L’adsorption est au centre de la description thermodynamique des surfaces due à Gibbs. Elle détermine l’énergie de surface des solides et par là leurs formes d’équilibre. La maîtrise de l’adsorption, qui requiert la connaissance de sa relation aux conditions de température et de pression, a été une motivation pour l’étude des interactions entre les gaz et les surfaces dans les conditions de l’ultra-vide. Le repère très souvent cité est que chaque site d’une surface est visité une fois par seconde dans une atmosphère gazeuse dont la pression est de 10-6 torr (1,33.10-6 mbar). Cela correspond à ce qu’on appelle une exposition d’un Langmuir. Le souhait d’observer une surface propre pendant une durée suffisante incite à réduire les pressions dans les enceintes destinées à l’étude des surfaces. La pression résiduelle de l’ordre de 10-10 mbar, qui offre plusieurs heures à l’analyse, est universellement atteinte dans les laboratoires. Les travaux conduits dans ces conditions sur des surfaces monocristallines ont contribué de manière considérable à la connaissance de la réactivité des surfaces. L’exemple célèbre de la réaction de synthèse de l’ammoniac montre que les mécanismes identifiés sous vide [Ertl 1982] peuvent être extrapolés [Stoltze 1985] jusqu’aux conditions de production industrielle.
Loin des monocristaux, de nombreux matériaux sont sous forme divisée. Ces objets sont la plupart du temps approchés par des méthodes dont le principe est l’exposition à des pressions telles que tous les sites de surface sont visités en un temps raisonnable. Pour une pastille d’une centaine de milligrammes obtenue par compression d’une poudre d’aire spécifique d’une centaine de m2 .g-1, la théorie cinétique des gaz prévoit de manière formelle qu’une pression de 10-1 mbar pendant 1 seconde est nécessaire à cette exposition totale. Dans la réalité, des temps et des pressions plus importants sont nécessaires pour permettre la diffusion jusqu’au cœur des échantillons. Ainsi, le temps de réponse de particules de taille de l’ordre de 10 nm utilisées comme détecteurs dans les conditions ambiantes est de l’ordre de cent secondes et il est montré que ce temps dépend fortement des espaces entre nanoparticules [Zhang 2002a, Khanuja 2009]. Sur cette base, une pression résiduelle de l’ordre de 10-6-10-5 mbar est amplement suffisante pour assurer l’exposition de poudres à un gaz pur.
Cependant, l’absence d’expérimentation dans les conditions de l’ultra-vide gomme l’étape dont l’étude est la motivation première de la science des surfaces, à savoir le recouvrement progressif des surfaces propres des nanoparticules par les gaz présents dans l’atmosphère réactive. Une autre difficulté de l’étude de l’adsorption à la surface des matériaux divisés est la mauvaise définition des orientations cristallographiques des nanoparticules. Monocristal et poudre restent deux univers expérimentaux séparés ! Cette constatation a motivé le travail présenté ici qui se propose de montrer qu’une clé pour caractériser la surface des particules à un niveau pertinent est la manipulation d’échantillons de poudres dans les conditions de l’ultra-vide avant exposition à des pressions partielles allant de l’ultra-vide à la proximité de l’ambiante. Une telle approche peut potentiellement conjuguer les avantages de l’analyse de la matière divisée – l’importante aire spécifique des échantillons facilite l’étude des adsorbats et de la réactivité par les techniques vibrationnelles où la spectroscopie infrarouge tient une place importante – à ceux de la science des surfaces. Cette stratégie est appliquée aux interactions de la vapeur d’eau et de l’hydrogène avec deux archétypes, l’oxyde de zinc et l’oxyde de magnésium, ainsi qu’avec l’oxyde mixte associé ZnxMg1-xO, suivant des objectifs qui sont détaillés à la suite.
Les orientations cristallographiques des poudres de ZnO
Seul le groupe animé par Wöll s’est penché de manière systématique sur l’adsorption aux surfaces monocristallines de ZnO [Wöll 2007]. Wöll s’étonnait il y a quelques années de ce qu’il n’existait qu’une publication relative à l’analyse vibrationnelle de CO adsorbé sur une surface monocristalline de ZnO [Wöll 2007]. Or, nous n’avons trouvé que trois articles qui traitent de l’analyse par spectroscopie infrarouge de l’adsorption de l’eau sur des poudres de ZnO [Kittaka 1992, Noei 2008, Viñes 2014].
Les poudres de ZnO sont réputées être dominées par les orientations mixtes de plus faible énergie de surface [Meyer 2003], ZnO(101̅0) et ZnO(112̅0), dont des observations expérimentales indiquent qu’elles représentent 80 % de l’aire totale [Scarano 1992, Yin 2006, Viñes 2014], devant les orientations polaires ZnO(0001) et ZnO(0001̅). L’hypothèse que les poudres de ZnO présentent pour l’essentiel ces quatre orientations a permis à Viñes et al. d’analyser des spectres DRIFT* correspondant à l’adsorption de l’eau sur des poudres de ZnO sur la base de l’abondance supposée de ces orientations et par référence à des calculs spécifiques à chacune de ces orientations [Viñes 2014]. L’article de Viñes et al. [Viñes 2014] propose une approche complète par simulation numérique des interactions des quatre orientations avec l’eau (Figure I-1) et l’hydrogène. L’article recoupe les observations effectuées par l’équipe de Wöll sur ZnO(0001̅) et ZnO(101̅0) [Wang 2006, Noei 2008], mais ne dispose d’aucune observation directe sur ZnO(112̅0). Il propose des analyses par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflexion diffuse (DRIFT) de poudres de ZnO dans des conditions expérimentales qui ne sont pas précisées. Les mesures sont vraisemblablement effectuées sous pression atmosphérique puisque le dégazage de la poudre s’effectue sous atmosphère d’azote. L’interaction avec l’eau se traduit par une bande très large comprise entre 2400 et 3750 cm-1 dont le traitement permet une description des poids relatifs des différentes orientations, mais pas la caractérisation des comportements individuels de ces orientations (Figure I-2) [Viñes 2014]. Ces résultats n’offrent qu’une vérification très qualitative des simulations numériques très complètes que proposent Viñes et al.
La pérennité de la structure MgO(100) lors d’expositions à l’eau en question
L’orientation (100) qui domine les échantillons cristallins de MgO ne dissocie pas la molécule d’eau isolée, et ce quel que soit son support [Cabailh 2011]. Par contre, à température ambiante, des études sur monocristaux MgO(100) ont montré que cette surface s’hydroxyle complètement lors d’une exposition à une pression partielle de vapeur d’eau égale ou supérieure à 10-3 mbar [Liu 1998, Abriou 1999], mais sans que l’augmentation de la pression d’exposition ou la durée de l’exposition amènent à une interaction avec les couches plus profondes de l’oxyde : le recouvrement reste limité à une monocouche de groupements hydroxyle [Liu 1998, Abriou 1999, Newberg 2011a, 2011b]. Les études sur poudres de MgO amènent à une conclusion similaire quant au résultat de l’exposition à des pressions proches de l’ambiante. Le mécanisme de cette hydroxylation n’est pas compris.
Les analyses de surface conduites sur MgO reposent pour la plupart sur le postulat que des cycles d’adsorption et de désorption sont innocents par rapport à la structure superficielle. Ainsi, des études sur des surfaces de cristaux ont été conduites en faisant varier le degré d’humidité (la méthode consiste à exposer l’échantillon à une pression proche de l’ambiante et à jouer sur la température pour faire évoluer le degré d’humidité) [Newberg 2011a, 2011b] ou en jouant sur la pression mais sans effectuer de recuits à température élevée sous ultra-vide (Figure I-3a) [Foster 2002, 2004, 2005]. Enfin, les études de l’adsorption d’eau par spectroscopie infrarouge sur poudres de MgO consistent à exposer les échantillons de poudre à des pressions élevées de vapeur d’eau avant de procéder à des recuits successifs à des températures croissantes (Figure I-3b) [Coluccia 1988, Knözinger 1993a, Diwald 2002]. Des résultats différents sont obtenus dans des conditions qui sont en principe comparables sans que l’on comprenne l’origine des écarts observés (Figure I-3).
Or le postulat du maintien de la structure de surface lors de l’adsorption/désorption d’eau sur MgO(100) a été mis en cause expérimentalement [Abriou 1999] et très récemment, par un calcul [Oncak 2015] (Figure I-4). L’objectif présent est d’examiner des poudres de MgO exposées à des pressions partielles d’eau et, à titre de référence pour certaines conformations de groupements hydroxyle de surface [Knözinger 1993b], d’hydrogène. Les mesures sont effectuées en parallèle sur les mêmes objets par spectroscopie infrarouge, photoémission X et désorption thermique afin de combiner l’analyse vibrationnelle à la détermination des quantités adsorbées et des déplacements chimiques.
Sites de surface de l’oxyde mixte ZnxMg1-xO
Il a été montré que les nanoparticules d’oxyde mixte ZnxMg1-xO riche en magnésium sont des cristallites cubiques qui conservent la structure et la maille de l’oxyde de magnésium et dont les sites de surface sont décorés par de l’oxyde de zinc qui adopte une maille cubique [Stankic 2010]. Le présent travail se propose de tester ce modèle par la comparaison de l’interaction de l’eau et de l’hydrogène avec ZnxMg1-xO aux études détaillées des interactions de ces mêmes gaz avec les nanoparticules de ZnO et de MgO.
Par ailleurs, les synthèses réalisées ci-dessus ont offert la possibilité d’examiner l’action antibactérienne et la cytoxoxicité d’une combinaison de nanoparticules de ZnO et de MgO, en particulier pour déterminer si l’action conjointe des deux types de particules réunissait les bonnes propriétés bactéricides de ZnO et la faible cytotoxicité de MgO.
|
Table des matières
CHAPITRE I : INTRODUCTION
CHAPITRE II : TECHNIQUES EXPERIMENTALES
II-1 Synthèse et préparation des échantillons
II-1.1 Synthèse de fumées par combustion
II-1.2 Synthèse chimique en phase vapeur
II-1.3 Traitement thermique des échantillons
II-2 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
II-2.1 Principe de la méthode
II-2.2 Appareillage
II-3 Spectroscopie de photoémission X
II-3.1 Principe de la méthode
II-3.2 Appareillage
II-4 Spectroscopie de réflectance diffuse UV-Visible
II-5 Photoluminescence
II-6 Autres méthodes utilisées
CHAPITRE III : FUMEES DE ZnO COMME CRISTAUX A FACETTES MULTIPLES
III-1 Caractérisation des fumées de ZnO obtenues par combustion
III-1.1 Structure, morphologie et cristallinité
III-1.2 Propriétés optiques
III-1.3 Effet du recuit sur les fumées de ZnO
III-2 Adsorption de vapeur d’eau sur les fumées de ZnO
III-2.1 Suivi par spectroscopie infrarouge
III-2.2 Signatures des orientations
III-2.2.1 Les facettes polaires ZnO(0001̅) et ZnO(0001)
III-2.2.2 Les facettes mixtes ZnO(101̅0)
III-2.2.3 Les facettes mixtes ZnO(112̅0)
III-2.3 Expositions aux pressions de vapeur d’eau supérieures à 10-1 mbar
III-3 Dissociations de types I et II de l’hydrogène sur ZnO
III-3.1 Dissociations réversible et irréversible de l’hydrogène sur les poudres de ZnO
III-3.2 Signatures de l’adsorption irréversible de l’hydrogène sur les facettes orientées
III-3.2.1 ZnO(101̅0) et ZnO(112̅0)
III-3.2.2 ZnO(0001̅) et ZnO(0001)
III-3.3 Bandes réversibles par exposition au-delà de PH2 = 1 mbar
III-3.3.1 Bandes de type I associées à des liaisons Os-H et Zns-H
III-3.3.2 Bandes de type II associées à des liaisons Os-H et Zns-H
III-3.4 Bandes irréversibles dues à l’adsorption sur défauts
III-4 Conclusion
CHAPITRE IV : GROUPEMENTS HYDROXYLE SUR MgO(100) ET SES DEFAUTS
IV-1 Nanoparticules de MgO produites par combustion et CVS
IV-2 Résultats expérimentaux
IV-2.1 Photoémission sous excitation X
IV-2.1.1 Hydroxylation par adsorption d’eau sur les fumées de MgO
IV-2.1.2 Déshydroxylation des surfaces de MgO
IV-2.2 Désorption thermique programmée
IV-2.3 Spectroscopie infrarouge
IV-2.3.1 Adsorption d’eau sur les poudres CVS et les fumées de MgO
IV-2.3.2 Déshydroxylation des surfaces des fumées de MgO
IV-2.3.3 Cycles d’adsorption/désorption
IV-2.3.4 Adsorption d’hydrogène sur les poudres CVS de MgO
IV-3 Discussion
IV-3.1 Quantités adsorbées
IV-3.1.1 Photoémission sous excitation de rayons X (XPS)
IV-3.1.2 Désorption thermique programmée (TPD)
IV-3.1.3 Quantités adsorbées et états chimiques
IV-3.2 Spectroscopie infrarouge
IV-3.2.1 Premières étapes de l’adsorption d’eau : sites de basse coordinence et lacunes d’oxygène
IV-3.2.2 Hydroxylation des marches
IV-3.2.3 Formation d’hydroxydes de magnésium
IV-4 Conclusion
CHAPITRE V : NANOPARTICULES D’OXYDE MIXTE ZnXMg1-XO
V-1 Préparation de poudres ZnxMg1-xO
V-1.1 Combustion de l’alliage Zn10Mg90
V-1.2 Synthèse de poudres CVS
V-1.2.1 Echantillon ZnxMg1-xO avec x < 0,5
V-1.2.2 Echantillon ZnxMg1-xO avec x > 0,5
V-2 Adsorption sur ZnxMg1-xO avec x < 0,5
V-2.1 Adsorption de H2O
V-2.2 Adsorption de H2
V-3 Application potentielle de ZnO-MgO dans le domaine biomédical
V-3.1 Interactions des nanoparticules avec les bactéries
V-3.2 Influence des milieux de culture sur les propriétés de ZnO-MgO
V-3.2.1 Effets de l’eau
V-3.2.2 Effets des milieux biologiques
V-3.2.3 Détermination du rôle de l’albumine dans le milieu RPMI
V-4 Conclusion
CHAPITRE VI : CONCLUSION
Télécharger le rapport complet