L’hyperthyroïdie se définit comme étant l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques en rapport avec un état d’hyperfonctionnement de la glande thyroïde primitif ou secondaire. Cette symptomatologie est communément dénommée thyrotoxicose. Affection à prédominance féminine, elle peut s’exprimer à différentes étapes de la vie génitale notamment au cours des grossesses réalisant ainsi l’association hyperthyroïdie – grossesse. Elle englobe aussi bien la survenue d’une grossesse sur un terrain hyperthyroïdien connu que l’apparition concomittante d’une hyperthyroïdie au cours de la grossesse.
L’hyperthyroïdie constitue après le diabète, l’endocrinopathie la plus fréquemment rencontrée au cours de la grossesse et est la plupart du temps d’origine auto – immune. La prévalence de l’association hyperthyroïdie – grossesse varie de 0,1 à 1,4 % selon les régions. Ainsi en Europe, on décrit 1 cas/1000 à 2500 soit 0,04 à 0,1%. Dans nos régions, une étude faite en 1995 par Sidibé et coll (117) rapportait une prévalence de 0,2 %. L’association hyperthyroïdie – grossesse pose parfois des problèmes diagnostiques surtout si l’hyperthyroïdie était méconnue avant la grossesse. En effet, il existe une similitude entre la symptomatologie sympathique rencontrée chez certaines gestantes et les manifestations de l’hyperthyroïdie. A côté du diagnostic, la prise en charge thérapeutique préoccupe plus particulièrement les praticiens et chercheurs. En effet, les médicaments utilisés pour tenter de normaliser le fonctionnement de la thyroïde maternelle ont des effets délétères sur le fœtus surtout si de fortes doses sont prescrites et de manière prolongée. Malgré sa faible prévalence, l’association hyperthyroïdie-grossesse a fait l’objet de nombreuses études de par le monde sauf en Afrique. Dans nos régions, de rares auteurs s’y sont intéressés (108,109).
Rappels anatomo-physiologiques sur la thyroide
Anatomie et structure de la thyroïde
Anatomie
La glande thyroïde (du grec «thyreoeides » qui signifie en forme de bouclier) est située à la partie antérieure et inférieure du cou en avant des premiers anneaux de la trachée et des parties latérales du larynx. Elle est composée de trois parties :
– une partie moyenne, étroite et mince appelée isthme
– deux parties latérales volumineuses, ce sont les lobes latéraux.
La glande thyroïde mesure six centimètres de largeur et sa hauteur prise sur ses lobes latéraux est de six centimètres et pèse en moyenne 30 grammes. Le volume de la thyroïde est un peu plus grand chez la femme que chez l’homme. Sur le plan artériel, sa vascularisation est assurée par les branches terminales des thyroïdiennes supérieures et inférieures. Cet organe reçoit aussi l’artère thyroïdienne inférieure inconstante de Neubauer. Les veines quant à elles forment à la surface un riche plexus thyroïdien duquel partent les veines thyroïdiennes supérieures qui se jettent soit dans le tronc thyro-linguo-facial, soit directement dans la jugulaire interne. Les veines thyroïdiennes moyennes sont collatérales de la jugulaire interne alors que les veines thyroïdiennes inférieures descendent vers les troncs brachio-céphaliques. Sur le plan lymphatique, les vaisseaux lymphatiques supérieurs et latéraux vont aux ganglions de la chaîne jugulaire interne. Les nerfs quant à eux, proviennent des plexus sympathiques qui enlacent les artères thyroïdiennes supérieures et inférieures.
Structure de la thyroïde
Sur le plan microscopique, la thyroïde est séparée en lobules individualisés par des parois de tissu conjonctif. Chacun de ces lobules est constitué de nombreuses petites vésicules : les follicules. Les parois sont formées d’un épithélium pavimenteux. Les cellules épithéliales appelées les thyréocytes fabriquent des hormones thyroïdiennes et les libèrent dans les cavités vésiculaires où elles sont stockées sous forme de gouttelettes qu’on appelle la colloïde. Entre les follicules siègent les cellules appelées cellules C ou cellules parafolliculaires, elles sécrètent la calcitonine.
Métabolisme des hormones thyroïdiennes
Biosynthèse des hormones thyroïdiennes
La biosynthèse des hormones thyroïdiennes est l’aboutissement de plusieurs processus :
– la captation thyroïdienne des iodures
– l’oxydation des iodures
– la formation des iodothyrosines
– les réactions de condensation
Cette synthèse hormonale est possible grâce à l’organisation des cellules thyroïdiennes en structures folliculaires, polarisées avec un pôle apical au contact de la colloïde et un pôle basolatéral au contact du compartiment plasmatique.
La captation thyroïdienne des iodures
L’iode alimentaire passe la barrière intestinale sous forme d’iodure de sodium ou de potassium. La concentration des iodures dans la thyroïde est déterminée par la captation active qui s’effectue contre un gradient électrique et un gradient de concentration nécessitant de l’ATP et de l’oxygène ainsi qu’une concentration optimale en Na+ et K+. La captation se fait au niveau du pôle basal de la cellule thyroïdienne. Et les iodures captés forment un pool à renouvellement rapide opposé à un pool provenant de la déshalogenation des iodothyrosines, de renouvellement moins rapide.
L’oxydation
Les iodures captés subissent une oxydation grâce à une thyroperoxydase située dans la bordure en brosse apicale. Cette réaction nécessite de l’eau oxygénée (H2O2) et un accepteur d’hydrogène NADH. Cette étape de l’hormonogénèse est inhibée par les agents réducteurs favorisée par la « Thyroxine Stimulating hormone»(TSH) et une charge importante en iodure.
Formation des iodothyrosines
L’iodation des radicaux thyrosyls se fait sous l’influence de la thyrosine iodase dont l’activité est augmentée par la TSH. Il s’agit probablement de la même enzyme qui favorise l’oxydation des iodures. Les radicaux thyrosyls subissent une iodation en 3 qui aboutit à la formation de la monoiodothyrosine (MIT). L’iodation en 3 et 5 donne la diiodothyrosine (DIT). La thyroglobuline iodée constituant majoritaire de la colloïde va subir une protéolyse au niveau de la cellule et libérer les hormones thyroïdiennes T3 et T4 mais aussi les formes inactives DIT et MIT.
Condensation
Dans la colloïde, les iodothyrosines se condensent à l’intérieur de la molécule en iodothyronines. Le couplage de deux iodothyrosines donne la tétraiodothyronine, et la triiodothyronine est formée par le couplage d’une mono et d’une diodothyrosine. Cette réaction de condensation est lente non enzymatique et elle nécessite une configuration spatiale normale de la thyroglobuline. Elle est favorisée par la TSH et inhibée par le Thiouracile.
Le transport des hormones thyroïdiennes
Les hormones thyroïdiennes, T3 comme T4 circulent dans le plasma majoritairement sous forme liée aux protéines. La fraction libre ne représente que 0,03% de la T4 et 0,3% de la T3. Les protéines de liaison sont représentées essentiellement par la « Thyroxine binding Globulin » ou TBG, la transthyrétine ou préalbumine et l’albumine. La TBG lie préférentiellement la T4 c’est la protéine majeure de transport des hormones thyroïdiennes. La transthyrétine et l’albumine ont une affinité moindre pour la T3. Et la T4 est liée à 80% à la TBG, 15% à la transthyrétine et 5% à l’albumine. La T3 quant à elle est liée à 90% à la TBG. La concentration plasmatique en TBG augmente pendant la grossesse et les traitements oestrogéniques. Par contre, elle diminue avec les traitements androgéniques et les corticoïdes. La liaison de la T4 et de la T3 aux protéines de liaison peut-être perturbée par de nombreuses drogues entre autres l’aspirine, la phénytoïne, les benzodiazépines. Il peut exister des anomalies dans le gène de la TBG avec soit l’apparition d’une protéine anormale dont l’affinité avec T3 et T4 est modifiée, soit une absence de T B G.
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Table des matières
INTRODUCTION
I- RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES SUR LA THYROIDE
1.1. ANATOMIE ET STRUCTURE DE LA THYROÏDE
1.1.1. Anatomie
1.1.2. Structure de la thyroïde
1.2- METABOLISME DES HORMONES THYROÏDIENNES
I-2-1 Biosynthèse des hormones thyroïdiennes
1.2.1.1. La captation thyroïdienne des iodures
1.2.1.2. L’oxydation
1.2.1.3. Formation des iodothyrosines
1.2.1.4. Condensation
1.2.2- Le transport des hormones thyroïdiennes
1.2.3- Catabolisme des hormones thyroïdiennes
1.2.3.1- La Déshalogénation
1.2.3.2- La Désamination et la décarboxylation
1.2.3.3- La conjugaison
1.3- REGULATION DES HORMONES THYROÏDIENNES
1.4- LES EFFETS BIOLOGIQUES DES HORMONES THYROÏDIENNES
1.4.1- Les effets métaboliques
1.4.1.1- Les effets sur la calorigénèse et la thermorégulation
1.4.1.2- Effets sur les métabolismes
1.4.2- Les effets sur la croissance et le développement
1.4.3- Les effets viscéraux
1.4.3.1- L’appareil cardio-vasculaire
1.4.3.2- L’unité neuromusculaire
1.4.3.3- Autres effets
II- RAPPELS SUR LA GROSSESSE
2.1-MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES GRAVIDIQUES
2.1.1- Au niveau cardio-vasculaire
2.1.2- Au niveau du rein
2.1.3- Au niveau du sang
2.1.4- Au niveau digestif
2.2- LES ECHANGES FŒTO-MATERNELS
2.3- SIGNES DE LA GROSSESSE
2.3.1- Clinique
2.3.1.1- Interrogatoire
2.3.1.2- Examen physique
2.3.2- Paraclinique
2.3.2.1- Biologie
2.3.2.2- L’échographie
2.3.2.3- Les Ultrasons
III- HYPERTHYROÏDIE
3.1- PHYSIOPATHOLOGIE DE LA THYROTOXICOSE
3.2- DIAGNOSTIC POSITIF : SYNDROME DE THYROTOXICOSE
3.2.1- Clinique
3.2.1.1- Signes fonctionnels
3.2.1.2- Signes physiques
3.2.2- Les examens paracliniques
3.2.2.1- Examens d’orientation
3.2.2.2- Examens de certitude
3.3- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
3.3.1- Phéochromocytome et Grossesse
3.3.2- Diabète et Grossesse
3.3.3- Insuffisance surrénalienne et Grossesse
3.4- DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
3.4.1- Maladie de Basedow
3.4.2- Thyroïdites
3.4.2.1- Thyroïdite subaiguë de De Quervain
3.4.2.2- Phase d’hyperthyroïdie d’une thyroïdite de Hashimoto
3.4.3- Nodule toxique
3.4.4- Thyrotoxicoses secondaires à une stimulation thyroïdienne par l’HCG
3.5- DIAGNOSTIC DE GRAVITE
3.5.1- Crise thyréotoxique
3.5.2- Cardiothyréoses
3.5.2.1- Les troubles du rythme
3.5.2.2- Insuffisance cardiaque et coronarienne
IV- ASSOCIATION GROSSESSE HYPERTHYROIDIE
4.1- RAPPORTS CHRONOLOGIQUES
4.2- ASPECTS PHYSIOLOGIQUES
4.2.1- Au niveau maternel
4.2.2- Au niveau fœtal
4.2.3- Au niveau de la barrière placentaire
4.3- INFLUENCE DE LA GROSSESSE SUR L’HYPERTHYROÏDIE
4.4- INFLUENCE DE L’HYPERTHYROÏDIE SUR LA GROSSESSE
CONCLUSION