Les parodontites selon la classification d’Armitage regroupent un ensemble d’entités cliniques caractérisées en plus de l’atteinte de la gencive par une destruction du cément, du ligament parodontal et de l’os alvéolaire (4). Elles résultent de l’exacerbation d’un processus inflammatoire face à un agent infectieux bactérien (43). La perturbation de l’équilibre hôte/microbiote joue un rôle central dans l’apparition et la progression de la maladie. En plus de la présence des bactéries parodontopathogènes, les facteurs génétiques et environnementaux semblent augmenter la susceptibilité de certains individus à développer des réactions inflammatoires sévères (37). L’homéostasie associée à la santé parodontale nécessite une réponse inflammatoire bien régulée au cours de laquelle la présence de cellules T régulatrices (Treg) est essentielle pour limiter les lésions tissulaires (33). Les cellules Treg constituent une sous population des lymphocytes T CD4+ qui jouent un rôle essentiel dans le maintien de la tolérance au soi et de l’homéostasie tissulaire (74). Bien que différents types de cellules T présentant des fonctions régulatrices aient été identifiés, les cellules Treg, constitueraient la population la plus active sur le plan physiologique (8). Pendant longtemps, l’existence des lymphocytes T « helper » de type 1 (Th1) et de type 2 (Th2) a permis à d’expliquer la plupart des réponses immunitaires observées au cours de maladies infectieuses et inflammatoires. Une troisième classe de lymphocytes T « helper », les Th17, caractérisée par la production d’IL-17 a été d’un apport important dans l’élucidation de certains mécanismes dont l’immuno-pathogénèse de maladies inflammatoires. En effet, l’IL-17 induit la synthèse par certaines cellules immunitaires de cytokines proinflammatoires (IL-1β, IL-6, TNF-α), de métalloprotéases qui vont augmenter l’inflammation locale et entraîner destruction tissulaire (61). Dans les tissus gingivaux de patients atteints de parodontite, ces cellules Th17 ont été détectées en quantité importante comparées à celles de témoins sains.
RAPPELS SUR LA MALADIE PARODONTALE
Définition
Les maladies parodontales regroupent l’ensemble des pathologies aiguës ou chroniques des tissus parodontaux. Elles résultent de l’exacerbation d’un processus inflammatoire face à un agent infectieux bactérien (43). On distingue les gingivites (atteinte du parodonte superficiel) et les parodontites (inflammation s’étendant aux structures sous–jacentes avec comme conséquence la perte d’attache et la formation d’une poche parodontale, en plus de l’atteinte de la gencive).
Epidémiologie
La prévalence de la maladie parodontale dans la population est directement liée à certains déterminants ou facteurs de risque qui augmentent la probabilité de contracter la maladie. Le déterminant ne peut être modifié (âge, sexe, ethnie, …) alors que le facteur de risque peut l’être (tabac, hygiène, …) (10). Des études ont utilisé la sévérité de la maladie parodontale comme méthode d’évaluation. Ces études ont donné une image sensiblement différente de la situation de la maladie parodontale à travers le monde. En 2002 et 2003, une étude évaluant la prévalence des parodontites en France, du point de vue du niveau d’attache clinique et de la profondeur de sondage a conclu que 50% des adultes sont susceptibles de souffrir de pertes d’attache sévères (11). Bercy et Tenenbaum ont montré que la parodontite sévère n’affectait que 1 à 8% de la population adulte (82). La prévalence de la parodontite est augmentée par des facteurs de risque, d’où la variabilité d’un individu à un autre. Au Sénégal, aucune étude à l’échelle nationale sur la santé parodontale de la population n’est disponible. En 1997, Diouf a effectué une enquête épidémiologique sur un échantillon de 1000 individus dans la région de Dakar, dont les résultats révèlent une prévalence de parodontite de 17% (24).
Classification
L’évolution des notions sur la pathogénie des maladies parodontales a donné naissance à de nombreuses classifications, basées pour l’essentiel sur des critères cliniques. Plusieurs classifications ont été proposées depuis celle de Page et Schroeder, en 1982 (68) La dernière classification utilisée est celle d’Armitage (4). Cette nouvelle classification est davantage basée sur le concept infection / réponse de l’hôte. Elle est aujourd’hui la plus utilisée pour les recherches cliniques et épidémiologiques. Elle prend en compte un éventail plus large des maladies parodontales .
Classification des maladies parodontales
• Maladies gingivales induites par le biofilm
– Sans facteurs locaux favorisants
– Avec facteurs locaux favorisants
Maladies gingivales modifiées par les facteurs systémiques, Maladies gingivales modifiées par la prise de médicaments, maladies gingivales modifiées par la malnutrition.
➤ Maladies gingivales non induites par le biofilm (virale, génétique, muco-cutanée, allergique)
➤ Parodontites Parodontite chronique : localisée ou généralisée
Sévérité : légère (niveau d’attache clinique < 3mm), modérée (niveau d’attache clinique 3- 4mm), sévère (niveau d’attache clinique > 5mm, caractérisé par la perte d’attache clinique). Destruction en rapport avec les facteurs locaux, associée à des schémas microbiens variables, progression de la maladie lente à modérée, mais avec de possibles périodes de progression rapide, peut intervenir à tout âge, sous une forme localisée ou généralisée. Parodontite agressive : localisée ou généralisée Pertes rapides d’attache clinique et d’os, importance des dépôts microbiens sans relation avec la sévérité de la destruction tissulaire, agrégation familiale de la maladie, souvent associée aux infections à A. actinomycetemcomitans. La forme localisée touche les premières molaires et les incisives, la forme généralisée en plus des premières molaires et des incisives au moins 3 autres dents permanentes.
Parodontites manifestations de maladies systémiques
• Maladies parodontales nécrosantes :
– Gingivite ulcéro-nécrotique,
– Parodontite ulcéro-nécrotique.
• Abcès parodontaux
• Lésions endo- parodontales
• Anomalies acquises ou innées du développement
Etiologie
Les maladies parodontales sont des affections d’origine multifactorielle. La présence de germes pathogènes et les facteurs de risque du patient vont s’associer pour qu’apparaisse le processus pathologique. Cependant, l’exposition chronique à la flore pathogène reste le facteur étiologique majeur.
Biofilm
Des centaines de bactéries différentes colonisent la gencive, le sulcus et les poches parodontales. Parmi elles, on trouve des bactéries bénéfiques pour l’hôte mais aussi des bactéries pathogènes. De nombreux chercheurs ont montré que certains groupes de bactéries présents dans le biofilm sont associés à la maladie parodontale et que ces bactéries sont regroupées en complexe selon leur degré de pathogénicité (figure1) (77).
Défaillances immunitaires
Elles peuvent être innées ou acquises. Les polynucléaires (PMN) et les monocytes ont été le plus souvent incriminés. Ils peuvent être défaillants de par leur codage génétique, ou à cause de maladies systémiques de la crase sanguine ou encore du diabète. Il existe également des déficiences immunitaires génétiquement déterminées qui interviennent particulièrement dans les cas de parodontites agressives. La réponse immuno-inflammatoire de l’hôte peut induire une destruction plus ou moins importante des tissus parodontaux. En effet s’ils permettent à l’hôte de lutter contre l’agression bactérienne, ils peuvent dans certaines situations amplifier la destruction tissulaire (5).
Maladies systémiques
Certaines maladies générales associées au facteur local augmentent la susceptibilité aux maladies parodontales en modifiant la réponse inflammatoire et/ou immunitaire. Il s’agit, des maladies métaboliques (diabète), des maladies hématologiques (leucémie, thrombopénie, neutropénie cyclique), des déficiences nutritionnelles, du VIH Sida, et des facteurs héréditaires .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : RAPPELS SUR LA MALADIE PARODONTALE
1. DEFINITION
2. EPIDEMIOLOGIE
3. CLASSIFICATION
4. ETIOLOGIE
4.1. Biofilm
4.2. Défaillances immunitaires
4.3. Maladies systémiques
4.4. Facteurs environnementaux
4.4.1. Tabagisme
4.4.2. Stress
4.4.3. Médicaments
4.5. Facteurs constitutionnels
4.5.1. Age
4.5.2. Sexe
4.5.3. Facteur génétique
5. MECANISMES PHYSIO PATHOGENIQUES
6. FORMES CLINIQUES DES PARODONTITES
6.1. Parodontite chronique
6.2. Parodontites agressives
6.3. Parodontites associées aux maladies systémiques
6.4. Parodontites ulcéro-nécrotiques
CHAPITRE II : RAPPELS SUR LE SYSTEME IMMUNITAIRE
1. ORGANES LYMPHOÏDES
1.1. Organes lymphoïdes primaires ou centraux
1.2. Organes et tissus lymphoïdes secondaires
1.2.1. Ganglions lymphatiques
1.2.2. Rate
1.2.3. Système lymphoïde associé aux muqueuses (MALT)
2. CELLULES DU SYSTEME IMMUNITAIRE
2.1. Populations lymphocytaires
2.1.1. Lymphocytes T
2.1.1.1. Lymphocytes T CD8+
2.1.1.2. Lymphocytes T CD4+
2.1.1.2.1. Lymphocytes Th1
2.1.1.2.2. Lymphocytes Th2
2.1.1.2.3. Lymphocytes Th17
2.1.1.2.3.1. Rôle des Th17
2.1.1.2.4. Lymphocytes T régulateurs (Treg)
2.1.1.2.4.1. Mécanismes d’action des Treg
CHAPITRE III : CELLULES T REGULATRICES ET TH17 DANS LA PARODONTITE
1. REPONSE IMMUNITAIRE AU COURS DE LA PARODONTITE
1.1. Réponse immunitaire innée au cours de la parodontite
1.1.1. Mécanismes de reconnaissance des pathogènes par les cellules de l’immunité innée
1.1.2. Mécanismes effecteurs de l’immunité innée au cours de la parodontite
1.2. Réponse immunitaire adaptative au cours de la parodontite
1.2.1. Paradigme Th1 / Th2
1.2.2. Rôle des cellules Th17 au cours de la parodontite
1.2.2.1. Profil des cellules Th17
1.2.2.2. Relation entre la présence de cellules Th17 et l’évolution de la parodontite
1.2.3. Rôle des cellules T régulatrices au cours de la parodontite
1.2.3.1. Différents types de cellules T régulatrices
1.2.3.1.1. Cellules T régulatrices naturels
1.2.3.1.2. Cellules T régulatrices inductibles
1.2.3.2. Profil des cellules T régulatrices
1.2.3.3. Relation entre les cellules T régulatrices et l’évolution de la parodontite
2. RELATION ENTRE LES CELLULES T REGULATRICES ET TH17 AU COURS DE LA PARODONTITE
2.1. Antagoniste entre les cellules Th17 et T régulatrices
2.2. Equilibre des cellules Th17 et les cellules T régulatrices
2.3. Perspectives de recherche en parodontologie
2.3.1. Utilisation des cellules T régulatrices dans le traitement parodontal
2.3.2. Valeur pronostique des marqueurs inflammatoires associés aux cellules Th17
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE