La pancréatite aiguë est une inflammation du pancréas secondaire à l’activation prématurée des enzymes au sein même de la glande, responsable d’une auto- digestion (1). Elle est fréquente dans les pays développés surtout dans les pays anglo- saxons. L’incidence varie de 5 à 80 pour 100 000 habitants (1). Aux Etats- Unis, l’incidence de la pancréatite aiguë ne cesse d’augmenter allant de 69 à 750 pour 100 000 habitants en l’espace de 20 ans (2). Elle touche essentiellement les hommes (75%) (3) L’alcool et la lithiase biliaire sont les deux causes principales de la pancréatite aiguë (1). Dans la majorité des cas (80 à 90%), il s’agit d’une affection bénigne dont la guérison est spontanée et ne nécessite aucun traitement spécifique. Cependant, la mortalité globale de la maladie reste inchangée depuis deux décennies (10 à 15% des cas) malgré l’amélioration de la prise en charge grâce au progrès de la réanimation, l’apport du scanner et de la radiologie interventionnelle(1).
RAPPEL ANATOMIQUE
Le pancréas est une glande digestive à sécrétion endocrine et exocrine. Il est situé très profondément dans la partie supérieure de l’abdomen derrière l’estomac. La glande pancréatique présente un aspect grenu, de consistance ferme et de coloration rosée. Elle pèse environ 80g, de longueur moyenne de 15 à 18cm et une hauteur de 6cm. Elle est parcourue par le canal pancréatique principal : le canal de wirsung. Le pancréas comprend 4 parties :
– la tête : de forme quadrilatère, enchassée dans le cadre duodénal se prolonge en bas et à gauche par « le petit pancréas » : le processus uncinatus.
– Le col ou isthme : une portion intermédiaire reliant le corps à la tête du pancréas, situé en avant des vaisseaux mésentériques supérieurs.
– Le corps : irrégulier et allongé.
– La queue : effilée, mobile se rapproche du hile de la rate.
Rapport du Pancréas avec le péritoine et les organes de voisinage
Le pancréas est en rapport avec le péritoine et les organes de voisinage.
– rapport avec le péritoine : la tête du pancréas et le duodénum sont étroitement liés. Le feuillet droit du mésoduodénum s’est accolé au péritoine formant ainsi le fascia duodéno-pancréatique ou le bloc duodéno-pancréatique. La queue du pancréas reste libre et se rapproche de la rate formant le bloc pancréaticosplénique.
– rapport avec les organes de voisinage :
➤ En avant : le pancréas est en rapport avec le foie et l’estomac
➤ En arrière :
• Au niveau de la tête : veine porte et rein droit
• Au niveau du corps : rachis lombaire, aorte et veine cave inférieure
• Au niveau de la queue : surrénale et rein gauche.
Vascularisation
Le pancréas est richement vascularisé. Il a une double vascularisation : le tronc coeliaque et la mésentérique supérieure. Au niveau de la tête : par les 2 arcades pancréatico-duodénales, Au niveau du corps et queue du pancréas : par l’artère splénique et la pancréatique transverse. Le drainage veineux est assuré par le système porte, la veine splénique et la veine mésentérique supérieure par l’intermédiaire des rameaux fins et courts. Les lymphatiques de la tête se drainent soit vers les ganglions de la chaîne hépatique, soit vers les ganglions mésentériques supérieures et se terminent vers les ganglions latéro-aortiques droits. Ceux du corps se drainent dans la chaîne splénique. Le pancréas a une double innervation :
– les fibres sympathiques proviennent du plexus solaire et du plexus mésentérique supérieur.
– Les fibres parasympathiques issues du pneumogastrique.
RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
Le pancréas sécrète en moyenne 1500 à 3000ml par jour de suc pancréatique chez l’homme adulte. Le suc a un pH variant entre 8 à 8,3. Il contient des protéines dont la plupart sont des enzymes, de l’eau et des électrolytes.
Les électrolytes
Les ions bicarbonates (HCO3-) et le sodium (Na+) sont les principaux ions du suc pancréatique. Le potassium et le calcium sont en faible quantité. La concentration de HCO3- est environ de 145 mEq/l en période secrétoire. Il neutralise le chyme gastrique lors de son passage au niveau du duodénum. Le sodium Na+ : 139 – 143 mEq/l Le potassium K+ : 6 à 9 mEq/l Le calcium Ca++ : 1,7 +- 0,3 mEq/l ou 35 – 42 mg/l .
Les enzymes
Le pancréas sécrète trois types d’enzymes :
– les enzymes protéolytiques
– les enzymes lipolytiques
– les enzymes glycolytiques.
les enzymes protéolytiques
Le trypsinogène et le chymotrypsinogène sont activés par les entérokinases en trypsine et en chymotrypsine. La trypsine et la chymotrypsine sont les deux principales enzymes protéolytiques, ce sont des endopeptidases. Elles agissent surtout entre la lysine et l’arginine. Les autres enzymes les exopeptidases comprennent les carboxypeptidases A et B et les aminopeptidases agissent sur l’extrémité des chaînes polypeptidiques.
Les enzymes lipolytiques
La principale enzyme lipolytique est la lipase. Elle est sécrétée directement active. Son pH optimal est alcalin et exige la présence d’ions calcium. La lipase hydrolyse les triglycérides. Il existe d’autres enzymes lipolytiques : les phospholipases A et B, la cholestérolestérase qui hydrolyse les esters du cholestérol.
Les enzymes glycolytiques
L’amylase hydrolyse l’amidon en maltase à un pH optimal entre 6,5 et 7,2.
La régulation de la sécrétion du suc pancréatique
La sécrétion du suc pancréatique est réglée par deux types de contrôle :
➤ contrôle hormonal
➤ contrôle nerveux effectué par le système nerveux autonome.
On peut distinguer :
– la phase céphalique : la commande sécrétoire passe par le pneumogastre et entraîne une sécrétion riche en enzyme.
– La phase gastrique :
➤ Régulation nerveuse par le pneumogastrique
➤ Régulation hormonale par la gastrine
– La phase intestinale
➤ Régulation nerveuse cholinergique
➤ Régulation hormonale par la pancréozymine et la sécrétine.
Si les aliments sont riches en graisses la pancréozymine l’emporte et on a un suc concentré. S’ils sont pauvres en graisses et riches en sucre la sécrétine l’emporte et on a un suc dilué.
PHYSIOPATHOLOGIE DE LA PANCREATITE AIGUË
La pancréatite résulte d’un processus d’autodigestion de la glande pancréatique. Le pancréas lésé libère des substances nocives pour le pancréas et les tissus avoisinants. La trypsine activée sur place digère le parenchyme pancréatique et lèse les cellules endothéliales et les mastocytes causant la libération de l’histamine. Cette dernière favorise la perméabilité vasculaire entraînant la formation de l’œdème, des hémorragies et l’activation du système kallikréine. La kallikréine par la suite active le kininogène en kinine qui provoque une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité capillaire pouvant expliquer l’état de choc et des défaillances viscérales. Les Kinines sont aussi responsable de la douleur et de l’inflammation. L’amylase libérée par le pancréas lésé passe dans le sang et les urines. Les autres enzymes libérées détruisent le reste de la glande et la membrane plasmique de la cellule acineuse causant davantage de lésions.
ETIOLOGIES DE LA PANCREATITE AIGUË
La plupart des revues littéraires révèlent que les causes principales de la pancréatite aiguë sont l’alcoolisme et la lithiase biliaire. Ils représentent 80% de pancréatite mais d’autres causes sont possibles.
l’alcoolisme
La pancréatite aiguë alcoolique se rencontre souvent chez les éthyliques chroniques. Son diagnostic repose sur la notion de consommation d’alcool à l’interrogatoire, les antécédents de pancréatite et sur la recherche de signes biologiques d’alcoolisme. (dosage d’alcoolémie, élévation de Gamma GT). La prise répétée et excessive d’alcool favorise la diminution du tonus du Sphincter d’ODDI avec reflux du contenu duodénal dans les canaux pancréatiques responsable de l’inflammation pancréatique.
L’autre hypothèse est celle d’un effet toxique de l’alcool sur le parenchyme pancréatique.
La lithiase biliaire
Elle est à suspecter chez la femme à partir de 50 ans, chez les personnes ayant des antécédents biliaires tels : la cholécystite, la colique hépatique et l’angiocholite. La biologie montre une élévation des taux de ALAT associée à un ictère. La pancréatite aiguë biliaire résulte de l’obstruction prolongée de la jonction bilio-pancréatique par un calcul biliaire entraînant une hyperpression dans les canaux pancréatiques responsables de la pancréatite aiguë biliaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. RAPPEL ANATOMIQUE
1.1.Rapport du pancréas avec le péritoine et organes de voisinages
1.2.Vascularisation
2. RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
2.1. Les électrolytes
2.2. les enzymes
2.2.1. les enzymes protéolytiques
2.2.2. les enzymes lipolytiques
2.2.3. les enzymes glycolytiques
2.3. La régulation de la sécrétion du suc pancréatique
3. PHYSIOPATHOLOGIE DE LA PANCREATITE AIGUË
4. ETIOLOGIES DE LA PANCREATITE AIGUË
4.1. l’alcoolisme
4.2. la lithiase biliaire
4.3. autres causes
4.3.1. les infections
a- infection d’origine virale
b- infection d’origine bactérienne
c- infection d’origine parasitaire
4.3.2. les traumatismes
4.3.3. les anomalies congénitales du pancréas
4.3.4. pancréatite aiguë d’origine tumorale
4.3.5. causes métaboliques
4.3.6. causes médicamenteuses et toxiques
4.3.7. idiopathiques
5. DIAGNOSTIC DE LA PANCREATITE AIGUË
5.1. diagnostic clinique
5.1.1. signes fonctionnels
5.1.2. signes généraux
5.1.3 signes physiques
5.2. diagnostic paraclinique
5.2.1. diagnostic biologique
5.2.1.1. l’amylasemie
5.2.1.2. l’amylasurie
5.2.1.3. la lipase
5.2.1.4 autres examens biologiques
a- glycémie
b- calcémie
c- ASAT et ALAT
d- CRP
5.2.2. la radiologie
a- Abdomen Sans Préparation
b- Radio Cœur Poumon
c- Echographie abdominale
d- La tomodensitométrie
e- L’Imagerie par Résonance Magnétique
5.3.laparotomie
5.3.1. pancréatite aiguë œdémateuse
5.3.2. pancréatite aiguë nécrotico- hémorragique
5.3.2.1. lésions macroscopiques
5.3.2.2. lésions extra-pancréatiques
6. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
7. COMPLICATIONS
7.1.L’état de choc
7.2.complication respiratoire
7.3.insuffisance rénale aiguë
7.4.complication hémorragique
7.5.complication infectieuse
7.6.encéphalopathie pancréatique
7.7.pseudo-kystes
7.8.Autres complications
8. PRONOSTIC ET EVOLUTION DE LA PANCREATIRE AIGUË
8.1.Pronostic de la pancréatite aiguë
8.1.1.Les scores biocliniques
8.1.2.Score scannographique
8.2.Evolution de la pancréatite aiguë
9. TRAITEMENT
9.1.Traitement médical
9.1.1Aspiration gastrique
9.1.2. Lutte contre le choc et les perturbations Hydroéléctrolytiques
9.1.3 Traitement de la douleur
9.1.4.Antibiothérapie
9.1.5.Traitement nutritionnel
9.1.6.Autres traitements médicamenteux
9.2.Traitement chirurgical
9.2.1.Laparotomie exploratrice
9.2.2.Traitement de la nécrose pancréatique infectée et abcès
9.2.3.Traitement de la lithiase biliaire responsable de la PA
CONCLUSION