Dans les pays dits développés, le cancer constitue un problème majeur de santé publique. Une augmentation remarquable du taux de mortalité par cancer a été constatée au cours des dernières décennies, contrairement à d’autres maladies. En France, un homme sur 3 et une femme sur 5 meurent d’un cancer (1). Ce taux élevé de mortalité par cancer fait penser à l’inefficacité des différentes mesures déjà prises dans divers pays comme les campagnes de sensibilisation et de dépistage précoce des cancers bronchiques, des mesures hygiéno-diététiques. L’objectif de l’OMS d’obtenir une diminution de 25 % de la mortalité en l’an 2000 dans son programme « La santé pour tous en l’an 2000 » n’était pas atteint (2). Actuellement le cancer broncho-pulmonaire est devenu incontestablement le cancer le plus fréquemment observé dans le monde. Sa fréquence a pratiquement doublé tous les 10 ans jusqu’aux années 1980 (3). Devenu un sujet de polémique depuis ces dernières décennies, ce type de cancer a la réputation d’être le cancer le plus meurtrier de nos jours : c’est la première cause de décès par cancer chez l’homme. Depuis la fin des années 1980, on assiste à une augmentation très importante de l’incidence de ce cancer chez la femme (1). En 1995 le cancer bronchique est classé au 3ème rang des causes de mortalité par cancer chez la femme en France mais occupe la première place aux USA en 1987 (4). Ce phénomène est en rapport direct aux changements des habitudes de vie depuis quelques années dont les liens avec le tabac étaient clairement définis (3). Avec les progrès techniques actuels en matière d’imagerie il est possible de diagnostiquer de façon précoce les cancers bronchiques permettant une prise en charge plus précoce. Malgré cela, son pronostic reste effroyable puisque l’espérance de vie à 5 ans des malades atteint de cancer bronchique est de 10% quel que soit le stade (5). En Afrique (6,7), des études ont été réalisées dans certains pays sur les cancers bronchiques mais ses résultats ne permettent pas d’avoir des données épidémiologiques exactes dans ce continent. En 2003 à Madagascar (8,9), le cancer bronchique primitif constituait 8% des cancers diagnostiqués et traités dans le service d’oncologie de l’HJRA.
A l’USFR de Pneumologie de l’Hopital Joseph Raseta de Befelatanana, une étude récente sur les aspects épidémiologiques et anatomopathologiques des cancers broncho-pulmonaires avait rapporté un taux de 3.76% de cette maladie. Notre travail intitulé : « aspects radio-cliniques des cancers broncho-pulmonaires à l’USFR de Pneumologie Befelatanana » complète les données de cette récente étude.
RAPPELS THEORIQUES SUR LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES
Définition
Les cancers broncho-pulmonaires sont des cancers qui se développent à partir du parenchyme pulmonaire. Ils résultent de la transformation maligne de l’épithélium qui tapisse les voies aériennes intra thoraciques (10). C’est le fruit d’une transformation progressive de l’épithélium normal en métaplasie, puis dysplasie, puis cancer in situ et finalement, lésion invasive, effractant la membrane basale. Les cancers broncho pulmonaires sont multiples. Ils peuvent être primitifs de siège bronchique ou secondaires à un autre cancer : atteinte pulmonaire par voie sanguine ou lymphatique (11).
Epidémiologie des cancers broncho-pulmonaires
En l’an 2000, les cancers bronchiques constituaient 12% de tous les cancers dans le monde, avec une nette prédominance masculine 73% versus 27% chez les femmes ; le sexe ratio mondial est de 3/1. Ces cancers bronchiques sont responsables de 17% de décès par cancer. La répartition dans le monde montre une prévalence élevée en Asie de l’Est 38% ; en Europe 18%, et en Amérique du nord 16%. En France 26743 nouveaux cas ont été retrouvés avec une incidence de 54/100000 habitants chez l’homme et 13/100000 habitants chez les femmes, le sexe ratio était de 6/1 (5). L’incidence des cancers bronchiques a tendance à diminuer chez les hommes dans les pays qui sont entrés historiquement tôt dans le tabagisme (Etats Unis d’Amérique, Grande-Bretagne) en raison des grandes campagnes d’incitation à l’arrêt effectuées depuis trente ans dans ces pays (12,13). L’incidence mondiale devrait encore croître à cause de la proportion de plus en plus grande de fumeurs dans les pays émergeants les plus peuplés comme la Chine et l’Union Indienne où on note près de 50 % de fumeurs dans les populations adultes masculines urbaines. Les données récentes montrent une nette augmentation de la proportion du taux de cancer bronchique chez la femme, conséquence directe de leur entrée massive dans le tabagisme. Aux Etats-Unis (12), par exemple, 45% des nouveaux cas de cancers broncho-pulmonaires surviennent chez les femmes. Le cancer bronchique devient la première cause de mortalité par cancer chez femmes en 1987, devant le cancer du sein. En 2005, on estime le nombre de nouveaux cas par an à 30000 en France et à plus de 174000 aux Etats-Unis. L’incidence et la prévalence sont proches ce qui témoigne du pronostic désastreux de cette maladie. Le cancer broncho-pulmonaire représente un véritable problème de santé publique .
Facteurs favorisants
Il existe deux facteurs de risque principaux : le tabagisme et les expositions professionnelles. 131. Tabagisme Le tabac est la principale cause de mort évitable selon l’OMS. En France 80000 morts était rapportés en 2002, ce taux serait de 165000 en 2020. La relation entre cancer du poumon et tabagisme est établie sans ambiguïté depuis 1950 (14) : 9 cancers du poumon sur 10 sont dus au tabac. Les substances cancérigènes contenues dans le tabac sont nombreuses : goudrons, substances irritantes (phénols, esters, alcools, oxydants,…). Le risque de mourir d’un cancer bronchique peut être multiplié par 56 chez un gros fumeur mais la cigarette est toujours dangereuse, même en petites quantités. Il ne semble pas exister de dose seuil. Pour une personne qui fume un paquet de cigarettes par jour, les risques sont 10 fois plus élevés que pour le non-fumeur et ceux des très gros fumeurs peuvent être multipliés par 20 voire 30 selon la teneur en goudron de la marque (15,16). Ces substances cancérigènes provoquent des mutations géniques (gène K-ras, p53…) par lésions des ADN à l’origine d’activation anormale du développement cellulaire et augmentant le risque de cancer. Il y a aussi la stimulation par la nicotine des récepteurs aux Gastrin-Related Peptide (rGRP) protéine stimulant la prolifération cellulaire (17,18). Il existe une relation dose/effet entre le nombre d’années de tabagisme et la survenue d’un cancer bronchique. On quantifie la consommation en Paquet- année qui est le produit du nombre de paquets de 20 cigarettes fumées par jour par le nombre d’années de consommation. Le risque de cancer broncho- pulmonaire est important à partir de 20 paquets- année. Il augmente encore plus avec la durée de consommation tabagique ce qui veut dire si l’intoxication débute à l’adolescence (15,16). Le cancer est présent à son premier stade chez presque toutes les personnes qui fumaient depuis longtemps. Mais celles-ci meurent aussi d’autres maladies (cardio-vasculaire, BPCO,…) imputables en partie au tabagisme, avant que le cancer ne soit déclaré. Il est probable également que des facteurs héréditaires associés à certaines habitudes tabagiques prédisposent certains fumeurs que d’autres ce qui fait qu’ils ne sont pas atteints du cancer du poumon. Le « véritable » fumeur de pipe ou de cigares par contre absorbe la nicotine de la fumée (alcaline) de la pipe et du cigare par les muqueuses de la bouche et n’inhale pas la fumée ou très peu. Dès lors, ses risques de contracter un cancer du poumon sont moins élevés que pour le fumeur de cigarettes. Mais le passage de la cigarette à la pipe ou au cigare peut être dangereux. En effet, le fumeur continue, par habitude et par inadvertance, à inhaler la fumée qui est encore plus forte que celle de la cigarette. Plusieurs études rapportées dans la littérature ont montré que les femmes pourraient présenter une sensibilité accrue aux carcinogènes de la fumée de tabac, et développeraient plus rapidement des cancers bronchiques. Le risque pour les femmes de présenter un cancer bronchique est de 1,5 à 3 fois supérieur à celui des hommes, à tabagisme égal, et l’augmentation du tabagisme chez la femme avec un début au collège entraîne une modification des répartitions des cancers bronchiques dans les deux sexes (19). Le rôle du tabagisme passif est démontré par l’observation de la présence de nicotine dans les urines des non- fumeurs exposés. Il peut être familial, professionnel et/ou social. Le tabagisme passif débute dès la petite enfance et peut durer plus de 12h par jour mais sa quantification est difficile. 1/3 des cancers du poumon des nonfumeurs sont observés chez des non-fumeurs vivants avec un fumeur. La fumée inhalée par tabagisme passif pourrait augmenter de 20% le risque de cancer pulmonaire. On estime qu’environ 100 personnes non- fumeuses sont victimes d’un cancer broncho- pulmonaire par an lié à la fumée des autres. Le risque relatif est de 1,25-1,30 pour un non fumeur vivant toute sa vie au contact d’un conjoint fumeur.
Expositions professionnelles
a- Amiante
Le temps de latence est de l’ordre de 20 ans. Le tabac joue chez les fumeurs un rôle multiplicateur (21). Le risque cancérogène passe de 10 à 52 en cas d’exposition à l’amiante. Les professionnels exposés à l’amiante sont nombreux et travaillent dans des secteurs d’activités très variées : extraction d’amiante, isolation, chantiers navals, etc (1,22).
b- Produits radioactifs tels que le minerai
Le risque de cancer du poumon est élevé chez les travailleurs qui extraient de l’uranium ou des minéraux contaminés par celui ci (mines de spath fluor, d’oxydes de fer, etc.) et augmente avec l’intensité et la durée de l’exposition. On note que l’incidence des cancers bronchiques à petites cellules est importante bien que les autres types histologiques puissent être observés. La consommation de tabac augmente également le risque de façon multiplicative (1,23).
c- Autres polluants professionnels (1,5)
Ils comprennent les produits chimiques et les rayonnements ionisants. On inclue parmi ces produits:
– l’acide chromique et les chromates, et bichromates alcalins ou alcalinoterreux ainsi que le chromate de zinc
– les poussières ou vapeurs arsenicales
– le nickel
– la poussière ou la fumée d’oxydes de fer (rôle non formel)
– le béryllium
– le gaz moutarde
– le bis (chlorométhyle) éther
– la silice
– la cadmium
– les poussières de cobalt associées au carbure de tungstène avant frittage
– la houille et les suies de combustion de charbon
– les poussières ou vapeurs renfermant des arséno-pyrites aurifères.
– les hydrocarbures aromatiques polycycliques, en particulier les benzopyrènes
– fibres de verres .
Autres facteurs importants
a- Sexe
La comparaison des risques de cancer pulmonaire, à tabagisme égal, entre les hommes et les femmes, a laissé penser dans les années 50/60 que ce risque chez la femme est égal à la moitié, voire au quart de celui observé chez l’homme. En effet, les études les plus récentes suggèrent, au contraire, que le risque de survenue d’un cancer bronchique chez la femme est supérieur à celui de l’homme avec un odd ratio de 1,2- 1,7 (24).
b- Age
L’âge médian est environ 62- 63 ans avec une augmentation des cas survenant avant 40 ans comme ceux diagnostiqués après 75 ans. Ceux-ci correspondent à une entrée précoce dans le tabagisme et une prise en charge active des personnes âgées (25).
c- Industrie
Le cancer bronchique est surtout dû à l’exposition aux polluants professionnels sus cités. Selon une étude belge, les professions avec un risque élevé sont les mineurs de fond, les ouvriers au haut fourneau, et les ouvriers de carrières et à la découpe de pierre. Les professions avec un risque moins élevé de cancer bronchique sont le personnel de support à la gestion et les enseignants (26).
d- Notion de famille à cancer (5,27)
Le facteur héréditaire joue un rôle non négligeable :
– Il a été démontré que le gène FHIT (Fragile Histidine Triad) bloque la croissance des tumeurs et une mutation de ce gène induite par les agents carcinogènes de la fumée du tabac pourrait expliquer la fréquence de ce cancer chez les fumeurs.
– Le gène K-Ras : des mutations au codon 12 semblent être corrélées à une élévation du risque de cancer de mauvais pronostic.
– La Protéine c-erbB2 (ou HER2neu) est une protéine récepteur à des facteurs de croissance et favorise la multiplication cellulaire, elle est retrouvée hyper exprimée dans 30 % des adénocarcinomes.
– La protéine Bcl 2 : gène anti-apoptoïque inhibe normalement la prolifération cellulaire. Sa mutation est impliquée dans la genèse des cancers bronchiques.
– La protéine Rb souvent modifiée est responsable d’une activation du cycle cellulaire.
– Les protéines p53 et c-myc sont des gènes responsables de l’apoptose (favorisant la prolifération cellulaire), elles sont anormales dans 50 % des cancers bronchiques.
e- Notion de classes
sociales défavorisées pollution atmosphérique, fibroses pulmonaires et séquelles tuberculeuse .
Le cancer bronchique est trois à cinq fois plus fréquent dans les grandes villes qu’en zone rurale. Les régions industrielles sont tout particulièrement atteintes. Sur le plan social, les catégories à faible revenu sont plus touchées que les cadres (28). Dans une étude fondée sur le registre du cancer du Missouri (États-Unis), l’ensemble des antécédents pulmonaires et bronchiques combinés étaient associés à une augmentation du risque de cancer bronchique surtout chez les femmes : bronchite chronique, emphysème, asthme. Des auteurs soulignent toutefois que bon nombre de pathologies sont enregistrées comme “antécédents” et ne constitueraient en fait que des signes précoces du cancer bronchique non encore diagnostiqué (29). Dans les fibroses pulmonaires et les séquelles de tuberculoses les processus de cicatrisation et les transformations fibrosantes peuvent augmenter le risque de survenue de cancers bronchiques .
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Table des matières
INTRODUCTION
I- RAPPEL SUR LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES
11. Définition
12. Epidémiologie
13. Facteurs favorisants
131. Tabagisme
132. Expositions professionnelles
133. Autres facteurs importants
14. Signes cliniques
141. Cancers bronchiques primitifs
1411. Signes d’appel
1412. Examen physique
142. Formes cliniques
1421. Types histologiques
1422. Cancers bronchiques secondaires
15. Signes para-cliniques
151. Imagerie
152. Examen endoscopique
153. Autres examens
154. Bilan d’examen
155. Bilan pre-thérapeutique
156. Classification
157. Evolution et pronostic
16. Diagnostic
171. Buts
172. Moyens
173. Indications
174. Résultats
175. Surveillance
II- MATÉRIELS ET MÉTHODES
III- RESULTATS
31. Epidémiologie
311. Prévalence
312. Incidence
313. Age et sexe
314. Facteurs favorisants
32. Aspects cliniques
321. Cancer bronchique primitif (2 cas cliniques)
322. Cancer bronchique secondaire
323. Données de notre étude
33. Aspects para-cliniques
331. Biologie
332. aspects endoscopiques
333. Résultats cytologiques et anatomopathologiques
334. Imagerie
34. Classification
IV- COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
41. Epidémiologie
411. Prévalence
412. Incidence
413. Age et sexe
414. Facteurs favorisants
42. Aspects cliniques
421. Manifestations cliniques
422. Autres manifestations cliniques
43. Aspects para-cliniques
431. Aspects biologiques
432. Aspects endoscopiques
433. Aspects radiologiques
434. Bilan d’extension
44. Classification
SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE