Le rétablissement de la continuité digestive (RCD) consiste en la fermeture d’une stomie digestive. C’est un acte fréquent en chirurgie pédiatrique ; il est réalisé le plus souvent chez des enfants souffrant de malformations anorectales ou de maladie de Hirschsprüng ayant bénéficié au préalable d’une colostomie [7]. Chez l’enfant, le RCD après colostomie constitue donc une étape de la prise en charge de plusieurs pathologies congénitales ou acquises du côlon. Au Sénégal, ainsi que dans la majorité des pays en développement où la prise en charge des enfants porteurs de stomies digestives n’est pas assurée par des stomathérapeutes, la colostomie est associée à une morbidité importante [62]. Le contexte socio-économique défavorable des familles n’autorise pas toujours l’appareillage des colostomies. Compte tenu de toutes ces difficultés et de l’amélioration considérable qu’il apporte à la qualité de vie de l’enfant et surtout des parents, le RCD doit être réalisé dès que possible. Dans la littérature, il n’existe pas de consensus en ce qui concerne la préparation colique, la durée de l’antibiothérapie per et post-opératoire et la technique de la fermeture de la stomie qui sont laissées à l’appréciation du chirurgien [12]. Les résultats sont souvent satisfaisants après le RCD [7, 12, 13, 18, 22, 46, 49]. Mais malgré ses bénéfices, il peut être associé à de sérieuses complications pouvant même engager le pronostic vital [12, 13, 18, 22, 49]. Dans la littérature le taux de morbidité est très variable, allant de 1,5 % à 41,9 % [7, 46]. Les complications surviennent essentiellement de façon précoce, et sont surtout représentées par les suppurations pariétales et les lâchages d’anastomose [12, 13, 18, 49]. D’autres complications telles que les occlusions, et les éventrations ont également été rapportées chez les enfants [7, 12, 13, 18, 22]. La mortalité qui va de 0 à 1,8 % dépend des séries [7,13]. Au service de chirurgie pédiatrique de l’ HALD, il n’existe pas, à notre connaissance, un travail sur les rétablissements de la continuité digestive chez l’enfant. Le but de ce travail était de faire une description et d’étudier les procédures de RCD dans notre service, en rapportant les aspects épidémiologiques, les différentes indications de la colostomie chez l’enfant, le délai entre la colostomie et le rétablissement de la continuité digestive, les techniques utilisées pour le RCD et les aspects évolutifs. Après une revue de la littérature portant sur un rappel anatomique du côlon, les différentes indications des colostomies, les différents types de colostomies ainsi que les différentes techniques de rétablissement de la continuité digestive et ses complications, nous exposerons les résultats de notre étude avant de présenter la conclusion.
Rappels anatomiques, physiologiques et embryologiques sur le côlon
Rappel anatomique sur le côlon
Anatomie descriptive
Le côlon est la partie de l’intestin comprise entre l’angle iléo-caecal et la jonction recto-sigmoïdienne. C’est un organe creux, dynamique, qui mesure environ 1,50m à 1,60m de long, Son calibre diminue progressivement de 25- 30cm au niveau du caecum à 12-15cm au niveau du côlon sigmoïde. Il comprend sept segments :
-le caecum, volumineux récessus, situé dans la fosse iliaque droite, auquel est appendu un diverticule : l’appendice vermiculaire ;
-le côlon ascendant, fixe, verticalement ascendant dans la région lombaire droite ;
-l’angle colique droit, qui est infra-hépatique ;
-le côlon transverse, oblique en haut et à gauche ;
-l’angle colique gauche, infra splénique;
-le côlon descendant, fixe, comportant trois segments : lombaire, quasiment vertical ; iliaque, traversant obliquement la fosse iliaque gauche ; le côlon sigmoïde, décrivant une boucle de morphologie variable dans la cavité pelvienne.
Morphologie externe
Le côlon se différencie de l’intestin grêle par son calibre plus important et son apparence bosselée. Ces bosselures correspondent à des haustrations et sont séparées par des rétrécissements qui font saillie dans la lumière sous la forme de plis semi-lunaires. La surface colique est en outre parcourue par des bandelettes blanchâtres, condensation de la couche musculaire externe longitudinale d’environ 1cm de large, qui le segmentent longitudinalement en trois faces. Ces bandelettes sont au nombre de trois du cæcum au sigmoïde, l’une antérieure (sur le bord libre), les deux autres postéro-latérales. Au niveau du sigmoïde, les bandelettes se réduisent à deux, l’une antérieure, l’autre postérieure, pour disparaître un peu audessus de la jonction colo-rectale. Elles constituent une zone épaissie au niveau du côlon. Pour le chirurgien les bandelettes sont une zone élective pour la colotomie, car à leur niveau la paroi est plus épaisse, la disposition des fibres est plus aisée à saisir : l’incision se fera donc au milieu d’une bandelette afin d’éviter une rétraction asymétrique de la paroi. Au niveau des haustrations, la paroi colique est plus mince, la musculeuse s’y trouvant réduite à la seule couche circulaire. Les franges épiploïques constituent un amas graisseux s’insérant sur les portions droites et surtout gauches du côlon de part et d’autre des bandelettes. Elles peuvent être particulièrement volumineuses et gênantes chez l’obèse. Lorsqu’elles doivent êtres réséquées, il faut les sectionner après ligature au fil fin à petite distance de la paroi car un diverticule muqueux peut s’y inclure.
Structure
La paroi colique comporte quatre tuniques, superposées de dehors en dedans : la séreuse, constituée par le péritoine viscéral ; la couche musculaire, formée par la superposition de deux couches (une externe, longitudinale incomplète, épaisse, l’autre interne, circulaire) ; la sous muqueuse, lâche, plan de glissement entre les deux couches adjacentes ; la muqueuse, dépourvue de valvules conniventes et de villosités contrairement à l’intestin grêle.
Fixité
Les portions accolées du côlon opposent leur fixité à la variabilité des portions libres, c’est-à-dire que le côlon pelvien et le côlon transverse occupent des situations très variables dans la cavité abdomino-pelvienne, alors que les côlons descendant et ascendant sont relativement fixes. Les angles coliques sont les portions les plus stables du côlon.
Rapports
Le caecum répond en arrière au muscle iliaque sur lequel chemine le nerf cutané latéral. En dedans, on retrouve l’iléon, l’appendice vermiforme, le muscle grand psoas et le nerf fémoral .Il répond latéralement et en avant à la paroi abdominale antérieure. Le côlon ascendant répond en avant à la paroi abdominale antérieure constituée par les muscles larges. En arrière, la partie haute de la fosse iliaque et la paroi musculaire de la fosse lombaire. Il répond à droite à la gouttière pariéto-colique droite et à gauche aux anses iléales. L’angle colique droit répond au tiers inférieur du rein droit en arrière. Sa face antérieure entre en rapport avec la face viscérale du foie. Sur sa face médiale chemine la partie descendante du duodénum. Sa face latérale s’attache au diaphragme grâce au ligament phrénico-colique. La partie droite du côlon transverse répond en avant à la paroi abdominale antérieure et en arrière au tiers inférieur du rein droit à la partie descendante et horizontale du duodénum et aux vaisseaux mésentériques supérieurs. En haut, elle répond à la face inférieure du lobe droit du foie, à la vésicule biliaire, à la grande courbure de l’estomac, et en bas aux anses grêles. La partie gauche du côlon transverse répond en avant à la paroi abdominale antérieure, en arrière à l’angle duodéno-jéjunal, au rein gauche et à la queue du pancréas, en haut à l’estomac et en bas aux premières anses jéjunales. La face postérieure de l’angle colique gauche répond au sinus réno-pariétal gauche tandis qu’en avant, il est en rapport avec la grande courbure gastrique. Le côlon descendant est appliqué sur la paroi abdominale postérieure par le péritoine qui revêt ses faces antérieure et latérale. Sa face postérieure est en rapport avec le diaphragme, la paroi musculaire de la fosse lombaire gauche et les parties molles de la fosse iliaque gauche. En avant il répond à la paroi abdominale antérieure, séparée du côlon par les anses jéjunales et le grand omentum. Le sigmoïde répond en bas et en avant à la vessie et au rectum chez l’homme, à l’utérus et au ligament large chez la femme. En arrière, il est en rapport avec le rectum. En haut, il répond aux anses grêles.
Vascularisation, drainage lymphatique et innervation
Artères
La vascularisation artérielle du côlon est assurée par les branches des artères mésentériques supérieure et inférieure.
Artère mésentérique supérieure
Elle vascularise par ses collatérales droites le caeco-appendice, le côlon ascendant et la moitié ou les deux tiers droits du côlon transverse.
On distingue:
-L’artère colique ascendante, branche de l’artère iléo-colique, qui vascularise la portion initiale du côlon ascendant, l’appendice et le cæcum par ses branches appendiculaires, cæcales antérieure et postérieure ;
-L’artère colique droite, qui remonte vers l’angle droit ;
-l’artère colique moyenne (colica media) qui naît en haut, directement de la mésentérique supérieure au bord inférieur du pancréas. Elle est courte et se dirige vers l’union du tiers moyen et du tiers gauche du côlon transverse : cette artère est très variable dans son calibre, son trajet et son mode de division.
Artère mésentérique inférieure
Elle vascularise par ses collatérales gauches la moitié ou les deux tiers gauches du côlon transverse, le côlon descendant et le côlon ilio-pelvien.
Distribution de l’arcade colique
L’arcade colique se distribue à 2 ou 3 cm du bord interne du côlon, chaque artère colique se divise en T et s’anastomose avec les branches correspondantes des artères sus- et sous-jacentes. Ainsi se forme tout le long du cadre colique, du cæcum à la jonction rectosigmoïdienne, une arcade marginale, parfois dédoublée, notamment au niveau de l’angle droit ou du transverse. Cette arcade vasculaire para-colique ou arcade de Riolan relie les territoires mésentériques supérieur et inférieur et permet une suppléance artérielle suffisante sur tout le cadre colique en cas d’interruption de l’un de ses piliers. De l’arcade naissent les vaisseaux droits qui gagnent le bord interne du côlon. La vascularisation pariétale colique a des axes essentiellement transversaux. Les colotomies transversales sont donc moins hémorragiques que les incisions longitudinales.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS ET REVUE DE LA LITTERATURE
I. Rappels anatomiques, physiologiques et embryologiques sur le côlon
1. Rappel anatomique sur le côlon
1.1. Anatomie descriptive
1.2. Morphologie externe
1.3. Structure
1.4. Fixité
1.5. Rapports
1.6. Vascularisation, drainage lymphatique et innervation
1.6.1. Artéres
1.6.1.1. Artère mésentérique supérieure
1.6.1.2. Artère mésentérique inférieure
1.6.1.3. Distribution de l’arcade colique
1.6.2. Veines
1.6.2.1. Vascularisation veineuse du côlon droit
1.6.2.2. Vascularisation veineuse du côlon gauche
1.6.3.Lymphatique
1.6.4. Nerfs
2. Rappel physiologique
3. Rappel embryologique
II.Rappels sur les indications de la colostomie chez l’enfant
1.Chez le nouveau né et le nourrisson
1.1. Maladie de hirschsprüng
1.2. Malformations ano-rectales
1.3. Indications rares
2. Chez l’enfant plus âgé
2.1. Maladie de Hirschsprüng
2.2. Syndrome d’adynamie intestinale
2.3. Echecs de la chirurgie colique ou rectale
2.4. Indications rares
3. Quel que soit l’âge
III. Rappels sur les différents types de colostomies
1. Colostomie terminale (type Hartmann)
2. Colostomie latérale terminalisée (Bouilly Volkmann)
3. Colostomie latérale ou transverse
4. Colostomie continente selon la technique de Schmidt
5. Cæcostomie
IV. Rétablissement de la continuité digestive
1. Définition
2. Préparation de l’intervention
2.1. Information des parents
2.2. Préparation colique
2.3. Anesthésie
3. Techniques
3.1. Technique cœlioscopique
3.1.1. Installation du patient
3.1.2. Position de l’opérateur et des aides opérateurs
3.1.3. Technique d’anastomose mécanique utilisant des pinces
3.2. Technique par mini-laparotomie péristomiale
3.2.1. Fermeture des stomies latérales
3.2.1.1. Procédé extra-péritonéal
3.2.1.2. Procédé intra-péritonéal
3.2.2. Fermeture des stomies terminales
3.3. Technique par laparotomie médiane
4. Complications après le rétablissement de la continuité
4.1. Complications précoces
4.1.1. Suppurations pariétales
4.1.2. Fistules d’anastomose
4.1.3. Occlusions post-opératoires
4.1.4. Eviscérations
4.2. Complications tardives
4.2.1. Eventrations
4.2.2- Sténoses post-opératoires
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. PATIENTS ET METHODE
1. Patients
1.1. Critères d’inclusion
1.2. Critères de non inclusion
1.3. Population d’étude
2. Méthode
2.1. Cadre d’étude
2.1.1. Description
2.1. 2. Personnel
2.1.3. Activités du service
2.2. Type d’étude
2.3. Sources des données
2.4. Paramètres étudiés
2.5. Traitement des données
II. RESULTATS
1. Aspects épidémiologiques
1.1. Age
1.2. Sexe
2. Indications de la stomie
3. Bilan malformatif
4. Type de stomie
5. Délai entre la colostomie et le rétablissement de la continuité digestive
6. Technique chirurgicale
6.1. Abord
6.2. Type d’anastomose
6.3. Type de fil
7. Evolution
7.1. Durée d’hospitalisation
7.2. Suites opératoires
7.2.1. Suites simples
7.2.2. Morbidité
7.2.3. Mortalité
III. DISCUSSION
1. Aspects épidémiologiques
2. Indications de la colostomie
3. Bilan malformatif
4. Type de stomie
5. Délai entre la colostomie et le rétablissement de la continuité digestive
6. Technique chirurgicale
7. Aspects évolutifs
CONCLUSION
REFERENCES