Rappels sur les caractéristiques spectrales des diodes laser à semiconducteur

L’obtention de sources stabilisées, monomodes et accordables reste pour certaines applications (horloge atomique, LIDAR, télécommunications…) un vaste sujet d’études. Une solution bien connue et couramment employée consiste à mettre un élément filtrant en cavité externe et de réinjecter ensuite la lumière filtrée dans la diode laser. Nous proposons d’étudier l’apport d’un nouveau filtre réflecteur, le réseau résonant. Après avoir rappelé les caractéristiques spectrales des diodes laser, qui présentent un comportement naturellement multimode, nous reviendrons sur les différents comportements des diodes laser sous réinjection optique et sur les conditions pour obtenir le régime de stabilisation. La partie suivante nous permettra de présenter les différents réflecteurs et montages existants permettant de stabiliser une diode laser avec une cavité externe. Enfin, dans une dernière partie, nous présenterons les caractéristiques du réflecteur proposé, le réseau résonant, et nous discuterons de son intérêt pour améliorer les cavités existantes. Nous ferons ensuite un état de l’art de la stabilisation de diodes laser par réseau résonant.

Rappels sur les caractéristiques spectrales des diodes laser à semiconducteur

Le comportement spectral d’une diode laser est déterminé par son spectre de gain et le type de cavité utilisé. Typiquement, la largeur de bande de gain pour une diode laser est de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres (environ 20 nm pour une diode émettant à 850 nm). Ceci est du à l’existence de bandes d’énergie dans un cristal semiconducteur et non à des niveaux d’énergie discrets dans un cristal dopé ou un plasma ou un gaz. Cette courbe de gain se déduit de la statistique de répartition des porteurs dans les bandes de valence et de conduction, décrite par la statistique de Fermi-Dirac. La cavité qui constitue une diode laser détermine ensuite la position des modes qui peuvent osciller. Les diodes laser les plus courantes sont des diodes de type Fabry-Pérot. Elles sont obtenues simplement en clivant les facettes et en ajoutant éventuellement un traitement antireflet. Le résonateur Fabry Pérot constitué par les deux facettes agit comme un filtre fréquentiel car il va transmettre certaines fréquences sans pertes.

Les longueurs de cavités des diodes laser varient de quelques centaines de micromètres à quelques millimètres. L’ISL correspondant est typiquement de l’ordre de 0.2 nm pour une diode laser émettant à 850 nm et de longueur de cavité égale à 400 µm. La courbe de gain étant beaucoup plus large, l’effet laser sera possible à plusieurs fréquences (Figure 1-1). Expérimentalement, des largeurs de raie élevées sont mesurées pour ce type de laser, de l’ordre de plusieurs dizaines de MegaHertz.

Diodes laser sous réinjection optique

La solution donnant les meilleurs résultats en termes de largeur de raie, de comportement monomode, d’accordabilité consiste à utiliser un réflecteur en cavité externe. Cependant, la dynamique temporelle du laser soumis à une réinjection optique peut être très complexe et ne correspond pas nécessairement à un régime stable. Dans cette partie, nous allons brièvement décrire les différents régimes de réinjection et définir les conditions pour se trouver dans un état stable.

Définition des paramètres

On parle de réinjection optique quand un réflecteur externe renvoie la lumière émise dans la cavité laser. Le schéma le plus simple est composé d’un miroir qui réfléchit une partie de l’émission laser dans la cavité .

Cette expérience basique peut engendrer des dynamiques très différentes selon les valeurs des paramètres. Ces phénomènes apparaissent notamment à la suite des réflexions parasites produites par les fibres optiques lors du couplage de la diode laser dans la fibre, générant une source de bruit non négligeable pour les lasers. Dans ce cas, les réflexions sont très faibles, mais ont malgré tout un effet considérable sur le comportement du laser. En fonction des valeurs de certains paramètres, différents comportements du laser sont observés. Une diminution ou une augmentation de la largeur spectrale sont possibles.

Régimes de réinjection
Une étude expérimentale de référence des régimes de réinjection a été menée par Tkach et Chrapylyvy [1]. Dans cette expérience, l’influence de deux paramètres a été testée : la longueur de cavité externe et la puissance réinjectée. Il est ressorti de cette étude que cinq régimes de réinjection existent en fonction des valeurs des paramètres (Figure 1-3). Depuis, cette dénomination est couramment adoptée.

Ces régimes se distinguent par des comportements dynamiques très variables :
● Dans le régime I, le taux de réinjection est faible. La largeur de raie est soit augmentée, soit diminuée en fonction de la phase de l’onde réinjectée. Expérimentalement, ce régime est difficile à observer dans le cas de cavités externes de plusieurs dizaines de centimètres (cavités avec des fibres optiques par exemple).
● Le régime II se caractérise par l’apparition de sauts de mode longitudinaux. Le système privilégie un mode de cavité interne, celui de plus faible largeur de raie [2].
● Dans le régime III, le comportement du laser devient stable et ne dépend plus de la phase de l’onde réinjectée. L’émission est monomode et fixée sur le mode de plus faible largeur de raie [2].
● le régime IV est atteint en augmentant le taux de réinjection. Ce régime est appelé régime chaotique ou régime d’effondrement de la cohérence (coherence collapse) [3]. Il se traduit par une augmentation considérable de la largeur de raie qui peut atteindre plusieurs dizaines de GigaHertz.
● Enfin, le régime V est le régime de stabilisation. Le laser se stabilise sur un mode de cavité externe. Pour atteindre expérimentalement ce régime, une des facettes du laser doit être traitée antireflet. C’est dans ce régime de réinjection forte que la démonstration de lasers stabilisés et accordables a généralement été effectuée [4]. Dans le cadre de cette thèse, nous chercherons plus particulièrement un fonctionnement dans ce régime. Il est plus facile à atteindre que le régime III, qui n’est valable dans une gamme étroite de taux de réinjection est dans une bande étroite et qui est sensible aux autres réflexions parasites.

Ces différents régimes dépendent principalement de la puissance réinjectée. Cependant, il faut noter l’apparition de comportements propres au régime de cavité courte. La cavité est considérée comme courte quand la fréquence correspondant à un aller dans la cavité externe est de l’ordre de la fréquence de relaxation du laser. Cela correspond en pratique à des cavités de l’ordre du centimètre. Dans ce cas, le nombre de modes de cavité externe est faible (une dizaine environ), ce qui réduit la complexité du système. Le système peut alors présenter une dynamique de battement entre modes de cavité externe [6]. Un autre phénomène est apparu théoriquement et expérimentalement : le régime de paquets d’impulsions réguliers [7]. Pour certains paramètres, le laser émet des impulsions à chaque aller-retour dans la cavité, et l’amplitude de ces impulsions est modulée par une enveloppe plus lente. D’un point de vue théorique, le modèle de Lang Kobayashi [8] basé sur les équations d’évolution couplées incluant un terme de retard donne un bon accord avec les mesures expérimentales et a permis de modéliser ce type de comportement. Enfin, dans ce régime de cavité courte, le seuil du régime d’effondrement de la cohérence dépend de la longueur de la cavité externe [9]. Il est possible de le décaler vers de très forts taux de réinjection, voire de le faire disparaitre pour des cavités très courtes .

Ces régimes diversifiés et complexes ont fait l’objet de nombreuses études et ont trouvé des applications dans différents domaines. La réinjection optique est par exemple utilisée pour mesurer la vitesse et la position d’objets. La lumière réfléchie par un objet externe interfère avec la lumière générée à l’intérieur du laser. Ceci entraine des modifications sur les propriétés optiques et électriques du laser. Après traitement des données, des informations sont déduites sur la cible (vitesse, position…). On parle d’interférométrie par rétroaction optique, ou self-mixing [10]. Pour cette application, le taux de réinjection est généralement faible (régime II ou régime III). Dans ce cas, les équations de Lang-Kobayashi permettent de modéliser avec un très bon accord ce régime de fonctionnement. Le régime d’effondrement de la cohérence a été étudié pour le domaine des communications sécurisées par chaos. L’utilisation de deux lasers en régime chaotique synchronisés peut permettre de crypter des données .

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1
1.1 Introduction
1.2 Rappels sur les caractéristiques spectrales des diodes laser à semiconducteur
1.3 Diodes laser sous réinjection optique
1.3.1 Définition des paramètres
1.3.2 Régimes de réinjection
1.4 Diodes laser stabilisées avec une cavité externe
1.4.1 Stabilisation par réseaux de diffraction
a. Montage Littrow
b. Montage Littman
1.4.2 Stabilisation par étalon Fabry-Pérot
a. Montage en V
b. Montage œil de chat
1.4.3 Stabilisation par fibres optiques à réseau de Bragg photoinscrit
1.5 Réseaux résonants pour la réinjection optique
1.5.1 Caractéristiques du réseau résonant
1.5.2 Etat de l’art sur la stabilisation de diodes laser par réseau résonant
1.6 Conclusion
Chapitre 2
2.1 Introduction
2.2 Définition de la cavité équivalente
2.2.1 Eléments de la cavité
2.2.2 Cavité équivalente
2.3 Calcul des paramètres pour un fonctionnement monomode
2.3.1 Condition au seuil de la cavité équivalente
2.3.2 Sélection spectrale dans la cavité équivalente
2.3.3 Choix de cavités à forte sélectivité spectrale
2.4 Calcul des spectres au-dessus du seuil
2.4.1 Calcul du gain au seuil
2.4.2 Calcul du mode principal au-dessus du seuil
2.4.3 Calcul des spectres au-dessus du seuil
2.5 Conclusion
Chapitre 3
3.1 Introduction
3.2 Conception des réseaux
3.2.1 Conception de réseaux résonants infinis
a. Réseau résonant à un atome par maille
b. Réseau résonant à deux atomes par maille
3.2.2 Modélisation de réseaux CRIGF
a. Présentation de la structure
b. Paramètres de conception
c. Comportement d’un filtre CRIGF
3.3 Réalisation technologique
3.3.1 Dépôt des couches minces
3.3.2 Lithographie électronique
a. Préparation des échantillons
b. Conditions d’Insolation
c. Masques des réseaux
3.3.3 Gravure par plasma
3.4 Caractérisation des réseaux résonants
3.4.1 Caractérisation des réseaux résonants infinis
a. Banc de caractérisation
b. Réseaux résonants infinis à un atome par maille
c. Réseaux résonants infinis à deux atomes par maille
3.4.2 Caractérisation des réseaux résonants CRIGF
a. Synthèse des réseaux fabriqués
b. Banc de caractérisation
c. Influence du déphasage entre la zone réseau et la zone DBR
d. Influence de la taille du waist incident
e. Spectres expérimentaux optimisés
f. Etude des tolérances
g. Etude en fonction du pas
h. Influence de la profondeur de gravure
i. Réseaux CRIGF 2D
3.5 Conclusion
Conclusion

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