Rappels sur la peste

Rappels sur la peste

Généralités sur les rongeurs et leur rôle dans l’épidémiologie de la peste

L’ordre des rongeurs est caractérisé par l’adaptation des incisives au rongement : les deux paires d’incisives n’ont pas de racines et poussent en continu à partir d’une couronne de pulpe. Les rongeurs sont des mammifères très prolifiques et abondants. Leur capacité d’adaptation dans de nouveaux milieux et leur régime omnivore font qu’ils sont présents en grand nombre sur tous les continents. Les rongeurs peuvent se reproduire toute l’année si les conditions climatiques sont optimales et si les conditions d’alimentation et d’abri sont favorables. Théoriquement, une femelle peut avoir une portée toutes les trois semaines.

Le rat noir arrive à maturité à 3 mois et le surmulot à 3,5 mois. La gestation dure environ 22 jours (+/-2), et entre 8 et 15 petits naissent par portée. La fécondation peut avoir lieu dans les 24 heures suivant la mise-bas (oestrus post partum). Les petits naissent sans poils et sont nidicoles. Ils sont sevrés à 28 jours et commencent alors à sortir du nid. La durée de vie du rat noir est d’une année environ dans la nature (entre 6 mois et plusieurs années). Bien que la peste soit surtout une maladie des rongeurs, tous ne présentent pas le même degré de sensibilité.

L’infection naturelle par Y. pestis à été démontrée chez plus de 230 espèces de rongeurs, comprenant des rats, des gerbilles, des marmottes, des écureuils, des chinchillas. Tous ces rongeurs n’ont pas la même importance du point de vue épidémiologique. R. Pollitzer (1954) a effectué un important travail de recensement des espèces de rongeurs sensibles puisqu’il en a dénombré 184. L’ordre des rongeurs comprend 2 sous ordres, les Hystricognathi et les Sciurognathi, qui comportent des familles sensibles à la peste. Parmi les Hystricognathi, les familles des Chinchillidae et des Echimyidae sont affectées par la peste. Au sein des Sciurognathi, on compte 11 familles dont les deux plus importantes dans l’épidémiologie de la peste sont les Sciuridae et les Muridae. Parmi les 16 sous-familles de Muridae, c’est à celle des Murinae qu’appartiennent les rats et les souris (NCBI, 2002). D’autres sous-familles de Muridae sont également sensibles, notamment les Cricetinae (hamsters), les Dendromurinae, les Gerbillinae, et les Otomyinae.

Certaines espèces sont très résistantes au bacille et jouent un rôle dans le maintien des foyers (enzootic hosts). Il s’agit surtout des rongeurs sauvages tels que les Meriones, les écureuils du genre Citellus, les marmottes, les campagnols et les gerbilles. La séroprévalence peut atteindre 100 %. D’autres rongeurs, plus sensibles, sont responsables des épidémies humaines. Ils sont appelés des hôtes d’amplification, et la peste prend chez eux la forme d’épizooties meurtrières (ce sont des epizootic hosts). Il est parfois difficile de classer tous les rongeurs dans l’une ou l’autre des catégories. Leur sensibilité peut varier au sein même d’une espèce et les rats les plus résistants sont sélectionnés lors d’épizooties. A ce facteur intrinsèque s’ajoutent des facteurs extrinsèques qui influent sur l’importance des épizooties, tels que la densité des hôtes, l’intensité de l’infestation par les puces, les espèces de puces vectrices et la virulence de la souche bactérienne en cause. Le rat fait une peste bubonique avec une importante phase septicémique, ce qui permet la contamination de la puce. Il ne fait pas de forme pulmonaire.

Dans la population de rats, un certain nombre d’individus vont survivre à l’infection et être immunisés pendant un certain temps. Il existe des formes chroniques chez le rat mais leur rôle épidémiologique semble limité puisque ce sont les phases de septicémie qui permettent la contamination des puces (Brygoo, E.R., 1974).

Les carnivores

Les carnivores sauvages et domestiques peuvent également s’infecter via une piqûre de puce ou en consommant un rongeur infecté. Les matières virulentes sont le pus des noeuds lymphatiques abcédés, la salive, les particules respiratoires lors de forme pulmonaire et le sang lors de bactériémie. La bactérie se retrouve aussi dans les déjections de puces. La transmission à l’homme peut se faire par simple contact avec les matières virulentes, ou lors de morsure ou de griffure (Servantie, J.-J., 2000). Les chats sont plus sensibles et sont plus au contact des rongeurs que les chiens ; ils constituent ainsi une source de contamination de l’homme plus fréquente. Entre 1977 et 1998, 7,7 % (23/297) des cas de peste humaine survenus dans 8 Etats dans l’ouest des Etats-Unis étaient dus à une contamination par des chats (Gage, K.L. et al., 2000).

Dans 5 cas sur 23, la transmission à l’homme s’est faite par voie aérienne à partir de chats présentant une peste pulmonaire ou des lésions orales ; ces 5 cas humains présentèrent une peste pulmonaire. Pour les 18 autres cas humains (peste bubonique ou septicémique), 8 d’entre eux avaient été griffés et les 10 autres avaient manipulé des chats ou des cadavres de chats. Le chien peut être utilisé comme animal sentinelle car il est moins sensible à la peste et développe une immunité durable. Il a ainsi fait l’objet de surveillance sérologique en Afrique (Kilonzo, B.S. et al., 1993) à Madagascar (Rajerison, M.E., 1999) et au Canada (Leighton, F.A. et al., 2001).

Dans ce pays, le coyote a également été utilisé comme animal sentinelle. Le coyote s’infecte en mangeant des rongeurs morts ou malades ; ainsi l’examen d’un seul coyote renseigne sur toute une population de rongeurs (Acha, P.N. et Szyfres, B., 1989).

Réservoirs

Les foyers de peste humaine présentent le plus souvent des manifestations périodiques de peste. Après une période de silence apparent plus ou moins longue, la peste réapparaît sous une forme épidémique sans pour autant qu’il y ait eu de nouvelle introduction du bacille. Le problème du maintien de la peste dans certaines zones n’est pas encore complètement élucidé. Dans certaines zones, des rongeurs sauvages peu sensibles, infectés de façon latente ou chronique, constituent sans doute des réservoirs de peste. I

ls constituent des foyers de peste naturelle ou selvatique. Ils seraient à l’origine d’épizootie chez des espèces plus sensibles et plus proches de l’homme, ces épizooties précéderaient les épidémies humaines. Le bacille peut aussi survivre pendant l’hiver chez des rongeurs hibernant comme c’est décrit chez les marmottes en Sibérie et chez les chiens de prairie aux Etats-Unis. La maladie circule chez les marmottes pendant toute la période chaude ; les marmottes infectées juste avant l’hiver ne développeraient pas la maladie mais seraient des porteuses asymptomatiques pendant l’hibernation.

Au réveil, elles présenteraient alors une peste clinique, aiguë, responsable de la circulation de la maladie l’année suivante (Pollitzer, R., 1954). Cependant, dans certaines zones, l’existence d’un réservoir constitué par des rongeurs résistants n’a pas été mise en évidence. Ce schéma épidémiologique n’est donc pas valable partout. Il existe en effet des zones où seuls sont présents les rats noirs, sensibles à la peste. Le rat noir semble ainsi parfois jouer à la fois le rôle de réservoir et d’espèce victime. Cela ne serait possible que grâce à ses capacités de reproduction et de recolonisation et grâce à la sélection de rats moins sensibles (Brygoo, E.-R., 1966, IRD, 2002). D’autres hypothèses envisagent la conservation du bacille dans les puces. Suite à une épizootie murine, les puces pourraient rester dans les terriers des rongeurs en attente de la recolonisation de ces terriers par d’autres rongeurs. Certaines puces pourraient rester infectées 365 jours (Acha, P.N. et Szyfres, B., 1989).

Une autre hypothèse serait une conservation endogée de la peste. Le sol serait alors un réservoir responsable de foyers invétérés (Mollaret, H.H., 1963). Le bacille a été isolé dans le sol de terriers de rongeurs morts de peste 11 mois auparavant (Karimi, Y., 1963). Le bacille pourrait aussi passer à un état viable non cultivable, qui ne pourrait être détecté que par PCR. Cette hypothèse reste contestée.

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Table des matières

Introduction
Partie I : Rappels sur la peste
1.Définition
2.Historique
3.Etiologie
4.Epidémiologie
5.Clinique
6.Diagnostic
7.Traitement
8.Prophylaxie
9.Surveillance
10.Législation sanitaire
Partie II : La peste à Madagascar
1.Historique
2.Epidémiologie de la peste à Madagascar
3.Législation sanitaire en place à Madagascar
Partie III : Surveillance humaine, murine et entomologique de la peste à Antananarivo de 1998 à 2001
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
1.Données issues de la surveillance humaine
2.Données issues de la surveillance murine et entomologique
3.Comparaison des données issues de la surveillance humaine, murine et entomologique
RESULTATS
1.Résultats de la surveillance humaine
2.Résultats de la surveillance murine et entomologique
3.Résultats combinés de la surveillance humaine, murine et entomologique dans les 9 quartiers de piégeages d’Antananarivo
DISCUSSION
1.Discussion sur les données issues de la surveillance humaine
2.Discussion sur les données issues de la surveillance murine et entomologique
3.Discussion sur les résultats combinés de la surveillance humaine, murine et entomologique dans les neuf quartiers de piégeages d’Antananarivo
CONCLUSION
Bibliographie
Annexe

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