Réactivité des complexes carbéniques
Réactivité des complexes électrophiles
Les complexes de type Fischer réagissent avec une large variété de nucléophiles. Un bon exemple est la réaction d’aminolyse qui permet de substituer un groupement alkoxy par un groupement amino sur le centre carbénique.
Les complexes carbéniques électrophiles peuvent également réagir avec des alcènes pour conduire, selon les cas, à la formation de cyclopropanes ou d’alcènes. En particulier, la réaction de cyclopropanation est favorisée lorsque le fragment métallique ne possède pas de ligand labile , dans le cas contraire l’alcène peut se coordiner au métal et subir une réaction de métathèse .
Utilisation des complexes carbéniques en synthèse
La grande variété de réactivité des complexes carbéniques a rapidement été mise à profit en synthèse organique. Les carbènes de Fischer, plus accessibles d’un point de vue synthétique et plus stables que ceux de Schrock, sont les plus utilisés en synthèse. [25] Des réactions stoechiométriques ont d’abord été développées (réaction d’annélation de Dötz, cyclopropanation) puis la liaison métal-carbène a prouvé son efficacité comme centre réactionnel dans des processus catalytiques (cyclopropanation, métathèse des oléfines).
Réaction d’annélation de Dötz
Les carbènes électrophiles de métaux pentacarbonyles qui présentent une insaturation en position α,β ont une réactivité particulièrement riche. [17] En effet, l’addition d’un alcyne sur cette classe de carbène conduit, en présence de CO .
Le chrome est le métal le plus efficace pour réaliser cette transformation car il permet un excellent contrôle de la chimio- et de la régiosélectivité dans des conditions douces (50°C, dans le t-butyl-méthyl-éther). [17] D’autres métaux de transition (Mo, W, Mn) ont été utilisés avec succès pour réaliser cette transformation, mais avec de moins bonnes sélectivités et dans des conditions de températures plus contraignantes. Cette réaction est également très tolérante vis-à-vis de groupements fonctionnels, qu’ils soient portés par le fragment acétylénique (aryles, esters, lactones, cétones, amides, sulfures, nitriles …) ou directement par le centre carbénique. En particulier l’utilisation de complexes carbéniques, possédant un groupe aryle, au lieu de vinyle, permet d’obtenir les naphtols correspondants (réaction de benzannélation). [17] Le mécanisme de cette réaction a été étudié, à la fois d’un point de vue expérimental (isolation d’intermédiaires supposés modèles, études cinétiques) et théorique (structure électronique d’intermédiaires, calculs DFT).
Dans ce processus, l’étape qui contrôle la vitesse est la décoordination d’un ligand carbonyle (II) qui permet à l’alcyne de se coordiner au centre métallique (III). L’insertion de l’alcyne dans la liaison métal-carbène conduit à la formation d’un complexe η3-allylidène de chrome (IV). Selon la nature de l’hétéroatome X porté par le centre carbénique du complexe initial, le complexe IV peut évoluer selon deux voies : dans le cas des alkoxycarbènes (X=O), une molécule de CO s’insère conduisant au complexe V. Une étape de cyclisation permet de former la cyclohexadiènone VI qui s’isomérise en hydroquinone VII, coordinée au chrome triscarbonyle.
Dans le cas des aminocarbènes (X=NR), le groupement amino est un donneur π plus fort et il enrichit électroniquement le centre métallique, via le système π de l’allylidène. Les ligands carbonyles stabilisent cet excès de densité (par rétrodonation) et sont ainsi désactivés vis-à-vis de l’insertion dans la liaison métal carbène. Une électrocyclisation conduit à l’aminoindène IX, qui peut-être hydrolysé en milieu acide (X). Dans tous les cas, un traitement oxydatif ([NH4]2[CeIV(NO3)6]) permet de décoordiner le fragment métallique, en fin de réaction. Cette différence de réactivité est caractéristique des complexes carbéniques : la nature électronique du fragment métallique et des substituants sur le centre carbénique est déterminante pour la réactivité du complexe.
Des versions intramoléculaires de cette réaction ont également été développées, permettant ainsi l’accès à des structures polycycliques avec un excellent contrôle de la régiosélectivité. [17] Par exemple la synthèse de la déoxyfrénolicine repose sur une benzannélation intramoléculaire suivie d’une cyclisation/carbonylation catalysée par un complexe de palladium .
Réaction de cyclopropanation
La première utilisation des complexes carbéniques pour réaliser la cyclopropanation des oléfines est apparue avec les travaux de R. Pettit et PW. Jolly. [27] Ils montrèrent que le traitement acide du complexe CpFe(CO)2CH2OCH3 conduisait, en présence de cyclohéxène, à la formation du norcarane. Des études ultérieures vinrent confirmer l’intervention d’un complexe carbénique intermédiaire, initialement proposé par les auteurs.
Deux solutions ont été apportées parallèlement par les équipes de M. Brookhart et CP. Casey en 1977. [14] La stratégie consiste à augmenter l’électrophilie du centre carbénique de sorte que l’oléfine réagisse avec le carbène sans se coordiner au centre métallique. Il est ainsi possible de réaliser des réactions de cyclopropanation à basse température. Casey et coll. ont montré que le remplacement d’un diaryl-carbène par un monoaryl-carbène permettait d’éviter complètement le produit de métathèse.
|
Table des matières
Chapitre 1 : Introduction
1. Aspects historiques
2. Réactivité des complexes carbéniques
a. Réactivité des complexes électrophiles
b. Réactivité des complexes nucléophiles
c. Réactivité mixte de complexes carbéniques
3. Utilisation des complexes carbéniques en synthèse
a. Réaction d’annélation de Dötz
b. Réaction de cyclopropanation
c. Métathèse des oléfines
4. Aspects théoriques de la liaison métal-carbène
5. Voies de synthèse des complexes carbéniques
a. Formation par décomposition d’un précurseur carbénique
b. Coordination d’un carbène stable
6. Présentation du sujet
7. Notes et références
Chapitre 2 : Carbènes P-hétérocycliques : complexes du groupe IV
1. Préambule
a. Multiplicité de spin
b. Stabilisation du carbone carbénique par des hétéroatomes : comparaison entre azote et phosphore
c. Conclusions
2. Synthèse de complexes carbéniques du groupe IV possédant un ligand PHC
a. Choix du précurseur carbénique
b. Synthèse d’un complexe Cp2Ti(PHC)(L)
c. Synthèse de complexes PHC zirconocène
3. Nature électronique des complexes carbéniques
a. Structure électronique
b. Réactivité vis-à-vis des dérivés carbonylés
4. Conclusions et perspectives
5. Références et notes
Chapitre 3 : Dianions géminaux stabilisés par des groupements σ4-P
1. Introduction
2. Synthèse et caractérisation des dianions géminaux
a. Synthèse des dianions
b. Structure du dianion 2 à l’état solide
c. Structure du dianion 2 en solution
d. Conclusion
3. Structure électronique des dianions géminaux 2 et 6
a. Description des modèles
b. Étude du dianion géminal stabilisé par des groupements sulfure de phosphine
c. Comparaison entre les dianions 2 et 6
d. Conclusion sur la structure électronique des dianions géminaux 2 et 6
4. Réactivité des gem-dianions vis-à-vis de CS2
a. Aspects expérimentaux
b. Structure électronique
5. Conclusions et perspectives
6. Notes et références
Chapitre 4 : Complexes carbéniques Zr(S~C~S)
1. Introduction
2. Synthèse et réactivité
a. Synthèse
b. Réactivité des complexes carbéniques
3. Structure électronique des complexes carbéniques
a. Préambule
b. Étude des complexes A et B
c. Étude du complexe C
d. Conclusions sur la structure électronique des complexes A-C
4. Conclusions et perspectives
5. Notes et références
Chapitre 5 : Complexes carbéniques de lanthanides
1. Introduction
2. Synthèse des complexes mono-carbéniques de samarium et de thulium
3. Synthèse des complexes bis-carbéniques de samarium et de thulium
4. Réactivité des complexes carbéniques
5. Conclusion sur la liaison Ln=C
6. Conclusion et perspectives
7. Notes et références
Chapitre 6 : Utilisation d’un carbénoïde comme précurseur carbénique
1. Introduction
2. Synthèse du premier carbénoïde Li/Cl stable à TA
a. Synthèse et réactivité du carbénoïde 2
b. Structure électronique du carbénoïde 2
3. Utilisation du carbénoïde 2 comme précurseur carbénique
a. Réactivité
b. Mécanisme de formation du complexe carbénique 4 à partir du carbénoïde 2
c. Conclusions sur l’utilisation du carbénoïde 2 comme précurseur carbénique
4. Étude du complexe carbénique 4
a. Analyse structurale
b. Structure électronique du complexe 4
c. Réactivité du complexe 4
5. Conclusions et perspectives
6. Notes et références
Chapitre 7 : Conclusion
Télécharger le rapport complet