RAPPELS SUR LA TUBERCULOSE ET LES MYCOBACTERIES
Dรฉfinitions
La tuberculose
Selon lโUnion Internationale de Lutte Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (U.I.C.T.M.R), ยซla tuberculose est une maladie infectieuse provoquรฉe dans la plus part des cas par un bacille appelรฉ Mycobacterium tuberculosis ยป [89].
Les Mycobactรฉries
Les mycobactรฉries sont des bacilles ร Gram positif faible, caractรฉrisรฉes par leur aptitude ร conserver la coloration malgrรฉ l’action combinรฉe de l’alcool et des acides diluรฉs; elles sont appelรฉes Bacilles Acido-Alcoolo Rรฉsistants (BAAR). Les mycobactรฉries se distinguent รฉgalement par leur mรฉtabolisme aรฉrobie stricte ou micro aรฉrophile et par leur croissance lente voire trรจs lente (2 jours ร 8 semaines) [34].
Historique
La tuberculose est connue depuis des milliers dโannรฉes ; les sรฉquelles de cette maladie ont mรชme รฉtรฉ identifiรฉes sur des momies รฉgyptiennes. Les Grecs la nommaient ยซ phtisie ยป, cโest ร dire une consomption, la comparant ร un feu intรฉrieur qui brรปlait les viscรจres. Aux รขges obscurs, lโinfection tuberculeuse รฉtait pour les hรฉbreux un des chรขtiments divins. Hippocrate (Vรจme -IVรจme siรจcle), Galien (IIรจme siรจcle) tentaient dรฉjร de donner une explication ร cette maladie qui รฉtait le plus souvent confondue avec bien dโautres affections pulmonaires. Il faudra attendre les XVIIIรจme et XIXรจme siรจcles pour faire la part de ce qui revient dans la phtisie ร la tuberculose et progresser significativement dans la comprรฉhension de cette maladie.
Cโest ainsi que ยซ les caries vertรฉbrales ยป du moyen รขge ont รฉtรฉ reconnues comme dโorigine tuberculeuse par P. Pott (1713-1788) [26]. G. B. Morgani (1682-1771) a fait des progrรจs spectaculaires ร lโanatomie pathologique clinique, ce qui a permis ร G. L. Bayle (1774-1816) de dรฉcrire la granulation miliaire et les aspects anatomiques de la phtisie tuberculeuse. Peu ร peu le mot phtisie va tomber en dรฉsuรฉtude jusquโร รชtre dรฉfinitivement รฉcartรฉ du vocabulaire en 1891. Il va รชtre remplacรฉ par ยซ tuberculoseยป, employรฉ pour la premiรจre fois dans son sens actuel par le mรฉdecin allemand Schรดnlein en 1834 [26, 33]. Cโest surtout grรขce aux travaux de H. Laennec que la tuberculose a trouvรฉ son identitรฉ. Dans son livre โโDe lโauscultation mรฉdiateโโ, publiรฉ en 1819, il isola et reconnut la tuberculose quโil distingue des autres affections pulmonaires. Il affirma son unicitรฉ tant sur le plan anatomique que sur le plan clinique. La tuberculose devenait alors un flรฉau et conduit ร la crรฉation dโรฉtablissements spรฉcialisรฉs (sanatoriums) dont le premier fut ouvert en 1854 en Allemagne. En 1865, JA. Villemin, sโappuyant sur les expรฉriences quโil avait pratiquรฉes sur les lapins conclua que la tuberculose est le fait dโun agent causal spรฉcifique. En 1882, R. Koch dรฉcouvre le bacille tuberculeux humain : Mycobacterium tuberculosis et rรฉussi sa culture sur sรฉrum de bลuf coagulรฉ en 1884. Il mit au point la tuberculine. En 1895, W. C. Roentgen dรฉcouvrit les rayons X, et C. Forlanini (1847-1918) rรฉalisa les premiรจres radiographies pulmonaires en Italie dรจs 1896. En 1885, Ziehl et Neelsen mirent au point une mรฉthode de coloration spรฉcifique aux mycobactรฉries basรฉe sur leur acido-alcoolo-rรฉsistance. Cette mรฉthode de coloration est aujourdโhui utilisรฉe dans les laboratoires dโanalyses mรฉdicales pour le diagnostic bactรฉriologique de la tuberculose. A partir de 1895 de nombreuses mycobactรฉries furent dรฉcouvertes. En 1909 la tuberculine fut utilisรฉe par C. Mantoux (1879-1947).
A. Calmette (1863-1933), mรฉdecin et C. Guรฉrin (1872-1961), vรฉtรฉrinaire avaient constatรฉ que lโensemencement dโune souche virulente de Mycobacterium bovis sur un milieu fait de pomme de terre, bile de bลuf et de glycรฉrine nโaltรฉrait, en dehors de son pouvoir pathogรจne aucun des caractรจres principaux du bacille, notamment pas celui dโinduire une allergie. Des ensemencements rรฉpรฉtรฉs 230 fois entre 1906 et 1921 ont rendu la souche inoffensive. Dรจs 1921 la vaccination par le BCG (bacille de Calmette et Guรฉrin) fut utilisรฉe chez lโhomme. La chimiothรฉrapie antituberculeuse est apparue ร la fin de la deuxiรจme guerre mondiale. En effet, jusquโaux annรฉes 1950, les traitements antituberculeux furent lourds et trรจs souvent inefficaces. En 1944, S.A. Waksman dรฉcouvrait le premier antibiotique actif contre le bacille tuberculeux : la Streptomycine. Dโautres mรฉdicaments seront dรฉcouverts dans les vingt annรฉes qui ont suivi :
โคย lโEthambutol en 1951,
โคย lโIsoniazide et le Pyrazinamide en 1952,
โคย lโEthionamide en 1956,
โคย la Rifampicine en 1969.
La disponibilitรฉ dโun traitement efficace a eu cependant un impact trรจs favorable sur lโรฉvolution de la tuberculose. Pourtant, sa rรฉgression avait commencรฉ avant la dรฉcouverte des antibiotiques suite ร lโamรฉlioration des conditions de vie des populations. Ce fait illustre bien le caractรจre social de cette maladie dont lโapparition et lโรฉvolution sont fortement liรฉes ร la pauvretรฉ [26].
Caractรจres bactรฉriologiques
Classification des mycobactรฉries
Les mycobactรฉries pathogรจnes spรฉcifiques sont celles de la tuberculose et celle de la lรจpre (Mycobacterium leprae) [34]. Lโagent responsable de la tuberculose est une mycobactรฉrie, appartenant ร la famille des Mycobacteriaceae, ร lโordre des Actinomycรจtales et ร la classe des Shizomycรจtes.
Cette famille renferme un seul genre: le genre Mycobacterium, comportant de nombreuses espรจces [46]. Parmi les espรจces de mycobactรฉries, le complexe tuberculosis est ร lโorigine de la tuberculose et comporte:
โคย Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch (BK)
โคย Mycobacterium bovis
โคย Mycobacterium africanum
โคย Mycobacterium cannetti
โคย Mycobacterium pipenidii
โคย Mycobacterium microti [46].
Les autres mycobactรฉries sont cultivรฉes difficilement in vitro (bacille de la lรจpre humaine: Mycobacterium leprae) et peuvent รชtre confondues avec les bacilles tuberculeux. Ce sont des mycobactรฉries dites non tuberculeuses ou atypiques pouvant infecter lโhomme.
Il sโagit principalement de :
โย Mycobacterium kansasii
โย Mycobacterium avium
โย Mycobacterium xenopi
โย Mycobacterium chelonei ou fortuitum
โย Mycobacterium scrofulaceum
โย Mycobacterium marinum
โย Mycobacterium szulgai
โย Mycobacterium ulcerans
โย Mycobacterium malmoenseโฆ
Structure
Les mycobactรฉries ont la structure des bactรฉries ร Gram positif sans enveloppe externe. Leur paroi est trรจs riche en lipides avec des polyosides pariรฉtaux, lโarabinogalactane et la lipoarabinomannane, des glycolipides et une grande richesse en acides gras, les acides mycoliques qui tapissent la surface de ces bactรฉries. Cette paroi complexe confรจre une grande rรฉsistance dans lโenvironnement et ร la digestion des macrophages .
Morphologie
M. tuberculosis est un bacille fin, lรฉgรจrement incurvรฉ, de 2 ร 5ฮผm de longueur sur 0,2 ร 0,3ฮผm de largeur. Ses extrรฉmitรฉs sont arrondies. Il est immobile, acapsulรฉ, asporulรฉ et se prรฉsente en petits amas ou sous forme isolรฉe, aรฉrobie intra et extracellulaire. Il est trรจs sensible ร certains agents physiques : chaleur, lumiรจre solaire, rayons X ou Ultra-Violet (UV). Il rรฉsiste bien au froid et ร la dessiccation et peut demeurer vivant plusieurs jours dans des produits contaminรฉs tels que des produits dโexpectorations. Il est peu sensible ร de nombreux agents tels que les acides et bases diluรฉs, en revanche, il est tuรฉ rapidement par lโalcool diluรฉ. IL nโest pas colorable par les colorants usuels, mais est colorรฉ par la fuchsine phรฉniquรฉe ร chaud selon la mรฉthode de Ziehl-Neelsen. Il retient le colorant malgrรฉ lโaction combinรฉe des acides diluรฉs et de lโalcool (acido-alcoolo- rรฉsistance) et apparaรฎt alors comme un fin bรขtonnet rouge. Colorรฉ par lโauramine phรฉniquรฉe, il devient fluorescent sous lโinfluence de la lumiรจre UV [34, 58].
Caractรจres culturauxย
Les mycobactรฉries se caractรฉrisent par leur exigence en culture et leur lenteur de croissance. Strictement aรฉrobie, toute diminution en apport dโoxygรจne entrave leur culture. Cette particularitรฉ joue in vivo un rรดle dรฉcisif dans lโarrรชt de la multiplication des bacilles au sein des lรฉsions casรฉeuses. La tempรฉrature optimale de croissance est de 35 ร 37ยฐc. Le pH optimum est de 6,8 ร 7. Lโaspect des colonies est rugueux. M. tuberculosis ne pousse pas sur les milieux de cultures ordinaires, par contre sa pousse est favorisรฉe sur les milieux de culture contenant du sรฉrum, de la glycรฉrine, de la pomme de terre glycรฉrinรฉe, des ลufs. Parmi les nombreux milieux de culture qui ont รฉtรฉ proposรฉs, seul un nombre limitรฉ est couramment employรฉ:
โ Milieux Lowenstein-Jensen (milieu solide) : milieu de rรฉfรฉrence pour la dรฉtermination de la nature eugonique ou dysgonique des colonies,
โ Milieu Middlebrook (milieu gรฉlosรฉ) : les cultures sont examinรฉes ร la loupe binoculaire aprรจs 3 ร 4 semaines (au lieu de 4 ร 6 pour la mรฉthode classique).
โ Milieux liquides : les cultures sur des milieux liquides, soit radioactif (Systรจme Bactec), soit non radioactif (MGIT) permettent de dรฉtecter les bacilles en 8 ร 14 jours.
Le temps de division de M. tuberculosis รฉtant de 20 heures en moyenne, les cultures ne seront positives quโaprรจs au moins trois semaines dโincubation ร 37ยฐC [27, 48].
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : RAPPELS SUR LA TUBERCULOSE ET LES MYCOBACTERIES
II. Dรฉfinitions
I.1. La tuberculose
I.2. Les Mycobactรฉries
III. Historique
IV. Caractรจres bactรฉriologiques
III.1. Classification des mycobactรฉries
III.2. Structure
III.3. Morphologie
III.4. Caractรจres culturaux
III.5. Caractรจres biochimiques
III.6. Caractรจres antigรฉniques
V. Epidรฉmiologie
IV.1. Rรฉservoir
IV.2. Modes de transmission
IV.3. Facteurs favorisants
IV.4. Rรฉpartition gรฉographique
VI. Pouvoir pathogรจne
V.1. Physiopathologie
V.2. Les manifestations cliniques
V.2.1. Les formes pulmonaires
V.2.2. La forme extrapulmonaire
VII. Traitement de la tuberculose
VII.1. Les drogues antituberculeuses
VII.2. Schรฉmas thรฉrapeutiques standardisรฉs au Sรฉnรฉgal
VIII.Prophylaxie
VIII.1.Vaccination par le bacille de Calmette et Guรฉrin (BCG)
VIII.2.La chimiothรฉrapie prรฉventive par lโIsoniazide
CHAPITRE II : LA TUBERCULOSE EXTRAPULMONAIRE
I. La tuberculose ganglionnaire
I.1. Clinique
I.2. Diagnostic Biologique
II. La pleurรฉsie tuberculeuse
II.1. Clinique
II.2. Diagnostic Biologique
II.2.1. La ponction pleurale
II.2.2. La biopsie pleurale
III. La tuberculose ostรฉo-articulaire
III.1. Clinique
III.1.1. La monoarthrite subaiguรซ ou chronique
III.1.2. La spondylite ou spondylodiscite (mal de Pott)
III.1.3. Lโostรฉite
III.2. Diagnostic biologique
IV. La mรฉningite tuberculeuse
IV.1. Clinique
IV.2. Diagnostic biologique
V. La tuberculose urogรฉnitale
V.1. Clinique
V.1.1. Lโatteinte urinaire
V.1.2. Lโatteinte des organes gรฉnitaux
V.2. Diagnostic biologique
VI. La tuberculose digestive
VI.1. Clinique
VI.2. Diagnostic biologique
VII. La tuberculose pรฉricardique
VII.1. Clinique
VII.2. Diagnostic biologique
VIII.La tuberculose dissรฉminรฉe ou miliaire
VIII.1.Clinique
VIII.2.Diagnostic biologique
IX. Autres localisations
IX.1. La tuberculose cutanรฉe
IX.2. La tuberculose oculaire
CHAPITRE III : DIAGNOSTIC BACTERIOLOGIQUE DE LA TUBERCULOSE
I. Prรฉlรจvements
I.1. Prรฉlรจvements pulmonaires
I.2. Prรฉlรจvements extrapulmonaires
I.2.1. Urines
I.2.2. Sang
I.2.3. Liquide cรฉphalo-rachidien (LCR) et liquides dโรฉpanchements (ascites, pleuraux, articulaires, pรฉricardiquesโฆ)
I.2.4. Ponctions dโabcรจs
I.2.5. Biopsies et piรจces opรฉratoires
II. Transport et Conservation
III. Dรฉcontamination
III.1. Mรฉthode ร la N Acetyl L cystรฉine sodique (NALC)
III.2. Mรฉthode de Petroff
IV. Examen direct
IV.1. Rรฉalisation des frottis
IV.2. Coloration des lames
IV.2.1. Technique de coloration par la mรฉthode de Ziehl-Neelsen
IV.2.2. Technique de coloration ร lโauramine
IV.3. Lecture des lames
IV.4. Expression des rรฉsultats
IV.4.1. Aprรจs coloration au Ziehl-Neelsen
IV.4.2. Aprรจs coloration ร lโauramine
V. Culture
V.1. Milieux solides
V.2. Les milieux gรฉlosรฉs semi-synthรฉtiques
V.3. Les milieux liquides
V.3.1. Le milieu MGITยฎ
V.3.2. Le milieu BacT/Alert 3Dยฎ
V.3.3. Le milieu MB Redoxยฎ
V.4. Les Hรฉmocultures
VI. Identification
VI.1. Identification phรฉnotypique
VI.2. Identification gรฉnotypique
VI.3. Mรฉthodes immunochromatographiques
CONCLUSION