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Taxonomie et variabilité agro-morphologique du mil
Le mil est l’unique espèce diploïde avec x =7 (2n = 14 chromosomes) appartenant à la section Penicillaria du genre Pennisetum, qui est le plus grand et important genre appartenant à la sous-tribu des Panicinae, à la tribu des Paniceae, à la sous-famille des Panicoideae de la famille des Poaceae (Gramineae).
En simplifiant la taxonomie du mil, Brunken (1977) a regroupé l’ensemble des mils (cultivés et sauvages) en une seule espèce biologique avec trois sous-espèces : (1) Pennisetum americanum subsp. Americanum auquel appartiennent toutes les formes cultivées anciennement décrites sous l’appellation ‘‘typhoïdes’’; (2) P. americanum subsp. Monodii qui correspond au mil sauvage et auquel se rattachent les formes spontanées anciennement appelées P. violaceum Lam., P. mollissimum Hoscht et P. ramosissum Steud; et (3) P. americanum subsp. Stenostachum qui regroupe toutes les formes intermédiaires entre les deux précédentes (Hamadou et al., 2017).
Le genre Pennisetum est constitué de 140 espèces et sous-espèces qui sont réparties dans les régions tropicales et subtropicales. Selon la pluviosité des régions dans lesquelles elles sont cultivées, les variétés de mil peuvent être classées en deux grands groupes : le groupe des précoces et celui des tardives. Ainsi, à partir des caractères botaniques, Marchais et al. (1993) concluent l’existence de 6 groupes géographiques pour l’Afrique de l’Ouest, distincts du groupe de l’Afrique australe et du groupe de l’Inde (Hamadou et al., 2017). En outre, en se basant sur la forme des graines, Brunken et al. (1977) ont classé la collection mondiale des mils en quatre groupes: typhoides, nigritarum, globosum et leonis (Pattanashetti et al., 2016; Ndour et al., 2017).
Morphologie, croissance et développement
Le mil est une plante sexuée, hermaphrodite, allogame préférentielle grâce à une protogynie prononcée et une pollinisation anémophile (Tostain & Marchais, 1993). Ce genre Pennisetum (herbe à poils) auquel il appartient est caractérisé principalement par son inflorescence : un faux épi avec épillet (Pattanashetti et al., 2016). Le mil a un port érigé et possède des tiges épaisses. À maturité, suivant la variété, la taille de la plante varie entre 1 et 6 m de hauteur. Chaque nœud de la tige porte un bourgeon axillaire susceptible de donner dans certaines conditions une pousse axillaire (talle aérienne). Des racines adventives partent des nœuds de la base de chaque tige. Le tallage est important et peut dépasser plus d’une dizaine de tiges aux extrémités desquelles se développe un gros épi cylindrique sans soie végétale apparente. Les épis sont constitués d’une juxtaposition d’épillets contenant les grains solidement fixés à la tige par un long pédicelle. Ses feuilles sont longues, assez minces et peuvent être lisses ou poilues. Elles peuvent mesurer jusqu’à 1 m de long (Dupuy, 2017; Hamadou et al., 2017).
La longueur du cycle de culture du mil, du semis à la récolte, peut durer entre 45 et 180 jours respectivement pour les variétés les plus précoces et les plus tardives (Tostain & Marchais, 1993; Tostain, 1998; Hamadou et al., 2017). Ainsi, la phase végétative, allant de la germination de la graine à l’initiation de la panicule, a une durée de 30 à 50 jours. La phase reproductive est caractérisée par la sénescence des feuilles à la base de la tige et le renflement de la feuille paniculaire au niveau de la gaine 6 à 10 jours avant la floraison de la tige principale. Elle comprend l’épiaison, la floraison et la fructification. Et enfin la phase de maturation qui débute par la pollinisation des fleurons jusqu’au stade “sur maturité” représentant la fin de la dessiccation de la graine (Hamadou et al., 2017).
Particularité du mil dans l’adaptation aux stress
Le mil possède des propriétés intéressantes pour l’adaptation au changement climatique. En effet, c’est une plante C4 capable de pousser sous des climats extrêmement chauds et secs (Shivhare & Lata, 2019) et sur des sols sableux acides (Djanaguiraman et al., 2018; Rani et al., 2018; Shinde et al., 2018; Shivhare & Lata, 2019). Il est bien adapté aux zones à potentiel agronomique limité caractérisées par de faibles précipitations et des sols marginaux avec une faible teneur en matière organique et en éléments minéraux disponibles (Passot et al., 2016; Pattanashetti et al., 2016; Faye et al., 2019). C’est l’une des céréales les plus plastique et les plus résistante sous des conditions de sécheresse et de température élevées. Ainsi, pour tolérer cette sécheresse, les mécanismes physiologiques mis en jeu par le mil sont la fermeture des stomates, la diminution des surfaces foliaires (Tostain, 1998), la colonisation rapide des horizons profonds du sol qui retiennent de l’eau (Passot et al., 2016) et la sénescence plus ou moins rapide des talles non fructifères (Hamadou et al., 2017). Il a aussi une efficacité photosynthétique très élevée (Pattanashetti et al., 2016). Ces mécanismes mis en jeu permettent au mil de réguler efficacement l’utilisation de l’eau ainsi que de limiter ses pertes tout en améliorant son acquisition (Faye et al., 2019). Le mil est devenu ainsi une plante modèle en biologie végétale en ce qui concerne les mécanismes de résistance au stress hydrique (Tostain & Marchais, 1993). Le mil est également résistant à la salinité (Shivhare & Lata, 2019) et capable de s’adapter aux sols à forte teneur en aluminium (Pattanashetti et al., 2016)..
Particularité du mil dans la nutrition des populations des régions semi-arides
Le mil est l’une des cultures céréalières la plus répandue dans les régions semi-arides du monde principalement en Afrique et en Asie. En Afrique, les surfaces cultivées dépassent les 21 millions d’hectares et environ 500 millions de personnes dépendent du mil pour leur survie (FAO, 2016; Hamadou et al., 2017). Il contribue à la sécurité alimentaire (Djanaguiraman et al., 2018; Faye et al., 2019) et est l’une des principales sources de nourriture dans les régions semi-arides d’Asie et d’Afrique (Pattanashetti et al., 2016). Du point de vu nutritionnel, le mil est l’une des sources alimentaires les moins chères en comparaison aux autres céréales et légumes (Passot et al., 2016). Les principaux pays producteurs en Afrique sont, par ordre d’importance décroissante, : le Nigéria, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal (Hamadou et al., 2017). Il est principalement consommé sous forme de bouillie épaisse. Il est également transformé en farine pour la préparation du pain, des gâteaux non fermentés et des gâteaux frits (MASSA), des plats cuits à la vapeur (couscous), des aliments fermentés (kisra et galettes), des boissons non alcoolisées et des collations (Pattanashetti et al., 2016).
Le mil est hautement riche en protéines, minéraux et en énergie. Il a une teneur plus élevée en protéines (14,0%), en matières grasses (5,7%) et en fibres (2,0%) en comparaison au blé, au riz et au sorgho. De même, la teneur énergétique du mil à chandelle est supérieure à celle du sorgho et équivalente à celle du riz brun en raison de sa richesse en acides gras insaturés (75%) et en acide linoléique (46,3%) (Rani et al., 2018). Le mil est également riche en vitamines B et A (Pattanashetti et al., 2016) et possède une qualité protéique supérieure en terme de teneur en tryptophane et en thréonine ainsi qu’une teneur plus élevée en calcium, en fer et en zinc par rapport aux céréales citées ci-dessus (Rani et al., 2018).
GÉNÉRALITÉS SUR L’AGRÉGATION DES SOLS
Définition de l’agrégation
L’agrégation des sols est un processus dynamique et complexe mais très important dans le fonctionnement des écosystèmes naturels et gérés (Rillig et al., 2002, 2015; Lehmann et al., 2017). Elle contribue à la formation et à la stabilisation de la structure du sol. Les constituants de cette agrégation sont les particules du sol (mélanges d’argile, de limon, de sable et de minéraux) et la matrice (argile et matière organique d’origine divers) au niveau des pores (Allison, 1973; Rillig et al., 2015; Lehmann et al., 2017). Ce processus d’agrégation est en équilibre dynamique avec la désintégration (désagrégation) de ces constituants (Lehmann et al., 2017) . Selon Allison (1973) le terme « agrégation des sols », strictement parlant, ne peut être substitué au terme « structure du sol ». Un agrégat de sol, module de base dans le processus de l’agrégation (Lehmann et al., 2017), est un « amas ou groupe naturel de particules de sol dans lesquels les forces qui tiennent les particules ensemble sont beaucoup plus fortes que les forces entre les agrégats adjacents » alors que la structure du sol est définie comme étant « un arrangement des particules de sol et de l’espace interstitiel (pore) entre eux. Elle inclue la taille, la forme et l’agencement des agrégats formés lorsque les particules primaires sont regroupées en plus grandes unités séparables » (Allison, 1973).
Formation, stabilisation et désintégration des agrégats
Dans un même écosystème, la formation et la stabilisation des agrégats sont deux processus différents qui peuvent se dérouler simultanément (Allison, 1973; Rillig et al., 2015).
La formation d’agrégats du sol est définie comme étant une liaison initiale de particules (Allison, 1973; Six et al., 2004; Rillig et al., 2015). Le processus de formation est hiérarchique.
Il y a d’abord la liaison des particules primaires libres et les agrégats de petites tailles dont le diamètre est inférieur à 20 µm. Ainsi, se forment les micro-agrégats ayant un diamètre compris entre 20 et 250 µm. À leur tour, les micro-agrégats peuvent se lier entre eux avec des débris organiques pour former les macro-agrégats dont le diamètre est supérieur à 250 µm (Six et al., 2004; Rashid et al., 2016; Lehmann et al., 2017). Cependant, il peut arriver que des micro-agrégats se forment à l’intérieur des macro-agrégats (Oades, 1984; Lehmann et al., 2017).
Ainsi, selon le type d’agrégats, les agents de liaisons interparticulaires peuvent changer. Les micro-agrégats sont liés par des liants persistants qui sont des complexes de matière organique humifiée, des cations de métaux polyvalents et des oxydes et aluminosilicates hautement désordonnés. Alors que les macro-agrégats sont assemblés par des liants temporaires à l’exemple des hyphes, des bactéries, des racines des plantes et par des liants transitoires tels que les polysaccharides et les dérivés des plantes (Six et al., 2004; Rashid et al., 2016; Lehmann et al., 2017).
La stabilisation des agrégats du sol encore appelée stabilité structurale est un processus qui a tendance à rendre résistant les agrégats face à toutes forces de dégradation ou de désintégration (Mrabet et al., 2004; Rillig et al., 2015). Ainsi, la stabilité des agrégats détermine la résistance des sols face à l’érosion (Denef et al., 2002; Huang et al., 2010; Jiang et al., 2017) mais aussi c’est un bon indicateur de la fertilité physique (Mrabet et al., 2004; Ndour et al., 2017) et chimique (Rashid et al., 2016; Ndour et al., 2017; He et al., 2018) ainsi que de la fertilité biologique (Mrabet et al., 2004) des sols.
Quand un agrégat est non stable, il a tendance à se désintégrer (Rillig et al., 2015). Dans les macro-agrégats, la désintégration entraîne la formation des micro-agrégats (Jiang et al., 2017; Lehmann et al., 2017).
Rôle de l’agrégation dans la structuration des sols
Pour le fonctionnement du sol et de l’écosystème, la structuration du sol est fondamentale (Rillig et al., 2002). Dans les sols, on peut retrouver une structure fragmentaire caractérisée par la présence d’agrégats et une structure continue avec une faible teneur en matière organique, insuffisante pour la formation d’agrégats (Feder, 2017). Les agrégats du sol et leurs pores affectent fondamentalement la qualité, la fertilité et la durabilité des sols (Lehmann et al., 2017). Par exemple sur une large gamme de teneur en eau, un sol bien agrégé avec des agrégats très stables sera plus favorable à une culture qu’un sol mal agrégé (Allison, 1973) car la distribution et la croissance des racines y sont facilitées, l’infiltration de l’eau y est régulée et le ruissellement plus réduit. En outre, l’agrégation conserve et protège physiquement la matière organique du sol, réduit l’érosion des sols, maintient et facilite les échanges gazeux, régule la température, détermine l’adsorption et la désorption d’éléments nutritifs, influe sur la structure et sur l’habitat de la communauté microbienne mais aussi impacte sur les cycles biogéochimiques (Six et al., 2004; Huang et al., 2010; Jiang et al., 2017; Lehmann et al., 2017; Ndour et al., 2017). Donc, l’agrégation des sols influe sur la taille, la composition et la disposition des particules ainsi que sur les pores du sol et par conséquent sur l’état structural du sol.
Agrégation dans le sol rhizosphérique
Le terme rhizosphère a été utilisé pour la première fois par Hiltner en 1904 dans un contexte spécifique d’interaction entre différentes bactéries et des racines de légumineuses (Gregory, 2006). Ce terme est défini comme étant un volume localisé de sol sous influence directe des racines des plantes et des microorganismes en association avec ces racines (Delhaize et al., 2015; Poirier et al., 2018; Saleem et al., 2018). C’est le «cœur du sol» (Singh et al., 2013) caractérisé par la présence d’exsudats racinaires (rhizodépôts) (Nihorimbere et al., 2011). Cependant, certains auteurs définissent la rhizosphère de manière plus précise en la subdivisant en trois zones distinctes : la rhizosphère au sens strict qui est le sol à proximité des racines, le rhizoplan correspondant à la surface de la racine avec les particules fortement adhérées à la racine et la racine elle-même abritant les microorganismes (Nihorimbere et al., 2011; Ndour, 2017). Ce sol qui adhère fermement au système racinaire des plantes encore appelé sol rhizosphérique ou ‘‘rhizosheath’’ en anglais (Delhaize et al., 2012; Singh et al., 2013; Brown et al., 2017) jouerait un rôle important dans l’absorption des nutriments et le maintien de l’humidité du sol autour des racines dans un sol sec (Delhaize et al., 2012) donc sur la tolérance aux stress abiotiques (Brown et al., 2017). Par ailleurs, il a été démontré par Czarnes et al.
(2000) que la résistance à la traction, la teneur en eau et en carbone sont significativement plus élevées dans le sol rhizosphérique comparés au sol non rhizosphérique.
Facteurs influant l’agrégation du sol rhizosphérique
Du fait de sa nature complexe, l’agrégation du sol est influencée par une multitude de facteurs et de mécanismes interdépendants (Lehmann et al., 2017). Ainsi interviennent, sur l’agrégation, une large gamme de facteurs biotiques mais aussi divers facteurs abiotiques (Rillig et al., 2015; Lehmann et al., 2017; Ndour et al., 2017; Poirier et al., 2018).
Facteurs biotiques
Les espèces végétales : Rôles des racines dans l’agrégation du sol rhizosphérique
Les espèces végétales, via leurs activités souterraines, peuvent influer la formation et la stabilisation des agrégats du sol (Gould et al., 2016; Poirier et al., 2018) grâce à un certain nombre de mécanismes tels que la structure et la distribution des racines, la qualité et la quantité des apports de carbone, les effets sur le microclimat du sol et les influences sur l’activité et les compositions de la communauté microbienne (Rillig et al., 2002). Ainsi, au niveau de la rhizosphère, la structure du sol peut être modifiée directement ou indirectement par les racines (Bezzate et al., 2000).
Rôles directs des racines dans l’agrégation du sol rhizosphérique
Les racines jouent un rôle moteur dans la formation et la protection des agrégats (Bezzate et al., 2000). Avec leurs traits fonctionnels, elles impactent directement sur l’environnement physique du sol via les caractéristiques de l’architecture racinaire (Blanchart et al., 2000; Six et al., 2004; Gould et al., 2016; Lehmann et al., 2017), via les poils absorbants (Moreno-Espíndola et al., 2007; Poirier et al., 2018; Saleem et al., 2018) mais aussi par le biais des exsudats racinaires (Six et al., 2004; Gould et al., 2016; Ndour et al., 2017; Poirier et al., 2018). L’architecture racinaire est décrite comme étant la configuration spatiale du système racinaire (Lehmann & Rillig, 2013) incluant leurs interconnexions (Doussan & Pages). Cette notion d’architecture racinaire tient compte de la dimension spatiale, c’est-à-dire la forme tridimensionnelle du système, mais aussi de la dimension structurale, qui décrit la diversité des racines au sein du système et la manière dont elles sont connectées (Doussan & Pages). Ainsi, avec ce réseau complexe d’interconnexion, la racine est un facteur important dans la formation et la stabilisation des agrégats (Lehmann & Rillig, 2013). Les caractéristiques architecturales des racines, telles que la longueur, ont un impact direct sur la structure du sol en liant et en comprimant les particules de sols (Gould et al., 2016). Ainsi lors de sa croissance, la racine exerce une certaine pression sur les particules de sols adjacentes. Ce qui entraine une diminution de la porosité du sol dans la zone située entre les racines et une réorientation des particules d’argile en les alignant à la surface des racines facilitant ainsi la formation d’agrégats (Six et al., 2004; Singh et al., 2013). De même, les racines peuvent pénétrer dans les agrégats et les fragmenter (Allison, 1973), ce qui entraine une diminution partielle de la taille des macro-agrégats (Six et al., 2004). Les observations de macro-agrégats à l’aide de microscope optique et de microscope électronique à balayage ont suggéré que l’action des racines enchevêtrant les particules de sols et les micro-agrégats était importante pour la stabilisation des macro-agrégats (Degens et al., 1994). De même, plusieurs études ont montré que les pertes de sol par érosion diminuaient exponentiellement avec l’augmentation de la masse, de la longueur et de la surface des racines (Wang et al., 2018).
Quant aux poils absorbants, ils peuvent attacher physiquement les particules de sols et contribuer à la formation de macro-agrégats stables enrichis en carbone organique (Poirier et al., 2018). Ils jouent un rôle essentiel dans la formation de sol rhizosphérique (Delhaize et al., 2012, 2015; George et al., 2014; Brown et al., 2017; Saleem et al., 2018). Et selon Moreno-Espíndola et al. (2007), le principal mécanisme d’adhérence des sols sableux à la racine est la liaison par les poils absorbants. Via les poils absorbants, les plantes peuvent aussi influencer l’agrégation en absorbant l’eau et ainsi provoquer un assèchement localisé du sol autour des racines donc une modification de la fréquence et de l’amplitude des cycles sec-humide ce qui favorise la fixation d’exsudats racinaires sur les particules d’argile (Tisdall & Oades, 1982; Oades, 1993; Six et al., 2004).
Exsudant environ 17% de ses photosynthétats dans le sol (Ndour et al., 2017), il est probable que la plante, à travers ses poils, fournissent à la fois un support structurel mais aussi du mucilage. Ce mucilage facilite la cohésion des particules de sols à la surface des poils par des liaisons intermoléculaires et des liaisons de Van der Waals (Watt et al., 1993; Delhaize et al., 2015; Wang et al., 2018) et ainsi former des agrégats. Il intervient aussi dans la stabilité des agrégats en réduisant le taux de mouillage par l’obstruction ou par l’augmentation de la tortuosité des pores (Watt et al., 1993; Six et al., 2004; Poirier et al., 2018). Le degré d’influence des racines sur la structure du sol par l’exsudation des racines est très variable. Une influence régie par la production et la composition des mucilages est fonction du régime hydrique (une faible humidité du sol stimule la production de mucilage chez le maïs), de l’espèce végétale (les racines du maïs exsudent plus que celles du blé), de la phénologie (la production d’exsudats est plus importante dans les premiers stades de développement de la plante) (Six et al., 2004).
Les racines fournissent aussi des résidus organiques décomposables tels que des racines fines, des poils absorbants, des cellules mortes, des lysats et de matériaux volatiles et hydrosolubles dont leur rôle direct dans l’agrégation n’est pas négligeable (Tisdall & Oades, 1982).
Rôles indirects des racines dans l’agrégation du sol rhizosphérique
Les caractéristiques physiologiques des racines (l’exsudation) et les traits morphologiques (l’architecture racinaire) ont des effets indirects sur l’agrégation des sols en influençant le recrutement, la colonisation et l’activité microbienne au niveau de la rhizosphère (Gould et al., 2016; Rashid et al., 2016; Saleem et al., 2018). Par exemple, les plantes se dépouillent constamment de cellules de leur racine ou des poils absorbants. Elles libèrent également des composés organiques décomposables dans la solution du sol. Ces rhizodépôts concourent ainsi à nourrir et à favoriser la croissance de la faune et de la microflore dans la rhizosphère (Nihorimbere et al., 2011). Alors que ces derniers peuvent aider à la formation et la stabilisation d’agrégats (Gould et al., 2016; Poirier et al., 2018).
Les microorganismes du sol rhizosphérique
Les microorganismes (bactéries et champignons) au niveau de la rhizosphère jouent un rôle à la fois dans la formation (Rashid et al., 2016) et la stabilisation des agrégats (Allison, 1973; Oades, 1993) Selon Six et al. (2004) il y a un lien pertinent entre les microorganismes et l’agrégation des sols. Cette dernière est influencée par les microorganismes de deux manières : en retenant les particules de sols ensemble par adhésion et par liaison mécanique et/ou en produisant des polysaccharides et d’autres substances organiques qui agissent comme des ciments. Le premier mécanisme est impliqué principalement dans la formation d’agrégats et le second mécanisme concerne la stabilisation (Allison, 1973).
Les bactéries
Les bactéries jouent un rôle important dans l’agrégation aux niveaux nanométrique et micrométrique (Blanchart et al., 2000). À l’intérieur de l’agrégat, les forces doivent être suffisamment importantes pour maintenir les particules de sols ensemble pour ainsi former des agrégats stables. Ceci peut être accompli par la communauté microbienne avec la production de diverses substances telles les exo-polysaccharides (Zangerlé et al., 2011; Rashid et al., 2016) mais aussi des protéines (Watt et al., 1993) qui favorisent la formation et la stabilisation des agrégats (Poirier et al., 2018).
Les champignons
Les champignons mycorhiziens et saprophytes sont les microorganismes les plus importants du sol. Ils sont impliqués dans la formation et la stabilisation des agrégats (Six et al., 2004). L’impact positif des champignons mycorhiziens sur l’agrégation des sols est connu depuis le début des années 1900 (Lehmann et al., 2017). Parmi ces champignons, les champignons mycorhiziens à arbuscules (CMAs) semblent être les mieux connus et les plus importants médiateurs de l’agrégation des sols (Rillig et al., 2002; Lehmann et al., 2017; Muchane et al., 2019). Les CMAs, en association avec les racines de la plante, peuvent influencer l’agrégation du sol rhizosphérique de deux manières : biophysique et biochimique.
Les mécanismes biophysiques encore appelés les mécanismes directs sont le fait de l’interaction physique d’hyphes individuels ou du mycélium dans son ensemble avec des particules ou des agrégats de sols (Rashid et al., 2016; Lehmann et al., 2017). Le mycélium fongique décrit comme un « sac collant » (Oades, 1993; Six et al., 2004) agit directement en exerçant une certaine pression physique sur les particules de sols. Cette pression entraine la formation et la stabilisation des micro-agrégats par enchevêtrement et par alignement des particules de sols mais aussi par des modifications du potentiel hydrique local (Six et al., 2004; Moreno-Espíndola et al., 2007; Zangerlé et al., 2011; Singh et al., 2013; Lehmann et al., 2017; Poirier et al., 2018). Des études ont également révélé que les CMAs avaient des particules d’argile et de sable adhérents à leurs hyphes et ainsi ils augmentaient la fixation de ces particules sur les racines qu’elles colonisaient par rapport aux racines non colonisées (Lehmann et al., 2017).
Les mécanismes biochimiques encore appelés mécanismes indirects sont principalement attribués aux produits fongiques libérés par les hyphes vivants ou en décomposition. Les produits synthétisés sont des polysaccharides, des protéines et des glycoprotéines telles que la glomaline (Rashid et al., 2016). Mais aussi d’autres composés récalcitrants et hydrophobes sont synthétisés tels que la chitine et la mélanine (Poirier et al., 2018). Ces produits fongiques attirent et alignent les particules des sols et servent de ciments stabilisant les agrégats. Ils stabilisent les agrégats en bouchant les fissures ou en recouvrant les surfaces des agrégats afin d’améliorer leur caractère hydrofuge (Lehmann et al., 2017). Ainsi, ces produits contribuent de manière importante à la formation et à la stabilisation de micro-agrégats (Poirier et al., 2018).
L’activité des CMAs la plus connue dans le sol est la production en grande quantité de glomaline (Wright et al., 2007; Islas et al., 2016; Halvorson et al., 2018). La glomaline, homologue présumé de la protéine de choc thermique 60 (Janos et al., 2008), est une glycoprotéine avec des oligosaccharides à liaison N présentant certaines caractéristiques des hydrophobines (Wright & Upadhyaya, 1998; Halvorson et al., 2018). Elle n’est pas exsudée mais stockée dans les parois des hyphes et après leur mort et leur décomposition, cette glycoprotéine se dépose dans le sol (Jones et al., 1989; Treseder & Turner, 2007; Singh et al., 2013; Islas et al., 2016). La glomaline pourrait jouer un rôle important dans l’aération et le drainage du sol, l’absorption d’éléments nutritifs et la productivité des plantes (Singh et al., 2013). Elle forme des surfaces hydrophobes qui pourraient contribuer à permettre la pénétration de l’air et le drainage de l’eau (Wright & Upadhyaya, 1998). Mais aussi par sa nature insoluble, hydrophobe et collante, la glomaline lie les particules de sols ensemble (Zangerlé et al., 2011; Gould et al., 2016; Rashid et al., 2016) et les protège (Wright & Upadhyaya, 1998). Des études faites par Wright et al. (2007) ont pu montrer la nature collante de la glomaline à l’intérieur et entre les micro-agrégats. Ainsi, la glomaline contribue à la liaison au sein de micro-agrégats et de macro-agrégats. De même, la glomaline contient du carbone et constitue une partie non négligeable du stock de carbone terrestre protégé à l’intérieur des agrégats. À cet effet, elle participe à la stabilisation des agrégats dans les sols (Wright & Upadhyaya, 1998; Singh et al., 2013) mais aussi elle joue un rôle important dans la structuration du sol (Rillig et al., 2003). De même, il est suggéré que les champignons mycorhiziens affectent indirectement l’agrégation du sol rhizosphérique en accélérant le développement du réseau racinaire (Graf & Frei, 2013) mais aussi en influençant la rhizodéposition (Singh et al., 2013). En outre, il a été démontré que le dialogue chimique entretenue entre les racines et les champignons mycorhiziens entraîne une modification des modèles de ramification des hyphes et des racines chez ces partenaires symbiotiques influençant ainsi indirectement l’agrégation du sol rhizosphérique (Lehmann et al., 2017).
Cependant, il est difficile de séparer l’influence de l’enchevêtrement par les hyphes de celle de l’exsudation par les racines. De plus, les champignons mycorhiziens à arbuscules sont souvent associés aux systèmes racinaires, ce qui complique davantage cette séparation (Six et al., 2004).
Le sol et ses caractéristiques
Les facteurs abiotiques de stabilité structurale intrinsèques sont les constituants du sol c’est-à-dire le matériau de base (sable, matières organiques, argiles, oxy-hydroxydes de fer et d’aluminium, carbonates…) et les caractéristiques physico-chimiques (force ionique, pH) susceptibles d’affecter l’agrégation des sols (Chenu et al., 2011). Des études faites par Degens et al. (1994) ont montré qu’une teneur importante en sable des sols de même que la grosseur des particules de sols peuvent avoir un effet limitatif sur l’agrégation. En outres, les travaux de Jiang et al. (2017) montrent que la matière organique avec des entrées équilibrées de NPK inorganiques ont augmenté la proportion massique de macro-agrégats de 10%. De la même manière, la matière organique présente seule dans le sol influence la stabilité des macro-agrégats mais aussi la dispersion-floculation (Oades, 1984). Oshunsanya et al. (2019) rajoutent qu’une interaction significative entre l’argile et la matière organique pourrait favoriser l’adhérence du sol aux racines de l’igname. Il en est de même pour les cations à propos de l’agrégation. Des études faites par Duiker et al. (2003) ont démontré l’importance des hydroxydes de Fer dans l’agrégation avec une contribution supérieure ou égale à celle du carbone organique dans les sols à faible teneur en matière organique. Ce qui corrobore avec les travaux faits par Chesters et al. (1957). De même, une désintégration accrue a été observée après le traitement d’un sol avec des agents complexants (chélatants) ou après des traitements avec des acides montrant ainsi le rôle que jouent les cations dans la stabilisation des agrégats en liant les colloïdes organiques et les argiles (Oades, 1984).
Récolte et échantillonnage du sol adhérent aux racines
Pour la récolte, les échantillons ont été acheminés d’abord au laboratoire (LEMSAT) afin de récupérer le sol adhérent aux racines, ainsi que la partie aérienne et la partie racinaire des plantes. Un prélèvement du sol non adhérent aux racines est également effectué afin de mesurer l’humidité du sol à la récolte.
Récupération du sol adhérent aux racines
Après dépotage en détachant soigneusement les pièces imbriquées. Pour les 10 premiers blocs, les plantes avec leur sol adhérent ont été secouées à une vitesse constante de 1100 rpm pendant 1 minute à l’aide d’un agitateur électrique de type CAT S50 (Cat Ingenieurbuero™ AGITATEUR SECOUEUR AGITEST) capable de faire des vibrations mécaniques contrôlées. Ensuite les racines de chaque plante ont été rincées avec de l’eau déminéralisée dans une coupelle en aluminium afin de recueillir le sol adhérent aux racines qui a été pesé après séchage à l’étuve 105 °C pendant 3 jours.
Échantillonnage du sol adhérent pour le dosage de la glomaline
Pour le dosage de la glomaline, le sol adhérent aux racines a été récupéré sur les 4 blocs restant en procédant autrement. En effet, après le dépotage effectué de la même manière que précédemment, les plantes ont été secouées manuellement puis le sol adhérent aux racines a été récupéré à l’aide de pince et de pinceau et non par rinçage avant d’être mis dans des sachets étiquetés et séché à l’air ambiant jusqu’à son utilisation pour le dosage.
Le rinçage avec de l’eau déminéralisée n’a été pas fait afin d’éviter, lors du séchage à l’étuve, la dénaturation de la glomaline.
Biomasse aérienne et racinaire
Après avoir récupéré le sol adhérent aux racines, les plantes ont été sectionnées au niveau du collet afin de séparer les parties aérienne et racinaire. Chaque partie aérienne a été mise dans une enveloppe étiquetée et les racines ont été conservées au frais dans une chambre froide (4°C) dans des tubes Falcon étiquetés contenant de l’alcool 50 %.
Les parties racinaires des plantes ont été séchées et pesées après avoir mesuré les paramètres physiologiques d’architecture racinaire et des poils absorbants. Le séchage des parties aériennes et racinaires a été fait à l’étuve 65 °C pendant 3 jours.
Mesure des paramètres physiologiques
Ratio entre la masse de sol adhérent aux racines et la biomasse racinaire (MSA/BR)
Ce ratio MAS/BR est obtenu en faisant le rapport de masse sèche de sol adhérent aux racines que l’on divise par la masse sèche de tissu racinaire. Cette mesure a été faite sur les 10 premiers blocs.
Architecture racinaire
Les paramètres d’architecture (longueur, diamètre moyen et surface totale des racines) ont été mesurés en utilisant un scanner de modèle Epson Perfection V700 et le logiciel WinRHIZO version 2012b. En outre, la proportion de racines dont le diamètre est compris entre 0 et 0,25
mm qui représente les racines latérales (fines) et celle dont le diamètre est compris entre 0,25 et 1 mm qui représente les racines séminales et coronaires (épaisses) ont été également déterminées. Cette mesure a été faite sur l’ensemble des 14 blocs.
Densité et longueur des poils absorbants
La densité et la longueur des poils absorbants ont été mesurées à travers des micrographes de racines latérales prises avec un microscope optique (BX50F, Olympus) pourvu d’une caméra digitale (Micro Publisher 3.3 RTV). Sur les 10 premiers blocs, les racines latérales de chaque plante ont été d’abord prises en photo avec l’objectif 4 afin de repérer la zone pilifère. Ensuite des photos de cette zone pilifère ont été prises avec l’objectif 10 afin de mesurer la longueur et la densité des poils absorbants de 3 racines latérales. Ainsi, pour chaque racine latérale, un décompte du nombre total de poils absorbants a été effectué sur une distance de 0,5 mm à l’aide du logiciel Mesurim et la longueur de 10 poils choisis au hasard dans la zone pilifère a été mesurée en utilisant le logiciel ImageJ.
Infection par les champignons mycorhiziens à arbuscules
L’infection par les champignons mycorhiziens à arbuscules a été étudiée sur les racines des 4 derniers blocs conservées au frais dans une chambre froide (4°C). Pour ce faire, les racines ont été colorées selon la méthode décrite par Phillips et Hayman (1970) puis montées entre lames et lamelles afin d’évaluer l’intensité et la fréquence de mycorhization des plantes. La coloration consiste à tremper les racines dans une solution d’hydroxyde de potassium (KOH) à 10% et de les incuber dans un bain-marie à 90°C pendant 25 minutes. Cette étape permet de ramollir les tissus et de vider les contenus cellulaires. Après l’incubation au bain-marie, les racines ont été rincées plusieurs fois avec de l’eau du robinet à l’aide d’un tamis. Ensuite, elles ont été recouvertes avec une solution de bleu de trypan à 0,05% et incubées de nouveau au bain-marie à 90°C pendant 30 minutes afin de pouvoir visualiser les structures mycéliennes. Le bleu de trypan est par la suite rincé par l’ajout d’eau dans les tubes. Le tout est conservé dans une chambre froide (4°C) au fur et à mesure du montage entre lame et lamelle.
L’estimation du taux de mycorhization est faite selon la méthode décrite par Trouvelot (1986). Ainsi pour chaque échantillon de racines, 3 lames contenant 20 fragments de racines latérales d’environ 1cm ont été montées entre lame et lamelle avec du glycérol. L’observation a été faite au microscope trinoculaire Nikon Labophot. Pour chaque fragment, une note de classe comprise entre 0 et 5 a été attribuée selon l’estimation de la proportion de cortex racinaire colonisé par les CMAs (voir ci-dessous).
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Table des matières
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Liste des figures
Liste des tableaux
Liste des photos
INTRODUCTION
REVUE BIBLIOGRAPHIE
I) GÉNÉRALITÉS SUR LE MIL
I.1) Origines, domestication et migration
I.2) Taxonomie et variabilité agro-morphologique du mil
I.3) Morphologie, croissance et développement
I.4) Particularité du mil dans l’adaptation aux stress
I.5) Particularité du mil dans la nutrition des populations des régions semi-arides
II) GÉNÉRALITÉS SUR L’AGRÉGATION DES SOLS
II.1) Définition de l’agrégation
II.2) Formation, stabilisation et désintégration des agrégats
II.3) Rôle de l’agrégation dans la structuration des sols
II.4) Agrégation dans le sol rhizosphérique
II.5) Facteurs influant l’agrégation du sol rhizosphérique
II.5.1) Facteurs biotiques
II.5.1.1) Les espèces végétales : Rôles des racines dans l’agrégation du sol rhizosphérique
II.5.1.1.1) Rôles directs des racines dans l’agrégation du sol rhizosphérique
II.5.1.1.2) Rôles indirects des racines dans l’agrégation du sol rhizosphérique
II.5.1.2) Les microorganismes du sol rhizosphérique
II.5.1.2.1) Les bactéries
II.5.1.2.2) Les champignons
II.5.2) Le sol et ses caractéristiques
MATERIEL ET METHODES
1) Expérimentation en serre
1.1) Le sol :
1.2) Le mil :
1.3) Dispositif expérimental mis en serre
2) Récolte et échantillonnage du sol adhérent aux racines
3) Mesure des paramètres physiologiques
3.1) Ratio entre la masse de sol adhérent aux racines et la biomasse racinaire (MSA/BR)
3.2) Architecture racinaire
3.3) Densité et longueur des poils absorbants
3.4) Infection par les champignons mycorhiziens à arbuscules
3.5) Dosage de la glomaline
4) Analyse statistique
RÉSULTATS
1) Ratio entre la masse de sol adhérent aux racines et la biomasse racinaire (MSA/BR)
2) Biomasses racinaires et aériennes :
3) Les paramètres d’architecture racinaire
3.1) Longueur totale des racines
3.2) Diamètre moyen des racines
3.3) Surface des racines (racines fines et racines épaisses)
4) Les poils absorbants
4.1) Longueur moyenne des poils absorbants
4.2) Densité des poils absorbants
5) Fréquence et intensité de mycorhization
6) Teneur en glomaline du sol rhizosphérique
7) Tableau de corrélation
DISCUSSION
CONCLUSION
PERSPECTIVES
REFERENCES BIBIOLOGRAPHIQUES
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