Rappels sur les phyllosilicates

Avec l’augmentation de la demande en énergie, les compagnies pétrolières s’intéressent de plus en plus à l’exploration de nouvelles réserves moins faciles d’accès, comme les réservoirs profondément enfouis. Ces réservoirs atteignent des profondeurs de l’ordre de 4000 à 5000 m voire plus et sont susceptibles de présenter des régimes de pression anormaux. Dans le cadre de l’exploration/production, il est  très important de connaître la pression dans le milieu avant le forage. En effet, afin d’équilibrer les pressions dans le système, une boue est injectée à une certaine pression au moment du forage. Cette pression de boue doit empêcher les fluides présents dans la roche d’envahir le puits et il est donc nécessaire de l’ajuster au mieux pour éviter les accidents. Ainsi la prédiction des surpressions est un enjeu important pour les compagnies pétrolières. Plusieurs mécanismes ont été avancés pour expliquer l’origine des surpressions dans les réservoirs profondément enfouis (Wangen (2001)) : la compaction mécanique, la pression hydrothermale, la génération d’hydrocarbures, la cimentation de l’espace poreux et la libération d’eau par réaction minérale. C’est à la contribution de ce dernier phénomène que nous nous sommes intéressés et en particulier à la réaction de déshydratation des smectites.

Les smectites et les illites font partie de la famille des phyllosilicates 2/1. Un feuillet est formé par une alternance de couches octaédriques, majoritairement constituées de cations aluminium (Al3+), intercalées entre deux couches tétraédriques, majoritairement constituées de cation silicium (Si4+) (Bailey et al. (1971)). L’espace entre deux feuillets est appelé espace interfoliaire. Les smectites présentent la particularité de pouvoir insérer dans leur espace interfoliaire des molécules d’eau et de les relâcher en fonction, par exemple, de la température en voyant leur volume molaire varier. C’est pourquoi on les appelle « argiles gonflantes ». Les smectites présentent une grande variabilité chimique. Les feuillets, chargés négativement, sont sujets à de nombreuses substitutions cationiques et le cation compensateur situé en site interfoliaire peut être de nature très variée, généralement un alcalin ou un alcalino-terreux. Les illites sont des « argiles non gonflantes » (Bailey et al. (1984)) elles sont classiquement décrites comme ayant une charge interfoliaire élevée. Ces minéraux sont très fréquemment présents dans les bassins sédimentaires et, lors de l’enfouissement, les smectites peuvent être amenées à se déshydrater ou à s’illitiser. La température de déshydratation ainsi que le bilan volumique entre la réduction du volume solide et l’augmentation du volume d’eau libéré sont des variables importantes à déterminer.

Ainsi pour une perméabilité de roche donnée, la surpression générée par la déshydratation pourra être estimée.

L’illitisation et la déshydratation des smectites ont souvent été évoquées comme sources de surpressions dans les bassins sédimentaires mais les auteurs (comme Powers (1967) ; Burst (1969) ; Colton-Bratley (1987) ; Audet (1995) ; Osborne et Swarbrick (1997) ; Osborne et Swarbrick (1999) ; Yang (2000)) ayant cherché à quantifier l’effet de cette réaction sur la génération de surpressions se sont heurtés à des difficultés à décrire le comportement cinétique de la réaction ainsi que le couplage de la compaction avec la réaction de déshydratation. Les premiers travaux basés sur la thermodynamique (Ransom et Helgeson (1994a) ; Ransom et Helgeson (1994b) ; Ransom et Helgeson (1995)) ont été freinés par le manque de données sur les paramètres thermodynamiques.

Rappels sur les phyllosilicates 

Les argiles sont des minéraux sédimentaires. Elles ont également une importance très forte dans de nombreux domaines industriels (Bergaya et al. (2006)), que ce soit pour leurs propriétés rhéologiques, comme additifs dans les peintures, fluides de forage, base de cosmétiques, agents solidifiants dans les ciments…, ou pour leurs propriétés de réactivité de surface et d’adsorption, comme support de catalyse, stockage de déchets nucléaires, agents déshydratants, pigments…

Les minéraux auxquels nous nous intéressons au cours de cette étude font partie de la famille des phyllosilicates. Les smectites présentent la particularité de voir leur volume varier en fonction de l’hydratation. Afin de pouvoir étudier leurs propriétés, il convient de bien connaître leur structure.

Structure et compositions chimiques des smectites 

Structure

Le mot « phyllosilicate » contient la racine grecque φύλλον (phyllon) qui signifie feuille. Les phyllosilicates sont donc des silicates dont les tétraèdres [SiO4] 4- sont disposés en feuillets. Ils sont constitués d’une couche de tétraèdres (Bailey et al. (1971)) silicatés liés entre eux par des sommets (Figure 1).

L’autre élément structural des phyllosilicates est la couche octaédrique. Elle est constituée de cations entourés de 6 oxygènes chacun. Chaque cation partage 2 oxygènes (soit une arête) avec chacun de ses voisins .

On distingue deux configurations possibles :
• soit tous les sites octaédriques sont occupés, généralement par des cations divalents (Mg2+, Fe2+…), on a alors une couche trioctaédrique : les cations partagent deux oxygènes avec chacun de leurs six voisins (Figure 3 a).
• soit deux sites octaédriques sur trois sont occupés principalement par des cations trivalents (Al3+, Fe3+…), formant une couche dioctaédrique où chaque cation partage deux oxygènes avec trois cations voisins (Figure 3 b).

Les différentes familles structurales des phyllosilicates peuvent être définies grâce au type d’assemblage des couches d’octaèdres YO6 et de tétraèdres ZO4 les unes avec les autres. Le cation Y, dans les octaèdres, peut être en coordinence avec trois types de groupements anioniques : (OH)4O2, (OH)2O4 ou (OH)6, en fonction de la famille structurale considérée :
• Si le groupe anionique est (OH)4O2, un des plans basaux est entièrement composé d’OH tandis que l’autre est composé d'(OH)2O4. On a donc un feuillet 1:1 constitué d’une couche tétraédrique et d’une couche octaédrique (Figure 4 a). La kaolinite et les serpentines font partie de cette famille.
• Si le groupe anionique est (OH)2O4, deux couches tétraédriques encadrent une couche octaédrique et forment un feuillet 2:1 (Figure 4 b), comme dans les smectites, illites, micas et talcs. L’espace qui sépare deux feuillets est appelé espace interfoliaire.
• Si le groupe anionique est (OH)6, la couche est complète et peut être alternée avec des feuillets silicatés, c’est le cas des chlorites où l’on observe la succession d’un feuillet 2:1 et d’une couche octaédrique de structure brucitique (Figure 4 c).

Compositions chimiques

Les smectites sont présentes dans une large gamme de compositions chimiques. En effet, la composition chimique des feuillets peut varier au gré de différentes substitutions cationiques induisant une charge négative globale. L’équilibre électrique est maintenu par la présence de cations ou de groupements cationiques situés dans l’espace interfoliaire. Dans la famille des phyllosilicates 2/1 de type micas, le cation prédominant dans la couche tétraédrique est Si4+ mais on trouve souvent des substitutions avec Al3+, voire avec Fe3+. Les octaèdres sont principalement occupés par Al3+ (ou Fe3+) pour les couches dioctaédriques et Mg2+ pour les couches trioctaédriques.

Les smectites ont des charges variables, induites par des substitutions couplées, c’est-à-dire qui mettent en jeu des échanges cationiques dans deux sites distincts afin de respecter l’équilibre des charges. On distingue trois types de substitutions :
• Tschermak ou Tk, entre le tétraèdre et l’octaèdre, elle peut s’écrire de la manière suivante : AlIVAlVI ↔ SiIV(Mg,Fe2+) VI, où IV désigne le site tétraédrique et VI le site octaédrique.
• Pyrophyllitique ou P, entre le tétraèdre et l’interfoliaire. On peut l’écrire : AlIVM I ↔ SiIV□ I , où M est le cation interfoliaire, I désigne l’espace interfoliaire et □ une lacune.
• Illitique ou I, entre l’octaèdre et l’interfoliaire : AlVI3□ I ↔ □ IV3MI ou (Mg,Fe2+) VI2□ I ↔ □ IV2MI , donc AlVI□ I ↔MgVIM I .

Étude bibliographique : la propriété d’hydratation des smectites 

Les smectites présentent la particularité d’exister sous différents états d’hydratation. En effet, leur structure en feuillets leur permet d’insérer dans l’espace interfoliaire des molécules polaires, comme notamment l’eau. L’eau est captée dans la structure des smectites de manière non continue et l’existence des différents états d’hydratation dépend en particulier du cation interfoliaire autour duquel les molécules d’eau s’organisent, de la température (ou de l’activité de l’eau), de la pression et de la densité de charge des feuillets ainsi que de la localisation du déficit de charge.

Mécanisme de gonflement et phénomène d’hystérèse 

Une hydratation par paliers 

En fonction de différents paramètres et notamment de l’humidité relative, l’adsorption d’eau au sein des smectites se fait de manière discontinue, augmentant par paliers la distance basale d’environ 10 Å pour une smectite déshydratée à environ 20 Å pour un état saturé (Nagelschmidt (1936b) ; Bradley et al. (1937) ; Mering (1946) ; Barshad (1949) ; Mooney et al. (1952) ; Norrish (1954) ; Walker (1956) ; Harward et Brindley (1965) ; Harward et al. (1969) ; Watanabe et Sato (1988) ; Sato et al. (1992); Cases et al. (1992) ; Yamada et al. (1994b) ; Tamura et al. (2000), parmi d’autres). Ces états sont thermodynamiquement stables et correspondent à l’intercalation de 0, 1, 2 voire 3 ou 4 couches d’eau (Figure 5) que l’on appelle respectivement feuillets 0W, 1W, 2W, 3W et 4W.

Les molécules d’eau s’agencent de façons différentes autour du cation interfoliaire en fonction de l’état d’hydratation considéré, comme nous le verrons ultérieurement. Si l’on représente la distance basale en fonction de l’humidité relative (Figure 6), on observe une courbe constituée de différents paliers, chacun d’entre eux correspondant à un état d’hydratation donné. Le graphique est constitué de segments séparés par la transition d’un état hydraté à un autre et de plateaux où le régime est stable pour un état donné (Likos (2004)).

Il semblerait néanmoins que dans certains cas, on observe des phases intermédiaires où l’on aurait coexistence de plusieurs états d’hydratation, notamment dans le cas de smectites synthétiques ou des Li-montmorillonites (Tamura et al. (2000) ; Tambach et al. (2006)). Cependant quelques anciennes études (Hofmann et Bilke (1936) ; Nagelschmidt (1936a)) rapportent une variation continue du paramètre basal entre deux paliers successifs quand on augmente l’hydratation. Ces états intermédiaires sont témoins d’une interstratification entre différents hydrates (MacEwan et Wilson (1980) ; Moore et Hower (1986) ; Watanabe et Sato (1988)). En effet, on observe la présence de réflexions asymétriques et irrationnelles entre deux états d’hydratation. Ces réflexions indiquent la présence d’une structure interstratifiée constituée de deux états d’hydratation. Cases et al. (1997) ont conclu que les smectites sodiques étaient constituées d’un mélange d’hydrates 0-, 1-, 2-, ou 3W dont les proportions varient en fonction des conditions d’humidité relative. Une hétérogénéité dans la distribution de charge dans les feuillets (Figure 7), phénomène courant dans les smectites (Cuadros et al. (1999) ; Vantelon et al. (2001) ; Sainz Diaz et al. (2001) ; Vantelon et al. (2003)), semble être la cause de cette hétérogénéité d’hydratation (Iwasaki et Watanabe (1988) ; Ferrage (2004)).

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Rappels sur les phyllosilicates
I. Structure et compositions chimiques des smectites
I.1. Structure
I.2. Compositions chimiques
II. Étude bibliographique : la propriété d’hydratation des smectites
II.1. Mécanisme de gonflement et phénomène d’hystérèse
II.1.1. Une hydratation par paliers
II.1.2. Hystérèse
II.1.3. Mécanisme de gonflement
II.2. Influence des différents paramètres sur l’hydratation des smectites
II.2.1. Nature et charge du cation interfoliaire
II.2.2. Salinité de l’eau et température
II.2.3. Pression
II.2.4. Densité et la localisation des charges des feuillets
II.3. Densité de l’eau dans l’espace interfoliaire
Conclusion
Chapitre 2 : Méthodologie/ Matériels et méthodes
I. Synthèses
I.1. Gamme de compositions chimiques
I.2. État de l’art des synthèses de smectites
I.2.1. Synthèses hydrothermales
I.2.1.1. Produits de départ
I.2.1.2. Conditions hydrothermales
I.2.1.3. Influence des paramètres de synthèse
I.2.1.4. Avantages et inconvénients
I.2.2. Autres types de synthèses
I.2.2.1. Synthèses à basses température et pression
I.2.2.2. Synthèses à très hautes température et pression
I.2.2.3. Synthèses par transformation de matériaux synthétiques ou naturels
I.3. Choix de la méthode et description du protocole
I.3.1 Synthèse du gel
I.3.2. Cristallisation
I.3.3. Échanges cationiques
I.4. Synthèses des illites
En résumé sur la synthèse et l’illitisation des smectites
II. Caractérisation chimique par MEB-
II.1. Appareillage et protocole
II.1.1. Appareillage
II.1.1.1 MEB
II.1.1.2. MET
II.1.2. Protocoles
II.1.2.1 MEB
II.1.2.2. MET
II.2. Validation de la méthode
II.3. Précision de la mesure
En résumé sur la caractérisation chimique par MEB-EDS
III. DRX – Méthode de Rietveld
III.1. Appareillage et protocoles
III.1.1 Appareillage
III.1.2. Les différentes configurations et les conditions d’analyse
III.1.3. Mode de préparation des échantillons en fonction des différents états d’hydratation
En résumé sur la DRX et de l’hydratation des smectites
III.2. Étude bibliographique : cristallographie des illites et des smectites
III.3. Méthodes de calculs des paramètres de maille
III.3.1. Méthode inverse
III.3.2. Méthode de Rietveld
III.4. Validation statistique de la méthode et calcul d’erreur
III.4.1. Fidélité de la méthode
III.4.2. Justesse de la méthode
III.4.3. Erreur sur le calcul
En résumé sur la cristallographie des smectites
IV. Analyse thermique
IV.1. L’analyse thermique pour les smectites
IV.2. Appareillage
IV.3. Méthodologie
En résumé sur l’analyse thermique
Conclusion
Chapitre 3 : Détermination des paramètres thermodynamiques
I. Rappels de thermodynamique sur les solutions solides
I.1. Définition
I.2. Les solutions solides par substitution
I.3. Les pôles purs
I.4. Les diagrammes de phases
En résumé sur les solutions solides
II. Étude bibliographique : modèles existants et leurs limites
II.1. Ransom et Helgeson
II.2. Parra et al. 2002
II.3. Vidal et Dubacq 2009
II.4. Dubacq et al. 2010
III. Hypothèses
IV. Mise en place de notre modèle
IV.1. Équation du modèle
IV.2. Calcul des paramètres d’excès
Conclusion

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