Quel cadre légal ?
Après avoir inscrit dans la loi en 2002 que « toute personne a le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées» (8), c’est en 2005 que la loi Leonetti introduit la notion de LAT : « … ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris» (2). La loi de 2016 précise à la suite : dans ce cas, « le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant des soins palliatifs» (9).
Une certaine ambiguïté réside cependant dans la question des décisions de nonréadmission : avons-nous le droit de prendre des décisions de LAT a prioriconcernant une situation médicale potentielle (nouvelle défaillance vitale) qui pourrait conduire le patient vers une situation à risque d’obstination déraisonnables’il est admis en réanimation, alors même que nous ne sommes pas certains que celle-ci va survenir ? L’obstination déraisonnableest définie par la loi dans un cadre de fin de vie où peuvent s’opposer le maintien artificiel de la vie notamment par des techniques de suppléance d’organe d’une part, et la prise en charge de la souffrance physique et morale de la personne malade ainsi que le respect de sa dignité d’autre part. A ce titre, les décisions de non-réadmission en réanimation pourraient se justifier en considérant que le traitement « réanimation » ne semblerait pas raisonnable pour l’avenir du patient. Cependant, à l’heure actuelle et selon la loi, la seule personne ayant le droit d’établir des directives de « non acharnement thérapeutique », à propos d’une situation médicale « hypothétique » le concernant, est le patient lui-même sous la forme de directives anticipées.
Quel processus décisionnel ?
Il découle des questions précédentes celle du processus décisionnel relatif à la prise de décision de non-réadmission. Si nous sommes effectivement dans un cadre de LAT à proprement parler, comment la loi et les sociétés savantes prévoient-elles un processus décisionnel garantissant une démarche éthique adaptée ?
Plusieurs études ont montré l’intérêt d’utiliser une procédure écrite d’aide à la réflexion et à la prise de décision de LAT (1). Celle-ci améliore l’exhaustivité et la traçabilité de la prise de décision. Dans l’idéal, elle doit être rédigée par les acteurs du service de réanimation dans lequel elle sera utilisée.
La procédure de décision de LAT peut être initiée par toute personne impliquée dans la prise en charge du patient : la personne de confiance, un proche, la famille ou un membrede l’équipe médicale ou paramédicale. Le médecin en charge du patient a l’obligation de respecter une procédure collégiale (10). Pour cela, il est indispensable de consulter l’infirmière, l’aidesoignante, le médecin en formation en charge du patient, voire d’autres membres de l’équipe médicale et paramédicale (kinésithérapeute, assistante sociale, psychologue…). La loi du 22 avril 2005 oblige également expressément à prendre l’avis d’un médecin extérieur, appelé à titre de consultant, qui doit être sans lien hiérarchique avec les acteurs du service. Il peut s’agir du médecin traitant, du médecin spécialiste référent du patient ou de n’importe quel autre médecin, en activité ou retraité.
A l’issue de la procédure collégiale, la décision finale est prise par le médecin en charge du patient. Celle-ci doit prendre en compte l’avis du personnel médical et paramédical, l’avis du patient s’il est apte à consentir ou les souhaits qu’il aurait antérieurement exprimés, en particulier dans le cadre de directives anticipées si elles existent. La personne de confiance qu’il aurait désignée, la famille et les proches doivent être consultés. Néanmoins, bien que leur avis soit primordial, ces derniers n’ont aucun rôle décisionnel. En effet, la loi laisse la possibilité au médecin en charge du malade de prendre une décision qui ne soit pas partagée avec la personne de confiance, les proches ou les membres de l’équipe paramédicale. Il est probable que le législateur ait souhaité ne pas faire porter à des proches le poids de la responsabilité d’une décision lourde de conséquences, fussent-ils les dépositaires des souhaits du patient. Cet aspect permet également au médecin de s’affranchir de l’avis de membres de la famille ou de proches dont les intentions ne seraient pas bienveillantes envers le patient. En cas de doute lors du processus décisionnel, la réflexion doit cependant être poursuivie et renouvelée car une décision de LAT peut toujours être reconsidérée voire annulée en cas de nouveaux éléments susceptibles d’en modifier la finalité.
L’ensemble des éléments pris en compte au cours des différentes étapes du processus décisionnel doivent être notés dans le dossier médical. La décision de limiter ou d’arrêter un ou plusieurs traitement(s) d’une part, et les modalités d’application d’autre part, doivent être notifiées.
Une fois la décision prise, le médecin en charge du patient est garant de l’application de la décision mais il est surtout responsable de la continuité des soins et de la mise en œuvre des soins palliatifs visant au respect et à la dignité du patient (3).
Concernant les décisions de non-réadmission en réanimation, il nous semble, de prime abord, que celles-ci sont prises, actuellement, de manière beaucoup plus informelle que les décisions de LAT « classiques », et le plus souvent, essentiellement par les médecins réanimateurs seuls. Dans quelle mesure les directives énoncées ci-dessus sont-elles ou doiventelles être respectées ? Notamment, dans un souci de collégialité, faut-il faire intervenir un consultant extérieur, le médecin généraliste, le spécialiste traitant, les médecins qui prendront en charge le patient à la sortie de réanimation, les équipes soignantes ? Les médecins réanimateurs sont-ils aptes à prendre ces décisions qui sont le plus souvent motivées par une hospitalisation longue et/ou éprouvante pour le patient mais également pour les proches, le personnel médical et paramédical ?
Avis et information du patient ?
Un point critique du processus décisionnel énoncé ci-dessus est celui de la place à attribuer à l’information du patient puis au recueil de son avis, ou de celui de sa personne de confiance et de ses proches le cas échéant. Depuis 2002, la loi est très claire sur ce point : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. (…) Cette information incombe à tout professionnel de santé. (…) Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. (…)Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (8). Cela nécessite que le patient soit « apte à consentir », c’est à dire que celui-ci soit en mesure d’exprimer sa volonté et de prendre des décisions éclairées concernant sa santé après une information claire, compréhensible et loyale de la part du médecin. Une évaluation doit obligatoirement être menée par l’équipe médicale visant à s’assurer que le patient a conservé ses capacités à s’exprimer, ses facultés de compréhension de l’information et de jugement, et qu’il ne présente pas de trouble psychologique majeur pouvant altérer sa perception de lasituation (3).
Dans cette continuité, la loi du 22 avril 2005 prévoit la possibilité de décisions de LAT sur la demande du malade, en particulier en réanimation lorsque celui-ci est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable et qu’il ne souhaite plus le maintien de techniques de suppléance vitale. Ce choix doit être respecté à condition de s’assurer que le patient soit parfaitement informé des conséquences de la décision ; que le médecin lui ait fourni une information loyale, claire et appropriée sur son état de santé et les soins proposés ; et que la demande du patient soit répétée (8,38,39) : « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix» (2). A l’inverse, le patient apte àconsentir conserve également le droit de ne pas participer à son projet thérapeutique ou palliatif, auquel cas sa volonté doit également être respectée : « la volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit êtrerespectée» (8).
Enfin, un dernier cas de figure nous intéresse particulièrement : celui où le patient s’oppose à toute limitation ou arrêt de traitements. Il n’y a pas de cadre légal prévoyant spécifiquement cette situation. Elle doit néanmoins être abordée avec une démarche similaire àcelle du refus de soins, associant la rigueur de la réflexion et l’intérêt du patient, conduisant éventuellement à réévaluer le projet de limitation ou d’arrêt des traitements en évitant tout risque d’aggravation de l’inconfort ou de la détresse du patientpar des thérapeutiques inutiles en termes de survie. Le recours à un nouvel interlocuteur médical voire à un médecin psychiatre peut alors être utile (3).
A l’inverse des services de soins conventionnels ou spécialisés, tels que les services d’onco-hématologie, et en raison des pathologies rencontrées nécessitant fréquemment une sédation, les décisions de LAT concernant des patients conscients et aptes à donner leur avis sont rares en réanimation. Bien que tous les efforts soient déployés pour recueillir les souhaits du patient concernant sa fin de vie (directives anticipées, discussion avec les proches etc.), les médecins réanimateurs sont rarement en situation de demander directement son avis au patient lors d’un processus de LAT. Cette problématique oppose, classiquement, l’autonomie du patient à la liberté d’action et à l’intégrité du médecin. Même si cette situation est rare, le risque serait de prendre une décision de LAT à laquelle le patient aurait été opposé. C’est en ce sens que les textes de lois et la littérature européenne et nord-américaine incitent fortement, dès que cela est possible, à recueillir l’avis du patient lors d’une discussion de LAT(3,40,41).
Les décisions de non-réadmission concernent des patients sortant de réanimation et donc conscients et théoriquement aptes à consentir. Si elles peuvent être assimilées à des décisions de LAT, ces décisions revêtent dans tous les cas un caractère particulier. Ainsi, la question de consulter le patient lui-même lors d’une prise de décision de non-réadmission est posée.
Des directives anticipées prépondérantes : quelle place dans les décisions de non-réadmission ?
La notion de directives anticipées apparaît dans les textes de lois pour la première fois en 2005 avec la loi Leonetti. Le but des directives anticipées est de renforcer le principe d’autonomie du patient et de le rendre acteur de sa santé. Celles-ci sont définies ainsi : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. A condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant» (2).
Telles qu’elles ont été définies en 2005 (2), les directives anticipées n’avaient pas de caractère contraignant pour le médecin. Elles devaient être prises en compte et prévalaient sur tout autre avis des proches ou de la personne de confiance mais n’étaient alors considérées, malgré leur nom, que comme l’expression des souhaits du patient, les décisions étant prises par les médecins.
En 2014, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a établi le rapport d’un débat public mené pendant plus de 2 ans en France concernant la fin de vie. La conclusion la plus marquante de ce débat est l’expression forte et unanimement partagée par les personnes, d’une volonté d’être entendues, respectées, et de voir leur autonomie reconnue(42). Alors que la loi Leonetti de 2005 définissait davantage les devoirs des soignants que réellement les droits des personnes malades, le CCNE remet au cœur du débat le principe d’autonomie en tant que principe fondamental et non modifiable. L’autonomie redevient ainsi l’expression d’une libre appréciation de la volonté du malade et de son appréciation de la valeur de la vie, loin du simple concept de consentement libre et éclairé défini en 2002 qui doit alors être remplacé par celui de liberté de choix (42).
Population de l’étude
Des médecins réanimateurs (assistants, chefs de clinique, praticiens hospitaliers (PH), et médecins universitaires MCUPH et PUPH) référencés au sein d’une liste utilisée précédemment pour d’autres études du même type (48–50) ont été sollicités par voie électronique pour répondre au questionnaire. Cette liste contenait les adresses électroniques professionnelles de médecins affiliés au Collège de Réanimation et d’Urgence des Hôpitaux Extra-Universitaires de France (CREUF), à la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) ou à la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR). Il s’agissait de médecins travaillant dans des services de réanimation médicale, chirurgicale ou polyvalente. Ainsi, la population répondant au questionnaire comprenait des médecins anesthésistes réanimateurs et des réanimateurs « médicaux ». Les hôpitaux concernés étaient des hôpitaux publics, centres hospitaliers universitaires (CHU) ou centres hospitaliers généraux (CHG), des établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH)et des hôpitaux privés. Les points de vue pouvant varier d’un médecin à l’autre, plusieurs médecins d’un même service de réanimation pouvaient répondre au questionnaire. Les médecins en formation (internes) n’ont pas été contactés de manière individuelle mais ils pouvaient répondre au questionnaire lorsque celui-ci était diffusé au sein d’un service par un des membres de l’équipe médicale. Une seule réponse au questionnaire par médecin était acceptée. Au total, 653 médecins ont été contactés directement par voie électronique mais il est probable que ce chiffre ait été plus important compte tenu de la possibilité de diffusion du questionnaire au sein d’un même service.
Les médecins recevaient par voie électronique un courrier les sollicitant pour répondre au questionnaire (Annexe 1). Le courrier présentait, de manière synthétique, la problématique et l’objectif de l’étude. Les destinataires du courrier étaient incités à suivre un lien électronique vers le questionnaire en ligne. Ils étaient informés que les réponses au questionnaire étaient intégrées dans un travail de thèse et une éventuelle publication.
Un questionnaire a été élaboré par un interne (MG), deux médecins réanimateurs médicaux (JPR & JPQ) et un sociologue (NMB). Ce questionnaire comportait 27 questions (Annexe 2). L’acquisition des données empiriques à l’origine des items du questionnaire a été permise par la réalisation préalable d’une étude qualitative menée auprès de 18 médecins réanimateurs (juniors et seniors) exerçant au sein de 3 services. Cette phase exploratoire a permis de déterminer, à travers une série d’observations in situ et d’entretiens semi-directifs, les éléments potentiellement importants pour les médecins d’une décision de non-réadmission en réanimation. Une non-réadmission a été définie ainsi : patient hospitalisé en réanimation et pour lequel une décision de non réadmission a été prise au cours du même séjour hospitalier.
Les entretiens ont été conduits jusqu’à saturation, c’est à dire que ceux-ci ont été arrêtés lorsque les derniers entretiens n’apportaient plus de nouvelles informations par rapport aux données empiriques déjà acquises. A l’issue des entretiens, les items générés ont été formulés de façon à être compréhensibles par le plus grand nombre (test de lisibilité de Flesch, niveau de qualité de Flesch-Kincaid). La méthode dite du panel d’experts aensuite été retenue pour la réduction du nombre d’items présents dans le questionnaire final (51). Cette méthodologie a été développée et publiée par ailleurs (48,49).
Chacun des éléments du questionnaire final a été évalué par les professionnels interrogés en fonction de son importance dans le processus de décision de non-réadmission en réanimation. Quatorze questions donnaient lieu à des réponses qui comportaient une échelle de fréquence d’action: oui, systématiquement; oui, dans la plupart des cas; dans quelques cas; exceptionnellement; jamais. Cinq questions donnaient lieu à des réponses en oui/nonavec la possibilité de laisser un commentaire pour quatre d’entre elles. Deux questions (nombre d’admissions par mois et nombre de non-réadmissions par mois) permettaient de calculer un pourcentage. Enfin, 6 questions portaient sur le praticien répondeur (âge, sexe, nombre d’années d’expérience en réanimation, fonction, type de service, lieu d’exercice). Tous les questionnairesont été anonymisés.
Analyse des données
L’analyse principale des données visait à évaluer les pratiques professionnelles relatives aux décisions de non-réadmission.
Des analyses en sous-groupes ont été réalisées visant à rechercher des associations entre les résultats obtenus et les caractéristiques des médecins répondant au questionnaire (âge, sexe, fonction, années d’expérience, type de service et lieu d’exercice).
Statistiques
Les variables qualitatives ont été exprimées en pourcentages et ont été comparées en utilisant le test du Chi-2 ou le test exact de Fischer. Tous les tests étaient bilatéraux et considérés comme significatifs pour un p<0,05. Les tests statistiques ont été réalisés avec le logiciel SAS version 9.1 (”SAS Institute Inc.,Cary, NS, USA).
Résultats principaux
Les résultats des réponses au questionnaire sont présentés sur la figure 1. Les commentaires aux questions oui/nonsont présentés en annexe 4.
Pour les questions avec des réponses classées en 5 items correspondant à une fréquence d’action, il a été regroupé les réponses « oui, systématiquement» et « oui, dans la plupart des cas ». Concernant le processus décisionnel, l’étude montre que dans 87% des cas les décisions de non-réadmission sont prises en fin de séjour en réanimation suite à une discussion collégiale (89% des cas). Au sein de cette procédure collégiale, les patients, les proches (et/ou famille), un médecin consultant extérieur ou le généraliste (et/ou spécialiste en charge du patient habituellement) sont impliqués dans la prise de décision de non-réadmission à hauteur respectivement de 10%, 34%, 14% et 29%. Le service qui prend en charge le patient après la réanimation ne participe à cette prise de décision que dans 30% des situations.
Alors que 73% des proches sont informés de la décision de non-réadmission en réanimation, seulement 29% des patients ont reçu cette information. Celle-ci est transmise au service où est transféré le patient dans 83% des cas et aux médecins (généraliste ou spécialiste) habituellement en charge du patient dans 65% des cas.
Concernant la traçabilité de l’information, la décision de non-réadmission est notifiée dans le dossier du patient dans 93% des cas. Les critères amenant à cette décision sont mentionnés dans 91% des cas dans le dossier du patient. Seuls 4% des médecins attestent qu’un registre existe au sein de leur service permettant de consigner les patients ayant fait l’objet d’une telle décision.
Les médecins considèrent pour 61% d’entre eux que les critères de non-réadmission sont habituellement identiques aux critères de décision de non-admission en réanimation. Pour 92% des répondants, il existe clairement une différence entre une demande de réadmission en réanimation pour un épisode aigu intercurrent et une demande de réadmission pour une aggravation de la pathologie chronique. Une fois la décision prise, 96% des répondants considèrent avoir la possibilité de revenir en arrière sur une décision de non-réadmission etde ne pas la prendre en compte le cas échéant. Enfin, une prise en charge palliative est décidée de manière conjointe à la décision de non-réadmission dans seulement 41% des cas.
Concernant la loi du 22 avril 2005 (dite loi Leonetti), 91% des répondants considèrent que la décision de non-réadmission fait partie intégrante de cette loi.
Discussion
Synthèse des résultats
Il apparaît dans notre étude que même si les décisions de non-réadmission en réanimation sont relativement peu fréquentes, il existe une réelle problématique à ce sujet. S’il s’agit bien de décisions de LAT pour la plupart des médecins, le processus décisionnel tel qu’il a été défini par la loi du 22 avril 2005 n’est pas respectédans nombre de cas. A l’heure actuelle, ces décisions sont prises en fin de séjour en réanimation, sont mentionnées dans le courrier de sortie et font suite à une procédure collégiale. Cependant, cette dernière ne fait pas intervenir de consultant d’extérieur, le service d’aval où sera transféré le patient, les médecins habituellement en charge du patient, le patient lui-même, ni les proches ou la personne de confiance. En revanche, l’information semble être bien relayée à ces différents interlocuteurs.
Après la décision, les médecins estiment avoir le droit de ne pas suivre la décision collégiale.
Par ailleurs, une prise en charge palliative n’est que rarementproposée.
Les analyses en sous-groupes montrent que les résultats sont globalement homogènes.
Ils mettent cependant en évidence que les médecins les moins expérimentés estiment plus fréquemment que les décisions de non-réadmission en réanimation entrent dans le cadre de la loi du 22 avril 2005. C’est probablement la raison pour laquelle ces mêmes médecins renseignent plus fréquemment la décision et les critères amenant à la décision dans le dossier du patient et qu’ils informent plus fréquemment les patients de la décision prise.
Enfin les commentaires libres laissés par les médecins participant à notre étude ont été assez riches, témoignant de la réalité de la problématique relative aux décisions de nonréadmission en réanimation.
Une pratique plus fréquente qu’on ne le pense?
Les médecins ayant participé à notre étude rapportent dans plus de la moitié des cas que moins de 5 décisions de non-réadmission sont prises chaque mois et pour 40%, entre 5 et 10 décisions par mois. Ces données semblent être en accord avec notre expérience personnelle des décisions de non-réadmission en réanimation. A notre connaissance, aucune donnée épidémiologique spécifiquement sur ce thème n’existe dans la littérature. Néanmoins, un travail récemment réalisé en France dans un service de réanimation polyvalente a montré que pour 79% des patients ayant fait l’objet d’une décision de LAT, le compte-rendu d’hospitalisation comprenait la mention « non réadmission en réanimation » (52). Ce chiffre apparaît plus important que ce qui est déclaré dans nos résultats mais est toutefois à relativiser car les motifs de LAT étaient multiples dans la majorité des cas de cette étude, la non-réadmission n’étant qu’un des éléments de la décision de LAT parmi d’autres. Par ailleurs, les indications de prise en charge en réanimation étant de plus en plus larges (14), le nombre de patients admis en réanimation est en augmentation ces dernières années, notamment en ce qui concerne les patients âgés de plus de 80 ans : ils comptaient pour 15% des admissions en réanimation en 2010 et ce chiffre pourrait atteindre 30% dans les années à venir (15). Face à ce vieillissement des patients de réanimation et à l’augmentation du nombre de patientséligibles à la réanimation, il est probable que les décisions de LAT, et en particulier les décisions de non-réadmission en réanimation, seront amenées à croître de manière significative à l’avenir.
Analyse du processus décisionnel
Un cadre légal insuffisamment respecté
Pour une large majorité des médecins que nous avons interrogés (>90%), les décisions de non-réadmission en réanimation entrent dans le champ de la loi du 22 avril 2005 au titre de décisions de LAT. Cependant, l’analyse de nos résultats montre que ce cadre légal n’est pas respecté à plusieurs niveaux : absence globale de recours à un consultant extérieur, non prise en compte fréquente de l’avis du patient, de sa famille ou des proches et absence d’information du patient dans la majorité des cas. Une étude publiée en 2014 par la Commission Ethique de la SRLF a montré que 87% des médecins réanimateurs attestent avoir une bonne connaissance de la loi Leonetti de 2005 (53). En revanche, celle-ci ne serait appliquée de manière systématique lors des décisions de LAT que pour 28% des médecins interrogés dans cette étude.
En ce qui concerne les décisions de non-réadmission en réanimation, plusieurs explications peuvent être évoquées. D’une part, il est possible que les médecins n’attachent pas une importance majeure au respect de la loi du 22 avril 2005 pour les décisions de non-réadmission dans la mesure où celles-ci n’ont pas toujours une conséquence directe, immédiate, en entraînant le décès du patient de manière imminente par exemple. La loi du 22 avril 2005 ne concerne pas uniquement les situations de fin de vie imminente et apporte des directives sur le respect des droits et de la dignité des malades de manière générale. Néanmoins, il est probable que de nombreux médecins réanimateurs fassent un lien, à tort, entre décision de LAT, loi Leonetti et décès du patient. D’autre part, un manque de formation des médecins à l’application de cette loi pourrait également expliquer nos résultats. La formation des médecins et des soignants au contenu et aux modalités d’application de la loi du 22 avril 2005 au moyen d’un guide d’aide au processus de réflexion et de décision de LAT a prouvé son efficacité dans l’amélioration des pratiques professionnelles dans un service de réanimation chirurgicale(54).
La généralisation de ce type de formation et la communication auprès des médecins sur les modalités d’application de la loi du 22 avril 2005 pourrait être un axe de réflexion pour améliorer les pratiques relatives aux décisions de non-réadmission.
|
Table des matières
Remerciements
Glossaire
Introduction
1. Introduction sur les limitation et arrêt des traitements en réanimation
1.1. Définitions
1.2. Pourquoi prendre des décisions de LAT en réanimation ? De l’éthique au législatif
2. Admission en réanimation : quelles indications pour quels patients ?
3. Notion de « non-admission » des patients en réanimation
4. Réadmission en réanimation : épidémiologie et pronostic
5. Pourquoi ne pas réadmettre certains patients en réanimation ?
6. Problématique éthique soulevée par la question de non-réadmission
6.1. Qui est concerné par cette question ?
6.2. S’agit-il de décisions de LAT ?
6.2.1. Quel cadre légal ?
6.2.2. Quel processus décisionnel ?
6.2.3. Avis et information du patient ?
6.2.4.Des directives anticipées prépondérantes : quelle place dans les décisionsde nonréadmission ?
6.3. Après la décision de LAT : quel devenir pour les patients ?
6.3.1. Pronostic après une décision de LAT
6.3.2. Quelle prise en charge après la décision ?
6.4. Durée de validité de la décision ?
6.5. Traçabilité de la décision ?
Objectif de l’étude
Matériel et Méthodes
1. Type d’étude
2. Population de l’étude
3. Analyse des données
4. Statistiques
Résultats
1. Médecins répondeurs
2. Résultats principaux
3. Analyses en sous-groupes
Discussion
1. Synthèse des résultats
2. Une pratique plus fréquente qu’on ne le pense?
3. Analyse du processus décisionnel
3.1. Un cadre légal insuffisamment respecté
3.2. Quand prendre la décision ?
3.3. Faut-il inscrire la décision dans le dossier du patient ?
3.4. Quelle collégialité ?
3.5. Les patients doivent-ils participer et être informés des décisions de non-réadmission ?
4. Quels critères pour décider d’une non-réadmission ?
5. Après la décision
5.1. Comment mettre en application la décision ?
5.2. Place des soins palliatifs
6. Comment résoudre la problématique : proposer un projet de soins ?
7. Qualités et limites de l’étude
7.1. Méthodologie
7.2. De l’importance d’évaluer nos pratiques
Conclusions
Annexes
Bibliographie