Bien que les nodules thyroïdiens soient une pathologie fréquente très souvent révélée par la clinique et l’échographie thyroïdienne, les cancers de la thyroïde sont des tumeurs jadis relativement rares. Les cancers différenciés de la thyroïde sont de bon pronostic lorsque le diagnostic est établi très tôt et la prise en charge sans délai. Actuellement, le nombre de cas de ces cancers augmente de jour en jour depuis l’avènement de l’accident nucléaire de Tchernobyl du 26 avril 1986. Le taux d’incidence de ces cancers est de 7 nouveaux cas par an pour 100.000 femmes et de 1,4 pour 100.000 hommes représentant ainsi 2% de tous les cancers et 1% des décès par cancer chez la femme et moins de 1% de tous les cancers et de la mortalité par cancer chez l’homme [1]. Ce cancer prédomine chez la femme jeune entre 15 et 39 ans. La survie globale des patients atteints de cancers de la thyroïde dépasse 80% en 5 ans. Ce qui représente le meilleur taux de survie pour cancer après le mélanome. (90% de survie à 5 ans) [2].
Les cancers de la thyroïde représentent les tumeurs endocriniennes malignes les plus fréquentes. La majeure partie est des tumeurs bien différenciées incluant les cancers papillaires et vésiculaires ; le cancer anaplasique étant des tumeurs non différenciées de pronostic foudroyant. Dans tous les cas la sanction thérapeutique est chirurgicale. Il s’agit le plus souvent d’une thyroïdectomie totale. Certes, le traitement chirurgical donne de très bons résultats mais des études très poussées dans ce domaine montrent que le taux de récidives à court, moyen et long terme est très élevé. La survenue fréquente des métastases, qui constituent un événement péjoratif donne une place de choix à l’irathérapie qui complète presque toujours le traitement chirurgical [2].
Le pronostic des cancers différenciés de la thyroïde est bon avec une survie à 10 ans de 2002 à 2012. Cependant les récidives ou les persistances de reliquats de tissus cancéreux après le traitement primaire sont fréquentes. Les patients sont donc suivis tout au long de leur vie à l’aide de techniques d’imagerie médicale et du dosage de la thyroglobuline sérique. Il est clairement démontré que les techniques d’imageries telles l’échographie, la scintigraphie jouent un rôle primordial dans le diagnostic le suivi et la prise en charge des cancers différenciés de la thyroïde de même que l’exactitude et la valeur prédictive négative du dosage de la thyroglobuline dans le suivi des patients thyroïdectomisés. Il en est de même pour l’irathérapie dans la prévention d’une éventuelle rechute.
LA THYROÏDE
Rappels Embryologiques
La glande thyroïde apparaît aux environs du 24e jour du développement embryonnaire à partir d’une invagination endoblastique (diverticule athyroïdie) du plancher du pharynx primitif. Au fur et à mesure que la langue se développe, le tubercule thyroïde descend en avant du cou tout en restant lié à la langue par le conduit thyréoglosse. Un défaut ou un trouble de cette progression sera à la base de sièges ectopiques : goitre basilingual, goitre plongeant, goitre antérieur. A la 7e semaine, le diverticule se divise en lobe, la thyroïde atteint sa position trachéale lorsque le canal thyréoglosse régresse progressivement .
Rappels histologiques
A la microscopie, la glande thyroïde est une glande multi cellulaire comportant des cellules glandulaires disposées le plus souvent en cordons, îlots ou travées au sein d’un stroma conjonctif contenant des capillaires sanguins fenêtres. La disposition des cellules glandulaires en follicules est propre à la glande thyroïde. Les follicules sont des formations sphériques constituées par un épithélium simple reposant sur une basale. Ils présentent des cellules folliculaires, des cellules C et contiennent une substance amorphe visqueuse jaunâtre, homogène appelée colloïde thyroïdienne .
Rappels anatomiques
La glande thyroïde est un organe dont la fonction essentielle est la synthèse des hormones thyroïdiennes [6].
Situation
Le corps thyroïdien est médian, situé à la face antérolatérale du cou dans la région sous thyroïdienne [7]. Il est maintenu par sa capsule fibreuse et des adhérences à la trachée et à la gaine carotidienne. Dans sa partie moyenne, l’isthme porte souvent une petite excroissance : le lobule pyramidal [8]. La glande est fixée sur la trachée par les ligaments de Gruber. Il fixe solidement l’isthme et les lobes latérales par un ligament médian et deux ligaments latéraux [9].
Morphologie
Organe en forme de papillon, la thyroïde est constituée de deux lobes latéraux verticaux droit et gauche, réunis par une masse de tissu transversale, l’isthme thyroïdien qui se projette au niveau des 2ème, 3ème et 4ème anneaux trachéaux.
➤ Les deux lobes :
Ils ont un aspect de tétraèdre à grand axe oblique en bas et en avant et présentent :
– Un pôle inférieur ou base : arrondi situé à un ou deux centimètres au-dessus du sternum.
– Un lobe supérieur ou sommet: plus étroit situé au niveau du bord postérieur du cartilage thyroïde à sa partie inférieure.
Trois faces :
– Face antéro-externe, convexe et superficielle.
– Face interne, appliquée sur la face latérale de la trachée et la partie basse du larynx.
– Face postérieure, moulée sur le paquet vasculo-nerveux du cou.
➤ L’isthme :
C’est une lame aplatie plus haute que large unissant les deux lobes, il présente :
– Deux bords, supérieur et inférieur, concaves.
– Deux faces, antérieure et postérieure.
On trouve souvent entre les deux lobes, une languette étroite de parenchyme glandulaire plus ou moins conique qui se rattache au bord supérieur de l’isthme, un peu à gauche du milieu et monte devant le larynx, c’est le lobe pyramidal ou pyramide de l’alouette (vestige du conduit thyréoglosse).
Mensurations et Aspects
Le corps thyroïde a une coloration rose tirant sur le rouge plutôt clair. Elle est de consistance ferme, répressible et friable, une surface apparemment lisse, en réalité légèrement mamelonnée, faite de lobules inclus dans une capsule Elle mesure 4cm de large sur 6cm de hauteur avec une épaisseur de 2cm. Son volume est variable d’un individu à un autre et selon l’âge .Son poids normal est de 25 à 30 grammes (g) avec des extrêmes allant de 10 à 60g [6].
Loge thyroïdienne
Le corps thyroïde ; entourée de sa capsule est lui-même compris dans une loge thyroïdienne constitué d’un tissu celluleux qui se prolonge sur les pédicules vasculaires et qui émane des gaines entourant les éléments avoisinants. Cette loge est donc limitée en arrière et médialement par la gaine viscérale de l’axe aérodigestif, en arrière par la gaine du pédicule vasculo-nerveux du cou en avant et latéralement par le feuillet profond de la lame pré-trachéale du fascia Cervical.
La glande est contenue dans une gaine aponévrotique et est entourée d’une capsule fibreuse qui lui adhère intimement. Capsule et gaine sont séparées par un espace celluleux constituant un plan de clivage qui permet de séparer le corps thyroïde de la gaine. Ce plan de clivage est net en avant et en dehors, mais limité en arrière par l’adhérence de la glande à la trachée [11].
Rapports dans la loge thyroïdienne
C’est entre la capsule et la loge thyroïdienne que se situe le plan de clivage de la thyroïdectomie. Ce plan contient différent éléments anatomiques : la terminaison des artères thyroïdiennes et l’origine des veines ; qui sont ligaturées puis ; sectionnées au contact du parenchyme thyroïdien: Cet espace contient également les nerfs laryngés et les glandes parathyroïdiennes dont la préservation est une préoccupation essentielle pour le chirurgien ; quel que soit le geste réalisé [12].
Rapports avec la trachée
Située en arrière de la glande thyroïde, elle est recouverte en avant par l’isthme du corps thyroïde au niveau des 2ème, 3ème et 4ème anneaux cartilagineux trachéaux. La trachée répond également latéralement aux lobes latéraux du corps thyroïde auxquels le premier anneau adhère fortement.
Les Nerfs récurrents :
Plus superficiels à droite qu’à gauche, ils montent dans le sillon trachéoœsophagien en longeant la partie postérieure de la face latérale de la trachée. Ils passent entre :
˗ En dedans : la face latérale de la trachée, devant l’œsophage à gauche
˗ En dehors : la partie postérieure de la face interne du lobe latéral du corps thyroïde [15].
Les Glandes parathyroïdes :
Ce sont de petites glandes endocrines aplaties, de couleur jaune chamois, situées sur la face postérieure du lobe latéral. Elles sont doubles de chaque côté et symétriques. Elles sont en dehors de la capsule, mais à l’intérieur de la gaine. Parathyroïde inférieure : constante, située sur le bord postéro-interne du lobe latéral, en dehors du récurrent, au-dessous de la terminaison de l’ATI. Parathyroïde supérieure : inconstante, située sur le même bord du lobe latéral audessus de la terminaison de l’ATI ou plus haut au niveau du cartilage cricoïde. Les variations des parathyroïdes en nombre et en situation sont très fréquentes.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES SUR LA GLANDE THYROIDE
I. LA THYROIDE
I.1- Rappels Embryologiques
I.2- Rappels histologiques
I.3- Rappels anatomiques
I.3.1- Situation
I.3.2- Morphologie
I.3.3- Mensurations et Aspects
I.3.4- Loge thyroïdienne
I.3.5- Rapports dans la loge thyroïdienne
I.3.6- Rapports avec la trachée
I.3.7- Rapports avec les autres organes
I.3.8- Vascularisation
I.3.8.1- Artères
I.3.8.2- Veines
I.3.8.3- Les lymphatiques
I.3.9- Innervation
II. PHYSIOLOGIE
II.1- Synthèse des hormones thyroïdiennes
II.1.1- Captation de l’iode
II.1.2-Fixation de l’iode sur les groupes tyrosyl de la thyroglobuline
II.1.3- Couplage
II.1.4- Stockage
II.1.5- Libération
II.1.6- Transport
II.2- Action des hormones thyroïdiennes
II.2- 1.T4L
II.2.2- T3L
II.3- Rétrocontrôle négatif
II.4- Thyréoglobuline(Tg)
CHAPITRE II : DIAGNOSTIC POSITIF DES CANCERS DIFFERENCIES DE LA THYROIDE
I-DIAGNOSTIC CLINIQUE
I.1- Circonstances de découverte
I.2- L’interrogatoire
I.3- L’Examen clinique
I.3.1- L’inspection
I.3.2- La palpation de la région thyroïdienne
I.3.3- Arguments cliniques en faveur de l’origine maligne d’un nodule
I.3.3.1- Antécédents
I.3.3.2- Caractéristiques du nodule
I.3.3.3- Signes associés
II- LES CANCERS DE LA THYROIDE
II.1- Classification des cancers différenciés de la thyroïde
II.1.2- Cancer papillaire
II.1.3- Cancer vésiculaire
II.1.4- Cancer peu différencié
II.2- Histologie des cancers différenciés de la thyroïde
II.3- Etiologie des cancers différenciés de la thyroïde
III. LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
III.1-Explorations morphologiques des nodules thyroïdiens
III.2-Echographie des nodules thyroïdiens
III.3-Scintigraphie
III.3.1- Iode 131
III.3.2- Iode 123
III.3.3- Technétium
III.4- Biologie
III.5- La ponction à l’aiguille fine
III.6- La biopsie exérèse et l’examen anatomopathologique
III.6.1- L’examen histopathologique extemporané
III.6.2- L’examen anatomopathologique standard
III.7- Autres moyens diagnostiques
IV. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV.1- Kyste thyroïdien
IV.2- Adénome colloïde
IV.3- Nodules des thyroïdites
IV.4- Tuberculose thyroïdienne
CHAPITRE III : IRATHERAPIE
CHAPITRE IV : TRAITEMENTS DES CANCERS DIFFENCIES DE LA THYROIDE
I-TRAITEMENT
I.1- Traitement chirurgical
I.1.1- La thyroïdectomie
I.1.2- Le curage ganglionnaire
I.2- Administration post-chirurgicale d’iode radioactif 46
I.2.1- Intérêts
I.2.2- Indications
I.2.3- Contre-indications
I.2.4- Modalités de la totalisation isotopique : stimulation par la TSH
I.2.4.1- Intérêt
I.2.4.2- Méthodes de stimulation par la TSH
I.2.4.3- Intérêt du dosage sérique de la thyroglobuline lors de l’ablation par l’iode 131
I.3- Traitement par L-thyroxine (LT4)
CONCLUSION