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RAPPELS SUR LA MORBIDITE OBSTETRICALE
Epidémiologie
La mesure de la mortalité maternelle est très difficile. Son taux (nombre de décès de femmes pour 100000 naissances vivantes) varie énormément en fonction des régions du globe. Sur la base d’une étude récente faite par l’OMS [55], il ressort qu’en 2000, la moyenne mondiale du taux de la mortalité maternelle était de 400 décès pour 100000 naissances vivantes. En Afrique, on retrouve des taux de mortalité maternelle de 519, 430, 400 et 410 décès pour 100000 naissances vivantes respectivement au Gabon, au Cameroun, au Maroc et au Sénégal, contre des taux de 13, 7, 11 et 5 décès pour 100000 naissances vivantes en France, aux États-Unis d’ Amérique, en Allemagne et en Espagne [13, 54].
La morbidité obstétricale, quant à elle, reste encore mal exploitée car de nombreux problèmes de classification subsistent spécialement dans les pays en développement où les examens permettant de poser un diagnostic précis font souvent défaut. Cependant, on remarque que 80% des décès maternels survenant dans les pays en développement sont liés aux causes obstétricales directes de morbidité [61].
Etiologies
Selon la Classification Internationale des Maladies (CIM) [53] et différentes études réalisées sur la morbidité obstétricale [4, 61, 66], les causes de mortalité et de morbidité obstétricale sont pratiquement superposables. On les subdivise en deux grands groupes:
Causes obstétricales directes
Elles correspondent aux complications en rapport direct avec la grossesse, le travail d’accouchement et les suites de couches [61]. Elles sont les plus fréquentes. Ce sont:
Hémorragies
Hémorragies du post-partum
L’hémorragie du post-partum reste une complication majeure de l’accouchement.
Définition
Selon l’OMS, elles se définissent comme tout saignement du tractus génital, anormal par son abondance (> 500ml) et son retentissement sur l’état général, survenant dans les 24 premières heures qui suivent l’expulsion fœtale par les voies naturelles ou par césarienne. Elle est dite retardée ou secondaire si elle survient entre 24 heures et 6 semaines après l’accouchement [29]. Le terme d’hémorragie du post-partum est plus juste que celui d’hémorragie de la délivrance qui, théoriquement, ne comporte que les hémorragies liées à la délivrance et à la non rétraction utérine après la sortie plus ou moins complète du placenta.
Fréquence
L’hémorragie de la délivrance est un problème d’actualité. Sa fréquence est de 18 à 26% [29]. Elle est la première cause de décès maternels dans de nombreux pays africains notamment au Gabon [38, 57, 59] au Cameroun [19] et en France [2]. Elle constitue une importante cause de morbidité maternelle: anémie sévère, accidents et complications de la transfusion sanguine, choc hémodynamique, coagulopathies acquises, hystérectomie d’hémostase.
Etiologies
Elles sont constituées par:
l’atonie utérine: c’est la cause la plus fréquente d’hémorragie de la délivrance. Les facteurs étiologiques sont multiples: travail prolongé, grossesses multiples, hydramnios, macrosomie fœtale, atonie utérine après accouchement trop rapide, iatrogène après anesthésie au fluothane ou utilisation de bêtamimétiques ou arrêt des ocytociques après expulsion de l’enfant;
la rétention placentaire définie par la persistance de la totalité ou d’un fragment du placenta dans la cavité utérine. Elle résulte de circonstances isolées ou associées: troubles dynamiques à type d’inertie ou d’hypertonie utérine; adhérences anormales du placenta à la caduque et/ou au myomètre (placenta accreta); anomalies morphologiques placentaires à type de cotylédons aberrants ou d’anomalies d’insertion; fautes techniques par traction prématurée sur le cordon; expressions utérines;
les lésions de la filière génitale: les ruptures utérines par altération de la paroi utérine ou par disproportion foeto-pelvienne ou travail prolongé ou même iatrogènes par manœuvres obstétricales ou extractions instrumentales ou par administration d’ocytociques; les lésions vaginales à type de déchirures des parois et du dôme vaginal ou d’un thrombus vulvo-vaginal; les déchirures vulvaires et périnéales; les déchirures cervicales dont la fréquence est de 11% chez les primipares et de 4 % chez les multipares [29];
l’inversion utérine qui représente une complication grave de la délivrance. Elle est rare: 1/100000 accouchements en France [29];
la césarienne: on considère qu’une perte sanguine supérieure à 1000 ml (1500 ml chez les anglo-saxons) au cours de la césarienne constitue une hémorragie de la délivrance [29, 48];
les troubles de l’hémostase: la survenue d’une coagulopathie est particulièrement grave. Elle peut se rencontrer au cours de certaines pathologies obstétricales: hématome rétroplacentaire, embolie amniotique, rétention d’œuf mort, infection amniotique. Elle vient très souvent compliquer une hémorragie du post-partum si celle-ci n’est pas traitée rapidement.
Diagnostic positif
Il repose sur un certain nombre de signes:
– Signes fonctionnels: saignement fait de sang rouge avec des caillots abondants ou encore un filet de sang modéré, mais persistant pendant les heures qui suivent l’accouchement.
– Signes généraux: de survenue tardive, ils traduisent la gravité de l’hémorragie. Ce sont un état d’agitation, des troubles de la conscience (obnubilation voire coma), la pâleur des muqueuses, la soif vive, les sueurs profuses, des extrémités froides, des marbrures, une oligurie, une polypnée, une hypotension artérielle et l’accélération du pouls (état de choc hémorragique).
-Signes physiques: on retrouve un utérus mal rétracté si le sang reste à l’intérieur de l’utérus. Celui-ci est atone. A l’examen au spéculum, on précisera l’origine du saignement et on recherchera également une éventuelle lésion de la filière génitale, ou encore un retournement en doigt de gant de l’utérus.
Diagnostic différentiel
Devant une hémorragie du post-partum, il faut penser à éliminer certaines affections pouvant survenir chez une accouchée récente parmi lesquelles:
le cancer du col utérin;
la déchirure per coïtale du cul-de-sac de Douglas;
le polype infecté;
la syphilis cervicale;
la tuberculose cervicale;
la cervicite infectée.
Hématome rétroplacentaire (HRP)
Définition
C’est le décollement prématuré du placenta normalement inséré (DPPNI) par un hématome inter-utéro-placentaire alors que le fœtus est encore in utero [68].
Fréquence et facteurs de risque
L’HRP est un accident paroxystique des derniers mois de la grossesse; il touche 0,25% à 1% des grossesses [13]. La fréquence était diversement appréciée par les auteurs. Ainsi au Sénégal, des taux élevés avaient été relevés [68]: 2,44% au CHU de Dakar pour DIALLO; 3,1% pour CISSE au centre de santé Roi Baudouin; 4,2% pour DUMONT à Saint-Louis.
L’HRP est favorisé par des facteurs de risque notamment l’âge maternel élevé supérieur à 30 ans et/ou la grande multiparité, l’hypertension artérielle chronique ou gravidique, les traumatismes abdominaux (syndrome du tableau de bord), les antécédents d’hématome rétroplacentaire, les anomalies funiculaires, les manœuvres obstétricales telles qu’une version par manœuvres externes, la pratique d’une amniocentèse ou même l’évacuation trop brutale d’un hydramnios, l’existence d’une malformation fœtale, la station debout prolongée.
Par ailleurs, on note certaines carences nutritionnelles à savoir les malnutritions, le déficit en acide folique, les carences en vitamines E, C, B, carotène, sans oublier le tabagisme, l’utilisation de cocaïne, les anomalies immunitaires et les anomalies de la coagulation.
Diagnostic positif
– Signes fonctionnels: douleur intense en coup de poignard irradiant dans la région dorso-lombaire, associée à des métrorragies noirâtres et peu abondantes avec des caillots de sang; diminution des mouvements actifs du fœtus.
– Signes généraux: ils sont souvent marqués du fait d’un état de choc hémorragique maternel caractérisé par un état d’agitation, des troubles de la conscience (obnubilation, coma), une pâleur des muqueuses, une soif vive, des sueurs profuses, des extrémités froides, des marbrures, une oligurie, une polypnée superficielle, une hypertension artérielle ou une tension artérielle normale (tension artérielle « cache misère ») et une accélération du pouls.
– Signes physiques: l’examen clinique retrouve une hyperesthésie cutanée, une augmentation de la hauteur utérine, et un utérus dur dit << de bois >>. L’auscultation retrouve une disparition des bruits du cœur fœtal. Au toucher vaginal, le col utérin est spasmé, cerclé comme par un « fil de fer », le segment inférieur est dur et on peut percevoir une poche des eaux tendue.
Grossesse extra-utérine (GEU)
C’est le premier diagnostic à évoquer devant un tableau de métrorragies ou de douleurs au cours du premier trimestre de la grossesse.
C’est une urgence médico-chirurgicale qui met en jeu le pronostic vital. Elle constitue la première cause de décès maternel au premier trimestre de la grossesse [21].
Définition
La GEU correspond à la nidation et au développement de l’œuf en dehors de la cavité utérine, le plus souvent au niveau des trompes, rarement dans l’ovaire ou dans la cavité péritonéale [21, 28].
Fréquence et facteurs de risque
Celle-ci a doublé ces 20 dernières années et varie entre 1,6 et 3% des grossesses selon de nombreux auteurs africains [21, 34, 36, 58, 73]. Elle constitue une cause importante de mortalité maternelle au premier trimestre de la grossesse.
De nombreux facteurs de risque sont retrouvés notamment les maladies sexuellement transmissibles (salpingites), les avortements clandestins, mais également le tabagisme qui multiplie le risque par 4 ou 5, les antécédents de chirurgie abdomino-pelvienne (appendicite, sigmoïdite, endométriose, GEU) ou encore la contraception orale par microprogestatif [21, 34, 36].
Par ailleurs, il peut s’agir de dispositif intra utérin, des inducteurs d’ovulation, de la fécondation in vitro en cas de poly-ovulation, du jeune âge, des anomalies congénitales des trompes (diverticule, hypoplasie tubaire, longueur exagérée ou cloisonnement).
Diagnostic positif
– Signes fonctionnels: on a une notion de retard des règles associée à des douleurs pelviennes le plus souvent unilatérales, modérées, intermittentes, à type de piqûre ou de torsion, siégeant dans une fosse iliaque, réveillées par la marche et des métrorragies classiquement noirâtres ou sépia, minimes, intermittentes parfois accompagnés de débris de caduque qui réalise au maximum un « moule utérin ».
– Signes généraux: en cas de rupture tubaire, on peut retrouver un état de choc hémorragique.
– Signes physiques: il met en évidence une défense abdominale ; au toucher vaginal, l’utérus est moins gros que ne le voudrait l’âge supposé de la grossesse. Parfois, on perçoit une masse latéro-utérine douloureuse. En cas de rupture, on retrouve une douleur intense du cul-de-sac de Douglas et de l’ombilic (cri du Douglas et de l’ombilic).
La culdocentèse ramène du sang lysé, incoagulable.
Le diagnostic paraclinique repose sur le dosage de l’hormone gonadotrophique chorionique (HCG) et l’échographie pelvienne par voie sus-pubienne et endovaginale.
La cœlioscopie a révolutionné le diagnostic et le traitement de la grossesse ectopique.
Pronostic
Il est marqué par le risque de survenue de décès maternel à la suite des complications suivantes: la péritonite, le choc hémorragique irréversible, le choc septique, l’embolie pulmonaire et l’insuffisance cardiaque.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE « ECHAPPEES BELLES » OU « NEAR MISS »
I. DEFINITIONS
I.1. Concept d’ « échappées belles » ou « near miss »
I.2. Morbidité obstétricale
I.3. Mortalité maternelle
II. RAPPELS SUR LA MORBIDITE OBSTETRICALE
II.1. Epidémiologie
II.2. Etiologies
II.2.1. Causes obstétricales directes
II.2.1.1. Hémorragies
II.2.1.1.1. Hémorragies du post-partum
II.2.1.1.2. Hématome rétroplacentaire
II.2.1.1.3. Placenta praevia
II.2.1.1.4. Rupture utérine
II.2.1.1.5. Avortements hémorragiques
II.2.1.1.6. Grossesse extra-utérine
II.2.1.2. L’hypertension artérielle et ses complications
II.2.1.3. Causes infectieuses
II.2.2. Causes obstétricales indirectes
II.2.3. Associations de morbidité
III. RAPPELS SUR LES UNITES DE SOINS INTENSIFS DANS LA GRAVIDO-PUERPERALITE
DEUXIEME PARTIE: NOTRE ETUDE
I. CADRE D’ETUDE
II. METHODOLOGIE
III. RESULTATS
1. Fréquence
2. Résultats descriptifs
2.1. Aspects épidémiologiques
2.2. Aspects diagnostiques
3. Etude analytique
IV. DISCUSSION
1. Caracteristiques épidemiologiques
2. Etiologies des « near miss »
3. Prise en charge diagnostique
4. Prise en charge therapeutique
5. Dysfonctionnements du service
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
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