Ces dernières années ont vu une résurgence considérable des infections à mycobactéries à travers le monde entier. Cet accroissement est en grande partie attribuable à l’infection à VIH/SIDA même si les conditions socio-économiques défavorables sont toujours impliquées surtout dans les pays en développement. A cela s’associe une augmentation notoire des cas de résistance des mycobactéries aux agents antimycobactériens.
Cette situation nécessite un diagnostic précoce et correct pour une prise en charge thérapeutique adéquate des infections à mycobactéries. Cette prise en charge n’est possible que grâce à l’instauration d’un système sanitaire performant. D’où la nécessité de la mise en place d’un système de qualité pour une maîtrise de cette prise en charge. Dans le souci de la qualité, les activités de l’unité des Mycobactéries du laboratoire de Bactériologie-Virologie de l’hôpital Aristide Le Dantec avaient été suspendues depuis l’année 2001 du fait de l’état de l’équipement. Bénéficiant d’une subvention de l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA) pour l’équipement, de Harvard School of Public Health de Boston pour la réfection des locaux, de l’Union Européenne et de l’Hôpital Aristide le Dantec pour les réactifs et milieux de culture, sa réouverture a été envisagée depuis le début de l’année 2003 et ce travail devrait contribuer à la mise sur pied d’une unité des Mycobactéries respectant les règles relatives à l’assurance qualité et les exigences d’un laboratoire de type III.
Rappels sur les mycobactéries
Les mycobactéries sont des espèces bactériennes appartenant à la famille des Mycobacteriaceae. Celle-ci renferme un seul genre qui est le genre Mycobacterium. Ce sont des bacilles immobiles, aérobies strictes, non capsulées, asporulées et du fait de la structure de leur paroi, ne prennent pas les colorants usuels comme ceux utilisés pour la coloration de Gram. Elles font partie malgré cela, de par leur organisation structurale, des bactéries dites à Gram positif. Elles sont capables en revanche d’être colorées par la fuschine ou l’auramine et de conserver ces colorants malgré l’action conjointe de l’acide et de l’alcool. Elles sont dites acido-alcoolorésistantes, appelées de fait bacilles acido-alcoolo-résistants ou BAAR. Leur culture nécessite des milieux spéciaux. Les mycobactéries appartiennent à la famille des Mycobacteriaceae qui est constituée par des Actinomycetales dont le pseudomycelium rudimentaire se présente habituellement sous la forme de petits bacilles, immobiles, ayant parfois des éléments renflés, cunéiformes ou ramifiés. Plusieurs dizaines d’espèces sont maintenant identifiées.
Du point de vue médical, les mycobactéries peuvent être classées en trois grandes catégories :
– la première catégorie comprend les mycobactéries responsables de la tuberculose humaine :
* Mycobacterium tuberculosis qui est l’espèce type ;
* M. bovis ;
* M. africanum.
La deuxième catégorie regroupe les mycobactéries non tuberculeuses cultivables in vitro. Ces espèces sont aussi désignées sous le nom de Mycobactéries atypiques. Elles sont des mycobactéries pathogènes opportunistes. La troisième catégorie est représentée par M. Leprae et M. Lepraemurium responsables respectivement de la lèpre de l’homme et du rat. Ces dernières ne sont pas ou sont difficilement cultivables in vitro. M. tuberculosis, M. bovis, M. africanum et M. leprae sont toujours pathogènes pour l’homme. A l’exception de M. leprae, elles sont responsables de tuberculose et avec M. microti, elles forment le complexe tuberculosis.
CARACTERES BACTERIOLOGIQUES
Les mycobactéries du complexe tuberculosis
Mycobacterium tuberculosis est l’espèce type de mycobactérie, il est aussi appelé bacille tuberculeux humain ou bacille de Koch (BK).
* Morphologie
C’est un bacille fin, légèrement incurvé de 2 à 5 µm de long et 0,2 à 0,3 µm de large. Ses extrémités sont arrondies. Il est immobile, acapsulé et asporulé. A Gram positif, M. tuberculosis est difficilement colorable par les colorants usuels mais coloré par la fuchsine ou l’auramine, malgré l’action conjointe de l’acide et de l’alcool. Dans les produits pathologiques, il se présente isolé ou en petits amas, parfois sous forme d’ébauches de cordes ou de torsades.
* Structure
De toutes les bactéries, les mycobactéries sont celles dont on peut extraire la plus grande quantité de lipides : 20 à 45 %. Ceux-ci représentent 60 % des constituants de la paroi. Leur structure de base est un peptidoglycane lié de manière covalente à un mycolate d’arabinogalactane.
* Le peptidoglycane
C’est la structure de base de la paroi de toutes les bactéries. Il est constitué de deux sucres aminés et de quatre acides aminés formant de véritables chaînes par des liaisons d’amidation et l’existence de points interpeptidiques.
* Le mycolate d’arabinogalactane
C’est un liposaccharide constitué de disaccharides (arabinose et galactose) liés par des liaisons esters à des lipides spéciaux, les acides mycoliques.
* L’arabinogalactane
Il est formé d’une alternance de molécules d’arabinose et de galactose. Il est caractéristique des bactéries des genres Mycobacterium, Corynebacterium et Nocardia. Biologiquement l’arabinogalactane représente la part active des polysaccharides extraits par fractionnement et qui sont les haptènes et non les antigènes.
* Les acides mycoliques
Ce sont des acides gras ramifiés et hydroxylés formés de 60 à 90 atomes de carbone. Ils confèrent l’acido-résistance aux Mycobactéries.
* Les protéines
Elles sont le support de l’activité tuberculinique et sont extraites du corps bactérien.
* Outre ces composants, la paroi des mycobactéries contient trois
autres glycolipides qui peuvent être extraits par des solvants organiques. Ce sont les cires D, le cord-factor et les mycosides.
* Action des agents physiques et chimiques
Action des agents physiques M. tuberculosis est très sensible à la chaleur, à la lumière solaire, aux rayons X et UV. Il résiste au froid : au réfrigérateur à +4°C, le BK n’est pas affecté dans sa viabilité pendant plusieurs années ; à –70°C, il se conserve indéfiniment. Il résiste également à la dessiccation et la lyophilisation (association dessication-refroidissement) en est un excellent moyen de conservation.
Action des agents chimiques
M. tuberculosis est plus résistant que les bactéries usuelles aux désinfectants chimiques (H2SO4, NaOH). Cette propriété est utilisée pour sélectionner par divers procédés de décontamination, les bacilles tuberculeux des autres bactéries dans les produits pathologiques contaminés. En revanche, il est sensible à l’alcool ; une suspension de BK étant stérilisée en 5 minutes par l’alcool à 90°.
* Culture
M. tuberculosis se caractérise par ses exigences de culture et sa lenteur de croissance. Son temps de génération est de 20 heures en moyenne. Les cultures ne sont donc positives qu’après une ou plusieurs semaines d’incubation à 37° C. Différents types de milieux sont utilisés.
EPIDEMIOLOGIE
Réservoir des germes
M. tuberculosis est un parasite strict de l’homme mais il est capable d’infecter certaines espèces animales vivant à ses côtés. On ne le retrouve donc pas dans la nature en dehors des produits contaminés par l’homme infecté. M. bovis, agent de la tuberculose bovine est capable d’infecter l’homme et certaines espèces animales, notamment le chat, le chien et la chèvre. Strictement parasite des bovins et éventuellement de l’homme et de quelques animaux, M. bovis n’est retrouvé dans l’environnement que s’il a été contaminé par des produits animaux ou humains. M. africanum est un parasite strict de l’homme en Afrique occidentale et centrale.
Les mycobactéries atypiques sont présentes chez les animaux et dans l’environnement. Elles sont retrouvées aussi bien dans le sol, la végétation ou les poussières. M. kansasii et M. xenopi ne sont jamais retrouvés dans le sol et l’eau de ruissellement, mais sont des contaminants de l’eau potable et de l’eau distillée. M. gordonae est l’espèce la plus répandue dans la nature et au laboratoire, elle peut déclencher de véritables invasions, souvent d’origine atmosphérique. Elle est retrouvée dans l’eau de robinet. Fréquemment isolé de l’environnement, M. fortuitum est un commensal habituel de l’homme. M. avium présente grossièrement le même habitat que M. fortuitum et les mycobactéries du complexe terrae.
Transmission
Modes de transmission
M. tuberculosis étant un parasite strict de l’homme, l’homme est à la fois le réservoir et l’agent de transmission du bacille. Les malades possédant une caverne pulmonaire sont les principaux disséminateurs du BK par l’intermédiaire des gouttelettes rejetées à l’occasion de la parole, de la toux ou de l’éternuement. Les animaux infectés au contact avec l’homme (chien, chat) interviennent peu dans la dissémination de la maladie. L’infection humaine à M. bovis s’effectue surtout par l’ingestion de produits laitiers contaminés. La pasteurisation du lait et le contrôle du bétail sont pratiquement arrivés à sa disparition dans les pays industrialisés, ce qui est loin d’être le cas dans les pays en développement. Pour les mycobactéries atypiques, aucune contagion interhumaine n’a pu être établie. Selon toute vraisemblance, les malades s’infectent au contact des animaux ou de l’environnement.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Généralités
Chapitre I : Rappels sur les Mycobactéries
1- Introduction
2- Caractères bactériologiques
3- Epidémiologie
4- Pouvoir pathogène
5- Diagnostic biologique des infections à mycobactéries
6- Eléments de thérapeutique
Chapitre II : Assurance qualité dans un laboratoire de Mycobactéries
1- Introduction
2- Les locaux
3- Le personnel
4- Les procédures
5- La sécurité
6- L’équipement et le matériel de laboratoire
7- L’assurance qualité dans la réalisation des analyses
Deuxième partie : Mise en place de l’unité des Mycobactéries
Chapitre 1 : Cadre de l’étude
1- Présentation de l’hôpital Aristide le Dantec
2- Le laboratoire de Bactériologie-Virologie
Chapitre 2 : Matériel et méthodes
1- Matériel
2- Méthodologie
Chapitre 3 : Résultats
1- Les locaux
2- L’équipement du laboratoire
3- Le personnel
4- Réactifs, consommables et milieux de culture
5- Préparation des milieux et réactifs
6- Manuel des procédures et contrôle de qualité
7- Réception des premiers prélèvements
Chapitre 4 : Commentaires
Conclusion
Bibliographie
Annexes