La définition de l’œdème maculaire (OM) a connu de profondes évolutions au fil des années, tant en raison de l’amélioration des techniques d’exploration que de l’avancée dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques impliqués dans son apparition. D’un simple épaississement rétinien maculaire constaté à l’ophtalmoscopie, l’OM a évolué vers un concept plus complexe, commun à de nombreuses pathologies, et dont la pathogénie implique de multiples mécanismes. Le concept d’œdème maculaire est né avec les premiers ophtalmoscopes qui permettaient pour la première fois d’accéder à l’examen du fond d’œil. La description par Louis Auguste Desmarres de l’aspect d’œdème rétinien comme un aspect de « convexité des vaisseaux de la rétine » en 1858 est le premier pas dans la longue histoire de l’OM. Il introduisait, par la description de troubles de la circulation dans la « membrane rétinienne », la notion de congestion et de rétention liquidienne dans la rétine, assez vite complétée par la notion de kystes intrarétiniens. L’affection rétinienne était qualifiée d’œdème par analogie avec ce qui était constaté au niveau des tissus périphériques extra-oculaires. L’apparition de la vision stéréoscopique autorisa une troisième dimension permettant d’amener le concept « d’épaississement rétinien » qui reste encore le primum movens associé à l’OM, et de bien décrire l’aspect « d’œdème maculaire kystique » pouvant compliquer une occlusion veineuse, ou un diabète. Au terme de cette première période, l’OM était donc défini par un épaississement de la rétine, associé à des kystes intrarétiniens liquidiens [1]. Le diagnostic est essentiellement clinique par la mise en évidence d’un épaississement rétinien.
RAPPELS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DE LA MACULA
Anatomie
Définition
La macula est une petite zone ovalaire située sur l’axe optique au centre du pôle postérieur de la rétine. Elle est centrée par la fovéola. Elle est caractérisée par la présence de cellules hautement spécialisées, essentiellement des cônes et constitue ainsi la base anatomique de la vision des détails.
Anatomie descriptive
Macroscopie
Elle est située quasiment au centre de la rétine, en temporal par rapport à la papille. C’est une zone elliptique de 1,5 mm de large pour 1 mm de hauteur. Son aspect légèrement jaunâtre est dû à la présence d’un pigment xanthophylle. Elle présente à décrire deux parties : la fovéola et le clivus. La fovéola est une dépression centrale de la fovéa, située à deux diamètres papillaires en dehors du bord temporal de la papille. Elle a un diamètre de 350 μm et est centrée par un reflet. Les capillaires rétiniens s’arrêtent à 200 μ du centre de la fovéola, limitant ainsi une zone avasculaire centrale de 400 μ de diamètre. Le clivus est un bourrelet qui borde latéralement la dépression fovéolaire, légèrement plus saillant du côté nasal que temporal. Il se continue avec les zones para et péri-maculaires pour former la région maculaire.
Microscopie
Histologiquement la rétine se compose de dix couches. La première couche est pigmentaire et les autres couches forment la rétine neurosensorielle ou neuroépithélium (couche des photorécepteurs, membrane limitante externe, couche nucléaire externe, couche plexiforme externe, couche nucléaire interne, couche plexiforme interne, couche des cellules ganglionnaires, couche des fibres nerveuses et la membrane limitante interne). Il existe aussi d’autres cellules au niveau du neuro-épithélium : les cellules d’association et les cellules gliales. Au niveau de la macula, on retrouve les mêmes structures avec quelques particularités. La fovéola est constituée par une rétine très mince (130 μ). Cette minceur caractéristique est due à l’absence des couches internes à ce niveau (nucléaire interne, plexiforme interne, couche des cellules ganglionnaires et couche des fibres optiques). De dehors en dedans, on retrouve :
– l’épithélium pigmentaire ; formé de cellules plus hautes et moins larges qu’en rétine moyenne. Elles sont fortement pigmentées ;
– la couche des photorécepteurs, constituée uniquement de cônes. Les cônes ont une expansion externe allongée, mince, cylindrique, qui leur confère un aspect de bâtonnet ;
– la membrane limitante externe ;
– la couche nucléaire externe, constituée par les noyaux des cônes centraux qui se disposent en trois ou quatre couches ;
– la couche plexiforme externe, très mince formée par les expansions internes de ces cônes. Ces expansions très longues sont dirigées obliquement vers le clivus ;
– et la membrane limitante interne, très mince et n’adhérant pas aux fibrilles collagènes du vitré. Cette zone ne contient pas de capillaires rétiniens. Au niveau du clivus, on retrouve les dix couches de la rétine avec les particularités suivantes :
– les cellules photoréceptrices sont essentiellement des cônes, les premiers bâtonnets étant visibles à 250 μ du centre de la fovéola ;
– la couche plexiforme externe, dénommée couche de Henlé, est constituée par les fibres de Henlé qui sont des expansions internes des cônes maculaires disposées latéralement. Cette disposition oblique donne à la couche de Henlé une grande épaisseur et un aspect radiaire ;
– la couche nucléaire interne est épaisse ;
– et la couche des cellules ganglionnaires réapparait, les capillaires rétiniens réapparaissent à 200 μ du centre de la fovéola, formant l’arcade périfovéolaire qui limite l’aire avasculaire centrale.
Au pourtour de la fovéola, la région maculaire se poursuit par la parafovéa puis la périfovéa. La limite périphérique de la macula correspond à la zone où les cellules ganglionnaires sont réparties sur une seule couche.
Rapports
Les rapports antérieurs se font avec la face postérieure du vitré par l’intermédiaire de la membrane limitante interne. On décrit deux parties : une rétinienne formée par une membrane basale lisse du côté vitréen et ondulée du côté rétinien et une partie vitréenne formée par une condensation de fibrilles vitréennes postérieures. Ces fibrilles de collagènes fusionnent avec la basale rétinienne qu’elles pénètrent sur la moitié de son épaisseur constituant une adhérence histologique plus faible au niveau du pole postérieur. Les rapports postérieurs se font avec la choroïde : l’épithélium pigmentaire est en rapport avec la choriocapillaire, par l’intermédiaire de la membrane de Bruch, à laquelle il est intimement lié.
Vascularisation
Il existe un double système vasculaire: un système extrarétinien et un système intrarétinien. La choriocapillaire vascularise l’épithélium pigmentaire et les photorécepteurs. La vascularisation périfovéolaire est assurée par le système intrarétinien.
Le réseau veineux correspond aux veines cheminant parallèlement aux artères et se drainant dans la veine centrale de la rétine.
Physiologie
Une fois que la lumière s’est focalisée sur la fossette centrale de la rétine, les photorécepteurs entrent en jeu. Au niveau de la macula, les photorécepteurs sont tous des cônes, donc on s’intéressera à ces derniers. Les cônes sont assimilés sur le plan structural à de grandes cellules épithéliales renversées, avec un segment externe court et conique, qui est la région réceptrice et un segment interne qui communique directement avec leur corps cellulaire. Les segments internes possèdent une forte concentration de mitochondries, qui fournissent l’énergie nécessaire aux réactions photoréceptrices, et les segments externes contiennent un réseau élaboré de pigments visuels ou photopigments, qui changent de forme en absorbant la lumière. Chaque cône est uni par une « ligne » aux centres visuels. C’est pourquoi les cônes fournissent des images nettes et détaillées de portions très petites du champ visuel. Le pigment visuel des cônes se compose de rétinal et d’opsine. Suivant les propriétés de l’opsine qu’ils contiennent, les cônes se divisent en trois types sensibles à des longueurs d’onde différentes. Les noms des types de cônes indiquent les couleurs (autrement dit, les longueurs d’onde) qu’ils absorbent préférentiellement. Ainsi, les cônes bleus ou S réagissent surtout aux longueurs d’onde d’environ 420 nm, les verts ou M aux longueurs d’onde de 530 nm et les rouges ou L aux longueurs d’onde d’environ 560 nm. Les spectres d’absorption des cônes bleus, verts et rouges se chevauchent permettant la perception des couleurs intermédiaires comme l’orangé, le jaune et le violet. La perception de la brillance et de la saturation des couleurs est liée au degré de stimulation de chaque type de cône. Les cônes sont peu sensibles, ils ont besoin d’une lumière de plus grande intensité pour être activés. Ils sont donc adaptés à la vision diurne ou photopique.
Lorsque les cônes sont excités, le rétinal s’oxyde (isomérisation) et se mue en rétinal 11-cis puis, se combine avec l’opsine pour former la photopsine. Lorsqu’il absorbe la lumière, le rétinal se redresse et prend une nouvelle forme d’isomère nommée tout-trans-rétinal. Sous l’effet de ce redressement, l’opsine change à son tour de forme et prend son aspect activé par la lumière. Par la suite, la combinaison rétinal-opsine se dégrade, ce qui permet au rétinal et à l’opsine de se séparer. Ce phénomène photochimique simple déclenche une chaine de réactions chimiques et électriques dans les cônes, qui finissent par entrainer la propagation d’influx nerveux dans les nerfs optiques.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. RAPPELS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DE LA MACULA
I.1. Anatomie
I.1.1. Définition
I. 1.2. Anatomie descriptive
I.1.3. Rapports
I.1.4. Vascularisation
I. 2. Physiologie
I.3. Différents rôles de la macula
I.4. Moyens d’exploration
II. Rappels cliniques
II.1. Physiopathologie
II.2. Diagnostic positif
II.3. Diagnostic différentiel
Il se fait avec les pathologies suivantes
II.4. Diagnostic étiologique
II.4.1. Œdème maculaire diabétique
II.4.2. Œdème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes
II.4.3. Œdème maculaire inflammatoire
II.4.4. Œdème maculaire postopératoire
II.4.5.Autres causes d’œdème maculaire
III. Traitement
III.1. But
III.2. Les moyens thérapeutiques
III.3. Indications
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
MATERIELS ET METHODES
1. Cadre d’étude
2. Période et type d’étude
3. Critères d’inclusions
4. Critères de non inclusion
5. Méthodes de recueil et de traitement des données
RESULTATS
I. Aspects épidémiologiques
I. 1. Fréquence
I. 2. Sexe
I.3. Age
II. Aspects cliniques
II.1. Antécédents
II.2. Motifs de consultation
II.3. L’acuité visuelle
II.4. La réfraction automatique
II.5. Le tonus oculaire
II.6. Le fond d’œil
II.7. Examen du segment antérieur
III. Aspects paracliniques
III.1.Corrélation entre l’acuité visuelle et l’épaisseur maculaire
III.2. Corrélation entre la durée d’évolution du diabète et l’épaisseur maculaire
DISCUSSION
I. Aspects épidémiologiques
II. Aspects cliniques et paracliniques
III. Limite de l’étude
CONCLUSION