Rappels sur le fonctionnement des valves cardiaques
Le cœur est un organe creux composé de deux entités distinctes : le cœur droit et le cœur gauche. Chaque cœur est composé d’un ventricule et d’une oreillette séparés par la valve tricuspide pour le cœur droit et la valve mitrale pour le cœur gauche. Il y a la valve aortique entre ventricule gauche et l’aorte ascendante et la valve pulmonaire entre ventricule droite et l’artère pulmonaire (Figure I-1). Le terme de valvulopathie cardiaque (littéralement, maladie des valves cardiaques) désigne divers dysfonctionnements des valves cardiaques. Une étude américaine montre que près de 2.5 % de la population adulte est porteuse d’une valvulopathie (1). Toutes les valves cardiaques peuvent être touchées, mais les valves aortique et mitrale (Figure I-1) sont les plus fréquemment atteintes.
Une valve peut être atteinte de deux manières : un manque de continence à sa fermeture provoquant une fuite (appelée également insuffisance) ou un rétrécissement de la valve (appelé également sténose). Notre proposition d’utiliser la force magnétique ne s’adresse qu’à la correction des fuites valvulaires. Afin d’optimiser ce procédé, il est nécessaire de comprendre précisément la physiopathologie et les traitements actuels des différents types d’insuffisance valvulaires aortique et mitrale.
Valve aortique et insuffisance valvulaire
La valve aortique est une structure complexe que l’on peut décrire comme une unité anatomique et fonctionnelle, la racine aortique. Elle est composée de l’anneau aortique, de trois sigmoïdes semi-lunaires (feuillets valvulaires), de trois sinus de Valsalva, de la jonction sino-tubulaire, des commissures et des triangles sous commissuraux (Figure I-2). Elle sépare la portion terminale de la voie d’éjection du ventricule gauche de l’aorte en assurant la fonction anti-retour à la sortie de la pompe cardiaque vers l’aorte et la circulation systémique.
Dans l’insuffisance aortique, la valve aortique ne se ferme pas complètement. Le sang éjecté du ventricule gauche vers l’aorte peut donc refluer, surchargeant le travail du ventricule gauche qui augmente alors de volume, créant progressivement une insuffisance ventriculaire gauche. L’insuffisance aortique peut être la conséquence d’une anomalie des valves, de la racine, de l’aorte ou des deux à la fois. La fréquence des étiologies respectives s’est modifiée au cours des dernières années avec une nette régression des causes rhumatismales. L’étiologie la plus souvent en cause d’insuffisance aortique est actuellement dans les pays industrialisés d’origine dégénérative (2).
Etiologies et traitements correspondants
Il existe deux formes chirurgicales :
• L’insuffisance aortique dystrophique isolée (dysplasie valvulaire) (3)
• L’insuffisance aortique dystrophique associée à un anévrisme de la racine aortique (maladie annulo-ectasiante) (4) Le choix du type de traitement dépend directement de cette classification.
L’insuffisance aortique dystrophique isolée
Le traitement standard de l’insuffisance aortique isolée est le remplacement valvulaire simple par prothèse mécanique (figure I-3) ou biologique (figure I-4).
La réparation de la valve aortique est presque exclusivement limitée aux patients ayant une insuffisance aortique isolée sans aucune composante de sténose. Afin d’effectuer cette opération, les sigmoïdes doivent être fines et souples, sans calcifications. De nombreuses techniques de conservation valvulaire ont été publiées dans cette indication. La plupart des techniques proposées s’adressent au traitement du prolapsus valvulaire ou de la dilatation d’anneau (5).
Dilatation annulaire
Ce type d’insuffisance aortique est causé par un anneau aortique dilaté entraînant un manque de coaptation centrale des sigmoïdes. Le traitement est la réalisation soit d’une annuloplastie par des points de suture réalisant une plicature des commissures (figure I-5) ou au niveau sous-commissural, soit la pose d’un anneau aortique. Tous ces traitements visent à augmenter la surface de coaptation des sigmoïdes pour corriger la fuite.
Bicuspidie
La bicuspidie aortique se traduit par l’existence de seulement deux sigmoïdes au lieu des trois normalement présentes. Ceci est dû le plus souvent à la fusion de deux sigmoïdes entre-elles. La physiopathologie de l’insuffisance est le prolapsus d’une des sigmoïdes. Cette sigmoïde est fréquemment la fusion des sigmoïde coronaires droite et gauche. Le but du traitement est ici de raccourcir le bord libre de la sigmoïde prolabée, pour qu’elle se coapte avec le bord libre de la sigmoïde normale (figure I-6).
Prolapsus valvulaire sur une valve aortique à trois sigmoïdes
Ce type d’insuffisance aortique est causé par le prolapsus d’une ou plusieurs sigmoïdes. Le bord libre est allongé. L’objectif de cette réparation est de raccourcir le bord libre prolabé pour obtenir une bonne coaptation.
L’insuffisance aortique dystrophique associée à un anévrisme de l’aorte ascendante
En cas d’insuffisance aortique associée à un anévrisme de l’aorte ascendante, le traitement classique est le remplacement valvulaire associé à un remplacement de l’aorte ascendante avec réimplantation des artères coronaires (chirurgie dite de « Bentall », ou apparentée) .
Dans les années 90, Yacoub et David ont chacun proposé une approche différente pour le traitement des insuffisances aortiques dystrophiques associées à un anévrysme de la racine aortique dans un but de préservation valvulaire. Yacoub a proposé de conserver la valve en faisant un remplacement sus-valvulaire de la racine aortique, au moyen d’un tube de Dacron festonné en trois néo-sinus de Valsalva, dans lesquels seront réimplantés les ostia coronaires (technique du Remodeling). Le principe de l’intervention est de réduire le diamètre de la jonction sino tubulaire .
Etiologies et traitements correspondants
La plastie de la valve mitrale est le traitement de choix. Les résultats de cette chirurgie sont très encourageants et leur analyse peut être faite maintenant avec un recul de plus de 20 ans (12). Selon plusieurs études, la valvuloplastie mitrale est envisageable dans plus de deux tiers des cas (13), mais le résultat dépend essentiellement du mécanisme de la fuite, de l’extension des lésions, ainsi que de la technique de réparation utilisée.
L’insuffisance mitrale rhumatismale
La fréquence des étiologies s’est modifiée au cours des dernières années avec une nette régression des causes rhumatismales. La plastie valvulaire dans cette pathologie est rarement possible et donne des résultats peu satisfaisants compte tenu de la nature des tissus et de l’évolutivité de la maladie.
L’insuffisance mitrale dégénérative
La pathologie mitrale la plus fréquente est la pathologie dégénérative. La plastie la plus commune pour traiter cette pathologie est la résection d’une partie d’un des deux feuillets valvulaires prolabés (le plus souvent la partie centrale du feuillet postérieur (petite valve mitrale) (80 %) et la mise en place d’un anneau autour de la valve permettant de «fixer» la réparation et d’empêcher une dilatation secondaire de l’anneau .
L’insuffisance mitrale ischémique
L’insuffisance mitrale ischémique (15) est caractérisée par la présence d’une insuffisance mitrale en rapport avec une atteinte ischémique du ventricule gauche. Les valves sont structurellement normales. Sa prévalence est de 19 %. Sur le plan clinique, on distingue deux grands groupes :
– Les insuffisances mitrales ischémiques aiguës sont observées dans un contexte d’événement coronarien aigu, le plus souvent un infarctus. La présentation clinique est bruyante en cas de complication mécanique avec une fonction ventriculaire gauche sousjacente assez préservée. Deux grands types d’insuffisances mitrales ischémiques aiguës sont observés :
• les insuffisances mitrales ischémiques aiguës en rapport avec une complication mécanique. Elles se traduisent par une rupture partielle voire complète d’un pilier ou parfois de la tête d’insertion d’un cordage. Le tableau hémodynamique est très sévère. Le pronostic en l’absence de traitement chirurgical est effroyable ;
• les insuffisances mitrales ischémiques aiguës fonctionnelles. Une dysfonction isolée de pilier est insuffisante pour créer une fuite majeure. En effet, il faut, en outre, une anomalie de cinétique au niveau de la paroi sur laquelle s’insère le pilier, entraînant une modification de la géométrie du ventricule gauche et un défaut de coaptation par restriction du jeu des valves. Ces insuffisances mitrales répondent favorablement à un traitement par revascularisation coronaire, notamment par angioplastie.
– Les insuffisances mitrales ischémiques chroniques s’observent chez des patients aux antécédents d’infarctus avec dysfonction ventriculaire gauche et des poussées d’insuffisance cardiaque. Il s’agit avant tout d’une atteinte du ventricule plus que d’une véritable atteinte valvulaire. L’insuffisance mitrale est secondaire à un remodelage du ventricule gauche associant dilatation annulaire, désaxassions des piliers par sphéroïdisation de la cavité ventriculaire gauche, restriction des deux feuillets mitraux (souvent plus marquée au niveau de la valve postérieure) qui coaptent en avant du plan de l’anneau.
Le déplacement postérieur et apical des piliers est responsable d’une déformation ou « tenting » de la valve mitrale. Cette déformation et la perte de la contraction systolique constituent les deux principaux déterminants de la sévérité de l’insuffisance mitrale ischémique .
L’existence d’une insuffisance mitrale ischémique est un facteur de mauvais pronostic. Elle est associée à une surmortalité d’origine cardiaque augmentant proportionnellement avec la sévérité de l’insuffisance mitrale. En particulier, un volume régurgitant ≥ 30 ml ou une surface de l’orifice régurgitant ≥ 20 mm2 définissent un sousgroupe à haut risque. Ces fuites sont très dépendantes des conditions de charge du ventricule gauche et sont donc variables dans le temps. La survenue d’une insuffisance mitrale chez un patient ayant une cardiopathie ischémique est un facteur de mauvais pronostic et ce d’autant que l’insuffisance mitrale est plus importante. Les insuffisances mitrales ischémiques volumineuses doivent être corrigées. La chirurgie conservatrice donne de meilleurs résultats que le remplacement valvulaire mitral prothétique. Son traitement repose essentiellement sur l’annuloplastie. Cette technique ne corrige cependant pas les altérations locales du remodelage ventriculaire gauche et pourrait être responsable des mauvais résultats à long terme. La tendance est donc d’essayer d’associer à l’annuloplastie une autre technique s’intéressant, soit au feuillet mitral rétracté, soit au ventricule gauche déformé. De nombreuses techniques ont étés proposées comme la section des cordages de second ordre, le cerclage ou le rapprochement de piliers, l’élargissement de la petite valve mitrale, la technique d’Alfieri (bord à bord) (29), la plicature de la paroi infarcie, la technique de Dor ou modifiée (15).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I: Valvulopathies cardiaques : Anatomie, physiopathologie et traitements actuels
I-1 Introduction
I-2 Rappels sur le fonctionnement des valves cardiaques
I-2.1 Valve aortique et insuffisance valvulaire
I-2.1.1 Etiologies et traitements correspondants
I-2.1.1.1 L’insuffisance aortique dystrophique isolée
I-2.1.1.1.1 Dilatation annulaire
I-2.1.1.1.2 Bicuspidie
I-2.1.1.1.3 Prolapsus valvulaire sur une valve aortique à trois sigmoïdes
I-2.1.1.2 L’insuffisance aortique dystrophique associée à un anévrisme de l’aorte ascendante
I-2.2 Valve mitrale et insuffisance valvulaire
I-2.2.1 Etiologies et traitements correspondants
I-2.2.1.1 L’insuffisance mitrale rhumatismal
I-2.2.1.2 L’insuffisance mitrale dégénérative
I-2.2.1.3 L’insuffisance mitrale ischémique (IMI)
I-2.2.1.4 Insuffisance mitrale et cardiomyopathie dilatée
I-2.2.2 Les approches percutanées de correction d’une insuffisance mitrale
I-2.2.2.1 Technique «bord à bord» d’Alfieri
I-2.2.2.2 Annuloplastie mitrale percutanée
I-2.2.2.2.1 Annuloplastie mitrale par l’intermédiaire du sinus coronaire
I-2.2.2.2.2 Annuloplastie mitrale directe
I-3 conclusion
Chapitre II : Limites des traitements actuels et intérêts potentiels des systèmes magnétiques
II-1 Introduction
II-2 Limites des traitements actuels
II-3 Magnétisme et médecine
II-3.1 Utilisation d’aimants à des fins thérapeutiques
II-3.2 Caractéristiques générales des aimants
II-3.2.1 Les matériaux constitutifs des aimants permanents
II-3.2.1.1 Les aciers martensitiques
II-3.2.1.2 Les alnicos
II-3.2.1.3 Les ferrites dures
II-3.2.1.4 Des aimants terres rares
II-3.2.1.4.1 Type samarium-cobalt
II-3.2.1.4.2 Type NdFeB
II-3.2.2 Propriétés magnétiques
II-3.2.2.1 Cycle B(H) d’un matériau magnétique hystérétique
II-3.2.2.2 Calcul de la force de contact
II-4 Conclusion
Chapitre III:Conception d’un système magnétique d’aide à la coaptation
III-1 Introduction
III-2 Caractéristiques générales des aimants
III-3 Application à la valve aortique
III-3.1 L’appareil valvulaire aortique : une structure dynamique
III-3.1.1 Dynamique de la racine aortique au cours du cycle cardiaque
III-3.1.2 L’anatomie de la racine aortique lors de l’éjection ventriculaire (systole)
III-3.1.3 L’anatomie de la racine aortique lors de diastole
III-3.1.4 Variations de la pression aortique
III-3.2 Conception préliminaire du système d’aimants permanents
III-3.2.1 Étude de l’attraction de deux plaques aimantées à Polarisation magnétique multipolaire
III-3.2.2 Validation des modèles analytiques par calcul numérique du champ (en deux dimensions)
III-3.2.3 Estimation de la force de collage requise
III-3.2.4 Dimensionnement des aimants
III-3.3 Fabrication d’aimants
III-3.3.1 Première modèle : Petit implants magnétiques
III-3.3.2 Deuxième modèle : Bande aimantée
III-4 Application à la valve mitrale
III-4.1 Anatomie de l’appareil valvulaire mitral
III-4.2. Dynamique de la valve mitrale
III-4.2.1 Variations de pressions et de volumes intracardiaques au niveau du cœur gauche
III-4.2.1.1 Variations de la pression auriculaire
III-4.2.1.2 Variations de la pression ventriculaire
III-4.2.1.3 Variation du volume sanguin intra-ventriculaire
III-4.3 Conception préliminaire du système d’aimants permanents
III-4.4 Fabrication d’aimants
III-4.4.1 Premier modèle : Bande aimantée moulée dans du Silicone
III-4.4.2 Deuxième modèle : Bande de plasto-aimants ferrite
III-4.4.3 Troisième modèle : Bande fine de plasto-aimants en ferrite
III-5 Les études sur les champs magnétiques statiques et le flux sanguin
III-6 Conclusion
Chapitre IV: Premiers tests et expérimentations in vivo
IV-1 Introduction
IV-2 Expérience in vitro
IV-2.1 Valve aortique
IV-2.1.1 Description du modèle expérimental
IV-2.1.2 Articulations entre les différentes parties
IV-2.1.3 Caractéristiques des aimants implantés
IV-2.1.4 Résultats
IV-3 Expérience in vivo
IV-3.1 Stérilisation des aimants
IV-3.1.1 Effets de la température sur les aimants permanents
IV-3.1.2 Systèmes de stérilisation STERRAD(R)
IV-3.2 Valve aortique
IV-3.2.1 Hypothèse de recherche
IV-3.2.2 Matériel et méthodes
IV-3.2.3 Résultats
IV -3.3 Valve mitrale
IV-3.3.1 Hypothèse de recherche
IV-3.3.2 Matériel et méthodes
IV-3.3.3 Résultats
IV-4 IRM et les Aimants
IV-4.1 Déroulement de l’examen
IV-4.2 Problématique de l’IRM
IV-4.3 Nos aimants vont-ils induire les mêmes conséquences ?
IV-4.3.1 Calcul de la force exercé sur un aimant dans un gradient de champ imposé par un IRM
IV-4.3.2 Expérience pratique
IV-5 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie