Le paludisme est une infection parasitaire vectorielle causée par des hématozoaires du genre Plasmodium transmis par la piqure d’un moustique, l’anophèle femelle. L’homme peut être infecté par cinq espèces plasmodiales : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium malariae, Plasmodium ovale et Plasmodium knowlesi [2]. C’est une pathologie à caractère endémique dans 109 pays du monde essentiellement dans les régions tropicales et sub-tropicales telles que l’Afrique subsaharienne, l’Asie du sud-est et l’Amérique latine [5, 35]. Elle constitue un problème majeur de santé publique, en effet près de 300 à 500 millions de personnes en sont atteintes chaque année avec 1,5 à 2,7 millions de décès par an [37]. En Afrique subsaharienne, où la mortalité est la plus importante, 90% des décès ont été observés chez les enfants de moins de 5 ans [43]. L’insuffisance rénale aigue (IRA) est l’une des complications majeures du paludisme grave, avec une incidence globale variant de 0,57% à 60% et un taux de mortalité pouvant atteindre 45% dans le continent indien [29, 30, 47]. Elle s’observe chez l’adulte jeune en général et est le plus souvent secondaire à une infection à Plasmodium falciparum [30]. La nécrose tubulaire aigue est la lésion histologique la plus fréquente [4, 14, 27]. En zone d’endémie, l’IRA complique l’infection à Plasmodium falciparum dans près de 1 à 4,8% des cas [3,40], avec une incidence qui varie de 13,8 à 17% dans le souscontinent indien [28]. En Afrique, peu d’études ont été faites sur l’IRA au cours du paludisme grave (IRA-PG) et elles retrouvaient des aspects variés [22, 23, 31]. Au Sénégal, les études sur l’IRA-PG avaient inclus exclusivement des enfants et étaient axés uniquement sur la prévalence [7, 8]. Fort de ce constat, nous avons donc entrepris ce travail dans le but de déterminer les profils épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs de l’IRA-PG en milieu hospitalier. Dans un premier temps, nous ferons un rappel anatomo-physiologique sur le rein puis un rappel sur l’insuffisance rénale aigue au cours du paludisme grave ; dans un second temps, nous présenterons et discuterons les résultats de notre étude.
RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES DU REIN
Anatomie du rein
Situation et projection
Le rein est un organe pair, situé en position rétropéritonéale dans la région lombaire supérieure. Le rein droit va du bord inférieur de la 11ème cote dorsale au bord inférieur du processus transverse de la 3ème vertèbre lombaire. Le rein gauche va du bord supérieur de la 11ème cote dorsale au bord supérieur du processus transverse de la 3ème vertèbre lombaire .
Configuration externe
Les reins sont de couleur rouge brun, en forme de haricot. Ils mesurent environ 12cm de long, 6cm de large et 3cm d’épaisseur. Ils pèsent 150g chacun. Chaque rein possède : deux faces (antérieure et postérieure), deux bords (latéral et médial) et deux pôles (supérieur et inférieur) .
Structure du rein
Le rein est entouré d’une capsule fibreuse et résistante. En coupe longitudinale, le parenchyme rénal est formé de deux parties : une partie externe, le cortex et une partie interne, la médullaire .
➤ Le cortex
D’aspect jaune-rougeâtre, le cortex mesure 10 mm d’épaisseur et est constituée par des lobules corticaux et des colonnes rénales. Il contient les glomérules, les tubes contournés proximaux et distaux et la partie initiale des tubes collecteurs [20, 38].
➤ La médullaire
Elle est de couleur rouge foncée et est formée par des pyramides à sommet interne appelées pyramides de Malpighi, dont le sommet constitue la papille. Elle contient les tubes collecteurs et les anses de Henlé. Ces pyramides délimitent les colonnes de Bertin qui sont des invaginations du cortex .
Vascularisation rénale
Les artères rénales
Les artères rénales naissent de l’aorte abdominale au niveau de L1. Chaque artère rénale se divise au niveau du hile en artères segmentaires ou terminales. Ces artères donnent naissance aux artères interlobaires qui parcourent les colonnes de Bertin jusqu’à la jonction cortico-médullaire où naissent les artères interlobulaires qui cheminent dans le cortex rénal. Les artères interlobulaires donnent naissance aux artérioles afférentes, chacune d’elles se divise en un grand nombre de branches capillaires qui irriguent les glomérules. Ces capillaires confluent pour former l’artériole efférente, celle-ci se ramifie à son tour et irrigue les tubules (réseau péritubulaire) avant de se déverser dans les veines interlobulaires.
Les veines rénales
Les veines interlobulaires, en continuité avec le réseau péritubulaire, se drainent dans les veines arquées ; celles-ci se regroupent entre les pyramides de Malpighi et se réunissent dans le hile pour former la veine rénale en avant du bassinet. Les veines rénales se jettent dans la veine cave inférieure.
Les lymphatiques
Dans le cortex, les lymphatiques péri-glomérulaires rejoignent des vaisseaux lymphatiques interlobulaires puis arqués pour former les lymphatiques hilaires. Il ne semble pas exister de lymphatiques dans la médullaire .
Anatomie fonctionnelle
Le néphron constitue l’unité fonctionnelle du rein. Chaque rein humain en contient environ 1,3 millions. Il existe deux types de néphrons : les néphrons corticaux qui sont situés dans le cortex superficiel et moyen (85%) et les néphrons juxta médullaires situés dans le cortex profond (15%) Chaque néphron est composé de deux parties : le glomérule et le tubule rénal.
Le glomérule
Le glomérule est une structure sphérique d’environ 200 µm de diamètre, il est formé par l’invagination d’un peloton de capillaires appelé floculus, lequel est enclos dans un espace vide limité par la capsule de Bowman, elle-même formée de deux feuillets, un feuillet pariétal et l’autre viscéral. L’endothélium des capillaires glomérulaires est entièrement entourée d’une membrane basale glomérulaire et de cellules spécialisées appelées podocytes. Le glomérule est constitué de deux pôles :
➤ un pôle vasculaire où l’artériole afférente, l’artériole efférente et le tube contourné distal forment un triangle appelé appareil juxta-médullaire. Celui-ci est constitué de trois éléments : les cellules granulaires des artérioles afférentes et efférentes, la macula densa et le lacis. La macula densa est composée de cellules possédant de nombreuses mitochondries et un appareil de Golgi situé sous le noyau
➤ un pôle tubulaire ou urinaire, où l’épithélium glomérulaire s’épaissit pour se continuer avec celui du tube contourné proximal .
Le tubule rénal
Il fait suite au glomérule à son pôle urinaire et comprend plusieurs segments : le tube contourné proximal(TCP), le tube contourné distal(TCD), l’anse de Henlé(AH) et le tube collecteur(TC) .
Tube contourné proximal
C’est le premier segment du tubule rénal, il a une longueur d’environ 15 mm et un diamètre de 55 µm. Sa paroi est constituée d’une couche unique de cellules qui s’entrecroisent et sont unies par des jonctions étanches apicales. Le bord luminal de ces cellules possède une bordure en brosse striée constituée de nombreuses microvillosités .
Anse de Henlé
L’anse de Henlé est une portion en forme de U faisant suite au tube contourné proximal. Elle est constituée d’une portion descendante grêle et d’une portion ascendante plus volumineuse La partie descendante est constituée de cellules perméables minces. La portion épaisse de l’anse ascendante est formée de cellules épaisses contenant de nombreuses mitochondries. Les néphrons corticaux possèdent de courtes anses de Henlé tandis que les néphrons juxtamédullaires ont des anses longues.
Tube contourné distal
Ce segment fait suite à l’anse de Henlé et mesure environ 5 mm de long, il débute plus précisément au niveau de la macula densa. Son épithélium est moins épais que celui du tubule proximal et malgré la présence de quelques microvillosités, il ne possède pas de bordure en brosse distincte.
Tube collecteur
C’est le dernier segment du tubule rénal, il naît de la réunion des tubules distaux et sa longueur est voisine de 20 mm. Il traverse le cortex et la médullaire pour s’ouvrir dans le bassinet au niveau de la tête des pyramides médullaires. Son épithélium est cubique simple formé de deux types de cellules :
➤ les cellules claires ou cellules principales (cellules P) : les plus nombreuses, elles sont relativement grandes et contiennent peu d’organites. Elles jouent un rôle dans la réabsorption du sodium et de l’eau, induite par la vasopressine
➤ les cellules sombres ou cellules intercalaires (cellules I) : moins nombreuses, elles possèdent davantage de microvillosités, de vésicules cytoplasmiques et de mitochondries. Elles sont impliquées dans la sécrétion d’acide et le transport de bicarbonates .
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES DU REIN
I-1. Anatomie du rein
I-1-1. Situation et projection
I-1-2. Configuration externe
I-1-3. Structure du rein
I-1-4. Vascularisation rénale
I-1-4-1. Les artères rénales
I-1-4-2. Les veines rénales
I-1-4-3. Les lymphatiques
I-1-5. Anatomie fonctionnelle
1-1-5-1. Le glomérule
I-1-5-2. Le tubule rénal
I-1-5-2-1. Tube contourné proximal
I-1-5-2-2. Anse de Henlé
I-1-5-2-3. Tube contourné distal
I-1-5-2-4. Tube collecteur
I-2. Physiologie rénale
I-2-1. Formation des urines
I-2-1-1. Filtration glomérulaire
I-2-1-2. Réabsorption et sécrétion tubulaire
I-2-1-2-1. Tube contourné proximal
I-2-1-2-2. Anse de Henlé
I-2-1-2-3. Tube contourné distal
I-2-1-2-4. Tube collecteur
I-2-2. Fonctions endocrines du rein
I-2-2-1. La rénine
I-2-2-2. L’érythropoïétine (EPO)
I-2-2-3. Le calcitriol
II- INSUFFISANCE RENALE AIGUE AU COURS DU PALUDISME GRAVE
II-1. Définitions
II-1-1. Définition de l’IRA au cours du paludisme grave
II-1-2. Définition du paludisme grave
II-2. Intérêt
II-3. Physiopathologie
II-3-1. L’IRA fonctionnelle
II-3-2. L’IRA organique
II-3-2-1.Cytoadhérence et rosetting
II-3-2-2. Libération de cytokines inflammatoires
II-3-2-3. Désordres immunologiques
II-4. Signes
II-4-1. Type de description : la nécrose tubulaire aigue au cours du paludisme grave
II-4-1-1. Signes rénaux
II-4-1-1-1. Signes cliniques
II-4-1-1-2. Signes paracliniques
II-4-1-2. Signes extra-rénaux
II-4-1-3. Signes de confirmation du paludisme
II-4-1-4. Evolution
II-4-1-4-1. Eléments de surveillance
II-4-1-4-2. Modalités évolutives
II-4-2. Formes cliniques
II-4-2-1. Formes symptomatiques
II-4-2-2. Les autres formes d’IRA organique
II-4-2-3. L’IRA fonctionnelle
II-5. Diagnostic
II-5-1. Diagnostic positif
II-5-2. Diagnostic de gravité
II-5-3. Diagnostic différentiel
II-5-3-1. Pseudo-insuffisances rénales
II-5-3-2. IRA médicamenteuses
II-5-3-3. Insuffisance rénale chronique
II-5-4. Diagnostic étiologique
II-5-4-1. Germe
II-5-4-2. Terrain
II-5-4-3. Transmission
II-6. Traitement
II-6-1. Buts
II-6-2. Moyens
II-6-2-1. Moyens symptomatiques
II-6-2-2. Moyens étiologiques
II-6-3. Indications
II-6-3-1. En cas d’IRA organique
II-6-3-2. En cas d’IRA fonctionnelle
II-6-3-3. Traitement des autres signes associés
CONCLUSION