Définition
Dans ce type de présentation, l’information est visuelle et se compose essentiellement de photographies, qui sont d’une qualité graphique exceptionnelle, alliée à une qualité d’impression tout aussi remarquable. „
Ces photographies ont la particularité d ‘ être /’détourées?. On qualifie de détouré un cliché dont les contours du sujet sont délimités. Tout ce qui n’est pas le sujet est supprimé, car il est considéré ccrnne parasitaire. Le thème (fleur, objet ou personnage) apparaît seul sur un fond blanc ,| privede tout contexte
Les sujets acquièrent une certaine épaisseur grâce à la technique dePcmbrag^. Celle-ci consiste en une tache près de l’objet représenté, symbolisant ainsi son ombre, lui donnant ainsi un semblant de réalité: on retire 1’environnement du sujet pour mieux le mettre en évidence, mais on lui ajoute une onbre pour lui donner une épaisseur.
Dans certaines séries, les photos sont très largement légendées, grâce à la mise au point au stade de l’impression d’un fsvstème d’intégration* texte/imagé. Chaque légende étant composée souvent de plusieurs phrases, on peut parler (‘d’images commentées’1″.
Dans ce type de documentaire, le travail du maquettiste occupe une place importante. C’est la maquette, c’est à dire la façon dont les diyers élaients sgnt plaœs_J;es_uns_par rapport aux autres, qui rend le documents ire attractif.
Les photos sont là pour attirer l’oeil, pour IJinciter à .la lecture.
Les éléments sont placés sur une f/doubl^pagej dans une évidente recherche esthétique. Ce souci de faire beau 1 ‘ emporterait-il parfois sur celui de faire juste?
Historique
Le premier éditeur français à parier sur cette présentation fut GALLIMARD en 1988, avec « Les yeux de la découverte » qui compte aujourd’hui 65 titres. Cette collection est née de la collaboration entre deux éditeurs:
GALLIMARD bien sûr et DORLING KINDERSLEY, éditeur britannique.
Pierre Marchand, fondateur de GALLIMARD JEUNESSE, avait en tête le concept de cette collection, « Des livres qui vous montrent ce crue d’autres livres vous racontent. » et il cherchait les moyens techniques pour le réaliser. Seul DORLING KINDERSLEY, dit DK, possédait ces moyens ainsi que le fonds documentaire nécessaire.
Les premiers contacts ont lieu en novembre 86 et aboutissent à un contrat de joint-venture*. Les deux éditeurs sont codétenteurs à part égale du copyright*. La parution dans les deux pays fut simultanée (en Angleterre sous le titre « Eye Witness »). Comme le résume C. Ferrand, dans Livres Hebdo.
Née à Paris, réalisée à Londres chez DORLING KINDERSLEY, photogravée à Singapour chez COLOURSCAN, imprimée en Italie chez MONDADORI EDITORE, cette série est véritablement internationale. »
A une fabrication internationale correspondra très vite une diffusion internationale.
L’originalité de GALLIMARD, par rapport aux autres documentaires DK, réside dans la présence de nombreux éclatés, mais aussi de chronophotographies.
-« Eclaté » est un terme technique désignant la représentation graphique d’un objet, qui montre ainsi ses éléments ordinairement invisibles par séparation. On parle aussi de perspective éclatée.
Mais ici, il ne s’agit pas de représentation graphique mais bien de photographies.
En général, ce procédé est utilisé pour des objets complexes: moteur, machine. « Les yeux de la découverte » l’utilise pour des fleurs, des ailes d’oiseaux …
-La chronophotographie est la juxtaposition de plusieurs clichés, chacun d’entre eux montrant un stade de 1’éclosion d’une fleur ou de la naissance d’un papillon. De toutes les collections documentaires sorties de chez DK, « Les yeux de la découverte » semble être la plus complète, la plus riche notamment du coté du texte, qui est le plus souvent imbriqué avec l’illustration. Les termes « d’images commentées » prennent ici tout leurs sens.
Pour être clair, les autres séries apparaissent comme des versions simplifiées, s’adressant à des enfants plus jeunes.
Exemples détaillés
« Mes premières découvertes »
Fin 89, les premiers titres de la collection « Mes premières découvertes » sont publiés, aux éditions GALLIMARD.
Cette collection s’adresse aux enfants à partir de trois ans.
Son principe est révolutionnaire: chaque livre est composé de 24 « pages » d’acétate, certaines d’entre elles sont transparentes et imprimées recto et verso.Les « transparents » se confondent au toucher et à la vue avec des feuilles opaques.
Chaque fois que l’enfant tourne une page transparente, il se passe quelque chose: il peut ainsi assister à l’éclosion d’un bourgeon, découvrir l’intérieur d’un fruit…
Ce choix de |l ‘ aérographe) carme technique graphique a des conséquences stylistiques; on peut parler d’hyperréalisme. Les illustrations se détachent sur un fond blanc, ce qui leurs donnent une grande netteté mais aussi une grande froideur.
Les pages ne sont ni collées ni cousues, mais reliées grâce à une spirale dissimulée. P. Marchand dira quelques années plus tard avoir réinventé la spirale pour les besoins de cette collection.
Parmi les neuf premiers titres publiés, se trouveront les bestsellers: La panne, La coccinelle.
L’arbre, et surtout
L’oeuf. Le succès de la collection est immédiat. Son prix de lancement est aussi très modique: 46F.
La collection compte aujourd’hui une centaine de titres. Sur le mare principe sont nées les « Premières découvertes de l’art », les « Premières découvertes du dessin », et les « Premières découvertes atlas ».
Le principe du transparent imprimé n’était pas neuf » en soi. Il était fréquent de le trouver dans des ouvrages de vulgarisation médicale (planches anatomiques des vaisseaux sanguins, du squelette.. .le tout superposé). Ce qui est nouveau, c’est l’impression recto-verso. Douze passages de couleur sont nécessaires, ainsi qu’une extrême précision dans le montage des pages afin que le film transparent recouvre exactement, au millimètre près, la page précédente et la suivante.
« Les racines du savoir »
Avril 93, c’est un nouveau pas en avant qui est franchi. Les protagonistes sont les mânes: l’équipe de GALLIMARD JEUNESSE. Les « racines du savoir » se présentent comme la suite logique des « Premières découvertes ». Trois ans de travail furent nécessaires pour sa complète élaboration. Cette nouvelle collection est le résultat d’un partenariat créatif entre l’éditeur, l’imprimeur et le relieur. Ces deux derniers sont italiens et ont déjà travaillé sur le projet des « Premières découvertes ».
L’objectif de la série est de « rassembler les arts et les sciences », « en leur accordant une importance égale. »
La collection s’adresse aux enfants à partir de huit ans.
Incidences sur l’édition jeunesse
Ces nouvelles formes de transmission des connaissances demandant plus de savoir faire technologique, sont moins rapidement et surtout moins massivement suivies que le modèle DK. La seule innovation dont on peut mesurer durablement les effets sur le reste de l’édition, est |le transparent]!. Sa présence semble être assimilée, et non plus extraordinaire. Elle fait partie de l’évolution du livre au mène titre que l’utilisation de la couleur.
On retrouve le principe du transparent, entre autre, chez:
-CALLIGRAM « A travers la fenêtre »
-EPIGONES « Vie cachée »
-GRUND « Entrez chez ».
Cela devient mène un argument de vente: une mention sur la couverture signale la présence de ces « vues surprises ».
L’utilisation est des plus simples en général: découvrir ce qu’il se cache à l’intérieur d’un bâtiment, d’un insecte… L’illustration imprimée recto-verso n’est pas systématique.
Seul EPIGONE avec « Vie cachée », a choisi deux sujets tout à fait judicieux mais … restreints. On peut craindre en effet, un développement quasi-nul de la série. Les deux seuls titres sont:
Le mimétisme, A l’abri. Le transparent permet ainsi de découvrir des animaux qui se cachent en adoptant les couleurs de leur milieu naturel.
Dans ces documentaires d’un type nouveau, nous constatons le plus souvent une alternance papier/transparent. Comme toutes les pages ne sont pas plastifiées, l’effet de surprise est atténué. Le lecteur reconnaît tout de suite au toucher, quand il a affaire à « vue-surprise » (puisqu’il passe d’une feuille de papier à une feuille d’acétate).
Le cas du livre accompagné d’accessoires est un peu différent.
Dès le mois d’avril 95 la revue Livres Hebdo parle de « l’explosion des livres d’activités » à la foire de Bologne. La France ne semble pas être le seul pays touché par ce phénomène :
« Le livre d’activités revêt toutes les formes et utilise tous les matériaux , chez les éditeurs anglais et américains, mais aussi chez les français dont les capacités de création ne sont plus à démontrer. »
En novembre, la mène revue remarque que « Le livre-obi et envahit les linéaires » (des librairies).
Le fait que sa dénomination soit passée de « livre d’activités » à celle de « livre-objet », est assez significative des questions que se posent les spécialistes de l’édition.
Mais 1 ‘engouement des éditeurs (et du public?) pour cette forme documentaire retombera vite. Peu de catalogue propose encore des livres-objets en 1997.
Derrière la dénomination de « livre-objet », on enregistre plusieurs formules. Il faut, en effet, distinguer:
-le livre ou le livret relié à une boite contenant des accessoires;
-la boîte dans laquelle on trouve un livret indépendant et divers accessoires.
Des livres-objets sont mêmes crées « après coup ». BORDAS propose le livre Les aimants (coll. »Le petit chercheur », publié pour la première fois en 1992) dans un coffret avec les aimants nécessaires aux expériences.
Mais c’est bien avant sa parution que la collection « Secrets » aura trouvé des disciples. Annoncée dès le printemps 95, la mise en place en librairie ne sera effective qu’en octobre. Le projet était à ce point divulgué, que « Secrets » n’en était plus un pour personne. HACHETTE aura eut le temps de sortir entre temps deux projets jumeaux (coïncidence ou plagiat?). L’inspiration est, du moins très similaire. Ce sont: -« Mini-kits jardins » -« Le petit collectionneur ». « Mini-Kit jardins » A iane histoire (un livre de poche de même type que la collection « Cadou » chez le mène éditeur) est assoccié un sachet de graine, du terreau, et des fiches « avec des recettes inquiétantes ».
La véritable héroïne est la plante. Le projet est réalisé en partenariat avec le spécialiste du jardinage VILMORIN. Six titres sont alors publiés.
Mais au second trimestre 96, la collection est retirée des librairies traditionnelles, pour être vendue à prix soldé dans les librairies de la chaîne Maxi-livres!
« Le Petit collectionneur »
L’éditeur propose ici à l’enfant de commencer une collection de « billes », « coquillages » ou « minéraux ».
Toujours dans une boîte, (en carton bristol), le futur collectionneur trouvera des billes, des coquillages ou des cailloux, accompagné d’ion guide de recherche pour faire un parfait petit collectionneur….
« Demi-Page »
Cette collection s’adresse aux enfants à partir de 5 ans. Chaque album est composé de doubles pages, alternées avec une demi-page, dont le recouvrement sur la page de droite ou de gauche offre des surprises, des découvertes, « offrant ainsi deux temps de lecture ».
Le livre est fabriqué avec du papier, le style est narratif.
On trouve à la fin de l’album un complément strictement informatif.
Deux aspects novateurs sont ici associés:
-la structure narrative de l’album.
-la manipulation et l’effet de surprise.
Les illustrations sont réalisées par des dessinateurs différents, certains sont même très connus comme H. Galeron. Elles sont très réalistes, la personnalité des auteurs est corrme gommée, du moins fortement atténuée. D’un album à un autre, on ne sent pas une empreinte réellement différente.
Ce phénomène est singulièrement accentué par le format standard, (25,5 cm x 21 cm pour 44 pages ). De plus aucune mention des noms des auteurs n’est faite sur la couverture.
Le principe de la collection « Archimède » est ainsi systématisé, compartimenté.
Ce qui fait son intérêt, c’est la diversité des thèmes étudiés: thèmes inconnus dans l’ensemble de l’édition jeunesse, comme la corrida, la fabrication d’un tonneau, les griots africains, le tournoi…en plus des thèmes classiques sur la nature.
CONCLUSION
Ces différentes innovations, ont renouvelé le genre documentaire. Certaines caime nous l’avons vu plus haut, de façon durable; d’autres de façon ponctuelle.
Mais bien plus que le contenu, c’est l’aspect physique du livre, c’est à dire sa matérialité qui a bénéficié des innovations.
Fabrice Piault, chef des informations à Livres Hebdo, justifie ces mutations par le fait que le livre, présent partout est banalisé et désacralisé.
« Est-ce parce qu’il est présent dans notre vie quotidienne sous des formes si variées, dans la formation et le travail comme dans les loisirs, qu’on ne perçoit plus ce qui fait sa nature profonde, son rôle dans la construction du for intérieur? la polyvalence des contenus et la multidimensicxinalité de 1 ‘ objet livre contribuait ai tout cas à sa banalisation et tendent à gommer son identité. Au point qu’on peinerait aujourd’hui à le définir autrement qu’en décrivant les très grandes lignes de son aspect extérieur: un parallélépipède cartonné contenant, en principe, tel un sandwich, un certain noiibre d’informations généralement imprimées. » (Piault, 1995) (C’est moi qui souligne.) C’est le livre-objet qui a surtout fait parler de lui. Au bout de deux ans, les craintes inspirées par ses mutations se sont considérablement calmées. Tous les documentaires ne sont pas devenus des livres-objets, les éditeurs semblent revenir à leur vocation première qui est de fabriquer des livres, et non pas de vendre des gadgets.
« Les racines du savoir » et « Secrets »
Similitudes et différences
Ces deux collections seront traitées conjointement pour plusieurs raisons. Malgré un premier aspect très différent, elles colportent de nombreux points communs.
Outre le fait qu’elles s’adressent à la mène tranche d’âge, (les huit ans et plus), leurs doubles pages sont de deux couleurs différentes. Mais les similitudes de la maquette ne s’arrêtent pas là.
Quelques titres, traitant de sujets voisins, contiennent les mânes illustrations. Il y aurait donc un « recyclage » d’images.
Il est vrai, dans un format différent:
-20,5 X 23, pour « Racines du savoir »,
-13,4 X 15, pour « Secrets ».
exemple: Secrets de la métérologie publient plus de 27 illustrations de Vents et nuages, le temps qu’il fait (« Racines du savoir »). (« Secrets » a été publié après « Les Racines du savoir^. Certaines sont agrandies, mais la plupart sont dans un format plus petit.
Elles peuvent passer de 13,5 X 7,5 cm à … 4X2 cm!
Des illustrations sont donc crées, indépendamment du format dans lequel elles vont être publiées. On peut s’interroger sur les conséquences que cela entraîne.
-Avec de nombreuses similitudes, deux ouvrages différents peuvent ils être complémentaires — Quand commence la redondance?
-Ces images sont elles toujours traitées de la mène façon, selon le format, et viennent elles illustrer la même information?
D’autant plus que quelques illustrations, publiées avec un cache, un autocollant ou un pliage, dans « Racines… », paraissent sans ces éléments précités dans « Secrets ».
Les effets ludiques créés dans « Racines… » ont totalement disparu.
Ce qui semble évaporé d’une série à l’autre, c’est la part de découverte-plaisir, de jeu. La qualité de l’information ne semble pas moindre. Seulement, la page qui illustre un cyclone a un effet bien plus saisissant dans Vents et nuages….
De plus, quand on y regarde de plus près, ces deux collections apparaissent comme les deux étapes successives d’un même processus.
La pochette qui contient des autocollants et quelquefois d’autres éléments, à la fin de chaque « Racines du savoir », préfigure le boîtier des « Secrets ».
Certains « Racines du savoir » semblent reformulés d’une autre façon, à travers « Secrets ».
Les objets dans « Secrets »
GALLIMARD a voulu privilégier ce que l’on pourrait appeler|une mise en situation du lecteur face au sujet/.
Corme dans les « Premières découvertes » la part du ludique n’est pas négligeable. Les doigts sont associés à la découverte du savoir.
Dans « Secrets », le noyau de l’apprentissage se trouve dans l’objet à construire.
Déjà dans les « Racines du savoir » des éléments étrangers avaient^ ^ ^ été introduits. Des échantillons étaient présents chaque fois que) le sujet le permettait; le plus remarqué fut le morceau de papyrus dans L’invention de la peinture.
Le relief ne concernait pas seulement la couverture. Le lecteur pouvait découvrir sur certaines pages, des reliefs en formes d’écorœs d’arbre, car chaque arbre est différent au toucher. (Des forêts et des arbres).
Dans « Secrets », il faut monter, fabriquer un objet. Bref, expérimenter ce que l’on vient de lire.
« Secrets du charpentier » permet à l’enfant de tester ce qu’il vient de lire en imbriquant les différents éléments qu’on lui propose. Il dispose des explications suffisantes pour réaliser cet objet. La manipulation, lui fera comprendre l’intérêt des tenons et des mortaises. « Secrets de la météorologie » est différent. L’enfant possède les éléments nécessaires pour faire une expérience, cette fois-ci.
Monter les différents éléments ne lui apportera pas un savoir.
Mais l’objet une fois construit, lui permettra d’expérimenter ce qu’il vient de lire.
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Table des matières
INTRODUCTION
chapitre 1 ANALYSE DU MARCHE
Introduction: 3 formules en présence
1) Le modèle DK
2) Au-delà du papier
3) Innover dans la tradition
4) Récapitulatif des innovations
Conclusion
chapitre 2 ANALYSE DES CONTENUS
Introduction: définition du documentaire
1) « Les yeux de la découverte »
2) « Mes premières découvertes »
3) « Les racines du savoir » et « Secrets »
4) « Archimède »
Conclusion
chapitre 3 ECONOMIE ET STRATEGIE EDITORIALE
Introduction: spécificité du produit-livre
A/ Aspects économiques et marchands
1) Tableau générale de l’édition française
2) Caractéristiques de l’édition jeunesse
B/ Stratégie éditoriale
1) Théorie économique
2) Notions de marketing
3) Coût de fabrication
4) Coédition
5) Conséquences
Conclusion
CONCLUSION
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