intérieur du capillaire. Le volume d’échantillon injecté dépend de plusieurs paramètres : différence de pression appliquée, temps d’injection, viscosité de l’échantillon, longueur et diamètre du capillaire. De même que pour l’injection électrocinétique où la pression est remplacée par la tension. Ce dernier type d’injection est surtout utilisé soit dans les travaux de préconcentration ou d’injection dans des capillaires remplis de gel.

Différentes méthodes d’électrophorèse capillaire :

NECEEM

Krylov et son équipe ont décrit la méthode suivante : Nonequilibrium Capillary Electrophoresis of Equilibrium Mixtures (NECEEM (93)). C’est une méthode simple et efficace de séparation dans une solution d’une cible liée et non liée avec des oligonucléotides pour la sélection d’aptamères. De plus, le temps de sélection d’un aptamère serait considérablement réduit (temps = 1h). Cela permet la détermination aisée des paramètres cinétiques ; kon ; koff lors de l’interaction entre un aptamère et une protéine. Cette méthode permet de déterminer la valeur de KD si la concentration de la cible et de l’ADN sont connus ou de déterminer les concentrations de la cible si KD et la concentration des molécules d’ADN sont connus.
Le principe de cette méthode est basé sur deux processus majeurs :
– L’interaction entre une cible (T), des molécules d’ADN (L) et le complexe aptamère – cible (T. ADN) kon T + ADN ⇄ [T − ADN] (1) koff
kon et koff sont respectivement les constantes de vitesse de la formation et de la dissociation du complexe. Elles définissent la constante de dissociation KD qui est le rapport des deux constantes de vitesse koff/kon.
Cette constante KD, est caractérisée par l’équation suivante : KD = [T]eq[L]eq [TL]eq
– Et la séparation du complexe aptamère/cible des oligonucléotides non liés, selon la mobilité électrophorétique de chacun.

L’ultrafiltration ou filter binding

L’ultrafiltration est une technique similaire à la dialyse mais elle utilise le marquage au phosphore 32 (32P), pour quantifier la fraction d’aptamères liés. Une solution contenant la cible avec les aptamères marqués au 32P est filtrée à travers une membrane en nitrocellulose sous l’effet d’une pression externe. Les aptamères marqués, liés à la cible sont retenus sur la membrane tandis que ceux qui sont non liés traversent le filtre (Figure 3-2). La fraction de molécules d’ADN liées à la cible est ensuite quantifiée en mesurant l’intensité de la radioactivité du 32P. Par rapport à la dialyse, cette technique est plus rapide : on élimine le temps d’équilibre de la dialyse de plusieurs jours à quelques minutes. De plus, grâce à la radioactivité, on peut détecter des aptamères jusqu’à une concentration de l’ordre du picomolaire. Cependant, cela implique des mesures de sécurité supplémentaires, bien que des méthodes alternatives avec des marqueurs non-radioactifs aient été développées. Cette méthode possède aussi des inconvénients : la valeur de KD peut parfois être mal estimée en raison d’une rétention incomplète du complexe aptamère-protéine à la surface de la membrane de cellulose. Cela pourrait être dû à un effet compétiteur de la membrane. Parfois, il se peut aussi qu’il y est un effet compétiteur de l’aptamère avec la membrane.
Figure 3-2 : Analyse d’une interaction entre l’ADN duplex HP (0,1 μM) et la protéine Rep. La nitrocellulose a conservé le complexe ADN-protéine alors que le DEAE contenait de l’ADN non lié. Les puits de gauche à droite (A-J) contiennent des concentrations de plus en plus faibles de protéine Rep. Chaque groupe de trois lignes, désigné par I-IV, contient des ensembles de données triplés. Les lignes II et IV sont les suites des lignes I et III respectivement. Issu de : (120)

L’électrophorèse sur gel

L’étude des interactions entre acides nucléiques et protéines en électrophorèse sur gel a été introduite par Fried et Crothers (121), Garner et Revzin (122). Les acides nucléiques sont des polyanions avec une mobilité électrophorétique négative tandis que les protéines ont généralement une charge et une mobilité plus faible. Ainsi, le complexe aptamère.cible aura une mobilité électrophorétique intermédiaire ce qui va faciliter la séparation sur gel. Le gel peut être soit un gel d’agarose ou un gel non-dénaturant de polyacrylamide. On garde fixe la concentration de la protéine ou de l’aptamère et dans chaque puits de gel, on va ajouter une quantité croissante de l’un des composés. Sous l’effet de l’application d’un champ électrique, les espèces vont migrer en fonction de leur rapport charge/taille. Les molécules d’ADN non liées vont migrer en premier suivi du complexe [aptamère. protéine] et de la protéine. Le gel est ensuite révélé par lecture aux rayons UV ou par marquage de l’ADN au 32P ou par coloration au bleu de Coomassie R-250…
Comme la séparation peut durer de 30 min jusqu’à quelques heures, l’inconvénient est que le complexe peut se dissocier durant la séparation. Lorsque la constante de vitesse de dissociation est faible et que la demi-vie du complexe est significativement plus longue que l’échelle de temps de séparation, le ligand et le complexe d’ADN libres donneront naissance à des bandes distinctes sur le gel. Inversement, si la demi-vie du complexe est comparable ou plus petite que le temps de séparation, la séparation sera moins bonne et on pourra observer un smear entre les bandes. Cependant, la dissociation observée est généralement beaucoup plus lente que prévue. De plus, la structure réticulée du gel confine les ligands dissociés, donc donne la possibilité d’une réassociation du complexe, avant que l’aptamère et la protéine puissent diffuser sur une distance significative [35,43-46]. Cet effet stabilisant en combinaison avec la haute résolution des séparations par électrophorèse en gel rend l’étude des équilibres stœchiométriques multiples possibles [35]. Bien que cette méthode soit populaire en raison de sa haute sensibilité, de son faible coût et de ses différentes méthodes de détection, la réalisation du gel, la migration et la révélation de ce dernier est un procédé long.

La CLHP (chromatographie liquide haute performance)

La CLHP permet de séparer les composants en fonction de leur interaction avec la phase stationnaire. Ils sont plus ou moins retenus en fonction des interactions qu’ils développent avec chacune des phases. La chromatographie d’exclusion stérique, ou la chromatographie d’affinité sont des techniques utilisées pour l’analyse de petites molécules en présence d’ADN, qui permet de mesurer des constantes de dissociations. Mais c’est pour l’analyse comme phase stationnaire que les aptamères sont intéressants.
Les anticorps sont les ligands les plus utilisés dans la chromatographie d’affinité cependant du fait de leur taille, cela limite la capacité de liaison à la surface de la colonne. D’autres contraintes telles que l’immobilisation non-uniforme, et les conditions d’élutions peuvent réduire l’efficacité de cette méthode (123). Par analogie avec les anticorps, les aptamères peuvent être une alternative pour des applications de chromatographie par affinité analytique et préparative. Eric Peyrin (124), a décrit dans une revue, les caractéristiques de reconnaissance moléculaire des aptamères ainsi que les caractéristiques générales pour pouvoir les utiliser dans les techniques chromatographiques et électrophorétiques (Figure 3-3).
Figure 3-3: Présentation des caractéristiques générales que doivent présenter les aptamères pour une application en chromatographie liquide et en CE. Type I assay correspond à l’utilisation d’aptamères caractérisés par une cinétique lente d’association-dissociation (KD ~ nM/ µM). Inversement, lorsque les aptamères ont une gamme d’affinité de l’ordre du µM/mM, ils sont caractérisés par une cinétique plus rapide. Tableau issu de : (124).
Pour cela ils doivent présenter une bonne affinité de liaison, une forte spécificité et ils doivent résister à de fortes conditions de lavages (par exemple 100 heures de trempage dans la soude à 1M). Les phases stationnaires utilisées sont des colonnes monolithiques ou des colonnes remplies ou à garnissage (packed), ou des colonnes capillaires (open tubular). Quel que soit le format, « un bras espaceur » est nécessaire pour maintenir les propriétés de liaison de l’aptamère lié à la phase stationnaire. Deux stratégies d’immobilisation à la surface chromatographique ont été décrites : par liaison covalente de l’oligonucléotide sur la surface chromatographique ou par liaison non-covalente. Ces deux modes de liaison, sont réalisés par l’utilisation de la biotine-streptavidine comme ligand d’immobilisation. Cette méthode implique le mélange du support chromatographique à la streptavidine avec la solution d’aptamère pendant quelques heures à 48°C ou à température ambiante. Environ 15-20 nmol d’aptamère pour 100µL de milieu de séparation sont généralement liés par cette stratégie. Plus récemment, l’équipe de Perret et al, est parvenue en utilisant des aptamères
à purifier trois protéines thérapeutiques provenant de diverses sources. En une seule étape, trois aptamères ont permis une purification efficace de leur protéines cibles avec des degrés de sélectivité allant de 0.5% à 98% de pureté en une seule étape (125).

Anisotropie de fluorescence

L’anisotropie de fluorescence est une technique puissante et rapide pour déterminer des mesures quantitatives d’interactions moléculaires diverses. Cependant cette méthode est difficilement utilisable contre les petites molécules dont la variation du signal de polarisation est peu quantifiable. L’aptamère est greffé à un marqueur fluorescent et lorsqu’une lumière polarisée illumine l’échantillon, seules les molécules dans la même orientation que les photons émis seront excitées. Si le marqueur tourne lentement par rapport à la cinétique d’émission, la polarité du photon entrant est retenue dans le photon de fluorescence. L’intensité du signal de fluorescence avec polarisation parallèle et perpendiculaire à celle de la source d’excitation peut être comparée pour évaluer la polarisation du signal. Lorsqu’un aptamère est lié à sa cible, le volume moléculaire augmente entraînant une moindre rotation et une augmentation de la polarisation. Peyrin et son équipe ont amélioré cette technique et ont proposé de nouvelles plates-formes de détection d’aptamères à anisotropie de fluorescence (FA) dédiées à la détection de petites molécules (126). Dans le cas de l’étude des aptamères pour le marqueur du cancer ovarien le CA125 (127), Whelan et son équipe ont déterminé la constante de dissociation de l’interaction aptamère.CA 125 par anisotropie de fluorescence. Pour cela, ils ont marqué les aptamères avec un marqueur : le Texas Red (5’ TEX615). Puis 100 nM d’aptamères ont été chauffé à 97°C pendant 3min, laissé refroidir à température ambiante pendant 5 minutes. Ensuite les solutions d’aptamères ont été mélangées avec le CA125 à différentes concentrations mais en ajoutant de la BSA afin de prévenir les adsorptions à la surface du flacon. La solution est mise à incuber pendant 90 minutes dans le noir à température ambiante puis analysée. La longueur d’onde d’excitation était 585 nm, celle d’émission 635 nm et les valeurs d’anisotropies déterminées en présence (r) et en l’absence (r0) du marqueur. La valeur de KD est ensuite déterminée avec la formule suivante : ( ∗ ) − 0 = ( + )
A représente la valeur de la concentration de l’aptamère qui est une constante.
Figure 3-4 : Courbe de binding obtenue par anisotropie de fluorescence pour des échantillons contenant 100 nM de l’aptamère CA125_1 marqué au Texas Red avec des concentrations de cibles variant de 0 à 2000 U/mL. Excitation de la lumière polarisée à 585 nm, émission à 635 nm. Issu de (127).
La valeur obtenue par anisotropie de fluorescence était de 207 ± 109 U/mL (Figure 3-4). L’unité choisie est peu commune mais l’auteur justifie cette valeur car la protéine CA 125 présente une certaine hétérogénéité et donc une masse molaire mal définie. Utilisée pour les applications cliniques, cette unité de mesure a toujours été utilisée dans ce domaine-là. Les auteurs ont également, mesurée la valeur de KD par électrophorèse capillaire appelée (APCE : Affinity Probe Capillary Electrophoresis). Ils ont obtenu une valeur de 80 ± 38 U/mL.
Bien qu’ils affirment que cette variation de K D est dans la gamme observée par le laboratoire pour leurs autres études d’aptamères-protéines (Figure 3-5), (101), Lammertyn et son équipe ont également mesuré la liaison du lysozyme à un aptamère sélectionné par anisotropie de fluorescence mais également par électrophorèse capillaire (128). La valeur de KD estimée par anisotropie de fluorescence était de 2.8 ± 0.3nM tandis que la valeur trouvée par électrophorèse capillaire était 17 fois supérieure. L’explication donnée est qu’en électrophorèse capillaire, sous l’effet du champ électrique appliqué, l’effet joule entraîne une augmentation de température et donc durant la séparation l’équilibre du mélange est modifié. Donc au cours de la séparation, le complexe a été constamment dissocié (Figure 3-6).
Figure 3-6 : Un exemple d’électrophérogramme de l’aptamère injecté avec le lysozyme en CE. Le mélange injecté contient 20nM d’aptamère marqué par fluorescence et 1600 nM de lysozyme. Conditions CE : Tampon TGK pH=8.3 Injection : 1 psi, 5s, Détection LIF. Capillaire : 50µm de diamètre, longueur : 40,2 cm. Séparation : 20kV. Le 2′,7′-bis-(2-carboxyéthyl) -5-(et- 6) – carboxyfluorescéine (BCECF) a été utilisé comme standard interne (IS). Les traits verticaux noirs correspondent aux points de collecte. D’après (128).

Absorption UV-visible

L’absorption UV-visible est une méthode largement utilisée du fait du faible coût et qu’il n’y a pas besoin de marqueurs pour détecter les composés. L’ADN a une absorption à 260 nm et les cibles telles que les protéines ont également une absorption à 210 et 280 nm. Ainsi, les constantes de liaison peuvent être déterminées par un changement de spectre de l’aptamère ou de la cible.

Dichroïsme circulaire (DC)

Le dichroïsme circulaire permet de détecter des changements de conformation et donc de caractériser des mesures d’affinité. A cause de la présence de carbones asymétriques dans les acides aminés, les sucres, les protéines et les acides nucléiques absorbent ainsi la lumière polarisée de façon différente. Les protéines avec des hélices α et des feuillets β anti-parallèles donnent des spectres distincts en dessous de 250 nm tandis que les acides nucléiques ont des spectres au-dessus de 250 nm. Ainsi il est possible de calculer la capacité de liaison en réalisant un dosage en ajoutant une concentration croissante de protéines et en évaluant le changement des signaux.
Dans l’étude de l’aptamère anti-thrombine, T15, l’équipe de Sica (129) a utilisé la technique du dichroïsme circulaire pour étudier la stabilité de l’aptamère T15 en interaction avec la thrombine en présence d’ions Na+ et K+. Lorsque l’aptamère T15 est en interaction avec des ions Na+ ou K+, le T15 se replie sous forme de quadruplex anti -parallèle. Le spectre présente un pic maximal à 295 nm, deux pics positifs à 210 et 250 nm et un pic minimum à 270 nm (Figure 3-7).
Par ailleurs, la température de fusion de l’aptamère T15 en présence de Na + et K+ est de respectivement 24°C et 53°C. Lorsqu’il sont mis en interaction l’aptamère et la thrombine, les courbes de fusion indiquent une augmentation considérable de la stabilité thermique de la structure en G-quadruplex. Les températures de fusion du T15 augmentent jusqu’à 58°C et jusqu’à 70 °C en présence de Na+ et K+ (Figure 3-8).
Figure 3-8 : Dénaturation thermique de l’aptamère TBA suivi d’une spectroscopie CD à 295 nm, en l’absence (ligne pointillée) et en présence (ligne en gras) d’une quantité équimolaire de thrombine à une vitesse de chauffage de 1 °C / min. Les mesures ont été effectuées dans un tampon phosphate 25 mM à pH 7,1 avec MCl 0,1 M, où M représente soit Na + (A) et K+ (B) en utilisant une concentration d’aptamère à 7 µM. D’après (129).
L’équipe de Chen (130), a combiné les données obtenues par dichroïsme circulaire, SPR et ITC afin de comparer les mécanismes de liaisons entre les aptamères T15, T29 et la thrombine. L dichroïsme circulaire a permis d’étudier les changements structuraux secondaires de l’aptamère T15 et T29 avec diverses concentrations de thrombine. Le spectre de l’aptamère T15 montre une bande négative à 250 nm et une bande positive à 280 nm (Figure 3-9). Ceci est caractéristique de la forme B de l’ADN. Lorsqu’il est mis en interaction avec la thrombine, une nouvelle bande positive apparaît à 254 nm, et les bandes précédentes sont décalées à 295 nm et 260 nm. Ceci indique que le complexe se structure sous forme de G-quadruplex. La thrombine induit le changement de conformation et l’intensité des deux bandes caractéristiques augmente avec la concentration croissante de thrombine.
Le spectre de l’aptamère T29 est différent du T15 et présente une bande négative à 230 nm et une large bande vers 260 nm (Figure 3-10). Ce signal a une faible intensité lorsque la concentration de la thrombine est faible, ce qui indique que l’aptamère T29 forme une conformation en tige boucle. L’intensité de la bande à 265 nm continue d’augmenter avec la concentration de thrombine, ce qui indique que l’aptamère passe d’une forme B à une forme A de l’ADN.

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Table des matières

1. Les aptamères : structure et propriétés
1.1 L’architecture des aptamères
1.1.1 Structure primaire
1.1.2 Structure secondaire et tertiaire
1.2 Etude de la structure en G-quadruplex de l’aptamère anti-thrombine
1.2.1 Définition des G-quadruplex
1.2.2 Topologie des G-quadruplex
1.2.3 Le rôle des ions sur la stabilité des G-quadruplex
1.2.4 Etudes des aptamères anti-thrombine
2 Modes de sélection des aptamères
2.1 SELEX
2.1.1 Principe général
2.1.2 Modification de la technologie SELEX
2.2 L’électrophorèse capillaire et le SELEX (CE-SELEX)
2.2.1 Principe général de l’électrophorèse capillaire
2.2.2 Différentes méthodes d’électrophorèse capillaire
2.2.3 Applications de la CE-SELEX
2.3 L’électrophorèse capillaire et le non-SELEX
2.4 Conclusion
3 Techniques de mesure de la constante de dissociation KD à partir de l’électrophorèse capillaire 
3.1 Techniques de séparation
3.1.1 La dialyse
3.1.2 L’ultrafiltration ou filter binding
3.1.3 L’électrophorèse sur gel
3.1.4 La CLHP (chromatographie liquide haute performance)
3.1.5 Anisotropie de fluorescence
3.1.6 Absorption UV-visible
3.1.7 Dichroïsme circulaire (DC)
3.1.8 Résonance plasmonique de surface (SPR)
3.1.9 Titration calorimétrique isotherme (ITC)
3.1.10 Thermophorèse à micro-échelle (MST)
3.1.11 L’électrophorèse capillaire
4 Optimisation de l’amplification par PCR 
4.1 Après la sélection par électrophorèse capillaire, la PCR
4.2 La PCR en temps réel
4.3 L’émulsion PCR
5 Next Generation sequencing (NGS) pour la sélection d’aptamèreS 
5.1 Principe
5.3 Principe du séquençage haut-débit Illumina
5.4 Le séquençage par ligation
5.5 Application du séquençage haut débit
6. Conclusion
Chapitre 1 : L’électrophorèse capillaire et l’utilisation de la double détection UV- LEDIF pour sélectionner, caractériser les cibles, les aptamères et les complexes aptamères-cibles
1 Influence de l’utilisation du tampon de migration Tris Acétate sur la dégradation de l’ADN
1.1 Introduction
1.2 Le tampon TRIS, un piège pour la sélection d’aptamères ?
1.2.1 Introduction
1.2.2 Article
2 Mesure des paramètres de liaisons entre la thrombine et un aptamère par électrophorèse capillaire
2.1 Caractérisation de la thrombine par électrophorèse capillaire
2.1.1 Capillaire en silice
2.1.2 Capillaire recouvert d’un revêtement en PVA (Polyvinylalcool)
2.2 Caractérisation de l’aptamère T29 et du complexe T29.Thrombine par électrophorèse capillaire
2.2.1 Avec un capillaire en PVA
2.2.2 Avec un capillaire en silice
2.3 Détermination de la constante de dissociation du complexe T29. Thrombine
2.3.1 Par électrophorèse capillaire
2.3.2 Par filter binding
2.3.3 Conclusion
Chapitre 2 : Est-on capable d’identifier un aptamère G-quartet en CE- Illumina ?
1 Validation / Mise en place de la collecte à partir de l’exemple de 3 sucres
1.1 Injection et séparation de trois sucres : exemple
1.2 Méthode de collecte de trois sucres par électrophorèse capillaire
1.3 Détermination du facteur de dilution et du rendement de collecte
2 Collecte d’aptamères :
2.1 Optimisation du diamètre du capillaire :
2.2 Injection de la banque d’ADN, de l’aptamère AT29B et de la thrombine
2.2.1 La banque d’ADN (N=30) :
2.2.2 Injection de l’aptamère AT29B :
2.2.3 Injection de la thrombine :
2.2.4 Réalisation du complexe Banque d’ADN + thrombine + AT29B et détermination des fenêtres de collectes
1 Principe de l’analyse par Illumina
1.1 Principales définitions utilisées en bioinformatique
1.2 Principales étapes de l’analyse bioinformatique
1.3 Evaluation de la qualité des données grâce à Fastqc
1.4 Nettoyage des reads – filtrage des séquences d’adaptateurs
1.5 L’alignement des séquences
1.6 Profondeur de lecture = le nombre de fois où chaque nucléotide est lu
2 Utilisation de la PCR – Illumina pour séquencer le T29
2.1 Réalisation de la gamme étalon
2.2 Caractérisation du nombre de séquences de T29 obtenues – étude de la réponse de l’Illumina
2.3 Reproductibilité
2.4 Publication
2.5 Précision sur l’analyse des nucléotides de T29 dans le brin anti-sens
3 La contamination des blancs
4 Mesure de l’enrichissement de l’aptamère T29 par électrophorèse capillaire couplée au
séquençage Illumina
5 Conclusion
Conclusion
Annexes
Instrumentation
1.1 Le détecteur de fluorescence
1.2 La double détection absorbance UV – fluorescence
2 Réactifs et produits utilisés 
2.1 Réactifs
2.2 Oligonucléotides
2.3 Tampons
3 Capillaires 
Capillaire en Silice
3.1 Capillaire en Poly-vinyl-alcool : PVA
4 Principe de la PCR en temps réel 
4.1 Conditions opératoires
4.2 Utilisation de la PCR en temps réel pour amplifier l’aptamère T29
Réalisation d’une gamme étalon de l’aptamère AT29B
4.2.1 Répétabilité de la qPCR
4.2.2 Diminution du nombre de cycles qPCR.
4.2.3 Effet des amorces – diminution de la concentration des amorces
4.2.4 Augmentation de la température d’hybridation
4.3 Changement des constituants
4.3.1 Changement des amorces
4.3.2 Changement de la matrice : utilisation d’un aptamère sans G-quartet
4.4 Conclusion
5 Principe de la PCR conventionnelle
6 Protocole d’amplification et de purification des molécules d’ADN
6.1 L’électroélution
6.2 Kits de purifications :
7 Quantification post-PCR des aptamères amplifiés
7.1 Le nanodrop
7.2 Par électrophorèse sur gel d’agarose
8 Représentation de la méthode globale de sélection par électrophorèse capillaire, amplification par PCR, purification des aptamères
9 Principe du séquençage haut-débit Illumina
9.1 Préparation de l’ADN : préparation de librairies
9.2 Amplification clonale : création de clusters
9.3 Séquençage
9.4 Analyse bioinformatique
Bibliographie 

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