Les voies aéro-digestives supérieures (VADS) peuvent être sujettes à des agressions engendrant des comportements anormaux des cellules qui se manifestent par leurs multiplications anarchiques donnant naissance à des tumeurs malignes.
Les tumeurs malignes des maxillaires s’intègrent dans les cancers de la cavité buccale, ces derniers s’intégrant dans le cadre plus général des cancers des voies aériennes supérieures (VADS) dont ils partagent les mêmes caractéristiques épidémiologiques [1, 13, 66]. Les tumeurs des maxillaires représentent 10% des cancers buccaux, qui à leur tour représentent 25 à 30% des cancers des VADS [42]. Au Burkina Faso, Pacode [46], quant à elle, a noté que les tumeurs maxillo-faciales occupaient la deuxième place (34,86%) en pathologie stomatologique après les traumatismes. De ce fait, les tumeurs malignes de la gencive peuvent être qualifiées de problème de santé publique majeur en raison de leur prévalence et de leur incidence élevées. Au Sénégal, ces cancers représentaient 3,04% des autres cancers de l’organisme entre 1969 et 1974 [44]. En 1996, Younès [68] a trouvé une prévalence de 16% de cancers maxillaires.
Les tumeurs malignes des maxillaires ont été largement décrites par plusieurs auteurs dans le monde en général. Ils surviennent 9 fois sur 10 chez les sujets éthylo-tabagiques et très souvent au niveau ou à proximité de lésions pré-néoplasiques [3, 5, 53]. Le diagnostic précoce permet un traitement peu onéreux et assure une survie à long terme pour les tumeurs malignes. Dans notre contexte, la prise en charge thérapeutique difficile est due au fait que la plupart des patients consultent à un stade avancé de la maladie d’autant plus qu’ils vivent dans des conditions socio-économiques défavorables. L’objectif de notre travail était d’étudier les aspects épidémiologiques et cliniques des tumeurs malignes de la gencive à l’Hôpital Général de Grand-Yoff (HOGGY). Pour atteindre cet objectif, le travail sera divisé en deux parties. La première concernera les généralités sur les tumeurs malignes de la gencive. La deuxième partie sera consacrée à l’étude des aspects épidémiologiques et cliniques des tumeurs malignes des gencives à l’Hôpital Général de Grand-Yoff.
RAPPELS
On appelle parodonte l’ensemble des tissus minéralisés ou non qui assurent la fixation et l’articulation de la dent dans les maxillaires. Il comprend le cément, tissu minéralisé tapissant la racine dentaire ; le ligament parodontal (encore appelé ligament alvéolo-dentaire ou desmodonte), solidement amarré aux deux tissus durs, osseux et cémentaire ; l’os alvéolaire qui circonscrit l’alvéole où s’implantent la dent ; et la gencive qui est un tissu superficiel de protection, qui sera le sujet de cette thèse [12, 30].
EMBRYOLOGIE DE LA GENCIVE
Le processus conduisant à la formation de la gencive [28] se déroule comme suit :
❖ Condensation de l’ectomésenchyme Immédiatement au dessous de l’épithélium de surface, au niveau des futures arcades dentaires.
❖ Formation de la lame primitive Au 2e mois, l’épithélium buccal adjacent à l’ectomésenchyme commence à proliférer et s’enfoncer dans la condensation cellulaire sous jacente. Cette prolifération épithéliale est appelée lame primitive.
❖ Formation de la lame dentaire et la lame vestibulaire Tandis qu’elle continue de proliférer dans l’ectomésenchyme, la lame primitive commence à envoyer une extension vestibulaire dans le mésenchyme adjacent. La première extension est appelée lame dentaire, et l’extension vestibulaire appelée lame vestibulaire.
❖ Formation du bourgeon dentaire À l’extrémité de la lame dentaire, la lame vestibulaire augmente de volume.
❖ Formation de la cupule dentaire La partie ectodermique du bourgeon dentaire tend à entourer la masse en croissance des cellules ectomésenchymateuses de façon à produire une cupule.
❖ Formation de la cloche dentaire A la 28e semaine, la croissance continue des cellules ectodermiques autour de la masse croissante des cellules ectomésenchymateuses aboutit à l’organe de l’émail en forme de cloche. En même temps, les cellules centrales de la lame vestibulaire se lysent, séparant les versants gingivaux et labiaux dans les secteurs antérieurs, et les versants gingivaux et jugaux dans les secteurs postérieurs. C’est au cours de ce stade que se forme la gencive et que se creuse le vestibule. Ainsi se forme le vestibule buccal qui sépare les joues et les lèvres de la gencive.
❖ Gencive attachée Lorsque l’os alvéolaire parvient au voisinage du versant interne, une liaison ferme s’établit entre le conjonctif sous épithélial et le tissu osseux, déterminant ainsi la zone qui formera plus tard la gencive attachée. Au cours du développement et de la croissance de l’os alvéolaire, cette gencive sera entraînée par l’os sous-jacent entraînant un approfondissement du vestibule tandis que la muqueuse buccale subira un glissement sur la surface osseuse.
ANATOMIE DE LA GENCIVE
ANATOMIE DESCRIPTIVE
LA GENCIVE LIBRE OU MARGINALE
C’est la partie non adhérente à l’os. Elle forme une sorte de corolle au milieu de laquelle s’épanouit la dent, et l’enserre au niveau de son collet [12]. Cette disposition constitue le sillon gingivo-dentaire, qui comprend trois parois :
● une paroi molle, qui est constituée de la gencive libre ;
● une paroi dure, qui correspond à la surface adamantine de la couronne ;
● un fond, un niveau duquel se situe l’attache épithéliale qui ferme l’espace desmodontal.
La gencive marginale est rose, de consistance ferme et élastique, d’aspect lisse et finement granité. [30]
LA GENCIVE ATTACHEE
Elle est comprise entre la gencive libre et la ligne muco-gingivale. C’est la prolongation de la gencive marginale. Cette partie de la gencive est fortement adhérente par l’intermédiaire du périoste à l’os alvéolaire sous-jacent. Elle est ferme, élastique, de forme conique, d’aspect granité qui varie selon l’âge et le sexe, et disparaît avec l’inflammation. Elle s’étend sur une hauteur qui peut varier de quelques millimètres à un bon centimètre [12].
LA GENCIVE INTERDENTAIRE OU PAPILLAIRE
La papille est le prolongement de la gencive libre dans la région de l’espace interdentaire, qui se trouve limitée d’un côté par le point de contact interdentaire, du côté opposé par le septum alvéolaire. Elle a une forme pyramidale en toit de pagode fait de deux pics et d’un col au niveau du point de contact [12]. Elle est délimitée par deux papilles : vestibulaire et linguale. Ces deux papilles sont accolées au niveau des dents antérieures et déparées au niveau des dents postérieures par une dépression sous forme de cuvette appelée « col de la papille ». La gencive papillaire est rose, de consistance ferme et élastique, d’aspect lisse et finement granité.
VASCULARISATION
VASCULARISATION ARTERIELLE
La gencive est un tissu très vascularisé. L’irrigation artérielle sanguine provient :
● des vaisseaux sanguins supra-périostés qui sont les branches terminales de l’artère sublinguale, de l’artère mentale, de l’artère faciale, de l’artère grande palatine, de l’artère infra-orbitaire et de l’artère dentaire postérieure et supérieure, destinées aux gencives de la mâchoire supérieure ;
● l’artère sphéno-palatine et l’artère palatine ascendante qui fournissent quelques rameaux à la gencive supérieure ;
● des vaisseaux du ligament parodontal qui parcourent la gencive et s’anastomosent avec quelques ramifications capillaires dans la zone du sillon gingivo-dentaire.
Ainsi on peut distinguer trois territoires vasculaires : les vaisseaux du ligament, ceux de la gencive bordant la cavité buccale et ceux de la gencive bordant la dent. Les nombreuses anastomoses entre ces trois territoires assurent une circulation collatérale abondante [7].
VASCULARISATION VEINEUSE
La vascularisation veineuse de la région gingivo-dentaire (figure 5) a une disposition proche dans l’ensemble à celle des artères [59] :
● les veines d’origine dentaire ont une disposition calquée exactement sur celle des artères homologues,
● les veines gingivales ont une disposition différente de celle des artères :
➤ celles issues de la partie antérieure se drainent dans les branches d’origine du tronc thyro-linguo-facial ;
➤ celles issues de la partie postérieure des gencives se rendent aux plexus veineux ptérygoïdiens.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LES TUMEURS MALIGNES DE LA GENCIVE
I. EMBRYOLOGIE DE LA GENCIVE
II. ANATOMIE DE LA GENCIVE
1. Anatomie descriptive
1.1.La gencive marginale
1.2.La gencive attachée
1.3.La gencive interdentaire ou papillaire
1.4.Le sulcus gingival
1.5.La muqueuse
2. Vascularisation et innervation
2.1.Vascularisation artérielle
2.2.Vascularisation veineuse
2.3.Innervation
III. HISTOLOGIE DE LA GENCIVE
1. L’épithélium
1.1.Epithelium buccal ou gingival
1.2.Epithélium sulculaire
1.3.Epithélium de jonction ou de dérivation
2. La lame basale
3. Le tissu conjonctif ou chorion
IV. PHSYIOLOGIE DE LA GENCIVE
V. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES TUMEURS MALIGNES DE LA GENCIVE
1. La fréquence
2. L’incidence
3. L’âge de survenue
4. La mortalité
VI. ETIOPATHOGENIE DES TUMEURS MALIGNES DE LA GENCIVE
1. Facteurs prédisposants
1.1.Le tabac
1.2.L’alcool
1.3. Les facteurs viraux
1.4. Les facteurs nutritionnels
1.5. Le mauvais état bucco-dentaire
1.6. La consommation de marijuana
2. Lésions précancéreuses
2.1. La leucoplasie ou leucokératose
2.2. Le lichen plan
2.3. L’érythroplasie
2.4. La papillomatose orale floride
2.5. La leucoplasie candidosique
VII. Classification
1. Classification des tumeurs malignes de la gencive
2. Classification TNM
VIII. ETUDE CLINIQUE
1. Type de description : Carcinome épidermoïde
1.1.Interrogatoire
1.2.Signes physiques
1.2.1. Examen local
1.2.2. Examen du reste de la sphère ORL
1.2.3. Examen régional
1.2.4. Examens des appareils et systèmes
1.3.Bilan Paraclinique
1.3.1. Histologie
1.3.2. Bilan d’extension paraclinique
1.3.2.1. Extension loco-régionale
1.3.2.2. Extension à distance
2. Formes cliniques
2.1. Formes histologiques
2.1.1. Mélanome
2.1.2. Fibrosarcome
2.1.3. Ostéosarcome
2.1.4. Chondrosarcome
2.1.5. Maladie de kaposi
2.1.6. Lymphome
2.2.Formes topographiques
2.2.1. A La Mandibule
2.2.2. Au Maxillaire
3. Traitement
3.1. But
3.2. Moyens et Indications
3.2.1. Traitement préventif
3.2.1.1. Prévention primaire
3.2.1.2. Prévention secondaire
3.2.2. Traitement curatif
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. JUSTIFICATIF ET INTERET
II. OBJECTIFS DE L’ETUDE
III. PATIENTS ET METHODES
1. Cadre d’étude
1.1.Le Service d’ORL
1.2.Le service d’Odontostomatologie
2. Type d’étude
3. Population d’étude
4. Procédure de collecte des données
4.1. Critères d’inclusion
4.2. Critères de non inclusion
5. Analyse des données
IV. RESULTATS
1. Caractères épidémiologiques
1.1. La fréquence des consultations
1.2. Service de consultation
1.3. L’âge
1.4. Le sexe
1.5. La répartition des patients selon le sexe et l’âge
1.6. Le lieu de résidence
1.7. Les antécédents alcoolo-tabagiques
2. Caractères cliniques
2.1. La localisation de la tumeur
2.2. Aspect clinique de la tumeur
2.3. La répartition des tumeurs par stades
2.4. Le type histologique
DISCUSSION
1. Les données épidémiologiques
2. Les données cliniques
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES