Les syndromes de pré-excitation sont définis par l’existence anormale d’une voie de conduction supplémentaire et accessoire qui court-circuite une partie des voies normales de conduction, et particulièrement le nœud auriculo-ventriculaire où la conduction subit normalement un retard physiologique [18]. Ils regroupent tous les aspects électrocardiographiques comportant un intervalle PR court, impliquant ainsi un court-circuit atrio-ventriculaire. Le syndrome de Wolff-Parkinson-White (W.P.W) est caractérisé par l’existence, en parallèle des voies normales de conduction, d’un faisceau ou voie accessoire et supplémentaire : le faisceau de Kent. Il s’agit d’une connexion atrioventriculaire qui peut être, par rapport au plan des anneaux atrio ventriculaires, à droite comme à gauche. Ce faisceau est responsable d’une activation précoce d’une partie ou de la totalité du muscle ventriculaire. Le syndrome de W.P.W peut être isolé ou associé à des cardiopathies acquises ou congénitales (le plus souvent à la maladie d’Ebstein). Relativement fréquente, cette anomalie représente la forme la plus courante et la plus caractéristique de la pré-excitation ventriculaire [61]. Ce syndrome représente une entité rythmologique habituellement bénigne, de bon pronostic, bien toléré ne donnant lieu à aucune manifestation clinique en dehors des signes électrocardiographiques [61]. Parfois, il peut être gênant, invalidant, s’accompagnant d’accès de tachycardies paroxystiques supraventriculaires pouvant être responsables de syncope, d’un état de choc, voire de mort subite par fibrillation ventriculaire. Certaines formes, en raison de leurs caractéristiques électrophysiologiques et /ou du terrain, peuvent être très mal tolérées, voire létales. D’après une étude épidémiologique [49] réalisé dans les années 1980 à 1990, en France, l’incidence de mort subite liée au syndrome de W.P.W est estimée à 1,5 par an. La mort subite peut être le premier évènement révélateur du syndrome de W.P.W. Elle est liée à une fibrillation auriculaire conduite rapidement au ventricule par un faisceau accessoire à période réfractaire antérograde courte et provoquant ainsi une fibrillation ventriculaire. Les études électrophysiologiques [39] ont montré que le rythme ventriculaire au cours d’une fibrillation ventriculaire sur syndrome de W.P.W, responsable de syncope, d’arrêt cardiaque ou de mort subite, est clairement corrélé à la durée de la période réfractaire antérograde de la voie accessoire.
HISTORIQUE
Depuis les débuts de l’électrocardiographie, une remarque fut faite sur un certain nombre de sujets, en général jeunes et bien portants, qui avaient :
– un tracé de base « curieux » présentant un intervalle PR court et un complexe QRS large avec empâtement de sa partie initiale.
– des crises de tachycardie paroxystique à début et fin brusques, analogues à celles décrites (avant l’ère de l’ECG) par Bouveret [67].
Le syndrome de W.P.W a été décrit pour la première fois en 1930, à Boston et à Londres, par 3 médecins : un allemand Louis Wolff, un anglais Sir John Parkinson et un américain Paul Dudley White [75]. Ils ont publié une série de cas comportant une triade électrique caractéristique :
– un intervalle PR court sur l’ECG de surface ;
– la présence d’une onde delta (empâtement de la partie initial du QRS) avec un QRS large et une repolarisation ventriculaire anormale (à l’opposé de l’onde delta) ;
– des crises de tachycardies paroxystiques à début et fin brusques.
Ainsi ils émirent une hypothèse : l’existence d’un faisceau accessoire et supplémentaire en parallèle aux voies normales de conduction. Ce qui expliquerait le tracé en rythme sinusal et les accès de tachycardies. Un tel faisceau avait d’ailleurs été décrit par Kent dès 1914 chez l’animal. En 1933, et après avoir repris les travaux de Kent, en faisant l’autopsie d’un patient, Wood [76] retrouve un faisceau atrio-ventriculaire accessoire, de nature musculaire, shuntant partiellement ou totalement la voie de conduction normale et responsable d’une activation ventriculaire par deux voies fonctionnelles distinctes :
➤ La voie nodale ou voie de l’excitation ventriculaire
Caractérisée par un ralentissement initial au niveau du nœud atrio-ventriculaire suivi d’une conduction rapide par le faisceau de His et le réseau de Purkinje.
➤ la voie accessoire ou voie de la pré-excitation
Caractérisée par l’absence de retard préalable, elle est responsable d’une dépolarisation ventriculaire lente s’effectuant de proche en proche. Néanmoins, cette conception ne fut pas admise d’emblée : il a fallu attendre plus de 30 ans pour que l’accord soit unanime. Les succès de la chirurgie de section de ce faisceau vinrent ensuite confirmer la réalité de la théorie de W.P.W [71].
EPIDEMIOLOGIE
Le syndrome de W.P.W est la deuxième [60] cause de tachycardie supra ventriculaire paroxystique dans le monde. La prévalence des voies accessoires auriculoventriculaires dans la population générale est difficile à apprécier avec certitude et elle est probablement sous-évaluée. En effet, la plupart des études épidémiologiques ne prennent en compte que les sujets symptomatiques. De plus, les anomalies électrocardiographiques sont parfois intermittentes et il existe des voies accessoires masquées ou cachées, qui ne seront diagnostiquées que lors d’une exploration électrophysiologique [67]. Le syndrome de W.P.W touche 0,1 à 0, 3% de la population avec 4 nouveaux cas par an pour 100.000 habitants [1]. On estime que 1,5 à 3% des patients sont symptomatiques. Sa prévalence se situe aux environs de 1‰ mais varie entre 0,2 et 4‰ suivant l’âge de la population et le milieu de recrutement (hôpital, population générale) [60]. Dans la majorité des cas, il touche le sexe masculin (environ 70% des cas) plutôt jeune, voire des enfants. La prévalence est plus élevée chez les enfants et les adolescents de moins de 16 ans que chez les sujets âgés de plus de 60 ans où elle n’est que de 0,4‰. Entre les deux tranches d’âge, elle varie de 0,55‰ entre 20 et 39 ans et de 0,96‰ entre 40 et 59 ans [61].
La fréquence [64] est moindre au-delà de 50 ans, soit par involution spontanée du faisceau avec l’âge, soit par décès prématuré des patients du fait de troubles du rythme graves. Le syndrome de W.P.W peut évoluer avec le temps apparaissant ou disparaissant totalement chez 50% des nourrissons avant l’âge de 1 an, chez 27% des enfants avant l’âge de 5 ans, chez 25% des adultes à 10 ans, et chez 17% dans la population générale à 12 ans. Ceci n’est pas corrélé à la fréquence des symptômes mais à la durée de la période réfractaire de la voie accessoire [59]. Il est quatre fois plus fréquent chez les sujets présentant une cardiopathie notamment congénitale où la prévalence n’atteint que 6,5‰ que chez les sujets normaux comme chez les femmes enceintes (0 ,9‰) ou les aviateurs (2‰). Des formes familiales [32] ont été décrites mais non identifiables constamment à cause de la traduction clinique et électrique intermittente de ce syndrome. Une origine génétique est évoquée avec une transmission autosomique dominante. La prévalence est de 5,5‰ chez les parents au premier degré porteurs d’un syndrome de W.P.W. Elle est probablement sous estimée en raison des formes intermittentes (15,1%), mineurs, donc méconnues et des formes latentes et cachées. Les tachycardies paroxystiques [60] surviennent à un âge variable et dès la vie intra-utérine. Dans 65 à 85% des cas, le début se fait avant 30 ans mais aussi après 60 ans. L’âge de début des accès de fibrillation auriculaire est également très variable, allant de 9 à 64 ans (34+/-17 ans). La fibrillation auriculaire « primaire » inaugure la maladie rythmique auriculaire du syndrome de W.P.W dans 13% des cas [23]. L’âge de début de la fibrillation auriculaire primaire ou secondaire est plus tardif que celui des tachycardies paroxystiques allant de 21 à 72 ans (47+/- 17 ans). L’âge de début des formes sévères de fibrillation auriculaire, c’est-à-dire rapides ou mal tolérées, est plus précoce que celui des fibrillations auriculaires dites « bénignes » (36,5+/-13 ans versus 52+/-13 ans) [59].
CLASSIFICATIONS
Le point commun entre les différentes classifications est la difficulté de localisation des voies accessoires à partir de l’électrocardiogramme de surface. Ceci peut être du à leurs nombres, aux insertions atypiques, aux localisations plus sous épicardiques que sous-endocardiques et à la conduction antérograde intermittente ou rétrograde exclusive. Ainsi l’exploration électrophysiologique endocavitaire permet de préciser les localisations exactes. Plusieurs classifications, basées sur la polarité de l’onde delta, l’axe du complexe QRS et la transition R/S sont utilisées.
CLASSIFICATION DE ROSENBAUM (1945)
Elle individualise deux types : A et B. Dans le type A : la pré-excitation est ventriculaire gauche. Le faisceau de Kent s’oriente en avant, en bas et à droite avec des déflexions positives dans les dérivations précordiales surtout droites. Une déflexion négative en V6 peut également s’observer.
Dans le type B : la pré-excitation est ventriculaire droite. Le faisceau de Kent s’oriente en arrière et à gauche avec des déflexions négatives dans les dérivations précordiales droites.
CLASSIFICATION DE PUECH (1955)
Elle identifie deux groupes selon l’exploration endocavitaire et l’orientation de l’onde delta, mais reste difficile à appliquer vu l’existence des formes intermédiaires. Dans le groupe A, le ventricule gauche est activé avant le ventricule droit. Dans le groupe B, l’activation débute dans le ventricule droit avant le ventricule gauche.
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Table des matières
INTRODUCTION
GENERALITES : RAPPELS SUR LE SYNDROME DE W.P.W
I-HISTORIQUE
II-EPIDEMIOLOGIE
III-CLASSIFICATIONS
1-CLASSIFICATION DE ROSENBAUM (1945)
2-CLASSIFICATION DE PUECH (1955)
3-CLASSIFICATION DE BOINEAU (1973)
4-CLASSIFICATION DE FRANK ET FONTAINE (1976)
5- CLASSIFICATION DE GALLAGHER (1978)
6- CLASSIFICATION DE REDDY-SCHAMROTH (1987)
7- CLASSIFICATION DE LINDSAY-CAIN (1987)
8-SYNTHESE
IV- ANATOMO-PHYSIOLOGIE
V- LES VOIES ACCESSOIRES
A-ORIGINES EMBRYOLOGIQUES ET ANATOMIE DU FAISCEAU DE KENT
1-LES FAISCEAUX ACCESSOIRES
a-LES FAISCEAUX ATRIO-VENTRICULAIRES : le faisceau de Kent
b-LES FAISCEAUX NODO-VENTRICULAIRES
2-LES COURTS-CIRCUITS
a-ATRIO-FASCICULAIRES (Brechenmacher)
b-ATRIO-NODAL (James)
VI-PHYSIOPATHOLOGIE
VII-DIAGNOSTIC POSITIF
1-TRADUCTION CLINIQUE
2- DIAGNOSTIC ELECTROCARDIOGRAPHIQUE DU SYNDROME DE W.P.W
VIII- PRINCIPAUX TROUBLES DU RYTHME DANS LE SYNDROME DE W.P.W
1-TACHYCARDIE RECIPROQUE
a-FORME COMMUNE OU ORTHODROMIQUE (90%)
b-FORME ANTIDROMIQUE
2-FLUTTER ATRIAL
3-FIBRILLATION ATRIALE
4-FIBRILLATION VENTRICULAIRE
5-TACHYCARDIE VENTRICULAIRE
IX-CARDIOPATHIES ASSOCIEES AU SYNDROME DE W.P.W
1-CARDIOPATHIES ACQUISES
2-CARDIOPATHIES CONGENITALES
3-AUTRES CARDIOPATHIES
X- EVOLUTION
A-METHODE D’EVALUATION DU RISQUE EVOLUTIF DU SYNDROME DE W.P.W
1-LA CLINIQUE
2-LES METHODES NON INVASIVES
a-ECG et HOLTER ECG des 24heures
b-EPREUVE D’EFFORT
c-LES TESTS PHARMACOLOGIQUES
3-METHODE SEMI-INVASIVE : LA STIMULATION OESOPHAGIENNE
4-METHODE INVASIVE : ETUDE ELECTROPHYSIOLOGIQUE ENDOCAVITAIRE
a-PRINCIPE
b-TECHNIQUE
c-RESULTATS
d-INCIDENTS ET ACCIDENTS
B-MODALITES EVOLUTVES
C-PRONOSTIC
XI-AUTRES FORMES CLINIQUES DU SYNDROME DE PREEXCITATION
1-FIBRES DE MAHAIM
2-FIBRES ATRIO-HISSIENNES DE BRECHENMACHER
3-FIBRES ATRIO-NODALES DE JAMES
4-SYNDROME DE LOWN-GANONG-LEVINE
XII-DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
1-DEVANT UN INTERVALLE PR COURT
2-DEVANT UN COMPLEX QRS LARGE
XIII-DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
XIV-TRAITEMENT
1-LES BUTS
2-LES MOYENS
a-LES ANTI-ARYTHMIQUES
b-L’ABLATION
c-L’ABSTENTION THERAPEUTIQUE
3-LES INDICATIONS
a-LES ANTI-ARYTHMIQUES
b-L’ABLATION
c-L’ABSTENTION THERAPEUTIQUE
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I-METHODOLOGIE
A-CADRE D’ETUDE
B-POPULATION ETUDIEE
a-CRITERES D’INCLUSION
b-CRITERES DE NON INCLUSION
C-METHODE D’ETUDE
a-TYPE ET PERIODE D’ETUDE
b- PARAMETRES ETUDIES
c- ANALYSE STATISTIQUE
II-RESULTATS
1-ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
a-REPARTITION DES PATIENTS SELON L’AGE ET LE SEXE
b- REPARTITION SELON LE STATUT SOCIO-PROFESSIONNEL
c- REPARTITION SELON LE STATUT MATRIMONIAL
d- LA CONSANGUINITE
2-LES PARAMETRES CLINIQUES
a-ANTECEDENTS PERSONNELS
b- LES ANTECEDENTS FAMILIAUX
c- LE TRAITEMENT MEDICAL RECU PAR LES PATIENTS
d- REPARTITION SELON LES CIRCONSTANCE DE DECOUVERTE
e- REPARTITION DES PATIENTS SELON L’AGE DE DEBUT DES SYMPTOMES
f-EXAMEN PHYSIQUE
3-ASPECT PARACLINIQUES
a-ECG DE REPOS
b- ECHOCARDIOGRAPHIE-DOPPLER
c- HOLTER ECG DES 24 HEURES
d- TEST D’EFFORT
e- EXPLORATION ELECTROPHYSIOLOGIQUE ENDOCAVITAIRE
4-TRAITEMENT ET SUIVI DES PATIENTS
III- DISCUSSION ET COMMENTAIRES
CONCLUSION