Les troubles du rythme ou arythmies cardiaques sont définis d’une manière générale comme étant une anomalie grave ou bénigne de la fréquence des contractions du cœur. Le cœur générant lui-même son rythme, ces contractions cardiaques sont normalement déclenchées par l’impulsion électromotrice provenant du nœud sinusal, une structure électro physiologiquement importante. En effet, de celle-ci part l’onde de dépolarisation progressant séquentiellement des oreillettes aux ventricules via le tissu spécialisé de conduction (1). Ainsi, toute perturbation de cette harmonie entraine des troubles du rythme cardiaque.
Par ailleurs, dans un intérêt diagnostic et thérapeutique ils peuvent être subdivisés en deux, selon leur origine anatomique. D’une part, les troubles du rythme supra ventriculaires dont la fibrillation auriculaire, la plus fréquente de tous les troubles du rythme selon l’OMS car la prévalence serait de 0,4 à 1% dans la population générale, avec une nette augmentation avec l’âge jusqu’à 9% chez les plus de 80ans, tandis qu’un individu a une probabilité de 25% de la développer au cours de sa vie (2).
D’autre part, il existe les troubles du rythme ventriculaire dont l’épidémiologie repose sur des facteurs prédisposant (3) et plusieurs variétés cliniques allant de l’extrasystolie ventriculaire bénigne du sujet sain à la mort subite cardiaque, due aux tachycardies et fibrillations ventriculaires chez le patient porteur ou non d’anomalie de la structure du cœur (2). Ces dernières constituent des urgences vitales. En outre, les comorbidités sont nombreuses et l’on estime la survenue annuelle de mort subite cardiaque, une des principales hantises, à près de 300 000 soit 1/1000 habitants par an aux Etats Unis, 75 à 80% étant imputables aux fibrillations ventriculaires (4) (5). Les fréquences sont voisines en Europe malgré quelques variations géographiques, dont environ 60 000 cas annuels en France (4). En l’absence de données exactes concernant les pays en développement, un collectif d’auteurs avance que l’incidence des troubles du rythme ventriculaire y serait le reflet de celle des coronaropathies, tandis que la tendance à l’augmentation serait le reflet du changement de mode de vie et de style alimentaire (5).
A Madagascar, très peu d’études sur les troubles du rythme en général ont été menées et à notre connaissance, aucune d’entre elles n’a encore porté sur les troubles du rythme ventriculaire en particulier. D’où notre choix du thème : «Aspects épidémiocliniques des troubles du rythme ventriculaire au sein de l’USFR Cardiologie du CHUA/JRB».
RAPPELS D’ANATOMIE ET D’ELECTROPHYSIOLOGIE CARDIAQUES
Le potentiel d’équilibre électrochimique d’un ion
Les cellules vivantes sont séparées de leur environnement par une bicouche lipidique appelée membrane, assurant les échanges avec le milieu extérieur. Une membrane perméable à un ion laisse celui-ci diffuser rapidement dans la cellule selon son gradient de concentration. Cette diffusion d’un ion chargé électriquement entraine la constitution d’un potentiel de membrane qui, s’accroit jusqu’à devenir suffisant pour s’opposer au gradient de concentration (principe d’électroneutralité). Cette valeur du potentiel membranaire pour laquelle un ion arrête de diffuser est appelée potentiel d’équilibre électrochimique pour cet ion.
Le potentiel membranaire de repos
De part et d’autre de la membrane, il existe une différence de potentiels appelée potentiel de membrane. Dans les cellules excitables, cette différence peut varier ; en dehors de toute stimulation, on parle de potentiel de repos.
On peut considérer que la cellule cardiaque est un réservoir de potassium qui baigne dans un milieu riche en sodium, calcium, chlore, et, pauvre en potassium. C’est l’inégalité de répartition des ions entre milieux intra- et extracellulaires qui est responsable du potentiel membranaire de repos. Ce potentiel de repos s’établit autour de la valeur du potentiel d’équilibre électrochimique du potassium, c’est-à-dire aux alentours de – 70 à -100mV. Par ailleurs, il est maintenu grâce à la pompe Na+ – K+ ~ATPase qui contrebalance l’entrée de Na+ et la sortie de K+ , générant un courant dit de pompe (échange de 3 Na+ contre 2 K+ ) et qui consomme de l’énergie : c’est le transport actif.
Courants ioniques et potentiel d’action
Le potentiel d’action est la variation dans le temps du potentiel transmembranaire de la cellule cardiaque au cours du cycle cardiaque. C’est donc un cycle électrique constitué par un ensemble de variations du potentiel de membrane à partir du potentiel de repos, liées à des mouvements ioniques transmembranaires passifs (suivant les gradients de concentration respectifs), puis actifs (grâce à des pompes ioniques). Distinguons : les cellules à conduction rapide (myocytes des parois auriculaire et ventriculaire et cellules du système His-Purkinje) et les cellules à conduction lente (cellules du nœud sinusal et du nœud auriculo-ventriculaire).
Courants ioniques et potentiel d’action des cellules à conduction rapide
Le potentiel d’action de ces cellules est généralement induit par un stimulus exogène : stimulus électrique, onde de dépolarisation provenant d’une cellule adjacente. Il est caractérisé par l’existence de quatre phases :
Phase 0.
Lorsque l’excitation provenant d’autres cellules déjà activées arrive au niveau d’une fibre cardiaque et qu’elle est de durée et d’amplitude suffisantes, un flux entrant rapide de Na+ est responsable de la dépolarisation rapide ou phase 0. Un second courant entrant négligeable de Ca2+ est aussi lentement activé.
Phase 1.
Repolarisation rapide résultant à la fois de l’inactivation du courant précédent et de celle d’un courant entrant de Cl¯ de courte durée.
Phase 2.
L’inactivation du canal calcique permet, par sa lenteur, le maintien d’un certain état de dépolarisation responsable du plateau du potentiel d’action ou phase 2.
Phase 3.
L’inactivation des courants entrants sodique et calcique, mais surtout la mise en place d’un courant sortant de K+ produisent la repolarisation terminale ou phase 3.
Phase 4.
Bien que les cellules cardiaques soient excitables pendant la phase 4, ou diastole, une perméabilité sélective au K+ permet le maintien d’un potentiel de repos aux environs du potentiel d’équilibre du potassium (théoriquement -90 mV). Pendant cette phase, un stimulus externe capable de porter le potentiel de membrane à la valeur seuil, va initier un nouveau cycle.
Courants ioniques et potentiel d’action des cellules à conduction lente
Se caractérisent par une dépolarisation lente liée à une entrée de calcium dans la cellule, puis, l’absence de phase de plateau et l’existence d’une dépolarisation diastolique lente spontanée, due à une entrée de sodium et de calcium. Ces courants sont activés par l’hyperpolarisation cellulaire. Le potentiel diastolique maximal ici est moins négatif, environ -60 mV.
Cette dépolarisation diastolique lente amène progressivement le potentiel membranaire à la valeur seuil d’activation des canaux calciques, initiant le potentiel d’action. C’est le mécanisme d’électrogenèse, garant de l’automatisme cardiaque.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. RAPPELS D’ANATOMIE ET D’ELECTROPHYSIOLOGIE CARDIAQUES
1.1. Le potentiel d’équilibre électrochimique d’un ion
1.2. Le potentiel membranaire de repos
1.3. Courants ioniques et potentiel d’action
1.3.1 Courants ioniques et potentiel d’action des cellules à conduction rapide
1.3.2 Courants ioniques et potentiel d’action des cellules à conduction lente
1.4 Excitabilité et période réfractaire
1.5 Le cœur et son système de conduction
2. NOTIONS SUR L’ELECTROCARDIOGRAMME NORMAL
2.1 Définitions
2.2 Méthode d’analyse pratique
2.2.1 Rythme cardiaque
2.2.2 Fréquence cardiaque
2.2.3 Axe électrique
2.2.4 Zone de transition
2.2.5 Auriculogramme
2.2.6 Intervalle PR
2.2.7 Ventriculogramme
3. LES MECANISMES DES TROUBLES DU RYTHME CARDIAQUE
3.1 Troubles de formation de l’influx
3.1.1 Anomalies de l’automatisme physiologique
3.1.2 Théorie de la parasystolie
3.1.3 Activités déclenchées par post-dépolarisation
3.2 Troubles de conduction de l’influx : phénomène de réentrée
4. LES TROUBLES DU RYTHME VENTRICULAIRE
4.1 Extrasystoles ventriculaires
4.1.1 Définition
4.1.2 Signes cliniques
4.1.3 ECG
4.1.4 Contexte étiologique
4.1.5 Pronostic
4.2 Tachycardie ventriculaire
4.2.1 Définitions
4.2.2 Signes cliniques
4.2.3 ECG
4.2.4 Contexte étiologique
4.2.5 Pronostic
4.3 Rythme Idio-Ventriculaire Accéléré (RIVA)
4.3.1 Définition
4.3.2 Signes cliniques
4.3.3 ECG
4.3.4 Contexte étiologique
4.3.5 Pronostic
4.4 Torsade de pointes
4.4.1 Définition
4.4.2 Signes cliniques
4.4.3 ECG
4.4.4 Contexte étiologique
4.4.5 Pronostic
4.5 Fibrillation ventriculaire
4.5.1 Définition
4.5.2 Signes cliniques
4.5.3 ECG
4.5.4 Contexte étiologique
4.5.5 Pronostic
CONCLUSION