En mรฉdecine gรฉnรฉrale, comme son nom lโindique, nous pouvons รชtre amenรฉs ร rencontrer des pathologies en tous genres mรชme parmi les plus rares. Certains syndromes pourront nous sembler totalement รฉtrangers car nous avons dรป les lire une fois dans les livres pendant nos รฉtudes de mรฉdecine puis ne jamais en entendre parler ensuite. La paralysie pรฉriodique familiale fait justement partie de ces maladies rares que la plupart des mรฉdecins ne rencontreront probablement jamais dans leur carriรจre. Comme pour toutes les maladies rares, le diagnostic prรฉcis et rapide est trรจs difficile ร รฉtablir. Souvent les patients souffrent dโune errance diagnostique durant plusieurs annรฉes associรฉe ร un important retentissement psycho social. En effet, les principaux symptรดmes รฉtant reprรฉsentรฉs par une faiblesse musculaire des membres associรฉe ร une hypokaliรฉmie ; ceux-ci sont trรจs frรฉquents en mรฉdecine et les causes peuvent รชtre trรจs diverses et variรฉes. Parmi les nombreuses รฉtiologies, probablement celle qui sera รฉvoquรฉe en dernier par sa raretรฉ, la paralysie pรฉriodique familiale hypokaliรฉmique ou maladie de Westphal en fait partie. Cette pathologie se caractรฉrise par la survenue dโaccรจs de paralysie transitoire rapidement rรฉgressifs.
Rappels sur la physiologie musculaire
Structure du muscle squelettique
Afin de bien comprendre les caractรฉristiques physiopathologiques de cette pathologie musculaire quโest la paralysie pรฉriodique hypokaliรฉmique familiale (HypoPP), il est important de rappeler de faรงon succincte les principales caractรฉristiques physiologiques de base du fonctionnement musculaire. Dans notre organisme, on distingue trois types de muscles : squelettiques, cardiaques et lisses. Le muscle squelettique reprรฉsente la masse musculaire la plus importante de la musculature somatique et il est placรฉ sous le contrรดle de la volontรฉ. Il sโagit dโun tissu dotรฉ de propriรฉtรฉs de contractions permettant la production de mouvements. Cโest ce type de muscle auquel nous allons particuliรจrement nous intรฉresser puisquโil sโagit de la structure atteinte en cas de paralysie pรฉriodique. Le muscle squelettique est formรฉ de fibres musculaires individuelles disposรฉes en parallรจle et entourรฉes par du tissu conjonctif. Chacune de ces fibres est une longue cellule cylindrique multinuclรฉรฉe entourรฉe dโune membrane cellulaire, le sarcolemme. Les fibres musculaires sont composรฉes de plusieurs centaines de myofibrilles (รฉlรฉments contractiles spรฉcialisรฉs) qui se divisent elles-mรชmes en filaments individuels disposรฉs de faรงon trรจs rรฉguliรจre. Elles sont entourรฉes dโune membrane plasmique puis dโune membrane basale. Les membranes basales se rรฉunissent pour former le tendon .
Une myofibrille est faite de lโalternance de bandes sombres (bandes A) et de bandes claires (bandes I). La bande A est constituรฉe par un faisceau de filaments รฉpais et par la partie des filaments fins qui chevauchent leurs deux extrรฉmitรฉs. La partie centrale de la bande A est constituรฉe dโune bande H plus claire que la bande A et dโune strie M au centre de la bande H plus sombre. Cette structure est due ร la prรฉsence de filaments fins dโactine et de filaments รฉpais de myosine. La bande I contient la partie des filaments fins qui nโappartient pas ร la bande A ; elle ne contient donc que des filaments fins mais seulement une partie de ceux-ci. Au milieu de chaque bande I, il existe une ligne sombre transversale, la strie Z (Figure 2). La zone de myofibrilles comprise entre deux stries Z est le sarcomรจre qui constitue lโunitรฉ fonctionnelle de base du muscle squelettique. Les sarcomรจres sont donc responsables de la striation transversale observรฉe en microscopie optique (ร partir dโune coupe longitudinale du muscle). (2) Chaque sarcomรจre est composรฉ de deux sortes de filaments : les filaments fins et les filaments รฉpais. Des groupes dโenviron 200 filaments fins et รฉpais constituent une myofibrille. Chaque myofibrille est enveloppรฉe par un sac membraneux complexe, appelรฉ rรฉticulum sarcoplasmique dont lโintรฉrieur est entiรจrement sรฉparรฉ du cytoplasme de la fibre. Ce systรจme membraneux est un rรฉservoir pour le recaptage et le recyclage du calcium. La membrane de surface (sarcolemme) sโinvagine pour former au niveau de chaque sarcomรจre, deux tubules T (pour transverse) qui sont en contact รฉtroit avec le rรฉticulum sarcoplasmique formant une triade.
Les filaments fins sont constituรฉs de plusieurs types de molรฉcules : lโactine G (protรฉine globulaire reprรฉsentant le constituant principal), la tropomyosine et la troponine. Ils se disposent en deux chaรฎnes linรฉaires qui sโenroulent lโune autour de lโautre pour former une double hรฉlice .
Les filaments รฉpais sont faits de lโassemblage de molรฉcules dโune protรฉine, la myosine. Celle-ci est faite de deux chaines lourdes et de quatre chaines lรฉgรจres. Cโest la tรชte (portion S1) qui se lie ร lโactine. La portion S2 (queue et partie flexible) sโunit ร dโautres molรฉcules pour former le filament รฉpais . Les parties caudales de ces molรฉcules sont rassemblรฉes parallรจlement. Les tรชtes globulaires dรฉpassent en pรฉriphรฉrie de ce filament et sont donc disponibles pour pouvoir se fixer aux filaments fins dโactine. Les molรฉcules de myosine รฉtant disposรฉes en deux groupes tรชte-bรชche, la partie centrale du filament est dรฉnudรฉe, cโest-ร -dire dรฉpourvue de tรชte globulaire.
Il existe des ponts dโunion entre filaments fins et รฉpais. Chacun a deux sites fondamentaux dans le processus contractile, le site de liaison ร lโactine et le site de lโATPase de la myosine. Cโest la liaison des molรฉcules dโactine et de myosine au niveau des ponts dโunion qui entraine la contraction de la fibre musculaire par glissement des filaments fins et รฉpais entre eux permettant le raccourcissement du sarcomรจre. Ce phรฉnomรจne se produisant simultanรฉment pour tous les sarcomรจres de la cellule, il en rรฉsulte un raccourcissement global de la cellule musculaire selon lโaxe longitudinal. Dans la fibre musculaire, les filaments รฉpais de myosine sont disposรฉs de telles faรงons que les filaments fins dโactine peuvent glisser entre eux. Ce sont lโidentification de ces deux principales protรฉines contractiles et la comprรฉhension de la faรงon dont elles sont disposรฉes pour donner une apparence striรฉe au muscle squelettique qui ont permis la comprรฉhension du mรฉcanisme de gรฉnรฉration de la force contractile.
Dรฉfinition et description des canaux ioniquesย
Les membranes cellulaires des fibres musculaires (comme celles des autres cellules de lโorganisme) contiennent de nombreux types diffรฉrents de canaux ioniques. Ces canaux sont des protรฉines transmembranaires qui permettent les รฉchanges dโions entre lโintรฉrieur et lโextรฉrieur de la cellule suivant leur gradient รฉlectrochimique (5). Ils confรจrent aux cellules musculaires et nerveuses la propriรฉtรฉ dโexcitabilitรฉ. Ils sont classifiรฉs selon le type dโions quโils laissent passer (gรฉnรฉralement permรฉables ร une seule espรจce dโions), leurs facteurs de dรฉclenchement, leurs modรจles dโexpression tissulaires et leurs caractรฉristiques structurales. Ils peuvent exister schรฉmatiquement dans trois รฉtats physiologiques : ouverts, fermรฉs inactivables (pรฉriode rรฉfractaire) et fermรฉs. Leur dรฉclenchement (ouverture et fermeture) est contrรดlรฉ par la variation du potentiel de membrane (canaux ioniques voltage-dรฉpendants), ou par la fixation dโun ligand sur le versant externe de la membrane cellulaire (Figure 5) (6). Nous allons nous intรฉresser particuliรจrement aux canaux voltage-dรฉpendant cโest-ร -dire sensibles ร lโarrivรฉe dโun potentiel dโaction. Cโest le comportement de ces canaux qui explique les รฉvรจnements รฉlectriques dans les fibres musculaires.
Les canaux ioniques dรฉpendants du voltage sont des protรฉines multimรฉriques insรฉrรฉes dans la membrane cellulaire et contenant un pore dont la permรฉabilitรฉ ionique est sรฉlective. Dโun point de vue gรฉnรฉtique, ces canaux peuvent provenir dโune seule protรฉine ou plus communรฉment de lโassemblage de plusieurs sous-unitรฉs dont la principale est en gรฉnรฉral dรฉnommรฉe a. Chacune des protรฉines รฉtant codรฉe par des gรจnes distincts. Actuellement plus de 400 gรจnes codant pour des canaux ioniques ont รฉtรฉ identifiรฉs (6). Par exemple, les canaux sodium jouent un rรดle essentiel dans lโinitiation et la propagation du potentiel dโaction membranaire. Les canaux potassium assurent une fonction dโaccรฉlรฉration de la repolarisation membranaire. Les canaux chlore permettent le maintien du potentiel membranaire de repos. Nous allons nous intรฉresser particuliรจrement aux canaux calcium dรฉpendants du voltage ; ces canaux รฉtant affectรฉs dans la majeure partie des cas de paralysie pรฉriodique. Dans le muscle, le lien entre les potentiels dโaction et la contraction mรฉcanique est assurรฉ par un complexe protรฉique comprenant un canal calcium voltagedรฉpendant (le rรฉcepteur des dihydropyridines ou DHP), localisรฉ au niveau de la membrane du tubule T ; et le rรฉcepteur de la ryanodine situรฉ dans la membrane du rรฉticulum sarcoplasmiqueย dont lโactivation permet la libรฉration du calcium contenu dans le rรฉticulum sarcoplasmique provoquant alors le raccourcissement des sarcomรจres.
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Table des matiรจres
Introduction
1 Gรฉnรฉralitรฉs
1.1 Rappels sur la physiologie musculaire
1.1.1 Structure du muscle squelettique
1.1.2 Dรฉfinition et description des canaux ioniques
1.1.3 Transport transmembranaire
1.1.4 Dรฉclenchement de la contraction musculaire normale : couplage excitation/contraction
1.2 La paralysie pรฉriodique familiale hypokaliรฉmique
1.2.1 Prรฉsentation gรฉnรฉrale des canalopathies musculaires
1.2.2 Aspects cliniques et biologiques
1.2.2.1 Description clinique
1.2.2.2 Lโhypokaliรฉmie
1.2.3 Moyens diagnostiques
1.2.3.1 Clinico-biologique
1.2.3.2 Gรฉnรฉtique
1.2.3.3 Explorations รฉlectrophysiologiques
1.2.3.4 Biopsies musculaires
1.2.4 Principaux diagnostics diffรฉrentiels
1.2.4.1 Dโune faiblesse musculaire
1.2.4.2 Dโune hypokaliรฉmie
1.2.5 Mรฉcanismes physiopathologiques
1.2.6 Traitements
1.2.7 Mesures prรฉventives et recommandations
1.2.8 รtat de la recherche actuelle sur les canalopathies
1.3 Lโhypertension artรฉrielle
1.3.1 Gรฉnรฉralitรฉs
1.3.2 Lโhypertension artรฉrielle secondaire
1.3.3 Focus : Lโhyperaldostรฉronisme
1.3.4 Principaux traitements de lโhypertension
2 Cas clinique dโune hypoPP familiale associรฉe ร une HTA
2.1 Prรฉsentation du cas
2.2 Dรฉcouverte de lโHTA et bilan initial
2.3 Exploration de lโhyperaldostรฉronisme
2.3.1 Recherche dโHTA secondaire
2.3.2 Recherche du lien entre hyperaldostรฉronisme et kaliรฉmie fluctuante
2.3.3 Recherche dโhyperaldostรฉronisme chez les autres membres atteints de la famille
3 Hypothรจses mรฉcanistiques
3.1 Lโhyperaldostรฉronisme primaire
3.2 Diagnostics diffรฉrentiels
3.3 รtiologies de lโhyperaldostรฉronisme primaire
3.3.1 Lโadรฉnome de Conn
3.3.2 Hyperplasie des surrรฉnales
3.3.3 Hyperaldostรฉronisme par mutation gรฉnรฉtique
3.4 Rรดles du potassium sur les surrรฉnales
3.4.1 Rappels de physiopathologie du systรจme rรฉnine-angiotensine-aldostรฉrone (SRAA)
3.4.2 Rรดles du potassium dans la rรฉgulation de la sรฉcrรฉtion dโaldostรฉrone
3.5 Hypothรจses du lien entre HypoPP et HAP
Conclusion
Bibliographie