L’hypertension artérielle (HTA) est actuellement un des plus fréquents facteurs de risque de morbidité et de mortalité cardiovasculaire. On estime à 25% le nombre de personnes atteintes d’HTA dans la population générale [1,2]. Les effets nocifs de la pression artérielle (PA) augmentent proportionnellement à sa valeur [3]. Grâce à la transparence des milieux oculaires, l’examen du fond d’œil (FO) chez les patients hypertendus permet de savoir l’état vasculaire de certains organes vitaux de notre corps (coeur, cerveau, rein…). Histologiquement, les lésions oculaires des HTA malignes peuvent être classées en trois catégories : rétinopathie, neuropathie et choroïdopathie [4].
RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOSIQUES DE LA RETINE
Anatomie microscopique de la rétine
La rétine est la plus interne des trois membranes de l’œil. Elle est située entre la choroïde et le corps vitré. Son pôle postérieur est constitué par la macula lutea ou tache jaune, portion la plus sensible dont le centre présente une dépression, la fovéa centralis. A trois millimètres en dedans de la macula on retrouve une zone ovalaire à grand axe vertical appelée la papille. Ceci correspond à l’extrémité antérieure du nerf optique. La région périphérique de la rétine est fréquemment le siège de malformations et de lésions dégénératives, point de départ aussi de décollement de la rétine. Sa limite externe s’appelle l’ora serrata. La rétine est une membrane transparente, de 0,2 mm d’épaisseur, constituée de cellules nerveuses et névrogliques. Histologiquement, elle comprend 10 couches qui sont, de l’intérieur vers l’extérieur :
– la membrane limitante interne
– la couche des fibres du nerf optique
– la couche des cellules ganglionnaires
– la couche moléculaire ou pléxiforme interne
– la couche granuleuse interne
– la pléxiforme externe
– la couche granuleuse externe (ou des cellules visuelles)
– la membrane limitante externe
– la couche des cônes et des bâtonnets (ou membrane de Jacob)
– et la couche pigmentaire.
Ces diverses couches sont reliées par des fibres conjonctives, les fibres de Müller, dont les extrémités forment les membranes limitantes.
Vascularisation de la rétine
La rétine est vascularisée par l’artère centrale de la rétine, qui provient de l’artère ophtalmique, branche de l’artère carotide interne. Anatomiquement, l’artère centrale de la rétine se divise, au niveau de la papille, en quatre branches (artères rétiniennes temporales supérieure et inférieure, et nasales supérieure et inférieure) qui se divisent en réseau terminal, non anastomotique. Cette vascularisation est également assurée par un système veineux constitué par la tache centrale de la rétine. Lors d’un croisement entre une branche artérielle et une branche veineuse (habituellement, l’artère passe sur la veine), elles sont englobées dans un manchon d’adventice commun. La vascularisation rétinienne présente deux particularités : l’existence de « tight junctions » étanches entre les cellules endothéliales vasculaires (c’est la barrière hémato-rétinienne interne), et l’absence d’innervation vasculaire sympathique et parasympathique (qui s’interrompent au niveau de la lame criblée). Ainsi, le débit sanguin rétinien est régi par un système d’autorégulation locale afin de maintenir un débit constant : en cas d’HTA, il y a vasoconstriction rétinienne, et en cas d’hypotension, il y a vasodilatation. Cette vascularisation de la rétine s’observe à l’examen du fond d’œil à l’aide d’un ophtalmoscope.
Propriétés physiques de la rétine
La rétine est la membrane noble de l’œil. Pour simplifier, nous parlerons ici uniquement de trois couches qui nous intéressent: la couche des cellules photosensibles comprenant la couche des photorécepteurs et la couche granuleuse externe, la couche granuleuse interne et la couche des ganglionnaires. Ces trois couches représentent les cellules nerveuses de la rétine, reliées entre elles et ayant chacune une fonction précise. La plus profonde, par rapport à l’arrivée de la lumière est, paradoxalement, la couche des cellules photosensibles, aussi appelées photorécepteurs ou cellules sensorielles. La rétine est en effet « inversée », car la lumière doit traverser la rétine avant de pouvoir atteindre les photorécepteurs, sensibles à la lumière. Cette couche comporte environ 130 millions de cellules photosensibles différentes, portant des noms reflétant leur forme:
• Les bâtonnets, qui constituent environ 95% de ces cellules, soit au nombre de 120 millions, sont responsables de la vision nocturne, et ne sont sensibles qu’à la différence entre obscurité et lumière. Par contre, ils ont la plus grande sensibilité, et sont par cela adaptés à de faibles quantités de lumière.
• D’autre part, les cônes, cellules sensorielles plus grandes, forment les 5% restants des photorécepteurs. Les cônes sont responsables de la vision diurne (de jour), et font la différence entre les couleurs. Les cônes sont présents en majorité au niveau de la « tache jaune », dans la région centrale de la rétine. Au milieu de celle-ci se trouve la « fovéa », une légère dépression où sont présents uniquement des cônes, très serrés, et où les autres couches sont rejetées à la périphérie, pour laisser pénétrer la lumière plus facilement. La vision est à ce niveau plus précise, plus détaillée et plus sensible aux mouvements que sur le reste de la rétine. C’est d’ici que provient la plupart de l’information visuelle arrivant au cerveau.
La couche suivante, dénommée couche granuleuse interne, comporte une variété de neurones rétiniens, qui peuvent être classés en trois catégories :
• Les cellules bipolaires, tenant leur nom du fait qu’elles soient articulées entre les photorécepteurs et les cellules ganglionnaires de la 3e couche (les deux « pôles »), constituent la voie « directe » de transmission du message nerveux. Il existe plusieurs groupes de cellules bipolaires: les bipolaires de bâtonnets, reliant plusieurs bâtonnets à une cellule ganglionnaire, et les bipolaires de cônes, reliant un ou plusieurs cônes à une cellule ganglionnaire. Ces derniers se subdivisent encore en deux groupes, les bipolaires « invaginées » et les bipolaires « superficielles », formant deux voies distinctes de transmission de l’information. Les deux autres groupes de neurones de cette deuxième couche servent à moduler latéralement la transmission d’information, formant un « système de contrôle » qui permet au système rétinien de tenir compte des évènements issus du voisinage, pour mieux s’adapter, par exemple, aux contrastes ou aux bords des objets, et aussi au mélange des couleurs.
• Les cellules horizontales, dont le nom décrit bien le placement, en contact avec les synapses (région de contact entre deux neurones, et lieu de transfert d’informations entre celles-ci) entre les récepteurs et les cellules bipolaires.
• Les cellules amacrines, en contact avec les synapses entre cellules bipolaires et ganglionnaires. La dernière couche nerveuse de la rétine, « l’étage de sortie » vers le cerveau, est composée d’environ 1 million de cellules ganglionnaires, soit à peu près 130 fois moins nombreux que les cellules photosensibles. Ces neurones sont reliés d’une part aux cellules bipolaires, et ont d’autre part des fibres nerveuses, ou axones, qui se rejoignent au niveau de la papille pour former le nerf optique, relié au cerveau. La papille est dépourvue de photorécepteurs, et forme donc une « tache aveugle ». Ceci n’entraîne pourtant pas de problème visuel, grâce à une compensation de la part du cerveau.
RAPPELS SUR L’HTA
Définition et classifications
Définition
L’hypertension artérielle, souvent désignée par les 3 lettres HTA, est une élévation permanente de la pression du sang dans les artères au dessus des chiffres normaux, c’est-à-dire quand la tension artérielle est égale ou supérieure à 140/90 mmHg (ou14/9). Il faut donc que le tensiomètre indique une valeur tensionnelle de 135/85 mmHg maximum (13,5/8,5) pour que la tension soit normale. Mais la pression artérielle est variable selon les moments de la journée et les circonstances : elle augmente avec l’effort, les émotions violentes, tandis qu’elle s’abaisse lorsque l’organisme est au repos et pendant la nuit. Pour affirmer qu’une personne est atteinte d’hypertension artérielle il faut que la tension soit élevée en permanence, que les chiffres tensionnels soient toujours au-dessus des valeurs normales, quelques soient les circonstances et à l’occasion de plusieurs consultations. L’HTA touche près de 10% de la population française. Il y a plus de 7 millions d’hypertendus en France. C’est un facteur important de morbidité (insuffisance coronarienne et rénale, AVC) et de mortalité.
Etiologies
Les facteurs génétiques et d’environnement jouent un rôle dans l’augmentation des résistances périphériques qui représentent le principal facteur d’HTA. Les antécédents familiaux multiplient par 2 à 4 les risques de développer une HTA. Les autres facteurs de risque vasculaire sont l’obésité, le tabagisme, l’inactivité physique(sédentarisme), la goutte, le diabète sucré, la consommation importante d’alcool. L’hyperaldostéronisme primaire et l’hypertension rénovasculaire sont les causes les plus fréquentes d’HTA secondaire. Le phéochromocytome, la maladie de Cushing, la coarctation de l’aorte, sont des étiologies non exceptionnelles d’HTA secondaire. Une des difficultés de la prévention vient du fait de l’absence fréquente d’étiologie. Ainsi, dans plus de 90% des cas, l’HTA est dite essentielle. Différents facteurs associés à l’apparition d’une HTA ont été cependant identifiés et le développement d’actions visant à limiter ces facteurs de risque est aujourd’hui recommandé par l’ANAES. Les traitements hypotenseurs sont à présent capables de réduire la morbidité et la mortalité même dans les cas sévères. L’ESH 2003 comme le JNC7 proposent un objectif tensionnel <140/90 chez l’hypertendu tout venant et <130/80 chez l’hypertendu à risque, notamment le diabétique.
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Table des matières
INTRODUCTION
I-RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE DE LA RETINE
I.1- Anatomie microscopique de la rétine
I.2- Vascularisation de la rétine
I.3- Propriété physique de la rétine
II-RAPPELS SUR L’HTA
II.1- Définition et classifications
II.1.1- Définition
II.1.2- Classification
II.1.2.1- Classification selon l’ESH-ESC (2003)
II.1.2.2- Classification du JNC VII (2003)
II.2- Etiologies
II.3- Complications oculaires de l’HTA
II.3.1- La rétinopathie hypertensive
II.3.1.1- Définition
II.3.1.2- Physiopathologie
II.3.1.3- Signes cliniques
II.3.2- Choroïdopathie hypertensive
II.3.3- Neuropathie optique hypertensive
II.3.4- Autres manifestations ophtalmologiques de l’HTA
II.3.4.1- Glaucome et neuropathie optique ischémique
II.3.4.2- Rétinopathie diabétique
III-ARTERIOSCLEROSE
IV-CLASSIFICATION DE LA RETINOPATHIE HYPERTENSIVE ET DE L’ARTERIOSCLEROSE
POINS ESSENTIELS
CONCLUSION