Les conséquences des pathologies bucco-dentaires sur l’état de santé généralont fait l’objet de nombreuses recherches depuis le début des années 90[7].Les spécialistes de disciplines aussi variées que la cardiologie, la diabétologie, la gastro entérologie, la pneumologie ou l’obstétrique s’intéressent de plus en plus aux foyers infectieux chroniques générés par les parodontites.En effet, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, le diabète, la polyarthrite rhumatoïde ou certaines gastrites et maladies respiratoires ont été rapportés comme potentiellement associés aux parodontites. La prévention et la prise en charge de certaines de ces affections constituent une priorité essentielle de santé publique. Lorsque l’on connaît la forte incidence des parodontites (20%) dans la population de la région de Dakar[15], on comprend l’enjeu majeur que constitue la compréhension des associations entre les parodontites et les pathologies systémiques. Sur le plan obstétrical, des recherches récentes ont suggéré l’éventualité d’une association entre les parodontites chez la femme enceinte et la survenue d’accouchements prématurés [34, 45].
Durant toute sa vie, une femme présente des modifications plus ou moins importantes du parodonte. Ces modifications d’ordre physiologique passent généralement inaperçues. Celles-ci sont spécifiques de la période de la vie génitale dans laquelle se trouve la femme[16]. Elle peut à un moment donné présenter des manifestations d’atteinte sévère du parodonte (parodontopathies) qui sont des infections à expression inflammatoire.La femme enceinte présente quelques particularités:
– elle est exposée aux affections bucco-dentaires, en raison de son immuno-dépression passagère;
– elle est très vulnérable à la carie du fait de la décalcification osseuse et dentaire en relation avec l’état gravidique;
– les tissus parodontaux sont l’objet de remaniements dont la sévérité pourrait avoir un impact sur le poids du bébé à la naissance.
RAPPELS ANATOMO-HISTOPHYSIOLOGIQUES DE L’ORGANE DENTAIRE
L’organe dentaire est implanté dans lesos maxillaire et mandibulaire. Il est constitué de l’odonte et du parodonte.
Odonte
L’odonte ou dent est le tissu le plus dur de l’organisme. Il est composé d’une couronne et d’une ou de plusieurs racines en fonction de la dent. La limite de ces deux composants est la jonction amélo-cémentaire ou collet. Il est constitué de l’émail et du complexe dentino-pulpaire.
Email
C’est un tissu minéralisé composé à 97% de cristaux d’hydroxy-apatite, à 2% de matières organiques et à 1% d’eau. Il résiste longtemps au feu permettant ainsi à la dent à l’identification médico-légale.
Complexe dentino-pulpaire
Il est constitué de deux tissus ayant la même origine embryologique ectomésenchymateuse, la dentine et la pulpe.
Dentine
Elle est constituéede 70%de charge minérale, de 18 à 22% de matrice organique composée essentiellement de collagène et de 7 à 12%d’eau.Elle est perforée de micro-tubes ou tubuli dentinaires. Ceux-ci contiennent les prolongements des cellules dentaires : les odontoblastes.
Pulpe dentaire
Elle est une masse conjonctivo-vasculo-nerveuse et assure la vitalité de l’odonte. Elle est principalement en liaison avec le parodonte par un étroit foramen apical. Elle joue le rôle de défense par ses capacités inflammatoires et immunitaires et assure en partie la sensibilité dentinaire[20].
Parodonte
Le parodonte est l’ensemble des tissus minéralisés ou non qui assurent la fixation et l’articulation de la dent dans les maxillaires. Ces tissus sont d’aspect très varié suivant leur siège et leur fonction. Ils ont entre eux une complète interdépendance anatomique et physiologique. On distingue le parodonte superficiel (gencive) du parodonte profond (os alvéolaire, ligament alvéolodentaire, cément).
Gencive
C’est une muqueuse qui recouvre les remparts alvéolaires et sertit les dents au niveau de leur collet. Elle est délimitée par le feston gingival coronaire d’une part et la ligne de jonction muco-gingivale d’autre part.
Du point de vue clinique, la gencive saine ou assainie est d’aspect rose pâle, couleur saumon ou corail, piquetée en peau d’orange et fermement attachée aux structures sous-jacentes. Son bord gingival est mince (lame de couteau) et épouse parfaitement le collet anatomique des dents[18]. La couleur peut être modifiée en fonction de l’appartenance ethnique puisque l’intensité de la couleur d’une gencive normale est liée à son degré de kératinisation, à l’épaisseur du tissu et au plexus veineux sous-papillaire [32]. La gencive peut être divisée en trois parties distinctes:
➤ Gencive marginale
Elle réalise au niveau du collet des dents une sertissure non attachée à la surface dentaire. Cette non adhérence à la dent est à l’origine d’un espace peu profond virtuel appelé sulcus gingival ou sillon gingivo-dentaire. Sa profondeur anatomique moyenne est de 1,8 mm d’après Glickman[17]. La gencive marginale saine a une consistance ferme et une texture lisse.
➤ Gencive attachée
Elle prolonge la gencive libre en direction apicale. On l’appelle ainsi parce qu’elle est fermement fixée aux procès alvéolaires par le biais du périoste. Elle est de texture granitée et de consistance ferme. Sa hauteur peut varier entre 1 et 9 mm en fonction du secteur de l’arcade concernée. La gencive attachée se démarque de la muqueuse alvéolaire par la ligne de jonction muco-gingivale.
➤ Gencivepapillaire
Elle est encore appelée papille inter-dentaire, et constitue la gencive située dans l’espace inter-proximal créé par les dents adjacentes en contact. Une dépression appelée col gingival, réalise la jonction entre les papilles vestibulaire et linguale ou palatine (figure1). Cependant, ce col disparaît en cas de rupture du point de contact inter-dentaire.
La gencive est constituée d’un tissu conjonctif fibreux recouvert d’un épithélium stratifié. Cet épithélium est soit kératinisé soit parakératinisé à l’exception des épithélia sulculaire et de jonction. L’épithélium sulculaire et l’épithélium jonctionnel de par leur faible épaisseur et leur absence de kératinisation, constituent le point de départ de la maladie parodontale.Le tissu conjonctif sous-jacent est constitué principalement par des fibres de collagène, une matrice interstitielle, des cellules, des vaisseaux sanguins et rameaux nerveux. Les fibres de collagène maintiennent fermement la gencive marginale contre les dents et procurent une jonction serrée de la genciveattachée à la racine dentaire et à l’os alvéolaire. Elles sont classées en fibres inter-dentaires, circulaires et trans-septales.
Os alvéolaire
Encore appelé os parodontal, l’os alvéolaire est la partie des maxillaires où sont implantées les dents. Il constitue une charpente osseuse qui fait suite à l’os basal des maxillaires. C’est un os plat qui est constitué par deux corticales, une corticale externe (vestibulaire et linguale ou palatine) formée d’os lamellaire compact avec des canaux de Havers, et une corticale interne appelée os alvéolaire propre, ou lame cribriforme qui tapisse l’alvéole et qui reçoit les fibres de Sharpey. L’os alvéolaire est soumis à un processus de remaniement (synthèse et résorption) qui survient tout au long de la vie. Deux types de cellules interviennent dans ce phénomène : l’ostéoblaste (cellule génératrice d’os), et l’ostéoclaste intervenant dans la résorption osseuse. L’os alvéolaire nait, se développe avec les dents et disparait presque totalement après leur disparition.
Desmodonte ou ligament alvéolo-dentaire
C’est un tissu conjonctif, étendu entre le cément radiculaire et l’os alvéolaire. Sa largeur est variable (entre 0,15 et 0,39 mm) avec une zone étroite en regard du tiers moyen de la racine ; elle tend à diminuer au cours du vieillissement. Le desmodonte est essentiellement constitué de fibres de collagène intriquées, continues et ordonnées en réseau. Ces fibres sont classées en fibres supra crestales, horizontales, obliques et apicales selon leur position et leur orientation. Autour des fibres de collagène, il existe un tissu conjonctif plus lâche dans lequel se trouvent des cellules, un réseau sanguin et lymphatique et des nerfs. Le desmodonte contracte des rapports anatomophysiologiques avec le cément, l’os alvéolaire et la pulpe dentaire avec laquelle il communique par l’espace péri apical et par les canaux radiculaires accessoires.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I: RAPPELS ANATOMO-HISTO-PHYSIOLOGIQUES DE L’ORGANE DENTAIRE
1/ Odonte
1.1 Email
1.2Complexe dentino-pulpaire
1.2.1 Dentine
1.2.2 Pulpe dentaire
2/ Parodonte
2.1 Gencive
2.2 Os alvéolaire
2.3Desmodonte ou ligament alvéolo-dentaire
2.4 Cément
2.5 Physiologie du parodonte
CHAPITRE II: PATHOLOGIES BUCCO-DENTAIRES LES PLUS FREQUENTES
2.1/ Carie dentaire
2.1.1 Epidémiologie
2.1.2 Pathogénie / Schéma de KOENING
2.1.3Facteurs favorisants la carie dentaire
2.1.4 Evolution
2.2/Maladies parodontales
2.2.1Etiopathogénie des maladies parodontales
2.2.1.1 Facteurs locaux
2.2.1.1.1 Facteurs locaux directs
2.2.1.1.2Facteurs locaux indirects ou facteurs favorisants
2.2.1.2 Facteurs de risque
2.2.1.3 Facteurs comportementaux
2.2.1.4 Facteurs prédisposant
2.2.1.5Facteurs systémiques
2.2.2/ Classification des maladies parodontales
2.2.3/ Parodontite chronique
2.2.4/ Parodontite agressive
CHAPITRE III: GENERALITES SUR LA GROSSESSE
3.1 Définition
3.2Accouchement prématuré
3.2.1 Prématurité
3.2.2.Poids à la naissance et prématurité
3.3 Modifications hormonales
3.4 Modifications buccales
3.4.1 Muqueuse buccale
3.4.2 Influence hormonale sur la muqueuse buccale
3.4.3 Organes dentaires
3.4.4 Salive
CHAPITRE IV: PATHOLOGIES BUCCO-DENTAIRES SPECIFIQUES DE LA GROSSESSE
4.1Pathogénie
4.2Le granulome pyogénique ou botryomycome
4.3L’épulis de la femme enceinte
4.4 La gingivite gravidique
4.4.1Forme typique
4.4.2 Formes cliniques
CONCLUSION