RAPPELS SUR LA FONCTION TYHROIDIENNE PENDANT LA GROSSESSE
La sécrétion d’hormones thyroïdiennes est régulée par l’axe hypothalamohypohysaire thyroïdien et dépend de l’apport iodé. Les hormones thyroïdiennes sont la Tétraïodothyronine ou Thyroxine (T4), et la Tri-iodothyronine (T3). Elles exercent un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion hypophysaire de la Thyroid Stimulating Hormone (TSH) et au niveau hypothalamique sur celle de la Thyrotropin-Releasing Hormone (TRH). Les hormones thyroïdiennes synthétisées sont, soit stockées dans la thyroïde, soit libérées dans la circulation sanguine où elles sont prises en charge par des protéines de transport. La grande majorité des hormones thyroïdiennes secrétées est sous forme T4, qui est dite « forme circulante» alors que la T3 est considérée comme la « forme active ».
Le principal transporteur des hormones thyroïdiennes est la Thyroid Binding Globulin (TBG), désignant la protéine à laquelle sont liées les hormones thyroïdienne circulantes T3 et T4. Du côté maternel, placentaire et fœtal, de nombreux facteurs entrent en jeu et engendrent une augmentation de l’activité thyroïdienne. Ces modifications sont directement liées à l’état de gestation : d’une part, la synthèse des œstrogènes et l’augmentation de l’HCG stimulent la production thyroïdienne ; d’autre part, les modifications métaboliques liées à la gestation, induisent une augmentation de la clairance métabolique des hormones thyroïdiennes. Ainsi au cours de la grossesse, la thyroïde doit s’adapter en produisant plus d’hormones thyroïdiennes, sous couvert d’un apport iodé suffisant [3, 4, 5].
Augmentation de l’activité fonctionnelle de la glande thyroïde maternelle
Elévation de l’oestradiolémie et du taux de Thyrosin Binding Globulin (TBG)
Dès le début du premier trimestre de la grossesse, on observe une élévation significative et physiologique de l’oestradiolémie. Cette sécrétion accrue des œstrogènes induit une augmentation du taux de TBG. Son taux sérique augmente dès la 6eme SA jusqu’à la 20eme SA pour ensuite atteindre un plateau. La concentration plasmatique est multipliée par 2,5 ; en préconceptionnel elle varie entre 15 et 16 mg/L et est de 30 à 40 mg/l en per-partum [4, 6].
Action « TSH-like » de l’hormone chorionique gonadotrophinique (HCG)
L’HCG est sécrétée par le placenta. Son taux augmente de manière exponentielle durant les premières semaines de gestation pour atteindre un pic maximal à la fin du 1er trimestre de grossesse. L’HCG stimule la glande thyroïde pendant la grossesse avec un maximum entre la 8eme et la 14eme SA, on parle d’effet « TSH-like ». Dans la deuxième partie de la grossesse, l’HCG atteint un plateau responsable d’une baisse des concentrations des hormones thyroïdiennes et une augmentation progressive de la TSH qui reste le plus souvent dans les limites de la normale .
Apparition de l’activité de la désiodase placentaire de type III
La reverse-T3 et la T3 proviennent de la désiodation de la T4. Trois enzymes interviennent dans la désiodation des hormones thyroïdiennes : les désiodases de type I, II et III. Les types I et II ne semblent pas être modifiés lors de la grossesse. Le placenta contient de grande quantité de désiodase de type III, et cette enzyme permet la conversion de la T4 maternelle en reverse-T3, et de la T3 en T2. Un transfert de la T4 maternelle vers le fœtus se produit tout au long de la grossesse. D’autre part la thyroïde fœtale produit ses propres hormones à partir du 2e trimestre de grossesse, c’est à ce moment que la désiodase placentaire de type III protège le foetus d’une imprégnation excessive en hormones thyroïdiennes d’origine maternelle [4, 5].
Augmentation de la clairance rénale et des besoins en iode
L’iode est indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes. Les besoins en iode recommandés pour une femme enceinte (et pendant l’allaitement) sont de l’ordre de 200 μg/jour à 250 μg/jour en accord avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La filtration glomérulaire chez la femme enceinte augmente précocement et significativement, pour l’iode et d’autres molécules [5, 6].
Augmentation du volume thyroïdien
L’accroissement du volume thyroïdien au cours de la grossesse est une notion connue depuis l’Antiquité. Elle a été authentifiée et quantifiée par l’échographie. À Bruxelles, Glinoer et al. ont montré que le volume thyroïdien s’accroît chez 80 % des femmes enceintes : de 20 à 130 %, en moyenne de 30 %. Ceci est lié à l’action de l’HCG placentaire, éventuellement d’autres hormones trophiques (comme les œstrogènes, l’hormone de croissance et l’insulin-like growth factor [IGF], et la TSH en fin de grossesse) [4].
FONCTION TYHROIDIENNE FOETALE
La thyroïde se développe à partir d’un épaississement du plancher pharyngé sur la ligne médiane et l’extension caudale et bilatérale de la quatrième poche pharyngo branchiale. À 10 semaines de gestation, l’accumulation de colloïde peut déjà être détectée dans les cellules folliculaires de la thyroïde et la synthèse de la thyroglobuline commence.
À partir de la 11-12éme semaine de gestation, la thyroïde fœtale acquiert les capacités de concentrer l’iode et de synthétiser les hormones thyroïdiennes. À la même époque, la TSH et la TBG deviennent détectables dans le sérum. Dès la 17e semaine de gestation, on constate une augmentation progressive des taux de T4, de TSH et de TBG. Dans la seconde moitié de la gestation, on observe chez le fœtus une augmentation significative des concentrations médianes de FT3 (de 0,7 pmol/l à 22 SA, à 1,9 pmol/l à 36 SA) et des concentrations médianes de FT4 (de 6 pmol/l à 22 SA à 14,3 pmol/l à 36 SA). La concentration de TSH n’augmente pas de façon significative (moyenne 10,2 ± 3,8 μUI/l [4,3-22,3]). Les concentrations de FT4 rejoignent celles de l’adulte après 28 SA, les concentrations de FT3 restent toujours inférieures à celles de l’adulte, traduisant un défaut de la conversion périphérique de T4 en T3. Les concentrations de TSH sont toujours supérieures à celles de l’adulte. On peut penser qu’il existe chez le fœtus une relative insensibilité de l’hypophyse au rétrocontrôle par la T4. Les concentrations de TSH, FT4 et FT3 sur le sang du cordon à la naissance entre 36 et 40 SA montrent les mêmes variations par rapport à celles de l’adulte. Elles sont de plus indépendantes de l’âge gestationnel et du sexe entre 36 et 40 SA. Les hormones thyroïdiennes sont indispensables pour le développement cérébral fœtal, elles interviennent à différentes étapes du développement tant au niveau histologique que fonctionnel (neurogénèse, migration neuronale, régulation des dendrites) [1, 6, 8].
PHYSIOPATHOLOGIE DE LA TYHROIDITE DE HASHIMOTO
La thyroïdite de Hashimoto, maladie auto-immune spécifique d’organe, est la conséquence d’une rupture de la tolérance centrale et périphérique du fait de facteurs génétiques et environnementaux. Les mécanismes immunopathologiques font intervenir aussi bien l’immunité cellulaire que l’immunité humorale. Les thyréocytes expriment de nombreux antigènes. Les principaux sont : la Recombinant Thyroid Stimulating Hormone (RTSH), l’antigène majeur des microsomes thyroïdiens ou anticorps anti-thyroperoxydase (TPO), la thyroglobuline (Tg) et plus récemment, le symporteur de l’iodure ou symporteur sodium -iode (NIS) et la mégaline.
➤ La RTSH est une glycoprotéine comprenant cinq domaines extracellulaires participant à la formation du site de liaison avec la TSH (Thyroid Stimulating Hormone). Il est reconnu par plusieurs catégories d’anticorps. Ce récepteur est exprimé sur la face basale des thyréocytes.
➤ La TPO est une glycoprotéine transmembranaire localisée essentiellement au pôle apical des thyréocytes. Cette enzyme clé de la synthèse des hormones thyroïdiennes joue un rôle essentiel dans l’iodination de la Tg et des iodotyrosines. Deux formes différentes de la TPO sont produites par épissage alternatif, toutes deux reconnues par les auto-anticorps et plusieurs déterminants antigéniques ont été identifiés.
➤ La Tg est une macromolécule précurseur des hormones thyroïdiennes et représentant le constituant essentiel de la colloïde. Son immunoréactivité est conditionnée par sa glycolylation et son degré d’iodation. Elle présente une grande diversité antigénique puisqu’une quarantaine d’épitopes ont pu être identifiés. Enfin, il a récemment été montré que le gène de la Tg pourrait être un gène de susceptibilité majeur dans le développement des thyroïdites auto-immunes.
➤ Le NIS est une grosse protéine membranaire exprimée au pôle basal des thyréocytes. Il assure le captage actif de l’iode et son transport jusqu’au pôle apical où il est organifié par la TPO.
➤ Enfin, la mégaline, lipoprotéine exprimée au pôle apical des thyréocytes, est un récepteur de haute affinité pour la Tg ; 50 % des patients ayant une thyroïdite auto-immune présentent des anticorps antimégaline, mais leur rôle dans la pathogénie de la maladie reste encore à établir [9].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITION
2. RAPPELS SUR LA FONCTION TYHROIDIENNE PENDANT LA GROSSESSE
2.1. Augmentation de l’activité fonctionnelle de la glande thyroïde maternelle
2.1.1. Elévation de l’oestradiolémie et du taux de Thyrosin Binding Globulin
2.1.2. Action « TSH-like » de l’hormone chorionique gonadotrophinique
2.1.3. Apparition de l’activité de la désiodase placentaire de type III
2.2. Augmentation de la clairance rénale et des besoins en iode
2.3. Augmentation du volume thyroïdien
3. FONCTION TYHROIDIENNE FOETALE
4. ROLE DU PLACENTA
5. PHYSIOPATHOLOGIE DE LA TYHROIDITE DE HASHIMOTO
6. SIGNES CLINIQUES ET PARACLINIQUES
6.1. Signes cliniques
6.1.1 Circonstances de découverte
6.1.2. Aspects cliniques
6.2 Signes paracliniques
6.2.1 La biologie
6.2.3 Scintigraphie thyroïdienne Elle est contre indiquée au cours de la grossesse
7. INFLUENCES RECIPROQUES
7.1. Influences de la thyroïdite sur la grossesse
7.2. Influences de la grossesse sur la thyroïdite
8. PRISE EN CHARGE
8.1. Au cours du premier trimestre
8.2. Au cours du deuxième et troisième trimestre
8.4. Dans les suites de couches
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
1. CADRE D’ÉTUDE
2. OBJECTIFS
3. NOTRE OBSERVATION
3.1. Etat civil
3.2. Motif de consultation
3.3. Antécédents
3.3.1. Personnels
3.3.2. Familiaux
3.4. Examen clinique
3.5. Conduite tenue
3.6. Accouchement
3.7. Evolution
4. DISCUSSION
4.1. Profil épidémiologique
4.2 Antécédents médicaux
4.3. Signes cliniques
4.3.1. Hyperthyroïdie
4.3.2. Hypothyroïdie
4.4. Signes paracliniques
4.5. Complications
4.6. Traitement
4.7. Déroulement de l’accouchement
4.8. Etat de l’enfant à la naissance
CONCLUSION
REFERENCES