Les cellulites cervico-faciales d’origine dentaire constituent un des motifs de consultation courants en chirurgie maxillo-faciale. Ce sont généralement des infections banales dont les formes à la phase débutante sont souvent négligées. D’ailleurs, nombreux sont les facteurs qui participent à l’évolution de cette pathologie. Néanmoins, un traitement adéquat et précoce permet d’obtenir une évolution favorable [1, 2]. Les formes graves, bien que peu fréquentes, sont redoutables. A part les préjudices fonctionnels et esthétiques qu’elles peuvent engendrer, elles peuvent engager le pronostic vital à court et moyen terme par une diffusion médiastinale ou même cérébrale de l’infection [2].
Généralités
La cellulite est un processus infectieux localisé dans les tissus mous souscutanés aux limites plus ou moins définies [1]. Les cellulites cervico-faciales odontogènes se développent au niveau des espaces celluleux remplissant les loges entourant la mandibule et le maxillaire. Elles compliquent, dans la grande majorité des cas, des infections dentaires et péridentaires [2]. Elles peuvent également être iatrogènes, survenant par exemple après un acte de chirurgie bucco-dentaire comme l’extraction de la troisième molaire mandibulaire [3]. Ce sont classiquement des infections polymicrobiennes dont le développement trans-ostéo-périosté permet l’extension vers les tissus cellulo-graisseux, aponévrotiques et musculaires profonds de la face et du cou [4]. Cette diffusion est toujours grave et peut engager le pronostic vital .
Le pronostic est conditionné par le nombre d’espaces anatomiques initialement atteints, à l’atteinte éventuelle du médiastin, à l’existence d’un sepsis sévère, voire la survenue de complications locorégionales potentiellement graves .
Rappels embryologiques de la morphogenèse du tissu cellulo-adipeux de la face
D’origine mésenchymateuse, c’est à dire essentiellement méso-ectodermique, la première ébauche du tissu cellulo-adipeux de la face apparaît chez le fœtus dès la onzième semaine in utéro sous forme indifférenciée jusqu’à la vingtième semaine alors que la graisse n’apparaît en moyenne qu’entre la vingt-deuxième et la trentième semaine. L’adipogénèse est très active durant les deux premières années mais la prolifération peut se poursuivre durant le reste de l’existence .
Rappels anatomiques
La localisation des cellulites cervico-faciales est déterminée par la situation des apex dentaires par rapport aux tables osseuses et aux insertions musculoaponévrotiques tandis que leur extension est conditionnée par les structures locales formées par la loge manducatrice et les espaces de glissement des manducateurs .
La loge manducatrice
C’est une loge ostéo-aponévrotique dans laquelle se trouve le corps adipeux de la bouche ou boule de Bichat. Ses limites sont :
– En dehors et de haut en bas : l’aponévrose temporale, l’apophyse zygomatique, l’aponévrose massétérine ;
– En dedans : la fosse infra temporale, l’aponévrose interptérygoïdienne ;
– En arrière : l’aponévrose inter-mandibulo-parotidienne, tendue du bord postérieur du masséter au ligament sphénomaxillaire ;
– En avant : la face postérieure de l’os zygomatique (malaire) ; l’expansion antérieure de l’aponévrose massétérine à l’aponévrose buccinatrice, refoulée par le pôle antéro-inférieur de la boule de Bichat ; la face postérieure de la tubérosité du maxillaire .
C’est entre les parois fixes, et les éléments dynamiques comme la branche montante de la mandibule et les muscles manducateurs que se logent les espaces de glissement .
Les espaces de glissement des manducateurs
Ce sont des loges ostéo-aponévrotiques dans lesquelles se mobilisent les éléments masticateurs. Elles sont remplies de tissu cellulo-adipeux. Les espaces de glissement sont situés en dehors, en avant et en dedans de la branche montante de la mandibule. Par conséquent, ils sont externes, antérieurs et internes par rapport à l’ensemble dynamique mandibulo-musculaire, mobile lors des mouvements de mastication dans la loge manducatrice ostéo-aponévrotique. Cette subdivision topographique est néanmoins artificielle. En effet, ils sont en continuité volumétrique les uns avec les autres .
Le tissu cellulaire de la région périmaxillaire
Constitution
Le tissu cellulo-graisseux facial est composé d’une part d’un tissu conjonctif lâche formé de fibres élastiques et de collagène disposées en faisceaux et de cellules libres, et d’autre part d’un tissu adipeux cloisonné par des fibres conjonctives, formant des lobules plus ou moins grands. On y observe également de nombreux vaisseaux sanguins et lymphatiques. Le tissu celluleux adipeux périmaxillaire occupe les espaces compris entre les muscles et les plans ostéo-aponévrotiques. Non seulement il donne un relief particulier à la région bucco-maxillo-faciale mais il facilite également le glissement des muscles masticateurs et de leurs aponévroses sur les surfaces osseuses.
La connaissance de ces espaces a une importance déterminante dans la localisation des collections suppurées .
Répartition
Il existe schématiquement neuf régions faciales remplies plus ou moins de tissu cellulo-adipeux. Ce dernier se répartit en deux coulées celluleuses latérales et une coulée médiane . Le tissu cellulo-graisseux est absent au niveau du palais où la fibromuqueuse palatine adhère à l’os. Au niveau des lèvres et du menton, le tissu cellulo-graisseux est plus abondant. Les coulées latérales (une de chaque côté), qui viennent de la fosse temporale, passent par la fosse ptérygo-maxillaire, la boule de Bichat, la région génienne, compartimentée par le muscle buccinateur qui s’insère au niveau du maxillaire et de la mandibule. La coulée médiane part d’un coussin logé dans la concavité mandibulaire. Elle est séparée au niveau du plancher par le muscle mylo-hyoïdien en deux espaces sus et sous-mylo-hyoïdiens qui communiquent en arrière à l’aplomb de la dent de sagesse et avec la région sous-mandibulaire. Ces coulées cellulo-adipeuses faciales sont en continuité avec les coulées cervicales. Ainsi, cette déhiscence, située en dehors du ventre postérieur du digastrique où s’insinue un prolongement de la glande sous maxillaire, fait communiquer la région sous-mylo-hyoïdienne ou sous-mandibulaire avec les espaces périvasculaires du cou. De même, les régions para amygdalienne et péri-pharyngienne n’ont entre elles que des limites topographiques et les espaces rétro-pharyngiens peuvent communiquer avec les espaces para-amygdaliens par des déhiscences des lames sagittales. Enfin, les coulées cervicales communiquent avec les régions médiastinales. Le médiastin postérieur et les régions rétro-œsophagiennes sont sans barrière anatomique tandis que le médiastin antérieur est en continuité avec le tissu celluleux lâche péri vasculaire. L’étude anatomique de ce tissu cellulo-adipeux explique à la fois que les infections d’origine dentaire puissent rester localisées ou donner naissance à des cellulites diffuses, des gangrènes gazeuses cervico-faciales ou des médiastinites .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Généralités
II. Rappels embryologiques de la morphogenèse du tissu cellulo-adipeux de la face
III. Rappels anatomiques
III.1. La loge manducatrice
III.2. Les espaces de glissement des manducateurs
III.3. Le tissu cellulaire de la région périmaxillaire
III.4. Les fascias cervicaux
III.4.1. Les fascias cervicaux principaux
III.4.2. Les fascias cervicaux accessoires
III.4.3. Les espaces profonds cervicaux
IV. Rappels séméiologiques
IV.1. Etiologies
IV.1.1. Carie dentaire
IV.1.2. Autres causes dentaires
IV.1.3. Facteurs prédisposant à l’extension de l’infection
IV.1.4. Les voies de propagation de l’infection
IV.1.5. Bactériologie
IV.2. Symptomatologie
IV.2.1. Type de description : cellulite périmaxillaire aiguë suppurée d’origine dentaire
IV.2.1.1. Signes cliniques
IV.2.1.2. Signes paracliniques
IV.2.1.3. Critères de gravité
IV.2.1.4. Evolution
IV.2.2. Formes cliniques
IV.2.2.1. Selon l’évolution
IV.2.2.2. Selon la topographie
V. Traitement
V.1. Traitement curatif
V.1.1. Buts
V.1.2. Moyens
V.1.2.1. Traitement médical
V.1.2.2. Traitement chirurgical
V.1.2.3. Traitement étiologique
V.1.3. Indications
V.2. Traitement préventif
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. Méthodes
II. Résultats
II.1. Données épidémiologiques
II.1.1. Prévalence
II.1.2. Age
II.1.3. Sexe
II.1.4. Facteurs de comorbidité
II.2. Données cliniques
II.2.1. Signes de gravité
II.2.2. Topographie des cellulites
II.2.3. Etiologies
II.3. Signes paracliniques
II.3.1. Imagerie
II.3.2. Biologie
II.4. Prise en charge au niveau du centre d’étude
II.4.1. Hospitalisation
II.4.2. Traitement médical
II.4.3. Traitement chirurgical et étiologique
II.4.3. Résultats thérapeutiques
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. Aspects épidémiologiques
II. Aspects cliniques
III. Les signes paracliniques
IV. Prise en charge thérapeutique
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES