L’esthétique dentaire passe par l’alignement des dents, mais aussi par la couleur de ces dernières. De nombreuses études ont montré que des dents blanches, quel que soit l’âge, ont un impact sur la vie sociale des individus, mais aussi sur l’estime de soi et la confiance en soi (1). Les dents blanches sont synonymes de beauté et de jeunesse. Néanmoins, il est important de faire la différence entre l’éclaircissement et le blanchiment dentaire. L’erreur de langage entraine une confusion dans les attentes du patient. Il est réalisable d’éclaircir une dent et non de blanchir une dent. Le patient doit comprendre l’objectif du traitement et les résultats envisageables. Ainsi, dans la société actuelle, nombre de patients sont préoccupés par la couleur de leurs dents, et se tournent vers la pratique de l’éclaircissement. Cette dernière peut être pratiquée soit à domicile par des produits en vente libre, soit dans les établissements dédiés proposant cette prestation tel que le chirurgien-dentiste.
La couleur d’une dent peut être modifiée de multiple façon : par l’éclaircissement dentaire, mais aussi par l’intermédiaire de micro-abrasion, érosion-infiltration et enfin par une facette ou couronne. L’éclaircissement dentaire représente la technique la moins invasive du gradient thérapeutique. De la même façon, la demande esthétique du patient doit se réaliser par la technique la moins invasive possible.
Les techniques d’éclaircissement ont été décrites il y a plus de 140 ans, mais restent en perpétuelle évolution. Tout d’abord, l’éclaircissement dentaire s’est largement développé au cours du XIXème siècle par l’utilisation de l’acide oxalique par Chapple en 1877 puis de la liqueur de Labarraque par Taff et Athénon en 1879. Ensuite, en 1884, Harlan met en place l’utilisation du peroxyde d’hydrogène et en 1891 du chlorure d’aluminium. Au cours du XXème siècle (1918), Abbot confirme l’utilisation du peroxyde d’hydrogène à 30% avec la lumière ou la chaleur comme accélérateur. (3) En 1989, apparaissent les techniques ambulatoires par Haywood et Heymann pour les dents pulpées vitales. Ces techniques utilisent du peroxyde d’hydrogène à 10% mis en place dans des gouttières. Aujourd’hui, les techniques pour éclaircir les dents vitales découlent de celle de Haywood et Heymann. En effet, il existe de multiples techniques d’éclaircissement nécessitant le recours au chirurgien-dentiste, tel que l’éclaircissement directement au fauteuil ou encore à l’aide de gouttière à domicile. Mais depuis les années 2000, de nombreux traitements d’éclaircissement dentaire en ventes libres sont apparus. Ces traitements, réalisables à la maison et sans l’aide du chirurgien-dentiste, ont permis une mise sur le marché de masse par les groupes pharmaceutiques de produits éclaircissants. Avec cet éventail de techniques d’éclaircissement, le patient peut se retrouver perdu entre efficacité, innocuité et légalité.
Rappel sur la couleur physiologique de la dent
La couleur naturelle d’une dent est caractérisée par trois composantes, d’après MUNSELL en 1909 (8) :
• La teinte : elle est déterminée par la longueur d’onde chromatique dominante de la lumière réfléchie. Elle fait partie du spectre visible, c’est à dire entre 400 et 700 nanomètres. Pour la dent, la teinte se situe dans le jaune-orange.
• La luminosité : elle correspond à la quantité de lumière réfléchie qui détermine le caractère plus ou moins sombre d’une couleur. Si tout le spectre de lumière est réfléchi, l’objet est observé blanc. A l’inverse, l’objet sera noir. La luminosité est le facteur le plus important dans la détermination de la couleur.
• La saturation : il s’agit de la quantité de teinte dans le matériau, c’est à dire la densité de couleur. La saturation est principalement due à la dentine, mais prend aussi en compte la translucidité et l’épaisseur de l’émail.
Cependant, ce système de trois composants ne prend pas en compte d’autres paramètres susceptibles de modifier la perception de la couleur. On peut ajouter trois autres paramètres au système colorimétrique : la fluorescence, la translucidité et l’opalescence.
• La fluorescence : lors d’une exposition à un rayonnement ultraviolet non visible, la dent réémet cette lumière dans un rayonnement du spectre visible. La dent présente une fluorescence bleutée, où la dentine en est à l’origine.
• La translucidité : appelée aussi transparence, il s’agit de la capacité de la lumière à traverser, totalement ou en partie, le matériau ou la dent.
• L’opalescence : il s’agit de la capacité de l’émail à différencier les longueurs d’ondes. Des reflets blancs bleutés sont visibles notamment au niveau du bord libre de la dent.
L’appréciation de la couleur d’une dent est souvent attachée à la subjectivité de l’opérateur mais aussi à des facteurs extérieurs comme la source lumineuse utilisée, l’angle d’observation de la dent, l’heure de la journée. (9) Une dent naturelle parfaite n’est ni blanche, ni homogène. Il existe une mosaïque de couleur autour d’une base « blanc-jaunâtre ». (11) La structure dentaire est stratifiée et non homogène. En effet, les phénomènes optiques sont conditionnés par l’arrangement des cristaux minéraux de l’émail et de la dentine, mais aussi par leur taille et leurs constituants. La structure des tissus conditionne donc la perception visuelle de la couleur. La couleur naturelle de la dent est majoritairement donnée par la dentine. En effet, au cours du vieillissement, l’aspect blanc bleuté de la dentine s’estompe à cause de l’hyperminéralisation. L’émail, plus usé chez la dent âgée, devient plus translucide, voire transparent. La dentine devient, quant à elle, moins opaque et plus saturée. L’état de surface, plus précisément la microgéographie, est également important à prendre en compte dans la perception visuelle de la dent. En effet, plus la dent est jeune et rugueuse, plus la quantité de lumière sera importante. Une dent lise (dent âgée) sera moins lumineuse.
Enfin, toute modification mécanique, chimique et/ou biologique d’un des tissus entraine un changement de la couleur de la dent, et ce, tout au long de la vie.
Étiologie des colorations dentaire
« La dent présente une dyschromie si sa couleur s’écarte de la couleur d’origine » selon Faucher et al en 2001 (11). Les dyschromies sont le résultat de la formation d’un dépôt de composés chimiques chromogènes. La dyschromie varie selon son étiologie, sa localisation (partielle c’est à dire touchant une ou plusieurs dents, ou totale), son aspect, sa composition, son intensité et son adhérence à la surface dentaire.
Il existe deux types de dyschromies :
• Les dyschromies extrinsèques, dites acquises
• Les dyschromies intrinsèques, dites congénitales ou systémiques .
Il est nécessaire de déterminer l’étiologie de la dyschromie pour poser l’indication d’un traitement d’éclaircissement le plus adéquate, et d’évaluer son pronostic Les dyschromies extrinsèques sont plus faciles à traiter car plus superficielles que les intrinsèques qui, ces dernières, exigent des procédés d’éclaircissement plus complexes. Les pigmentations récentes sont plus faciles à éliminer que celles présentes depuis plusieurs années.
Dyschromies extrinsèques
Elles sont superficielles. Elles n’intéressent pas la structure chimique de l’organe dentaire. En effet, elles intéressent la surface de l’émail. Elles sont causées par des agents externes tels que : pellicule acquise, nourriture et boissons (vin, café, thé, carotte, fruits), tabac, plaque dentaire, tartre, produits pharmacologiques contenant de la chlorhexidine (bains de bouche) La pellicule acquise contient des substances protéiques (ions positifs) qui peuvent interagir avec les chromophores des aliments et des boissons (ions négatifs). C’est le premier facteur impliqué dans le changement de la couleur dentaire. (13) Les dyschromies extrinsèques peuvent être la source de dyschromies internes par le passage des pigmentations externes dans une fissure ou une fêlure et ainsi atteignant le complexe amélo-dentinaire.
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Table des matières
I. Introduction
II. Généralités
1. Rappels sur la couleur physiologique de la dent
2. Étiologie des colorations dentaires
2.1. Dyschromies extrinsèques
2.2. Dyschromies intrinsèques
2.2.1. Dyschromies intrinsèques pré-éruptives
a. La fluorose
b. Les tétracyclines
c. Les anomalies congénitales
d. Les anomalies génétiques
e. Les désordres endocriniens
f. Les hypominéralisations traumatiques
g. Le syndrome de Turner
2.2.2. Dyschromies intrinsèques post-éruptives
a. La mélanodontie
b. Le vieillissement physiologique
c. Les endodontopathies
d. Les dyschromies iatrogènes
3. Indications et contre-indications à l’éclaircissement dentaire externe
3.1. Indications
3.2. Contre-indications
III. Techniques avec recours au chirurgien-dentiste
1. Les différents agents éclaircissants et leurs mécanismes d’action
1.1. Peroxyde d’hydrogène, ou eau oxygénée
1.2. Peroxyde de carbamide, ou peroxyde d’urée
2. Réglementations européennes
3. Technique au fauteuil
4. Technique ambulatoire
4.1. Étapes préalables à l’éclaircissement dentaire
4.1.1. Examen clinique et consentement éclairé
4.1.2. Nettoyage prophylactique
4.1.3. Enregistrement de la couleur initiale
4.2. Mise en œuvre de l’éclaircissement ambulatoire
4.2.1. Séance 1
4.2.2. Séance 2
4.2.3. Séance 3
4.3. Technique ambulatoire à l’aide de gouttière pré-chargée
5. Efficacité, innocuité, complications
5.1. Efficacité
5.2. Innocuité et complications
5.2.1. Sensibilités dentaires
5.2.2. Effets sur les tissus mous
5.2.3. Effets sur les matériaux de restaurations dentaires
5.2.4. Altération superficielle de l’émail
5.2.5. Les risques généraux
IV. Techniques sans recours au chirurgien-dentiste
1. Produits en vente libre
1.1. Règlementation européenne
1.2. Les différents produits en vente libre dans le commerce
1.2.1. Les dentifrices
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.2. Les bains de bouche
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.3. Les chewing gum
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.4. Les gouttières universelles
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.5. Les bandes
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.6. Les vernis
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.7. Le fil dentaire
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
1.2.8. Les brosses à dents
a. Efficacité
b. Innocuité et complications
2. Le « fait maison »
2.1. Le citron
2.1.1. Efficacité
2.1.2. Innocuité et complications
2.2. Le bicarbonate de sodium
2.2.1. Efficacité
2.2.2. Innocuité et complications
2.3. Le charbon
2.3.1. Efficacité
2.3.2. Innocuité et complications
2.4. Autres
3. Les bars à sourire
V. Tableaux de synthèse
VI. Conclusion